N°
14 13 Juin 1943.
C'est
la lutte finale,
Groupons-nous,
et demain,
L' I
n t e r n a t i o n a l e
Sera
le genre humain !
EN
AMERIQUE ET EN EUROPE SEULE LA LUTTE OUVRIERE
FERA
ECHEC AUX PLANS IMPERIALISTES.
Les
journaux ne manquent pas de mettre en vedette les informations qui
concernent
le mouvement gréviste aux Etats-Unis. Cette publicité des
journaux de l'Axe a deux buts essentiels : ils veulent montrer aux
bourgeois
les avantages d'un régime totalitaire "corporatif", et faire
croire
aux masses populaires que les grèves américaines
expriment
l'opposition que rencontre Roosevelt de la part du peuple
américain
dans sa politique dirigée contre l'Axe.
Mais quel est le véritable caractère du mouvement
gréviste
en Amérique ? Ce mouvement a surtout pour but la hausse des
salaires.
Il n'a aucun caractère politique conscient. Il faut donc savoir
les raisons que peut avoir l'ouvrier américain pour se mettre en
grève, lui qui gagne plus que n'importe quel ouvrier des autres
pays. Il faut aussi remarquer que ce sont surtout les ouvriers
travaillant
dans les principales branches industrielles et par conséquent
ceux
qui sont les mieux payés qui se mettent en grève. Si les
ouvriers américains se mettent en grève, ce n'est pas
qu'ils
soient "insatiables". La raison profonde de ce mouvement est que le
niveau
de vie réel des ouvriers baisse par suite des restrictions et de
la hausse des prix et que d'autre part les capitalistes qui travaillent
pour l'armement réalisent des bénéfices fabuleux.
Roosevelt, pour défendre les bénéfices des
patrons,
prend contre les grévistes des mesures "totalitaires" :
emprisonnement
des "meneurs", interdiction de faire grève sans vote
préalable,
mesures spéciales contre les ouvriers "étrangers", amende
d'un dollar par jour de grève et par gréviste, arbitrage
obligatoire. Ces méthodes nous les connaissons pour avoir
été
employées contre nous par Daladier et son successeur pendant la
"drôle de guerre". Pratiquement cela équivaut à
supprimer
le droit de grève, puisqu'une grève ne peut
réussir
que si les "meneurs", c'est-à-dire les ouvriers les plus
conscients
mènent une agitation sur telle ou telle question qui
préoccupe
les ouvriers et démontrent que rien ne peut être obtenu
sans
grève. Quand la situation devient favorable, la grève est
déclenchée par les éléments les plus
décidés
qui obligent les plus timorés et les plus indécis
à
les suivre par solidarité, crainte, es-poir, etc. L'atout
principal
de la grève c'est l'effet de surprise sur le patron.
Mais les ouvriers américains sont encore assez forts pour passer
outre aux prescriptions légales. Et c'est pourquoi le
capitalisme
américain, qui bien avant Hitler utilisait les méthodes
fascistes
contre les grèves (jaunes payés et armés par les
patrons),
tient toute prête la force armée de l'Etat pour intervenir
contre les grévistes. Ainsi, la situation objective du
capitalisme
américain, qui en ce moment lutte pour la domination
impérialiste
mondiale, transforme le mouvement gréviste américain
à
caractère économique en un mouvement d'opposition
à
la politique de la bourgeoisie américaine.
Les ouvriers américains luttent contre l'impérialisme
américain
et ainsi se réalise le principe internationaliste que la
tâche
de chaque prolétariat est de lutter contre la bourgeoisie de son
propre pays (Liebknecht).
L'opposition des classes ouvrières et des masses laborieuses
contre
l'impérialisme en Europe n'a pas seulement un caractère
économique,
mais aussi un caractère politique conscient. Ce mouvement a un
caractère
anti-capitaliste, bien que les agents des différents
impérialismes
"sauveurs" s'acharnent, dans les pays occupés par
l'impérialisme
allemand et italien, à le faire dévier sur des bases
nationalistes
réactionnaires. La grève sous toutes ses formes, la
grève
générale en ;Hollande, les grèves
épisodiques
en France, les grèves perlées en Allemagne et en Italie,
les guérillas paysannes dans les Balkans, etc. constituent un
mouvement
formidable d'opposition passive et active au capital financier
européen.
°
° °
La
situation de la classe ouvrière en France est grave. La
déportation
de centaines de milliers d'ouvriers l'ont privée de ses
éléments
les plus susceptibles de lutter. Mais la chute verticale du niveau de
vie
ne laisse pas aux ouvriers d'autre possibilité que la lutte.
Le dernier discours de Laval montre bien que seule l'action de la
classe
ouvrière peut arracher à la bourgeoisie des
améliorations
de ses conditions de vie. A part une maigre au-mône aux
salariés
les plus mal payés pour qu'ils puissent acheter
l'équivalent
de leurs tickets, Laval ne veut pas d'augmentation des salaires qui
"entraînerait
nécessairement un dérèglement des prix". La
solution
de Laval, c'est-à-dire celle des patrons, c'est de "crever le
plafond".
Or augmenter les salaires en augmentant le rendement, c'est constituer
un SURPROFIT pour le capitaliste. De plus, dans la pratique, ce genre
d'augmentation
s'avère un piège pour les ou-vriers, parce qu'à
partir
de 15% d'augmentation il y a révision des tarifs aux
pièces.
Passant à la question ravitaillement, Laval dénonce le
marché
noir comme étant ce qui empêche surtout le ravitaillement
du "pays" (c'est-à-dire des masses populaires).
Et chiffres en main il veut démontrer que l'impérialisme
allemand "ne prend pas tout". Lui répliquant, un porte-parole de
Radio-Londres affirme que "les Allemands prennent tout", passe sur le
marché
noir, et dit en somme aux ouvriers que jusqu'à la
"libération"
ils n'ont qu'à crever. Quelle est la véritable cause de
l'affamement
des masses en France et partout ? C'est en premier lieu la guerre
impérialiste
qui absorbe presque toutes les forces productives de la
société.
Si le peuple français souffre pour entretenir sur son territoire
une armée impérialiste d'occupation, le peuple allemand
souffre
lui aussi pour les besoins de la guerre impérialiste que
mène
sa bourgeoisie. Si l'armée allemande est
privilégiée
au point de vue nourri-ture, elle l'est tout autant sur le dos du
peuple
allemand que sur le dos du peuple français C'est, en second
lieu,
l'organisation capitaliste de la société qui brise par
l'inflation
les liens entre la ville et la campagne. L'échange se faisant
sur
la base du troc (marchandises), les produits de la campagne sont
monopolisés
par des intermédiaires capitalistes, qui affament la classe
ouvrière
et la population laborieuse au profit de la bourgeoisie et de l'Etat
(bureaucratie,
police, etc.).
Quand Laval dit qu'il est résolu à empêcher une
hausse
générale des salaires parce qu'elle entraînerait
nécessairement
un dérèglement des prix, que fait-il sinon de
reconnaître
qu'il est le porte-parole de la bourgeoisie? Car c'est la loi
inexorable
du régime capitaliste, que la hausse des salaires entraîne
une hausse des prix, si les capitalistes doivent maintenir leurs
profits
: Laval ne veut pas toucher aux profits des capitalistes !
Il ne faut pas espérer que l'Etat capitaliste puisse obliger les
capitalistes à améliorer le sort des ouvriers. Seule une
action ouvrière peut aboutir en régime capitaliste
à
empêcher le niveau des ouvriers de descendre et peut même
l'améliorer
si la bourgeoisie rencontre dans l'action ouvrière un adversaire
résolu. La grève reste l'arme première de l'action
directe. Par la grève on doit poursuivre actuellement un double
but : 1°) la hausse des salaires 2°) empêcher le cycle
infernal
de la hausse des salaires - hausse des prix. Il faut lutter pour le
contrôle
ou-vrier sur le ravitaillement - cantines et coopératives - au
moyen
de délégués élus par les ouvriers et
révocables
par eux. Il faut exiger des journées payées pour aller au
ravitaillement à la campagne. Il faut s'orienter
résolument
dans la voie de l'action directe, hors d'elle il n'y a que
résignation,
misère et maladies.
La lutte gréviste est aussi l'arme la plus efficace CONTRE LES
DEPORTATIONS.
Si la production de guerre était entravée en France pour
cette raison, les compères impérialistes français
et allemands seraient moins empressés à déporter
les
populations. Certes, cette lutte se heurterait à une
répression
beaucoup plus vigoureuse que de simples grèves pour des
revendications
de salaires. Mais la classe ouvrière n'a plus de choix : elle
doit
être prête à mourir si elle veut vivre !
Cette lutte des ouvriers français est en même temps la
meilleure
lutte contre la guerre impérialiste, elle est la façon la
plus efficace pour l'abréger, car tant que les usines tourneront
sans interruption pour la guerre, la guerre écrasera les
ouvriers.
VIVE
LA LUTTE DES OUVRIERS DE TOUS LES PAYS
CONTRE
LEUR PROPRE BOURGEOISIE !
VIVE
L'INTERNATIONALISME OUVRIER !
LE
VRAI VISAGE DU "COMITE FRANCAIS DE LIBERATION NATIONALE"
Après de longs et pénibles marchandages, qui ont
duré
plus de six mois, les émigrés gaullistes à Londres
et les généraux de la défaite et du système
vichyssois en Afrique du Nord sont arrivés à un compromis.
Giraud et son équipe parmi laquelle on comptait jusqu'hier
encore
en service actif les Peyrouton, les Noguès, les Boisson, les
Pucheu,
etc. représentent sur le terrain politique la tendance la plus
réactionnaire
de la bourgeoisie française de la Métropole et des
colonies.
La fraction Giraudiste par son passé et sa mentalité est
entièrement dans la ligne de la politique de la
"révolution
nationale" vichyssoise, avec laquelle par ailleurs elle n'a rompu qu'au
moment où l'évolution de la guerre mettait toutes les
chances
du côté de l'impérialisme anglo-saxon.
La fraction gaulliste représente l'autre côté de la
médaille, la tendance "démocratique" de la bourgeoisie
française,
qui tente de gagner la guerre et la paix capitalistes en faisant
"miroiter"
aux masses laborieuses de France la résurrection de feu la IIIe
République sur une base constitutionnelle et parlementaire. Elle
est la fraction politique du capitalisme français la plus
habile,
la plus démagogique et par conséquent la plus dangereuse.
Ayant exploité à fond les sentiments d'indignation, de
colère
et le désir ardent de liberté suscités par
l'occupation
brutale du pays qui souffre et qui saigne sous la botte de
l'impérialisme
allemand, le "Gaullisme" veut regrouper les classes laborieuses
françaises,
en déguisant sa physionomie ca-pitaliste sous le masque trompeur
du "libérateur national". Il est devenu ainsi, grâce
surtout
à la complicité criminelle des dirigeants staliniens, le
principal courant politique en France qui cherche à substituer
à
la lutte de classes l'"union sacrée" contre l'ennemi
extérieur
: les "Boches".
De Gaulle, dans ses pourparlers avec Giraud, se montra plusieurs fois
intransigeant,
sachant bien les sentiments qui animent les classes laborieuses de
France
envers les généraux et les politiciens qui jusqu'à
hier défendaient en Afrique du Nord la politique
réactionnaire
de Vichy.
La composition définitive du "Comité français de
libération
nationale" et les remplacements qui ont précédé et
suivi sa constitution (renvoi de Peyrouton, Noguès, etc.)
marquent
dans les cadres du compromis une première victoire gaulliste.
Pour
qu'elle soit cependant complète, elle doit être
couronnée
par la main-mise gaulliste sur l'armée en Afrique du Nord qui
constitue
pour le moment la force essentielle de la fraction Giraudiste, et qui
tranchera
aussi en définitif la question de l'influence politique
prépondérante.
En tout cas, les nécessités imposées par la
guerre,
empêcheront très probablement une aggravation de la crise
et maintiendront l'équilibre établi sur la base du
compromis
entre les deux généraux. Par ailleurs, la pression de
l'impérialisme
anglo-saxon s'exerce dans la même direction actuellement.
Les patriotes généraux et politiciens de Londres et de
l'Afrique
du Nord multiplient leurs appels, leurs promesses et leurs
encouragements.
Patientons, "ils" viendront bientôt. Mais c'est la partie du
capitalisme
français liée économiquement avec
l'impérialisme
anglo-saxon qui se prépare à venir, et c'est pour
restaurer
l'ordre bourgeois d'avant-guerre sur une base matérielle et
politique
infiniment plus restreinte pour les prolétaires de France.
Derrière
le drapeau national du "Comité" français ,
derrière
son armée et les armées "alliées" de
l'impérialisme
anglo-saxon, viendra la capitalisme et seulement le capitalisme,
frère
siamois du régime social de Vichy. Les prolétaires de
France,
comme par ailleurs les prolétaires de tout le continent, ne
changeront
que de maîtres par l'arrivée des "alliés".
Les prolétaires et les couches pauvres de paysans et de
petits-bourgeois
des villes aspirent à un changement radical de la situation, qui
devient de plus en plus intenable sous le régime capitaliste.
Mais
rêver le retour de la "belle vie" de jadis avec les Daladier, les
Blum, les Herriot, et les autres marionnettes "démocratiques" du
capitalisme français qui se sont vantés à
Riom
d'avoir brisé le mouvement prolétarien de 34 à
1939
et qui ont préparé la guerre, c'est oublier que la
situation
d'aujourd'hui est le résultat de toute la politique du
capitalisme
français sous la III° République. Le retour aux
même
conditions, que nous promet maintenant le "Comité
français
de libération nationale", signifiera le retour aux mêmes
causes
organiques qui, à travers une attaque frontale du capitalisme
contre
les positions économiques et poli-tiques du prolétariat
français
ont provoqué la présente guerre.
La
volonté
des masses est autre, DOIT être autre : faire la
Révolution
socialiste, qui est la seule solution radicale, la seule issue, la
seule
chance de salut pour le prolétariat et les autres couches
exploitées
du pays. Face aux préparatifs fébriles des
généraux
et politiciens au service de l'impérialisme, qui oppriment
l'Afrique
du Nord et s'en font un tremplin pour rétablir la position
privilégiée
du capitalisme français face au drapeau tricolore des
exploiteurs,
le prolétariat activera sa lutte de classe et S'APPRETERA A
HISSER
SON DRAPEAU ROUGE DE LA REVOLUTION SOCIALISTE. En tendant la main aux
ouvriers
d'Allemagne, d'Italie et des Balkans, les ouvriers français
libéreront
d'un seul coup le pays de ses ennemis capitalistes intérieurs et
extérieurs, en édifiant en commun l'ordre socialiste
basé
sur l'union fraternelle des peuples du continent, LES ETATS-UNIS
SOCIALISTES
D'EUROPE.
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