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Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
L A  L U T T E  de  C L A S S E S
  Organe du Groupe Communiste (IVe Internationale).
 
N° 16           4 Août 1943  
Les ouvriers italiens sont la premiers dans la présente guerre, à qui revient l'honneur d'avoir suivi la voie tracée par LENINE pour arriver à la vraie paix : "TRANSFORMER LA GUERRE IMPERIALISTE EN GUERRE CIVILE".
 
 
Le régime fasciste s'effondre en Italie
LES OUVRIERS ITALIENS NOUS MONTRENT LA VOIE !

    Depuis 21 ans le prolétariat italien était courbé sous le joug de Mussolini et de ses bandes armées au service de la bourgeoisie italienne. Pourquoi les ouvriers italiens qui en 1919 étaient à la tête de la lutte révolutionnaire en Europe, qui avaient occupé les usines et les avaient mises en marche sous leur propre contrôle et qui ne furent vaincus que par la trahison des réformistes, ne réussirent-ils pas à secouer la dictature fasciste ? C'est que les victoires successives de la réaction en Pologne (1927), en Allemagne (1934), en Espagne (1939) et un régime de dictature instauré dans toute l'Europe, leur avait fermé toute possibilité de révolte.
    Mais le mécontentement du prolétariat et des masses populaires en Italie grandissait de plus en plus contre le régime pourri de Mussolini et n'attendait que la première occasion favorable pour se manifester. Quand en 1940 Mussolini aux ordres du grand capital, entraîna le peuple italien dans la guerre impérialiste les masses montrèrent peu d'empressement à se battre pour les intérêts de la bourgeoisie italienne et pour la gloire de Mussolini. Les désastres militaires subis par l'Italie impérialiste depuis le début de la guerre ont amené au paroxysme les contradictions intérieures engendrées par le régime et l'exploitation patronale accrue. Des grèves ont éclaté en Italie pendant la campagne de Tunisie. Avec le débarquement des impérialistes alliés en Sicile, le prolétariat italien ne pouvait qu'intensifier sa lutte, l'étendre et poser des revendications de plus en plus hardies. Dans ces circonstances, pour ressaisir la situation intérieure et pouvoir manoeuvrer plus librement entre les différents impérialismes en guerre (éventuels changements diplomatiques), la bourgeoisie italienne s'est servi du roi d'Italie pour effectuer une "révolution de palais" et s'est débarrassée de Mussolini.
    Mussolini parti, les masses sont entrées immédiatement en action. Le régime fasciste s'est complètement effondré. Cette victoire du peuple italien sur ses propres oppresseurs a rempli de joie dans le monde entier les exploités et les opprimés, elle montre la voie à suivre pour conquérir les libertés, pour conquérir le droit de vivre en mangeant à sa faim, pour mettre fin à la guerre.
    A travers les informations tronquées, arrangées, intéressées, de la radio "alliée" et "neutre", les événements d'Italie parlent un langage suffisamment clair pour qu'on ne puisse pas se méprendre sur leur sens. Ce sont les masses ouvrières qui par des grèves puissantes, dans les villes industrielles du Nord notamment à Milan, appuyées par tout le mécontentement populaire, ont précipité, après la démission de Mussolini la chute du fascisme. Ce sont les masses qui ont manifesté devant les prisons, qui ont contraint Badoglio à consacrer officiellement la libération des emprisonnés politiques, qui ont libéré elles-mêmes des détenus politiques du régime là où "l'action" gouvernementale se faisait attendre. C'est l'action des masses qui a pratiquement redonné la vie aux différents partis politiques, malgré l'interdiction gouvernementale de tout parti. Si les grèves ont cessé actuellement devant les mesures draconiennes prises par le gouvernement, elles ne pourront que recommencer au fur et à mesure que les masses prolétariennes et les soldats auront fraternisé pour des buts communs. OUVRIERS ET SOLDATS DOIVENT RESOUDRE EN ITALIE, AVEC LA QUESTION DU REGIME, LA QUESTION FONDAMENTALE DE LA PAIX. Des fraternisations entre ouvriers et soldats auraient déjà eu lieu, la troupe ayant refusé de tirer sur les grévistes. Radio-Londres parle de la création de comités d'ouvriers et même de soldats. S'il s'agit de comités élus par les ouvriers et les soldats, cela signifie que les masses d'ouvriers et de soldats en lutte, dressées contre l'appareil officiel étatique, se méfiant à juste titre de l'action et des promesses de la bourgeoisie, créent leurs propres organisations de classe en liaison constante avec la masse et dépendant d'elle. Seuls les COMITES, organes démocratiques de la dictature du prolétariat, peuvent briser l'Etat de la bourgeoisie et résoudre les questions brûlantes DE LA PAIX, DU PAIN ET DE LA LIBERTE.

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     Les événements d'Italie marquent le début de l'effondrement du régime totalitaire établi par la bourgeoisie en Europe sur le dos du mouvement ouvrier. Au Portugal, où cependant la politique de la bourgeoisie est inféodée à l'Angleterre et non pas à l'Allemagne et où la classe ouvrière est soumise à la dictature sanglante de Salazar, la nouvelle de la chute de Mussolini et du fascisme a provoqué de grandes grèves sur le tas, notamment dans les ports. En Espagne, le bourreau Franco a dû inopinément "accélérer" la libération de prisonniers politiques qui meurent dans ses prisons fascistes. Ainsi 10.000 emprisonnés de plus ont retrouvé la liberté en Espagne, grâce au mouvement des masses italiennes. Mais la chute du fascisme italien et la renaissance du mouvement ouvrier en Italie auront leurs répercussions les plus profondes en Allemagne même où le régime que Hitler prétendait instaurer pour 1 000 ans ne fêtera sûrement pas son 11ème anniversaire. Le prolétariat allemand compte par centaines de milliers ses victimes anti-fascistes. Les masses populaires allemandes, le véritable peuple allemand qui travaille de ses mains, souffre cruellement de la guerre impérialiste, souffre cruellement de voir ses meilleurs fils arrachés à leurs foyers et jetés sur tous les champs de bataille pour des conquêtes qui n'ont profité qu'à la bourgeoisie allemande. En France les masses ouvrières luttent pour les mêmes objectifs que ceux pour lesquels luttent les ouvriers italiens. Il faut reconquérir les véritables libertés, libertés de presse, de grève, de réunion, qu'aucun pays capitaliste ne reconnait plus à la classe ouvrière. Il faut libérer les victimes de la répression capitaliste et militariste qui peuplent les prisons et les camps de concentration ; il faut récupérer les ouvriers déportés et les prisonniers de guerre.
    Dans toute l'Europe ils ont les mêmes aspirations immédiates de lutte. Les événements d'Italie, sous le coup des événements militaires, sont l'image des événements qui demain déferleront sur tout le continent.
    La question fondamentale qui unit l'Europe prolétarienne c'est celle de la paix. Paix impérialiste par la victoire d'un des camps impérialistes et conservation de l'exploitation et de l'oppression du régime capitaliste, ou renversement du régime bourgeois par le prolétariat et instauration d'une paix véritable par l'union des peuples dans une Fédération socialiste des peuples, la seule qui peut assurer aux nations un libre développement ; voilà l'enjeu de la lutte. Tout ouvrier conscient voit maintenant que les alliés n'offrent pas la paix au peuple italien, mais qu'ils veulent seulement contraindre l'Italie à changer de camp dans la guerre. C'est ainsi que la France "libérée" par l'impérialisme anglais et américain devra continuer la guerre contre l'impérialisme japonais au bénéfice des capitalistes américains (convention Giraud-Roosevelt).
    Les années de guerre ont cloisonné les peuples. Sans contact avec les frères prolétaires des autres pays, plus d'un ouvrier et paysan oublie que c'est un frère et non un ennemi qui est en face de lui, que ces bombardements et cette boucherie sont l'oeuvre non d'un peuple "ennemi", mais dûs à un régime capitaliste pourri. Seules les vagues puissantes de la révolution prolétarienne peuvent balayer les barrières de boue et de sang que la bourgeoisie a élevées entre les peuples.
    Aucun peuple ne peut résoudre isolément la question de la paix. Le sort de chaque peuple dépend finalement non pas de la place plus ou moins favorisée qu'il peut occuper par rapport à d'autres peuples, mais du système dans lequel il s'intègre : système d'oppression impérialiste (allié ou de l'Axe) ou système de fédération socialiste. Le peuple italien a fait ce choix, il ne veut ni de la victoire allemande ni de la victoire alliée. Il cherche une issue prolétarienne à la guerre, la seule issue qui apportera vraiment la paix, et non une nouvelle "der des ders". Ecrasé par sa propre bourgeoisie, menacé par les armées impérialistes anglaises, américaines et allemandes, le prolétariat italien doit pouvoir s'appuyer, dans cette question fondamentale, sur la solidarité de tous les peuples européens (de ceux qui travaillent de leurs mains) et leur lutte pour une paix juste (et non pas impérialiste comme celle que leur offrent les alliés) doit trouver l'appui de tous les prolétariats, en premier lieu du prolétariat allemand et français pour qu'ils puissent faire échec aux plans impérialistes allemands et aux plans impérialistes des alliés qui tous obligent l'Italie de rester dans le conflit "jusqu'à la fin", c'est-à-dire tant qu'il plaira aux capitalistes dont elle dépendra.
    Les capitalistes qui à la suite de la guerre de 14-18 ont laissé leur peau en Russie mais ont réussi à maintenir leur domination sur le reste du globe, manoeuvrent dans la présente guerre pour assurer "définitivement" leur domination capitaliste, par la destruction de la solidarité internationale des ouvriers, et pour mettre à profit l'isolement de l'URSS dans le monde capitaliste pour essayer de liquider l'économie planifiée de l'Union Soviétique. Seule l'intervention des masses luttant pour leurs propres objectifs populaires peut détruire définitivement les plans de tous les impérialismes et mener à la victoire du socialisme. Si sous la pression du militarisme allié, Staline a désavoué publiquement l'Internationale en tant qu'instrument de libération des prolétariats et des peuples, la lutte révolutionnaire des masses contre leur propre bourgeoisie reforgera l'Internationale qui conduira les ouvriers, les paysans et les soldats à la victoire, la Quatrième Internationale.
VIVE LE PROLETARIAT ITALIEN !
VIVENT LES ETATS-UNIS SOCIALISTES D'EUROPE !
VIVE LA QUATRIEME INTERNATIONALE !

 
DE LA REVOLUTION TRAHIE AU FASCISME
    Après la première guerre impérialiste de 14-18, l'Italie était en Europe le pays le plus mûr pour la révolution.
    Absolument déséquilibrée et ruinée par la guerre, la bourgeoisie italienne cherchait en vain à se redresser en exploitant au maximum certaines colonies pauvres en matière premières que l'Angleterre avait bien voulu lui abandonner. Le sol italien ne renferme pas de richesses importantes, ni métaux, ni charbon, ni pétrole. Il n'est pas assez étendu et fertile pour assurer le ravitaillement de la population en céréales et de l'industrie en matières premières nécessaires, comme par exemple le coton. Seule par conséquent la possession et l'exploitation de colonies riches pouvait soulager la crise du capitalisme italien. Mais la bourgeoisie italienne, malgré sa participation à la première guerre impérialiste aux côtés de l'Entente, n'a obtenu qu'une part infime du butin au moment du repartage du monde. D'où l'acuité de la crise qui éclata immédiatement après la guerre en Italie. La bourgeoisie ne pouvait plus imposer sa loi aux masses laborieuses lasses de la guerre, exaspérées par les souffrances et la misère qui l'accompagnent. Dans diverses régions le prolétariat se trouvait déjà en état d'insurrection. Des fractions considérables de la classe paysanne commençaient à se soulever contre les pro-priétaires fonciers et contre l'Etat. Sur le terrain d'une action révolutionnaire commune, pro-létaires, paysans et soldats forgeaient des liens fraternels.
    La crise révolutionnaire en Italie atteignit son point culminant en automne 1920, par le déclenchement de la grève générale et l'occupation des usines par les ouvriers. En même temps commençait la lutte physique contre les hordes fascistes organisées par les éléments les plus actifs de la bourgeoisie sous l'impulsion et la direction de Mussolini. Cependant, l'absence d'un parti révolutionnaire décida du sort de la classe ouvrière, consacra sa défaite et prépara le triomphe du fascisme.
    Il y avait cependant en Italie, pendant ces années critiques, un parti ouvrier considérable par le nombre de ses membres et de ses sympathies dans la masse : le parti socialiste. Mais son action fut toujours influencée par la politique traître des éléments réformistes et les hési-tations mortelles des centristes qu'il continuait à abriter dans son sein, malgré les scissions de 1912 et de 1914. Les réformistes opposaient à la lutte de classes la collaboration des classes, à la transformation violente du régime capitaliste par la force armée du prolétariat et de ses alliés, la réforme graduelle du capitalisme.
    Ils étaient en réalité les agents de la politique bourgeoise dans le mouvement ouvrier, qui en rejetant les méthodes révolutionnaires de lutte et la révolution, se soumettaient servilement à la domination capitaliste. Leur politique, qui était celle de tous les partis socialistes de la IIe Internationale, avait comme base sociale l'aristocratie ouvrière, c'est-à-dire la couche ouvrière qui bénéficie des meilleures conditions de rétribution, et qui est par dessus tout pénétrée d'un esprit de corporatisme étroit, de petite bourgeoisie et de préjugés capitalistes. C'est avec l'aide des réformistes qui ont divisé et affai-bli le parti socialiste et les syndicats ouvriers en Italie, que la bourgeoisie italienne consolida ses positions et passa ensuite à l'offensive, réprimant le mouvement ouvrier et instaurant le régime fasciste, la pire forme de la réaction capitaliste.
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"par le fer et par le feu".....
    Tout en s'efforçant de présenter les événements d'Italie comme un mouvement en faveur des alliés "libérateurs", les impérialistes de Londres et de Washington ont décidé de déclencher une action sanglante "par le fer et par le feu" contre le peuple italien.
    Le but des alliés est d'obtenir que l'Etat italien de demain soit soumis à leur influence, c'est-à-dire qu'il soit un Etat collaborationniste comme ceux que Hitler a créés dans l'Europe asservie. L'éloignement de Mussolini à la faveur de la situation intérieure explosive de l'Italie était un premier pas dans cette voie, et maintenant il s'agit de parachever l'oeuvre commencée.
    Les bombardements terroristes décidés par les alliés ont pour but de provoquer la pa-nique et un exode de la population des grandes villes industrielles vers les campagnes semblable à celui de juin 1940 en France qui troublerait, désagrégerait, paralyserait l'Etat italien et amènerait la bourgeoisie à la capitulation. Or, en même temps cette action tend à paralyser le mouvement des ouvriers italiens pour la paix et les libertés démocratiques en semant les ruines, en dispersant la population.
    Ainsi les Anglo-Saxons jouent envers les masses italiennes le même rôle que l'impérialisme allemand et la bourgeoisie italienne.
Qu'après cela Churchill nous présente l'action alliée comme une lutte pour la liberté et la démocratie !