N°
20
21 novembre 1943
Ce
n'est que trempé dans le sang des insurgés de juin (1848)
que le drapeau tricolore est devenu le drapeau de la révolution
européenne,
LE
D R A P E A U R O U G E.
(KARL
MARX)
|
UN
NOUVEAU "FRONT POPULAIRE" CONTRE... LE PEUPLE
Les
partis qui ont déterminé à Alger la nouvelle
physionomie
du "comité de la libération nationale" sont les
mêmes
qui devaient, par leur alliance en 1935, vaincre le fascisme et la
guerre
et alléger la situation du peuple. Le nom en moins c'est bel et
bien le "Front Populaire" qui renaît à Alger, un nouveau
front
politicien contre... le peuple.
Certes, cette fois il ne s'agit plus, en apparence, d'entente sur un
programme
défini de politique intérieure mais d'une lutte pour la
libération
de la "patrie" ; il ne s'agit plus d'un pacte électoral pour
empêcher
l'entrée au Parlement de députés hostiles au
cartel
; mais de "l'union sacrée" pour rendre au peuple français
sa SOUVERAINETE afin qu'il décide lui-même ensuite de son
propre sort. Mais, pour être plus
"désintéressé",
ce programme n'est que plus dangereux pour l'avenir du
prolétariat
et, par conséquent, de la liberté ("souveraineté")
du peuple français
Quel est en effet le caractère essentiel de la politique du
comité
d'Alger ? Sa lutte pour la "libération du sol de la patrie",
trouve
son complément nécessaire dans la lutte pour
l'asservissement
du sol de la patrie d'autres peuples : les Libanais qui viennent de
tomber
sous les balles des soldats de De Gaulle, réinscrivent de leur
sang
la marque "esclavagistes sur le front des politiciens d'Alger. C'est
cette
politique de rapines que les prétendus socialistes et
communistes
ont fait leur, bafouant ainsi le drapeau prolétarien qui porte
la
devise "UN PEUPLE QUI EN OPPRIME UN AUTRE, N'EST PAS UN PEUPLE LIBRE".
Mais, politique extérieure et politique intérieure d'un
gouvernement
ne sont que l'avers et le revers d'une même médaille.
Alors
que, dans les relations entre les peuples, l'action du comité
d'Alger
s'efforce de maintenir l'exploitation de la bourgeoisie sur des
esclaves
coloniaux, quels rapports intérieurs pourraient naître en
France d'une victoire d'Alger ?
"La libération du sol de la patrie" par De Gaulle et Cie,
signifierait
que plus que jamais le sol, le sous-sol et tout ce qui recouvre le sol
de la France, resterait la propriété des capitalistes ou
soumis à leur exploitation indirecte (la petite
propriété
paysanne, commerciale, etc...) Or, le maintien du régime
capitaliste
dans un pays appauvri par la guerre et qui a perdu sa position de grand
brigand ("grande puissance"), signifie non seulement le maintien de
l'esclavage
salarié, mais aussi son aggravation, avec les bas salaires et le
chômage comme principaux moyens de la bourgeoisie
française
pour maintenir son exploitation. Si bien que le soutien du
comité
d'Alger par les prétendus socialistes et communistes, en reniant
le pro-gramme socialiste de L'EXPROPRIATION DES EXPROPRIATEURS, doit
mener
le peuple français à une nouvelle série de
souffrances.
Pour "libérer la patrie" (c'est-à-dire pour que les
capitalistes
français puissent retrouver leur position
privilégiée
pour l'exploitation du peuple français et d'autres peuples, il
faut
reconstituer une armée impérialiste, placée sous
le
commandement du corps des officiers. Les épurations d'Alger, qui
ont éliminé un certain nombre d'officiers, loin
d'être
un gage pour le peuple français ne visent
précisément
qu'à donner une plus grande cohésion au corps des
officiers
des généraux Giraud et De Gaulle. En soutenant la
formation
d'une telle armée, les prétendus socialistes et
communistes
renient ouvertement la stratégie prolétarienne : NOS
BALLES
SONT POUR NOS PROPRES GENERAUX.
Pour opérer la concentration de toutes les "forces
françaises",
le comité d'Alger est obligé de sacrifier à
l'idole
"République" et au dieu "démocratie". C'est ce qui
constitue
une ombre de justification pour les prétendus socialistes et
communistes
de la nouvelle union sacrée (tout comme dans l'ancienne
d'ailleurs).
Mais qu'y-a-t-il derrière de si beaux mots ? La
République
démocratique n'a jamais été qu'une forme de
domination
des capitalistes. Même la première République
(1792),
qui, elle nettoya la France du féodalisme et donna naissance
à
la nouvelle société bourgeoise, interdit sous peine de
mort
toute association ouvrière sous quelque forme que ce fut (loi Le
Chapellier).
La deuxième République (1848), après avoir
noyé
dans le sang les aspirations du prolétariat qui voulait des
institutions
sociales, succomba misérablement sous le sabre de bois de Louis
Bonaparte (Napoléon III).
La troisième République (septembre 1870) étrangla
la Commune de Paris ("l'aube de la révolution
prolétarienne")
et assassina, après le désarmement des ouvriers, 30 000
de
nos grand-pères. La IIIe République fut l'oeuvre de
l'Assemblée
des Ruraux, royaliste, mais qui ne put s'entendre, divisée
qu'elle
était par des intérêts de la
propriété
foncière et capitaliste, sur le choix d'un roi. La
République
parlementaire permettait à la bourgeoisie de régler ses
conflits
par la machine électorale. D'autre part, l'essor
économique
et les pillages coloniaux lui permirent de former une aristocratie
ouvrière
hautement payée, grâce à laquelle elle put
s'assurer
du prolétariat. En effet, dans les heures graves celle-ci se
rangeait
à ses côtés, notamment en 1914. La bourgeoisie
avait
d'ailleurs en réserve des moyens d'action plus directs, comme
l'armée,
la police, la garde-mobile, qui intervenaient de façon presque
permanente
contre les ouvriers.
Mais cette république démocratique est morte avec les
conditions
qui l'ont fait naître. L'économie capitaliste de libre
concurrence
s'est transformée en économie impérialiste dans
laquelle
une étroite poignée de capitalistes, les 200 familles,
dirige
toute l'économie et domine les groupes bourgeois plus petits. La
guerre de 1914 fut une explosion de ce système
économique,
qui faisait de tous les vieux pays capitalistes des pays
réactionnaires,
indépendamment de leur forme politique. C'est pourquoi le
prolétariat,
suivant les décisions de la IIe Internationale (socialiste) et
plus
tard la IIIe Internationale (communiste), rejeta la défense
"nationale",
qui n'est qu'un masque dont se pare la bourgeoisie pour mener à
bien ses brigandages.
En invoquant de nouveau le prétexte de la démocratie pour
appuyer la politique impérialiste du comité d'Alger, les
prétendus socialistes et communistes trompent le
prolétariat,
qui lutte en effet pour les libertés démocratiques (droit
de grève, de presse, de réunion, amnistie pour tous les
militants
ouvriers), mais pour renverser la bourgeoisie et établir la
DICTATURE
DU PROLETARIAT, alors qu'eux visent à rétablir le
parlementarisme
bourgeois, organe politique de la dictature des capitalistes. Mais dans
les conditions d'une économie capitaliste de plus en plus
pourrie
et d'événements politiques et militaires semblables
à
ceux qui se sont déroulés depuis février 34,
derrière
la pompeuse étiquette "république démocratique",
il
n'y aurait même pas un système parlementaire à
fonctionnement
"normal" ("paix sociale" relative), mais une dictature militaire
policière
avec des dehors "démocratiques", un ersatz républicain de
fabrication bonapartiste.
Nous restons fidèles au mot-d'ordre : LES SOVIETS PARTOUT !
Tout cela est bien vrai, nous dira un ouvrier qui n'a pas perdu son
sens
critique et qui reste attaché aux meilleures traditions de la
classe
ouvrière. Comme Daladier et Pétain, De Gaulle n'est que
l'agent
de la bourgeoisie et la bourgeoisie, à travers toutes les
péripéties
de la guerre, de sa guerre, poursuit des buts de classe visant au
renforcement
de l'exploitation des travailleurs. Pour cela tous les moyens sont bons
: la "démocratie" sert d'appât pour jeter le pays dans la
guerre ("contre le fascisme"), la défense nationale de Daladier
sert de pré-texte à l'épuration et à la
domestication
des organisations ouvrières, la défaite met en avant
Pétain
le "vainqueur" du militarisme prussien en 1918, pour qu'il impose au
pays
la grande pé-nitence. Et comme réserve
"démocratique"
(bonapartiste), De Gaulle doit réussir par d'autres moyens
là
où la réaction ouverte a échoué. Au-dessus
de tous les politiciens de la bourgeoisie, se tiennent les 200 familles
qui exploitent la France. Les travailleurs n'auront quelque chose
à
défendre qu'en renversant la bourgeoisie, qu'en expropriant les
200 familles au profit de la véritable nation française,
les ouvriers et les paysans.
Mais cette lutte pour le renversement du capitalisme est-elle possible
quand tout le pays (et chaque prolétariat doit faire la
révolution
dans son propre pays) est occupé par une armée
impérialiste
étrangère, et que par dessus le marché il s'agit
de
l'armée impérialiste d'un pays fasciste (la pire
oppression
contre la classe ouvrière) ? En ce qui concerne la
première
objection, nous rappelons que la IIème et la IIIe Internationale
ont eu comme fondement de leur action la solidarité essentielle
des ouvriers de tous les pays. Et ce, non pas comme simple phrase, mais
comme terrain sur lequel elles ont agi effectivement, la IIe
Internationale
de 1889 à 1914, la IIIème de 1919 à 1933. Le crime
de la IIe Internationale reconnu ouvertement par tous les ouvriers
conscients
depuis 1914, a été de renier cette solidarité des
travailleurs en faveur de la "défense nationale". Sous d'autres
prétextes, la IIIe Internationale -reniée ouvertement par
Staline- agit actuellement de la même façon ignominieuse
que
la IIe Internationale en 1914 : en élevant un mur de mensonges,
de préjugés, de haine contre les "Boches".
Or, si l'armée allemande est une armée
impérialiste,
c'est pour les mêmes raisons que l'armée anglaise,
américaine
ou celle de De Gaulle : ouvriers et paysans allemands sous l'uniforme
sont
soumis au commandement du corps des officiers au service de la
bourgeoisie.
La tâche des véritables militants ouvriers, qui luttent
pour
un avenir meilleur pour les exploités, c'est d'utiliser toutes
les
circonstances de la guerre pour rendre consciente dans les cerveaux des
exploités français et allemands cette solidarité
essentielle
de leurs intérêts, afin qu'ils se retournent chacun, en
s'aidant
fraternellement, contre leurs propres exploiteurs.
Mais le fascisme ? Pendant des années le fascisme a
été
l'épouvantail justifiant les volte-face des prétendus
communistes.
Mais depuis la chute de Mussolini, non seulement les ouvriers
avancés,
mais n'importe quel exploité, a vu clairement que le fascisme
n'a
pas le don d'abolir la lutte des classes et de soumettre
irrémédiablement
les exploités à leurs exploiteurs. Hitler ne maintient
plus
sa dictature sur le peuple allemand que parce que, devant la politique
de Staline associée à celle des impérialistes, il
peut aussi dire au peuple allemand (articles de Goebbels) : même
si vous n'êtes pas contents de nous, il n'y a pas de
troisième
voie ; ou une victoire ou la mort du peuple allemand.
Mais cette troisième voie existe. C'est la voie de la
révolution
prolétarienne, par l'union entre les exploités de France
et d'Allemagne contre leur bourgeoisie. C'est la seule voie permettant
l'effondrement du fascisme au profit du peuple de France et d'Allemagne
et non pas au profit des impérialistes alliés. Plus
tôt
les ouvriers s'engageront en rangs serrés dans cette voie, en
renouant
avec la solidarité internationale des travailleurs, plus
tôt
cesseront les souffrances de l'humanité, plus tôt
guériront
ses plaies.
CETTE
VOIE, C'EST CELLE DES ETATS-UNIS SOCIALISTES D'EUROPE,
LA
VOIE DE LA QUATRIEME INTERNATIONALE.
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P
R O P O S D E L' O U V R I E R....
11
novembre 1918. Pendant 4 ans, pour que nos enfants ne connaissent plus
de guerres, pour la "der des der" nous avons sacrifié 1
500
000 des nôtres, ouvriers et paysans. Mais le 11 novembre 1918
n'était
pas notre victoire comme beaucoup d'entre nous pouvaient le croire,
c'était
la victoire des capitalistes, des propriétaires...
La "der des der" ? Ce fut au contraire la première d'une
série
de guerres impérialistes qui ensanglantent de plus en plus le
monde
entier. Notre victoire ? Avons-nous jamais retrouvé après
1918, le niveau de vie d'avant 1914 ? Seuls les patrons ont vu leurs
bénéfices
s'accroître énormément, leur position mondiale
s'améliorer
par suite des nouvelles rapines coloniales.
Le 11 novembre n'a jamais été notre fête. Il a
toujours
été et reste la fête des patrons et des petits
bourgeois
patriotes ou trompés par le masque "national" dont se pare la
bourgeoisie.
A l'occasion du 11 novembre nous avons toujours
contre-manifesté.
Et voilà qu'en ce 1943 les mauvais bergers, socialistes,
syndicalistes,
communistes, ont arboré le torchon tricolore, sans que nous
sachions
toute la signification de ce geste.
Nous avons laissé passer le 1er mai, parce que nous ne pouvions
faire autrement, sans que notre drapeau rouge flotte fièrement
sur
les usines comme en juin 1936. Mais les prétendus socialistes et
communistes qui n'ont pas tenté alors la plus petite
manifestation
prolétarienne n'ont pas hésité le 11 novembre
à
nous faire arborer les couleurs de nos exploiteurs, le tricolore : le
tricolore
de Cavaignac, assassin des insurgés de juin 1848, le tricolore
de
Thiers, assassin des Communards, le tricolore des occupants
français
massacrant les Annamites soulevés en 1940 pour leur
indépendance
et les étudiants libanais en novembre 1943.
Les frères ouvriers de tous les pays, en cette cinquième
année de massacre impérialiste, doivent-ils
s'éloigner
de plus en plus les uns des autres derrière les torchons
(tricolore
ou à la croix gammée) de leurs exploiteurs, ou bien
doivent-ils
plus que jamais, s'ils veulent vivre, se rapprocher sous un même
drapeau, le drapeau des insurgés de juin 1848, le drapeau des
Communards,
le drapeau de la Révolution d'Octobre 17, le drapeau des
Spartakistes
de Berlin en 1919, le drapeau d'Espagne et de France de 1936, le
drapeau
des prolétaires de Chine, d'Amérique, des Indes,
d'Angleterre,
du Japon, de l'URSS, le drapeau des prolétaires de tous les
pays,
LE DRAPEAU ROUGE, qui fait trembler tous les exploiteurs?
Le drapeau rouge fut celui de nos pères, il a été
le nôtre et il le restera, pour la victoire du socialisme et la
fraternité
internationale des peuples.
Les alliés prétendent construire un ordre nouveau
basé
sur "l'entente étroite et permanente" entre eux. Mais à
peine
la conférence de Moscou nous a-t-elle annoncé le
début
de cette ère merveilleuse, que déjà
l'impérialisme
anglais et l'impérialisme français se prennent aux
cheveux
au sujet de leur "mission civilisatrice" au Liban. Ce conflit entre
"les
nobles intérêts français dans cette terre du
Levant"
(sic !) et "le respect à la parole donnée" (re-sic !) de
l'Angleterre risque, d'après la presse anglaise citée par
Radio-Londres, "d'envenimer pour des années les relations entre
la France et l'Angleterre" !
Evidemment le comité d'Alger c'est un petit roquet qui fait la
grosse
voix. Aussi doit-il en ce moment reculer devant l'impérialisme
anglais,
pour ne pas envenimer "pour des années" les relations entre les
alliés, et pour ne pas casser le pot au lait déjà
au Liban. Mais que demain, quand ils n'auront plus d'"ennemi commun"
à
combattre, un pareil incident surgisse entre deux "gros" alliés,
entre les Etats-Unis et l'Angleterre par exemple ; alors, adieu veaux,
vaches, cochons, couvées promis par la conférence de
Moscou.
Et tout cela parce que les Libanais avaient essayé d'être
au moins considérés comme des grandes personnes se
gouvernant
elles-mêmes. Un droit bien, bien maigre, puisque l'Egypte, qui
possède
ce droit, reste néanmoins soumise à la tutelle indirecte
de l'Angleterre. Voilà pourquoi Churchill devient brusquement si
soucieux de la "parole donnée" -sur le dos des esclavagistes
français
Mais aux Indes, les mêmes revendications de la part des Hindous
sont
repoussées par le fer et par le feu, auxquels s'ajoute la famine.
Exploités de la Métropole qui luttons pour notre
émancipation,
nous devons aider les peuples coloniaux à briser leurs
chaînes
politiques et économiques, dont les ont chargés nos
capitalistes.
C'est la seule alliance qui permette à tous les peuples de
sortir
des guerres et de se préparer un avenir meilleur.
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