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Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
L A  L U T T E  de  C L A S S E S
  Organe du Groupe Communiste (IVe Internationale).
 
N° 21         12 Décembre 1943.  
 
Renégat : "La question nationale est une partie de la question générale de la révolution prolétarienne, une partie de la question de la dictature du prolétariat". (Staline, 1930).
 
NOUVELLE CONFERENCE . . . D'UNANIMITE.
    Après la conférence de Moscou, une deuxième conférence à trois à réuni, cette fois, Roosevelt, Churchill et Staline. La résolution publiée proclame leur volonté d'abattre la "tyrannie" (mais pas aux Indes) et "l'intolérance" (mais pas vis-à-vis des Noirs des Etats-Unis), et déclare qu'une entente complète a été obtenue cette fois-ci entre les trois hommes d'Etat sur le plan militaire et politique.
    Pourquoi les trois puissances ont-elles mis si longtemps à s'entendre militairement, quand la situation a été si souvent favorable à une action commune pour la destruction de l'impérialisme allemand ? C'est parce que les Etats-Unis et l'Angleterre, puissances impérialistes, visent non seulement à détruire la concurrence capitaliste allemande et à assurer leur hégémonie incontestée sur le monde, mais encore, à travers le conflit, à étouffer toute velléité d'émancipation des peuples coloniaux ou semi-coloniaux et à renforcer le régime capitaliste par la destruction ou l'affaiblissement des dernières positions prolétariennes, y compris l'économie planifiée de l'URSS.
    L'entente anglo-américaine pour une politique commune a été consacrée par l'hégémonie incontestée, affirmée et brutale, de l'impérialisme américain dans le camp allié. Et malgré leurs constantes frictions, parce qu'ayant chacun des intérêts "vitaux" à sauvegarder sur tous les points du globe, dans le cadre de la suprématie américaine et de la sauvegarde de l'Empire britannique sur le dos des impérialistes plus faibles -France, Italie, Japon-, Roosevelt et Churchill mènent une politique commune à l'égard du reste du monde.
    Ce que l'Allemagne n'a pas pu obtenir par des moyens militaires - destruction de l'économie planifiée de l'URSS et exploitation capitaliste des vastes espaces de l'est -, Roosevelt et Churchill, en profitant des blessures graves reçues par l'Union Soviétique dans cette guerre, veulent l'obtenir par d'autres moyens. Par le chantage du "2° front" ils ont d'abord obtenu de Staline la consécration de son dernier reniement politique vis-à-vis du prolétariat mondial et la déclaration de sa propre bouche qu'une Internationale ne vaut rien pour la liberté et la sécurité des peuples. Maintenant qu'il s'agissait d'un plan précis d'intervention militaire concertée, quelles ont pu être les exigences de Roosevelt et de Churchill ? Modérer les appétits "territoriaux" des dirigeants soviétiques, comme veut le faire croire la propagande al-lemande ? Il s'agit bien, dans ce conflit mondial, pour l'impérialisme anglo-américain, de marchander sur quelques territoires nécessaires à la sécurité de l'URSS ! Leurs exigences ont dû s'affirmer sur le terrain économique. La liquidation du conflit avec l'Allemagne poserait immédiatement d'une façon vitale le problème de la reconstruction économique des territoires dévastés de l'URSS. A quelles conditions Staline a-t-il obtenu l'aide des Alliés sur ce point ? Ces conditions des capitalistes peuvent-elles être supportées par l'économie soviétique sans que son caractère planifié en soit altéré ?
Nous espérons que les archives que publiera la Révolution mondiale triomphante dévoileront ces dernières manigances de Staline, avant que celui-ci ait eu le temps de ruiner définitivement la dernière conquête du prolétariat mondial et avant que Roosevelt et Churchill aboutissent à la domination impérialiste du monde entier.
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P R O P O S  D E  L' O U V R I E R . . .

    La réconciliation du PC avec le régime bourgeois ("démocratique") a conduit à une telle dégénérescence idéologique, que beaucoup de militants dévoués à la classe ouvrière et qui ont payé de leur personne leur fidélité au socialisme, sont aujourd'hui incapables de distinguer entre les méthodes de la politique bourgeoise et celles de la politique prolétarienne. Ces militants croient (certains font semblant de croire) que tous les reniements officiels de leurs dirigeants ne sont que des ruses destinées à tromper les capitalistes et que Staline les conduit vers le socialisme par des moyens détournés. Certains affirment même, qu'"armé du marxisme", Staline "roule" les hommes d'Etat capitalistes. Roosevelt et Churchill n'ont qu'à bien se tenir !
    Voilà comment marche le monde ! Le marxisme apprend aux chefs prolétariens d'être rusés et la ruse, malgré toutes les défaites subies par le prolétariat dans les pays capitalistes, conduit à la victoire de l'URSS et de la classe ouvrière sur la bourgeoisie !
    Mais les malheurs qui n'ont pas cessé de s'abattre sur la classe ouvrière mondiale sous la direction stalinienne qui a conduit à la défaite le prolétariat d'Allemagne, d'Espagne, de France, ont mis l'URSS elle-même à deux doigts de sa perte. Ayant étranglé le mouvement ouvrier dans leur pays, les capitalistes ont pu déclencher une deuxième guerre mondiale, à travers laquelle chacun, "allié" ou ennemi de l'URSS, poursuit la destruction de l'économie planifiée soviétique (exemple : intervention anglo-française en 1940 en Finlande). Si l'Armée Rouge a réussi à faire échec à l'intervention armée de l'impérialisme allemand, le bilan de Staline en ce qui concerne l'URSS elle-même se solde par la dévastation d'un immense territoire de l'Union Soviétique et par la destruction des principales réalisations techniques des plans quinquennaux.
    Et c'est précisément parce que Staline a abandonné les intérêts du prolétariat mondial pour servir la bureaucratie soviétique, qu'il a remplacé le marxisme révolutionnaire par une politique qui essaya d'abord de ruser avec les classes, pour se lier ensuite à la politique internationale bourgeoise.
    Le marxisme révolutionnaire enseigne au chef prolétarien comment éduquer le prolétariat en vue de la conquête du pouvoir par les ouvriers. Pour cela il faut en toute circonstance dire au prolétariat ce qui est. Le marxisme n'a jamais enseigné à personne de dire un jour noir et l'autre blanc, de dire en mai 1941 que De Gaulle est un réactionnaire colonialiste, et en juin 1941 appeler les ouvriers à faire confiance au même De Gaulle ; cette ruse trompe les ouvriers et non pas les capitalistes.
    Le mythe de la ruse salvatrice de Staline a été adopté par la bureaucratie pour cacher les trahisons dont elle s'est rendue coupable vis-à-vis du prolétariat.
    Les militants marxistes du mouvement révolutionnaire rétabliront le véritable enseignement marxiste parmi les ouvriers : le marxisme, doctrine scientifique de vérité prolétarienne, mènera à l'émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes !

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    Humaniser la guerre ! Par des conférences et par des résolutions, les responsables impérialistes des nations ont bourré le crâne aux populations pour les habituer à la guerre : on prétendait pouvoir améliorer, adoucir, mettre à l'abri les faibles et les impotents, épargner les femmes et les enfants ; mais les populations civiles - femmes, enfants, vieillards, ouvriers d'usine - de Varsovie, de Londres, de Rotterdam, de Hambourg, Nantes, Berlin, etc., etc., sont tombées victimes de la guerre impérialiste et des mensonges sur l'"humanité" bourgeoise.
    Les ouvriers n'oublieront jamais les souffrances des leurs ; ils ne se laisseront pas tromper par les bourgeois qui essaient de rejeter leur responsabilité sur ceux d'en face. Le capitalisme, chargé de crimes de plus en plus grands, s'effondrera sous les efforts opiniâtres des exploités et les responsables des massacres et des bombardements ne pourront échapper aux châtiments auxquels leur infamie les désigne.
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L'IMPERIALISME ET LES DROITS DES PEUPLES.
    La transformation du capitalisme de libre concurrence en capitalisme de monopoles (trusts, entreprises géantes, banques) au début du siècle, la main-mise d'une poignée de grands exploiteurs des Etats capitalistes avancés sur l'économie mondiale, a poussé à l'extrême non seulement l'exploitation du prolétariat par la bourgeoisie, mais aussi, sur cette base, l'exploitation des peuples vivant dans les conditions d'une économie arriérée ou faible au point de vue capitaliste par les peuples économiquement avancés. Plus de la moitié de la population du globe, les peuples d'Asie, d'Afrique, d'Amérique du Sud, etc. sont ainsi directement asservis par les pays capitalistes avancés : les Etats-Unis, l'Angleterre, le Japon, l'Allemagne, la France, la Hollande, l'Italie, la Belgique.
    La nécessité vitale où se trouve l'économie impérialiste (le capital monopolisateur) de trouver des zones d'exploitation de plus en plus larges, des sources de matières premières et de main-d'oeuvre à bon marché pour éviter de s'écrouler devant des concurrents mieux équipés, cette nécessité pousse chaque groupe de capitalistes maîtres de l'économie de tel ou tel pays à une lutte acharnée contre le ou les groupes concurrents pour la possession des colonies, de sphères d'influence, etc. Car il n'existe pas d'autre moyen que la guerre pour le partage des sphères d'influence, des colonies. C'est l'expansion impérialiste des pays capitalistes avancés qui a provoqué la première guerre mondiale (14-18) et c'est pour elle que s'entre-tuent actuellement depuis plus de quatre ans sur les champs de bataille des millions d'ouvriers et de paysans.
    Luttant pour l'asservissement et l'oppression des peuples coloniaux, les groupes des pays capitalistes qui se disputent la proie, font régner entre eux les lois du brigandage pur et simple : les plus petits sont à la merci des plus grands et le plus souvent ce sont eux qui font les frais des arrangements entre les plus puissants. Alors les engagements les plus "solennels", les droits les plus "sacrés" sont foulés aux pieds, et le véritable visage impérialiste se dévoile, quel que soit le masque dont il a coutume de se parer.
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    Le masque dont se servent d'ordinaire les brigands impérialistes alliés est celui de la "démocratie", des "droits des peuples", de "l'égalité entre petites et grandes nations", etc. Les politiciens de toutes les couleurs, y compris les "rouges" social-patriotes, se sont fait les avocats de ces mythes pour tâcher de camoufler les buts de brigandage des impérialistes alliés.
    Le discours du maréchal Smuts, membre du cabinet de guerre britannique, sur le nouveau "rapport de forces" entre les puissances à la fin du présent conflit, laisse à nouveau voir ce qu'il en est des véritables lois qui règlent le monde capitaliste : le monde de demain aurait comme base la dictature des impérialistes vainqueurs, c'est-à-dire des Etats-Unis et de l'Angleterre (l'URSS n'étant mentionnée qu'à cause du rôle militaire actuel de l'Armée Rouge, et ne pouvant participer durablement à une domination impérialiste que si elle perdait son caractère non-bourgeois).
    Les rectifications et les critiques apportées à ce discours par la presse et par le vice-président du gouvernement britannique, Attlee, les précédentes déclarations de Churchill (tandis que Smuts soutient que "la France est morte", le Premier britannique affirme que l'Angleterre la rétablira dans son rang de grande puissance), tout cela ne change rien quant au fond de la question : la destinée des peuples de l'Europe, y compris la France, leurs conditions matérielles (et par conséquent juridiques) de vie, seraient déterminées par les trois grandes puissances avec la pression armée anglaise et russe. Voilà comment "l'ordre nouveau" instauré par Hitler sur le continent pour perpétuer l'ancien désordre capitaliste, devient le modèle de l'ordre "démocratique" que voudraient instaurer les alliés par leur victoire !         L'économie impérialiste a amené la société, l'Etat, la politique à une telle pourriture et à des contradictions tellement aiguës, que les peuples d'Europe occidentale sont traités de la manière dont ils avaient coutume de traiter eux-mêmes les peuples balkaniques ou de l'Europe centrale. Tout comme l'Allemagne fasciste, les impérialistes "démocratiques" doivent régenter les peuples moins forts d'une façon directe et brutale, conformément à leurs intérêts propres.

    En ce qui concerne la France, la façon de voir de Smuts et de Churchill ne change rien quant à la situation nouvelle dans laquelle se trouve le capitalisme français Le premier dit brutalement ce qui est (l'impérialisme français n'a pas et n'aura plus de base réelle pour jouer un "grand" rôle indépendant), le deuxième veut, sur la base des traditions impérialistes françaises, faire du pays un bon garde-chiourme pour le continent. Pour réfuter Smuts, les politiciens d'Alger font d'ailleurs ouvertement valoir ce rôle futur qu'ils pourraient jouer. Et les capitalistes français qui connaissent mieux que quiconque leur force réelle, collaboreront avec les capitalistes anglais, comme ils ont collaboré avec les capitalistes allemands.
    Le peuple français se sent humilié de voir comment son destin se décide suivant des intérêts qui n'ont rien à voir avec ses propres aspirations d'égalité et de démocratie... Mais par là il paie lui-même l'oppression dans laquelle il permet à ses capitalistes de maintenir les peuples coloniaux d'Afrique et d'Asie. Tant que le prolétariat français ne conduira pas le peuple dans la voie socialiste, en rejetant dans les paroles et dans les actes, l'exploitation d'esclaves coloniaux par l'impérialisme français  ni les humiliations, ni les souffrances, ni les déceptions amères ne lui seront épargnées. "Démocratie", "droits des peuples", "égalité entre grandes et petites nations", tout cela n'est que mensonge en régime capitaliste. Seul le socialisme, par la transformation de l'économie privée en économie planifiée, abolira, en même temps que l'exploitation de classe, l'exploitation des peuples l'un par l'autre et donnera une base réelle à la démocratie et aux droits des peuples.
    Quand il dit : "la France est morte", le maréchal Smuts est persuadé que l'impérialisme survivra à cette guerre et dans ce cas là il ne se trompe pas sur ce qu'il appelle le "rapport de forces", c'est-à-dire la domination des Etats-Unis et de l'Angleterre sur le monde. Par contre, la Quatrième Internationale est persuadée que les masses exploitées, qui n'ont pas pu empêcher les impérialistes de déclencher la deuxième guerre mondiale, ne resteront pas toujours passives et, par le renversement de la bourgeoisie, créeront, elles, le "rapport de forces" décisif. Ce jour-là le prolétariat français replacera le peuple français à la place d'honneur qu'il doit occuper dans la grande famille des nations du globe, place d'honneur qui lui reviendra par sa contribution importante à la libération définitive du genre humain, à l'établissement de la société socialiste !

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    "Pourtant, admettons un instant que l'Etat victorieux sache néanmoins se décharger de la plus grande ruine et en charger l'adversaire vaincu, sache enrayer, par des obstacles de tout genre, le développement économique de celui-ci.
    La classe ouvrière allemande peut-elle progresser après la guerre avec succès dans sa lutte syndicale, si l'action syndicale des ouvriers français anglais, belges, italiens, est ligotée par la régression économique? ...Le mouvement ouvrier d'aujourd'hui, sa fatigante lutte économique de tous les jours, son organisation de masses sont basés sur la collaboration de tous les pays de la production capitaliste. ...Et si le mouvement ouvrier de tous les pays capitalistes d'Europe est en état de stagnation, s'il y existe de bas salaires, de faibles syndicats, une force minime de résistance des exploités, le mouvement syndical ne peut -c'est impossible- être florissant en Allemagne. De ce point de vue, QUE LE CAPITALISME ALLEMAND SOIT RENFORCE AUX DEPENS DU CAPITALISME FRANCAIS OU LE CAPITALISME ANGLAIS AUX DEPENS DU CAPITALISME ALLEMAND, C'EST LA MEME PERTE, EN FIN DE COMPTE, QUANT A LA SITUATION DU PROLETARIAT DANS SA LUTTE ECONOMIQUE." (ROSA LUXEMBOURG, AVRIL 1915, en prison).