Au Comité d’Unification POI-CCI.

Camarades,

    Dans votre lettre du 10 Décembre vous nous parlez des tâches grandioses qui incombent aux bolchévik-léninistes, tâches qui exigent les plus grandes qualités révolutionnaires, et vous nous dites : "votre conception du parti est stupide et criminelle; vous ne pouvez pas vous-­mêmes ressentir l'absurdité de la position qu'occupe votre groupe ; mais puisque vous défendez le "programme" nous voulons tant dans votre intérêt que dans celui de tous les militants de la IVème Internationale, discuter avec vous".

    Cette attitude du bon samaritain est vraiment de mauvais goût et indigne de révolutionnaires. Nous pensons que ceux qui agissent pour un grand but – qui exige un comportement théorique et pratique d'une cohérence grande, sinon complète – n'ont pas de temps à perdre avec des gens (peu nombreux) qui "défendent le programme", mais dont l'attitude  sur la question essentielle confine à l'absurde.

    Vous manquez complètement de tact quand vous nous reprochez de n’être attachés à "aucune tradition, à aucun courant du mouvement BL français". Malheureusement pour la IVème Internationale en France, les traditions théoriques de la Ligue Communiste (dont on doit souligner l’importance) mises à part, les traditions organisationnelles sont entièrement négatives et les traditions politiques extrêmement faibles. Ce ne sont tout de même pas les traditions irréductiblement social-démocrates du POI d’avant-guerre ou le pseudo-bolchévisme du PCI, qui peuvent servir de base à un travail révolutionnaire sérieux à l’époque de putréfaction du capitalisme. Ce ne sont tout de même pas vos scissions et vos oscillations politiques continuelles, vos jongleries avec le programme de la IVème (les 4 points destinés à le remplacer, du PCI en 1936, l’ "Organe de Masse", l'anti-trotskysme non seulement outrancier, mais grossier du PCI – "Trotsky gaga" – , la politique nationaliste du POI de 1940, etc...) qui peuvent servir de modèle pour la création d'une nouvelle organisation révolutionnaire. Au contraire, c'est seulement en rompant entièrement avec ces traditions qu'on peut construire la future­ section française révolutionnaire de la IVème. Que faites-vous dans vos dernières thèses, résolutions, etc... sinon d'essayer de rompre avec ce passé ?

    Vous affectez de croire qu'une organisation comme la nôtre a une tendance fâcheuse vers le sectarisme, l' "isolement". Mais détiendrez vous le monopole des masses et ceux qui se sont isolés de vous se sont-ils par là même isolés des ouvriers ? Tout au contraire !

    Avant de verser des larmes sur l'absurdité de notre situation, donnez l'exemple vous, qui êtes numériquement les principaux groupes de France et dont dépend le présent : unifiez-vous, montrez que vous pouvez travailler ensemble d'une façon "saine et régulière", que vous pouvez appliquer les bonnes résolutions concernant la transformation de vos groupes en organisation prolétarienne. Auriez-vous déjà un bilan de votre travail dans cette direction ? Avez-vous éliminé "les agents de la petite-bourgeoisie", les incapables, de vos rangs ? Avez-vous éliminé de la direction les responsables de la politique nationaliste du POI ? Ou tout cela n'est-il que du papier ? Seule une réalisation de ce genre peut nous convaincre, et non pas les discussions de sommets (ou inter-organisationnelles) qui ne peuvent rien donner, là où il s`agit essentiellement d'une confrontation pratique de l'application des principes dans le travail quotidien révolutionnaire de chacun, dans sa vie privée, etc...

    Vous vous intitulez toujours l'avant-garde de l'avant-garde. En réalité vous n'êtes l'avant-garde qu'en l'absence d'une véritable avant-garde.

    Nous nous étonnons fort de vous voir affirmer que notre position sur le parti est criminelle et absurde, si vous avez lu notre brochure "la lutte contre la 2ème guerre impérialiste mondiale", publiée en novembre 1940. Mais vos déductions ont un autre aspect ; vous avez surtout puisé à une autre source : certain "représentant" de la IV° Internationale qui a eu l'occasion de nous connaître de plus près. Comment croire au sérieux et à la perspicacité politique des "officiels" se réclamant de la IVème Internationale, quand un militant des plus "responsables", sans raisons politiques, passe de l'admiration pour nos conceptions à des discours sur l'absurdité de notre position ? Ces voltes-face ne peuvent en aucun cas contribuer à l'établissement de rapports "réguliers et sains" parmi les révolutionnaires se réclamant de la IVème Internationale.

    Vous parlez de notre entêtement à ne pas entrer en contact avec vous ; voilà qui est pour le moins inattendu : c'est la première fois que nous recevons une semblable proposition de votre part. Mais ce n'est que par de tout autres moyens – et non pas par des lettres tendancieuses – que vous réussirez à établir des rapports sains entre les organisations se réclamant de la IVème Internationale.

Le Groupe Communiste "Lutte de Classe".