Socialisme
ou barbarie ?
Brochure
publiée par le Groupe Communiste (IVème Internationale).
AVERTISSEMENT
La guerre est
devenue le mal chronique de notre époque.
On se propose ici d'exposer aux ouvriers conscients, soucieux de
l'avenir de
leur classe, les causes réelles de ce fléau et les moyens
dont dispose le
prolétariat pour y mettre fin.
Pour bien
comprendre l'origine de la guerre, et pour en
tirer les déductions indispensables à l'action de classe
du prolétariat, il est
nécessaire de connaître les causes économiques qui
la déterminent ; c'est
pourquoi, malgré notre souci constant d'écrire de
façon claire et à la portée
de tout ouvrier sérieux (même n'ayant pas une
éducation politique étendue)
notre sujet nous a obligés à nous étendre parfois
sur des questions que l'on a
rarement l'occasion d'étudier sérieusement et qui
exigent, pour être bien comprises,
toute l'attention du lecteur.
Mais seuls les
démagogues et les fascistes s'imaginent
qu'on peut mener la "masse" (pour laquelle ils ont un profond
mépris)
avec des mots d’ordre "simples", c'est-à-dire mensongers ;
les
marxistes au contraire s'assignent pour tâche d'aider la classe
ouvrière à
dissiper ses illusions entretenues par la bourgeoisie et à
prendre conscience
du système qui l'opprime et l'exploite.
L'histoire du
mouvement ouvrier a montré que, malgré les
difficultés qu'ils rencontrent du fait que le
prolétariat, en tant que classe
opprimée, manque d'une instruction suffisante, les ouvriers
animés du profond
désir de créer un monde meilleur, à eux, sont
capables de s'élever jusqu'aux
plus hautes généralisations théoriques.
Certes,
aujourd'hui, après les défaites subies par la
classe ouvrière, et dans les conditions terribles que nous
impose la
bourgeoisie (journée de 10 heures et sous-alimentation), la
majorité des
travailleurs a perdu l'habitude de se préoccuper directement et
systématiquement de ses intérêts de classe.
Mais seuls des ouvriers
non-conscients se refuseraient à prêter un minimum
d'attention soutenue à une
question aussi vitale pour le prolétariat, dans des
circonstances où la
bourgeoisie saigne chaque jour un peu plus les masses.
A
ceux-là n'est pas destinée cette brochure : nous nous
adressons aux ouvriers conscients, et nous leur demandons de nous
lire
jusqu'au bout.
20
Février 1944
|
QUELLE
ÉPOQUE VIVONS-NOUS ?
Chacun se rend
compte que nous vivons une période exceptionnelle
de l'histoire du genre humain. Depuis le début du siècle,
une série de guerres
et de révolutions a continuellement bouleversé de fond en
comble la vie des
peuples du monde entier, empêchant les hommes de vivre d'une
façon normale :
1904 : guerre
impérialiste russo-japonaise ;
1905 :
première Révolution russe ;
1912 : guerre
balkanique ;
1914-18 :
première guerre
impérialiste mondiale, suivie de la série de
révolutions qui l'ont endiguée ;
1917
(Février et Octobre) :
Révolution
russe ;
1918 (Novembre) :
Révolution allemande et
écroulement de l'empire austro-hongrois ; révoltes dans
l'armée française.
Puis
révolutions et contre-révolutions
d'après-guerre :
1919 : en
Hongrie ; 1919-22 : en
Italie ;
1923 : en Allemagne
; 1924 : en Bulgarie ;
1925-27 : en Chine ...
A partir de
1929 la crise mondiale ouvre la voie vers une
deuxième guerre impérialiste, à travers une
nouvelle série de conflits
intérieurs dans les différents pays capitalistes,
conflits qui se terminent
par la victoire de la bourgeoisie :
1931 : chute de la
royauté en Espagne ;
1933 :
victoire du fascisme en Allemagne ;
1934
(Février) : insurrection
des ouvriers
de Vienne ;
1934-38 :
grèves générales en France
;
1936 (Juillet) :
Révolution prolétarienne
en Espagne.
Et, 20 ans
après la première guerre mondiale, annoncée
par la guerre Italo-Ethiopienne (1935) et la guerre Sino-Japonaise
(1937) a
commencé en 1939 une deuxième guerre impérialiste
dont on ne voit pas encore la
fin.
Comme le montre
ce tableau des principaux événements
contemporains, dans l'intervalle de deux générations, la
courbe des conflits a
monté d'une façon vertigineuse. Il ne s'agit plus
aujourd'hui de querelles
dynastiques, d'appétits de conquêtes de tel ou tel pays,
de sécurité des
frontières, de guerres laissant la société, en
dépit des malheurs et de la
misère, suivre sa marche an avant ; le caractère tout
à fait spécial de
notre époque est qu'à l'intérieur des
nations comme à l'extérieur, la
société se déchire de plus en plus
profondément à travers des bouleversements
ininterrompus qui détruisent les richesses et la culture
accumulées par
l'humanité, saignent et affament les masses et les
réduisent à un
asservissement moyenâgeux. On dirait que le monde ayant perdu son
centre de
gravité va retomber avec fracas dans la chaos ;
l'humanité entière ne peut plus
retrouver l'équilibre et la paix, si ce n'est dans les
cimetières...
000
D'après
les curés de toutes les religions, cette rupture
d'équilibre, ces guerres de plus en plus meurtrières,
seraient "la
punition de nos péchés" ; et déjà les
représentants de la bourgeoisie,
qui en 14-18 ont mené les peuples au massacre pour la "der des
der"
et ont sacrifié plus de 10 millions d'hommes depuis Août
1939 pour "la
démocratie" ou pour "l'espace vital", parlent d'une
troisième
guerre mondiale. Ainsi, la guerre à l'échelle mondiale
serait un phénomène
naturel inhérent à l'existence de la
société humaine.
Mais, des
années avant la Ière guerre mondiale, notre
époque d'agonie et de mort a été
caractérisée par tous les partis et les
syndicats ouvriers comme l’effet du capitalisme dans sa
dernière phase,
l'impérialisme : "Le capitalisme porte en lui la
guerre comme la nuée
porte l'orage" (Jaurès).
En effet,
depuis le début du siècle, la capitalisme a
profondément modifié sa structure. Fini le capitalisme de
libre concurrence, le
"laisser-faire, laisser-passer", qui, malgré les crises, les
conflits
et le chômage temporaires, accomplissait l'équipement
industriel du territoire
(construction de machines, d'usines, de chemins de fer, de routes,
de canaux,
de bateaux etc...) et facilitait de plus en plus la vie on
développant les
forces productives, c'est-à-dire la puissance de l'homme sur la
nature ; la
supériorité de la grande industrie sur la petite a
engendré, par la ruine de
cette dernière, le monopole capitaliste. Cette modification do
structure du
capitalisme lui a enlevé tout caractère progressif
et l'a rendu profondément
réactionnaire ; les plus grandes inventions, loin d'être
utilisées pour
accroître la puissance de l'homme sur la nature, et par
conséquent son
bien-être, servent à la destruction et à la mort,
pour le maintien d'un régime
condamné.
Et l'on a pu
voir, dans une société soi-disant civilisée,
des millions de chômeurs et leurs familles souffrir la
misère et la faim tandis
que, pour maintenir les prix, les capitalistes procédaient
à la destruction
systématique des récoltes : aux Etats-Unis on
élevait des hannetons pour ravager
les plantations de coton ; l'Amérique du Sud brûlait du
blé et du café dans les
locomotives ; en France on offrait des primes aux vignerons pour
arracher les
vignes, et les pécheurs devaient rejeter leur poisson à
la mer !...
000
Pourquoi
l'impérialisme (capitalisme monopoleur) provoque-t-il
la destruction des richesses accumulées, la fin de la
civilisation et de la
culture ; pourquoi la guerre est-elle son mode d'existence, et la paix
seulement "une trêve entre deux guerres" (Lénine) ? Nous
demandons un
peu de patience à notre lecteur ouvrier pour les explications
qui suivent :
il s'agit de bien comprendre ce qu'est l'impérialisme si
l'on ne veut pas
tomber dans les pièges de la bourgeoisie et sa laisser saigner
par elle à
l'aide de slogans qui ne veulent rien dire.
CAPITALISME
DE
LIBRE CONCURRENCE
ET
CAPITALISME DE MONOPOLE (IMPERIALISME).
Jusqu'à
la fin du 19ème siècle, les marchés, et en
premier lieu le marché national, offraient des
possibilités d'écoulement à tous
les produits : dans les différentes branches de la production
(métallurgie,
tissages, etc...) les capitalistes, – grands, moyens et petits – ,
existaient
et "travaillaient" indépendamment les uns des autres ;
c'était le capitalisme de libre concurrence.
Cependant, la
concurrence oblige chaque capitaliste à
ajouter constamment les profits réalisés (sauf une partie
nécessaire à ses
dépenses personnelles) au capital initial, pour les
réinvestir dans l'industrie
(perfectionnements techniques, achat de machines, etc...). Or,
l'extension
constante de la production de chaque capital individuel augmente
à tel point
la quantité des marchandises à écouler, que le
marché n'est plus capable
d'absorber la production de tous les capitalistes. Ceux qui n'arrivent
pas à
vendre leurs marchandises font faillite ; mais dans cette lutte
à mort, ce
n'est pas la chance qui décide des survivants : les entreprises
ne sont pas de
grandeur égale, et le prix de revient est d'autant plus
petit que la
production est grande. C'est donc la grande entreprise qui
possède
l'avantage décisif dans la concurrence capitaliste,
concurrence de plus en
plus acharnée qui aboutit à la ruine des plus
faibles au profit des plus
forts.
C'est ainsi
que, peu à peu, avec des péripéties diverses,
la libre concurrence engendre inévitablement la
concentration des
capitaux et aboutit à la domination despotique du
marché par un seul capital
monopoleur.
000
Du point de vue
de la nouvelle structure du capitalisme,
il importe peu que le capital monopoleur (qui domine un, plusieurs ou
tous les
marchés sans concurrence) appartienne à un seul
ou à plusieurs
capitalistes, ou à une masse d'actionnaires : l'essentiel
est la disparition
de l'élément de progrès du système, la concurrence
entre les capitalistes
d'une même branche.
On pourrait
croire, à première vue, que le capitaliste
monopoleur peut "se contenter" de sa position assurée de
monopoleur
et "renoncer" à gagner des positions capitalistes
nouvelles. Mais le
capitaliste ne produit pas pour la société : il
"travaille" pour
réaliser des profits. Et même s'il devenait tout
à coup
"vertueux" et voulait mettre en pratique la charité
chrétienne, du
point de vue économique, il le peut encore moins que dans le
capitalisme de
libre concurrence (où le danger n'était pas de tous les
instants, et où les
périodes de prospérité pouvaient au contraire lui
faire croire qu'il y avait de
la place pour tout le monde). La concurrence entre capitalistes
indépendants
d'une même branche fait place à un antagonisme de tous
les instants, cent
fois plus âpre, et qui, loin d'être une source de
progrès provoque le dépérissement
de l'économie, avec la misère et la guerre pour les
masses.
Par exemple, le
capitaliste qui monopolise les transports
par chemins de fer entre en une lutte de tous les instants avec
celui qui
monopolise les transports par route ; d'autre part, deux
sociétés monopoleuses
dont les produits s'écoulent dans le monde entier – les
pétroles par exemple –
entrent en conflit mortel pour la possession des sources anciennes
ou
nouvelles de matières premières ; enfin, "la course pour
le dollar du
consommateur" est un autre élément d'antagonismes entre
les monopoles (le
consommateur ayant un budget à peu près fixe, il s'agit
de savoir comment il
répartira ses dépenses : achètera-t-il un livre,
ira-t-il au cinéma, ou
restera-t-il à la maison pour économiser de quoi
s'acheter une bicyclette ?).
Donc, à
peine arrivé au monopole comme terme d'une lutte
entre capitalistes indépendants pour accaparer le
marché, le capitalisme
plonge l'économie entière dans une anarchie encore plus
grande qui finalement
mène à la ruine de la société.
000
En effet, pour
se renforcer contre les monopoles qui le
menacent, le capitaliste monopoleur est obligé de
conquérir des positions
capitalistes de plus en plus fortes, et pour cela il doit réinvestir
les
profits et surprofits réalisés ; or, le processus de
concentration s'étant
poursuivi dans presque toutes les branches de la production dans les
vieux pays
capitalistes, ceux-ci n'offrent plus de débouchés pour de
nouveaux
investissements : les capitaux sont donc exportés au dehors,
surtout
dans des pays arriérés et aux colonies où les
conditions d'une économie
retardataire (équipement industriel pour l'exploitation et
l'exportation des
ressources du pays, matières premières et
main-d’œuvre aux plus bas
prix) permettent de réaliser des bénéfices
fabuleux sur le dos de la
population coloniale ou semi-coloniale.
Ainsi la lutte
prend un aspect entièrement nouveau. Il ne
s'agit plus d'une concurrence purement économique se
terminant par la faillite
des capitalistes les plus faibles, comme dans la libre concurrence,
mais bien
d'une compétition internationale pour la conquête du
marché mondial (qui
n'est plus extensible) et pour la main-mise sur les branches de
production, les
sources de matières premières et de main-d’œuvre à
bon marché.
La crise
dans le capitalisme du monopole n'est
plus un arrêt temporaire de la production (mévente des
marchandises) se
terminant par une reprise économique puissante : elle
devient un élément
chronique de la vie économique, provoquant non seulement la
destruction
volontaire des richesses produites, mais aussi la limitation
des moyens de
production mis en fonction. La partie décisive des moyens de
production, l'industrie
lourde, ne trouve plus d'autre "marché" que la guerre,
c'est-à-dire la destruction pure et simple de la puissance
de production de
l'industrie moderne.
000
Cet antagonisme
à l'échelle mondiale divise le capital
monopoleur en groupes financiers : les trusts industriels
créent des
banques ; les banques créent des trusts d'exploitation ; les
groupes fusionnent
avec d'autres groupes ; et ainsi se crée tout un
réseau de grosses
industries et de banques travaillant dans toutes les branches.
Voilà
comment l'économie mondiale est tombée sous la domination
d'une oligarchie
capitaliste : les 200 familles en France, les 60 familles aux U.S.A.,
les Big
Five en Angleterre, les Konzern en Allemagne, les Nitsui et les
Mitsubishi au
Japon, etc...
Entre ces
groupes financiers qui luttent à mort les uns
contre les autres, les alliances se font et se défont : c'est
là qu'il
faut chercher, le secret des alliances et ruptures d'alliances
consacrées par
les pactes diplomatiques.
Disposant des
richesses du pays qui constitue la base de
leur puissance, ainsi que de leurs rapines sur d'autres continents, les
capitalistes
détiennent tous les leviers de l'Etat, c'est-à-dire non
seulement l'armée, la
police, les prisons et la justice, mais encore la radio, la presse,
l'école et
les églises.
Tous ces moyens
leur servent à duper les peuples et à les
entraîner dans leurs conflits à l'aide de traditions, de
mots d’ordre, et de
toute une propagande appropriée. Et de même que, pour
défendre ses intérêts, le
capitaliste ferme "son" usine comme si c'était sa
tabatière, jetant
sur le pavé les ouvriers affamés, de même la
bourgeoisie, pour défendre ses
positions menacées, jette "son" peuple dans le massacre ; car la
guerre, qui n'apporte aux masses que la misère et la mort, se
solde pour elle
par des super-bénéfices.
En effet,
tandis que les ouvriers et les paysans de tous
les pays s'entre-tuent soi-disant pour la "der des der", la
"démocratie", la "défense des petites nations" ou de
l'Empire pour "l'ordre nouveau", "l'espace vital", "le
sang contre l'or" et la "défense de la patrie", les champs
de
bataille sont en réalité un débouché
exceptionnel, qui consomme en peu
de temps des quantités énormes de "marchandises"
(matériel de
guerre). C'est ainsi que les masses entraînées dans la
course sans fin pour le partage et le repartage du globe,
croyant mourir pour la
patrie, meurent
pour les capitalistes !
SUPPRESSION
DES
CONTRADICTIONS
DU
CAPITALISME
Les
méfaits de la domination économique des trusts,
Konzern, banques, ententes et monopoles de toutes portes sur la
société, sont
depuis longtemps devenus évidents pour les larges masses. Les
scandales
financiers, la ruine des petites gens et des paysans, l'exploitation
féroce et
concertée des travailleurs, – qui n'ont plus affaire à un
patron dont le sort
est lié à celui de l'entreprise, mais au patronat
disposant des
ressources du capital financier, – ont soulevé contre les
capitalistes
monopoleurs la haine et la volonté de lutte de tous les
exploités.
Devant la
volonté commune de toutes les classes pauvres
de museler les banques et les trusts, menace mortelle, la bourgeoisie
ne put se
sauver qu'on trompant les masses : Mussolini en Italie, Hitler en
Allemagne,
Roosevelt aux Etats-Unis et Blum en France ont
présenté leur politique comme
"la fin de la toute-puissance des trusts". Et même dans la
"respectable" Angleterre, gouvernée par les conservateurs,
certains
ministres du Travail sont parfois obligés d'agiter des projets
do
"réformes de structure", Pourtant, les trusts n'ont jamais aussi
bien
prospéré que sous les gouvernements de Mussolini, Hitler,
Blum, Roosevelt et
Churchill.
Pourquoi ?
Parce que le monopole, le grand capital, n'est
pas une excroissance d'un organisme sain, qu'on pourrait couper,
ou un abus
qu'on pourrait réformer, brider ou contenir : les 200 familles
sont le couronnement
du système capitaliste, son fruit naturel, comme la poire est le
fruit du
poirier.
000
Il faut donc,
pour remettre la société d'aplomb, pour en
finir avec les crises permanentes, le chômage permanent, la
guerre permanente,
détruire le mal à la racine, c'est-à-dire détruire
le système capitaliste
qui les engendre.
Qu'est-ce qui
caractérise le capitalisme ? C'est la
propriété privée des moyens de production :
les usines, le sol et le
sous-sol, les moyens de transport, les moyens d'échange
(banques), les locaux,
en un mot tout ce dont l'homme a besoin
pour assurer son existence, se trouvent entre les mains d'une
petite
minorité de bourgeois richissimes qui disposent à leur
gré du sort de dizaines
de millions d'hommes séparés des moyens de production, prolétarisés.
A cette
contradiction essentielle qui oppose le système capitaliste
aux besoins de la société, contradiction
entre la
production SOCIALE et la propriété PRIVEE s'en
ajoute une seconde : le
morcellement de l'économie mondiale en fractions soi-disant
nationales (en
réalité, à part quelques rares exceptions
où les frontières délimitent en même
temps la nation, presque toutes les frontières (90 %)
découpent la même nation
en plusieurs tronçons – l'Allemagne de 1918, les Balkans,
l'Europe Centrale,
l'Irlande, etc... – ou font "vivre" ensemble plusieurs nations
antagonistes – l'Allemagne de 1939, les Empires coloniaux d'Afrique et
d'Asie,
etc..). En fait, ce morcellement de l'économie mondiale
n'est qu'un système de frontières
et de douanes
correspondant au rapport de forces changeant entre les groupes
financiers (les
200 familles, les 60 familles, les Konzern, etc...)
Production
SOCIALE et appropriation PRIVÉE capitaliste,
économie MONDIALE et son MORCELLEMENT en "fiefs" du capital
financier,
telles sont donc les causes qui provoquent la ruine de la
société.
000
La suppression
de ces contradictions ne consiste pas en
un retour en arrière à un soi-disant "âge d'or",
mais dans une
audacieuse marche en avant vers le socialisme.
Le mode de
propriété est périmé, mais le mode de
production
est définitif : il faut donc les harmoniser en
abolissant la propriété
privée des moyens de production pour restituer ces derniers
à la société entière
par la DICTATURE DU PROLETARIAT et LA GESTION DIRECTE DES USINES PAR
LES
TRAVAILLEURS.
La suppression
de la propriété privée des moyens de
production n'est pas la suppression de toute propriété :
la petite propriété
paysanne continuera à exister. Les petits paysans garderont leur
terre aussi
longtemps qu'ils voudront, jusqu'au moment ou d'eux-mêmes ils
estimeront
plus avantageuse la grande culture industrialisée.
Cette
révolution économique et sociale ne peut pas
éclater
et vaincre simultanément dans le monde entier. Elle commence
dans le
cadre d'un ou plusieurs Etats, mais elle ne peut aboutir
à une société
harmonieuse que par la victoire de la classe ouvrière dans le
monde entier : les
ressources de tout le globe sont nécessaires pour bâtir
une société sans aucune
contradiction économique. Les travailleurs ont pu remarquer
au cours de
cette guerre qu'aucun pays, si riche qu'il soit en ressources
naturelles
(comme les Etats-Unis ou l'URSS) ne peut produire à lui
seul tout ce que
l'homme a découvert ou inventé pour assurer sa domination
sur la nature.
Donc,
l'abolition de la propriété privée, le socialisme,
implique également la suppression des frontières
capitalistes (douanes,
passeports, etc...), c'est-à-dire la création des
ETATS-UNIS SOCIALISTES DU
MONDE.
STRATEGIE ET TACTIQUE
OUVRIERES CONTRE LA GUERRE.
Aujourd'hui,
depuis 5 ans, la guerre ravage les continents,
ruine l'économie, sépare les peuples par un fossé
de sang, et risque en se
prolongeant de ramener la société entière à
une nouvelle barbarie sociale.
Au premier plan
de la lutte ouvrière se trouve donc la
lutte contre la guerre.
Mais la guerre,
malgré tous les prétextes et les masques
que la bourgeoisie utilise pour en camoufler les véritables
causes, n'est au
fond qu'une lutte entre les différentes bourgeoisies pour
les monopoles
(guerre pour "l'espace vital" du côté de l'Axe et pour la
"défense de l'Empire" du côté des alliés) :
AUSSI, LA LUTTE CONTRE LA
GUERRE NE PEUT-ELLE ETRE SEPAREE DE LA LUTTE CONTRE LE
CAPITALISME. Telle est
l'idée fondamentale dont doivent partir les ouvriers conscients
qui veulent
réellement en finir avec les massacres qui recommencent tous les
20 ans.
000
Bien avant la
première guerre mondiale, en 1907, la IIème
Internationale dénonça au Congrès de Stuttgart le
caractère impérialiste de la
guerre qui venait. Les délégués des Partis
ouvriers de France, d'Allemagne, de
Russie, d'Italie, etc..., qui participèrent à ce
Congrès, savaient que les différences
politiques entre les pays qu'ils représentaient n'étaient
pour rien dans les
dangers qui menaçaient la paix du monde. Ils prirent
la résolution suivante :
"Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, ils (les
représentants
ouvriers) ont le devoir de s'entremettre pour la faire cesser
promptement et
d'utiliser de toutes leurs forces la crise économique et
politique créée par la
guerre pour agiter les couches populaires les plus profondes et
précipiter
la chute de la domination capitaliste".
En 1912, au
Congrès de Bâle, ils réaffirmèrent :
"LES TRAVAILLEURS CONSIDERENT COMME UN CRIME DE TIRER LES UNS SUR LES
AUTRES POUR LE PROFIT DES CAPITALISTES..."
Pourtant, quand
la guerre éclata "néanmoins",
les chefs de la IIème Internationale, pourris par
l'opportunisme, non préparés
à une lutte dans des conditions entièrement nouvelles
(illégalité, lutte
extraparlementaire, etc..), cédèrent à la
pression de la bourgeoisie et trahirent
la classe ouvrière. C'est alors seulement qu'ils
découvrirent les prétextes
politiques et "idéologiques" qui devaient justifier la cause
infâme
de leur bourgeoisie : les "socialistes" français
appelèrent à la
lutte de la "démocratie" (alliée au tsarisme !) contre le
"militarisme prussien" et les "socialistes" de l'Allemagne
impériale à la lutte contre le knout tsariste...
Mais ces
arguments en faveur de l'union sacrée, mis en
avant du jour au lendemain par des chefs aux abois n'étaient que
des mensonges.
La forme
politique ne peut pas influencer ou améliorer
la structure IMPERIALISTE de l'économie ; tout au
contraire, c'est la
structure impérialiste de l'économie qui commande les
actes de tout
gouvernement bourgeois, démocratique, militariste ou fasciste.
La
première guerre mondiale et la présente guerre nous
montrent que dans tout conflit impérialiste, c'est
précisément la démocratie
qui est la première victime. Dans tous les pays
impérialistes sans aucune
exception s'établit le même régime de
militarisation, de contrainte, de terreur
policière, de censure, avec suppression de tous les droits
ouvriers, pour
donner aux trusts l'entière liberté d'action.
000
Tandis que les
chefs social-patriotes se vautraient dans
l'union sacrée et les ministères, les chefs ouvriers
restés fidèles au
socialisme – Lénine, Luxembourg et Liebkecht en tête –
prirent une voie toute
opposée.
Ils
dénoncèrent la guerre comme "une guerre
impérialiste
pour un repartage des richesses du globe entre les forbans
capitalistes".
rejetant l'union sacrée et les crédits de guerre, ils
appelèrent les
travailleurs de leur pays à fraterniser avec ceux du pays "d'en
face" et à renverser leur propre
bourgeoisie.
Nous savons
aujourd'hui que c'est eux qui voyaient juste
et qu'ils représentaient les véritables aspirations des
masses opprimées, car
leurs principes et leur action ont conduit à la première
victoire prolétarienne
(Révolution d'Octobre 1917) et à la formation de la
IIIème Internationale
(l'Internationale Communiste).
Quels furent
donc leurs principes et leur tactique ?
Karl Liebknecht
nous a laissé la meilleure formule de
l'internationalisme ouvrier pendant la guerre : "L'ENNEMI DE CHAQUE
PROLETARIAT EST DANS SON PROPRE PAYS" ; la tâche des travailleurs
est de
"balayer chacun devant leur propre porte".
Pour
Lénine il s'agissait de "transformer la
guerre impérialiste en guerre civile" ; car "si cette guerre
n'est pas suivie d'une série de révolutions victorieuses,
elle sera suivie à
bref délai d'autres guerres".
Que celui-ci
avait raison, cela a été prouvé non seulement
par le fait que les travailleurs russes conquirent la paix grâce
à la guerre
civile, en renversant la bourgeoisie, mais surtout par le fait que
le maintien
de la domination impérialiste sur les 5/6ème du globe, a
amené une 2ème guerre
impérialiste mondiale. Dans un monde où subsistent
les liens et les
contradictions impérialistes, la paix ne peut être qu'
"une trêve entre
deux guerres"...
La guerre
civile n'est pas un moyen désespéré auquel on
n'a recours qu'à la dernière extrémité :
c'est la résolution inébranlable
du prolétariat, appuyé sur les masses populaires, d'en
finir avec la
guerre impérialiste en renversant la bourgeoisie et son Etat
(police,
justice, corps dos officiers, etc.) Sans cette résolution
inébranlable de riposter
à la guerre impérialiste par la guerre civile, les
travailleurs ne doivent
pas espérer que c'est la bourgeoisie qui fera quoi que ce soit pour
desserrer l'étau qui étouffe
les masses ou qui
reculera devant n'importe quelle infamie. Tout au
contraire, grâce à la guerre impérialiste
toujours plus meurtrière, elle mène à
l'intérieur sa propre guerre civile
destinée à paralyser et à écraser le
prolétariat.
Le mot d'ordre
des travailleurs est : A BAS LA GUERRE
IMPERIALISTE, VIVE LA GUERRE CIVILE !
000
Devant les
hésitations de certains chefs
"internationalistes" qui étaient paralysés dans leur
action pratique
par la peur que la lutte révolutionnaire "n'affaiblît le
front"
Lénine proclama que la défaite de. leur
propre impérialisme était
"un moindre mal" pour les ouvriers.
Il suffit en
effet de comparer le sort de la France après
1918, victorieuse grâce à l'union sacrée, et celui
de la Russie
révolutionnaire, vaincue et dépouillée de vastes
territoires aussi bien par
l'impérialisme allemand que par l'impérialisme
"allié" : les ouvriers
français n'ont plus jamais retrouvé leur niveau de vie
d'avant 14, tandis que
les travailleurs russes ont créé un pays
entièrement nouveau et élevé la Russie
arriérée au niveau des pays industriels les plus
avancés.
000
Mais la
défaite de Juin 40 ? La défaite de Juin 40 ne fut
pas la conséquence de l'affaiblissement du front par les luttes
révolutionnaires dans le pays, mais l'effondrement de
l'impérialisme
français, entraînant dans sa chute l'ensemble des classes
laborieuses.
Si le
prolétariat de France avait pu, grâce à une
politique ouvrière juste, mettre à profit la
débâcle de son impérialisme en
Mai-Juin 40 pour s'emparer du pouvoir, le sort, non seulement du peuple
français, mais encore de tous les peuples du monde, aurait
été complètement
changé, mais le prolétariat n'avait pas
été préparé à une telle
éventualité
par les partis ouvriers.
Le parti
socialiste d'après 1918 était resté
définitivement
un parti de collaboration et d'union sacrée ; la IIIème
Internationale et la
Parti communiste français avaient depuis longtemps
abandonné la stratégie et
la tactique qui avaient permis la victoire des ouvriers et des
paysans russes
en 1917 et qui avaient mis fin à la Ière guerre mondiale.
L'isolement de la
Révolution d'Octobre dans un monde capitaliste a
provoqué en URSS
l'affaiblissement du prolétariat soviétique, centre de
gravité de la IIIème
Internationale. Il s'y forma une bureaucratie dirigeante analogue
à celle des
partis et des syndicats ouvriers occidentaux. Sous son influence, la
IIIème
Internationale rompit avec l'internationalisme ouvrier :
reconnaissance de la
"défense nationale" on France (pacte Laval-Staline de 1935, vote
des
crédits de guerre de Daladier en 1935), pacte Hitler-Staline
pour le dépècement
de la Pologne, nouvelle "alliance" avec les impérialismes
"démocratiques" pour la défense de la "démocratie"
contre
le fascisme, etc…
L'abandon de la
stratégie et de la tactique révolutionnaires
par les chefs de la IIème Internationale en Août 1914
permirent à la
bourgeoisie de se maintenir sur les 5/6ème du globe, tandis que
le capitalisme
n'était renversé par l'internationalisme
prolétarien que dans la sixième partie.
L'abandon des
mêmes principes par les chefs soviétiques
de la IIIème Internationale a permis à la bourgeoisie de
déclencher une
nouvelle guerre impérialiste qui est entrée
dans sa cinquième année.
Comme dans la
première guerre impérialiste, la seule
issue est dans l'application dans la lutte prolétarienne de la
stratégie et de
la tactique de Liebknecht de Lénine.
C'EST CETTE
TACHE QUE CONTINUE LA IVème INTERNATIONALE !
LA
QUATRIEME
INTERNATIONALE ET LA GUERRE
La lutte de la
IVème Internationale contre la guerre
continue celle que menèrent la IIème et la IIIème
Internationales avant d'être
brisées par l'impérialisme mondial.
Dans tous les
pays impérialistes en guerre – quelle que
soit leur forme politique (démocratie ou fascisme) – le but
fondamental de
la IVème Internationale est la FRATERNISATION DES OUVRIERS
ET DES PAYSANS
SOUS L'UNIFORME. "Refuser de tirer les uns sur les autres pour le
profit
des capitalistes", fraterniser, voilà l'arme essentielle que
possèdent
les exploités de tous les pays
contre
leurs exploiteurs.
Toute autre
attitude, toute réserve ou équivoque à ce
sujet, est une trahison pure et simple de la classe ouvrière
internationale et
des masses laborieuses.
Mais les pays
en guerre ne sont pas tous des pays impérialistes
; menant sa lutte contre la guerre sous le signe de la fraternisation
et de
l'internationalisme (UNITE DES INTERETS DE TOUS LES PEUPLES CONTRE LA
BOURGEOISIE IMPERIALISTE DE TOUS LES PAYS), la IVème
Internationale propose aux
travailleurs des tâches immédiates
différentes SELON LA NATURE
IMPERIALISTE OU NON IMPERIALISTE des
pays (et non pas selon les formes politiques).
000
Là
où la guerre met aux prises 2 armées impérialistes
soumises au corps des officiers instrument des groupes financiers
(par exemple
la guerre de 39-40 entre la France et l'Allemagne, ou la guerre
actuelle entre
les Anglo-Américains et l'Allemagne), la IVème
Internationale appelle les
travailleurs des deux armées en lutte à cesser de
s'entretuer et à
fraterniser. Pratiquement, cette fraternisation n'est possible que
par la
lutte directe des soldats contre leur propre Etat-major et implique
donc un
affaiblissement du front (impérialiste) de l'armée la
plus avancée dans la voie
révolutionnaire ; cependant, comme cela a été
expliqué au chapitre précédent, la
défaite est un moindre mal quand elle est provoquée
par la lutte
révolutionnaire des ouvriers et des paysans
: car pour pouvoir lutter contre
l'impérialisme d'un autre pays,
les travailleurs d'un pays impérialiste doivent d'abord liquider
leur propre
impérialisme, QUI NE LEUR EPARGNE PAS CE QUE L' IMPERIALISME
ADVERSE LEUR
RESERVE.
000
Mais là
où la guerre met aux prises une armée
impérialiste
et une armée non-impérialiste, comme par exemple
la guerre entre l'Allemagne
et l'URSS, le Japon et la Chine, ou un conflit entre les alliés
et
"leurs" colonies (Inde, Maroc, etc…), la fraternisation n'implique
pas un affaiblissement du front de l'armée
non-impérialiste : la IVème
Internationale appelle les travailleurs de ces pays
(non-impérialistes :
URSS ou colonies) à se défendre DE TOUTES LEURS FORCES,
malgré leur méfiance ou leur
haine pour leur propre gouvernement, contre les armées
impérialistes, qui
ouvrent la voie au capital financier. Car dans les
pays non-impérialistes,
les travailleurs qui réussissent à écarter la
menace impérialiste, peuvent, de
ce fait même, lutter avec succès contre leur
propre gouvernement
réactionnaire.
Cette attitude
de défense de la part des travailleurs
d'un pays non-impérialiste nuit-elle à la fraternisation
avec les ouvriers et
paysans de l'armée impérialiste qui les a attaqués
?
NULLEMENT, si
leur lutte apparaît clairement à ces
derniers comme une lutte pour les intérêts communs des
travailleurs de tous les
pays contre le capitalisme.
S'il ne s'est
encore rien produit de pareil sur le front
germano-soviétique, c'est seulement parce que aux yeux des
soldats
allemands, le gouvernement soviétique, par son langage et par
ses actes (mort
aux Boches ! ), ne diffère en rien d'un quelconque gouvernement
allié fauteur
de la paix impérialiste de Versailles.
Pour vaincre
définitivement l'impérialisme, les
travailleurs soviétiques doivent renverser la bureaucratie
réactionnaire
dirigeante et présenter aux peuples du monde entier
leur véritable visage
prolétarien.
000
Contre la
guerre impérialiste mondiale actuelle, la IVème
Internationale lutte avec les mots d’ordre suivants :
Contre la
politique chauvine et impérialiste des partis
"socialistes" et "communistes" qui divise les travailleurs
et sert les intérêts de la bourgeoisie, VIVE
L'INTERNATIONALISME OUVRIER !
A BAS LES "BUTS
DE GUERRE" IMPERIALISTES, la Charte de
l'Atlantique, "l'ordre
nouveau", etc... VIVE LE DROIT
DE TOUS LES PEUPLES A
DISPOSER D'EUX-MEMES jusque et y compris
la séparation de l'État qui les opprime !
A BAS LA
DIPLOMATIE ET LES PACTES SECRETS !
DÉFENSE
DE L'URSS en tant qu'Etat
ouvrier PAR LA
VICTOIRE DE
L'ARMEE ROUGE ET LA REVOLUTION PROLETARIENNE dans tous les pays
impérialistes (Allemagne, Angleterre, France, etc...).
DÉFENSE
DE LA CHINE en tant que pays semi-colonial
contre le Japon, PAR LA VICTOIRE DE L'ARMEE CHINOISE ET LA
REVOLUTION
PROLETARIENNE AU JAPON et
dans le monde.
DÉFENSE DE TOUTES LES COLONIES ET SEMI-COLONIES CONTRE
L'IMPERIALISME QUI LES OPPRIME : de l'Inde contre l'Angleterre, de
l'Afrique
contre les impérialismes alliés, etc...
A bas
l'autarchie européenne de "l'ordre
nouveau", à bas la main-mise du capital américain sur
l'Europe, VIVENT LES
ÉTATS-UNIS SOCIALISTES D'EUROPE ! Seuls les Etats-Unis
socialistes assurent la
véritable égalité, entre les nations, grandes ou
petites.
Contre la
domination du monde entier par deux grandes
puissances, VIVENT LES
ETATS-UNIS SOCIALISTES DU MONDE !
LA
LUTTE DES
TRAVAILLEURS FRANÇAIS CONTRE LA GUERRE
La
déclaration de guerre en Septembre 1939 et la mobilisation,
la censure, la défense passive, les réquisitions et la
répression qui l'ont
marquée, ont réveillé dans les masses la
méfiance et l'hostilité contre les
dirigeants capitalistes : les travailleurs n'avaient pas
oublié les leçons
de la première. guerre impérialiste, les
misères et les souffrances
qu'ils avaient endurées pour le seul bénéfice de
la bourgeoisie.
Mais la lutte
des masses contre les mesures de dictature
et de terreur de Daladier et Reynaud (camps de concentration,
emprisonnements de milliers de militants ouvriers, dissolution du PC et
des
groupements internationalistes, mise au pas des syndicats, peine
de mort pour
la propagande communiste) ne trouva pas un guide
dévoué exclusivement aux intérêts
des travailleurs : la politique du PC obéissait aux
intérêts diplomatiques
de la bureaucratie soviétique, et ses tournants
décontenançaient périodiquement
les masses et les militants. Quant aux éléments
internationalistes, ils étaient
trop faibles numériquement pour exercer une influence
efficace.
C'est pourquoi,
bien que favorable à la révolution,
l'attitude des masses (qui repoussèrent d'instinct
l'idéologie
nationaliste-"démocratique" ou fasciste) ne provoqua pas la chute
de la bourgeoisie. Quand l'impérialisme français chancela
sous les coups de
l'impérialisme allemand, la classe ouvrière, sans
direction, ne songea pas à
créer les organes d'un Etat ouvrier (Conseils
d'ouvriers et soldats),
et mais se dispersa sur les routes de France...
L'exode mit fin
pour les masses à l'expérience de la
guerre "démocratique". Mais la défaite de
l'impérialisme français ne
mit pas fin à la guerre. LA GUERRE NE FAISAIT QUE COMMENCER et
prit un
développement mondial pesant de plus en plus lourdement sur les
couches
populaires du monde entier. L'économie des pays
mêlés à la guerre fut soumise à
une rude épreuve. Toutes les ressources furent raflées en
vue de la guerre.
Le pillage de
la France par l'impérialisme allemand imposa
aux masses une série de souffrances inouïes qui
plongèrent brusquement le
peuple français dans des conditions de vie insupportables.
Mais comme la
guerre sous la conduite de nos propres
impérialistes (la "drôle de guerre") n'avait pas eu le
temps
d'engendrer des maux à une si grande échelle, l'état
d'esprit, des masses
changea par rapport à celui du début de la guerre :
les malheurs qui
s'abattaient sur le peuple français n'étaient pas dus
à la guerre elle même, à
la GUERRE TOTALE, dans laquelle victoire ou défaite
engendrent les mêmes
maux, mais à l'occupation étrangère, aux
"Boches". Les masses crurent
d'autant plus facilement les slogans venus de Londres, qu'à
partir du début
de la guerre entre l'URSS et l'impérialisme allemand le
Parti
"communiste" se mit à tenir le même langage que les
impérialistes
alliés.
Voilà
comment aujourd'hui, après quatre années et demie
de guerre la classe ouvrière se trouve complètement
dépourvue d'une perspective
propre et est à la remorque de la bourgeoisie pour une
soi-disant.
guerre de "libération".
Que vaut cette
politique ? Pour la classe ouvrière, c'est
accepter les pires souffrances non pas pour changer
définitivement l'ordre
des choses, mais dans l'espoir de revenir à la
situation qui a
précédé la guerre et qui nous y a menés.
Cependant,
quelles seraient les conditions économiques et
politiques créées par une victoire alliée ? Peu de
travailleurs se font des
illusions sur les capitalistes anglais et américains. Mais
ils espèrent que
leur victoire déterminerait une amélioration de leur
niveau de vie et
ramènerait le respect des libertés
ouvrières.
Mais cette
guerre, comme la première, est une guerre
impérialiste pour le repartage du monde entre les groupes
financiers et pour
renforcer l'exploitation capitaliste sur les masses. Si les
capitalistes anglais
et américains luttent contre l'Allemagne impérialiste ce
n'est pas pour les
peuples, mais pour évincer un concurrent. Ce concurrent n'est
pas l'Allemagne
seule, mais l'industrie, le capital financier européen
(l'Allemagne, la
France, l'Italie, la Hollande, la Belgique, etc..).
Cela signifie
que les conditions économiques instaurées
par "l'ordre nouveau" (appauvrissement de tous les pays
européens au
profit des capitalistes allemands) seraient maintenues et
aggravées par une
victoire des impérialistes alliés.: l'Europe
entière réduite à la
portion congrue constituerait pour les États-Unis un
"hinterland"
économique.
En effet,
à eux seuls, les États-Unis, dont la production
dans les principales branches représente de 60 à 80 % de
la production
mondiale, regorgent de capitaux et ont besoin du monde entier pour
résoudre
leurs propres contradictions économiques et sociales. C'est pour
cela que leurs
dirigeants les ont précipités dans la guerre. C'est donc
s'exposer à de terribles
désillusions que de croire que les États-Unis, où
le chômage atteignit à un
moment donné 12 à 13 millions d'hommes – 10% de la
population totale ! – et où les "marches de la
faim", le vagabondage et toutes les tares politiques et sociales
(persécution des Noirs, associations secrètes du type
fasciste bien avant la
naissance de Hitler) ont marqué plus que partout ailleurs la
décomposition du
capitalisme, peuvent assurer la prospérité de l'Europe.
La ruine
irrémédiable de l'Europe peut bien soulager partiellement
le capitalisme américain par l'écoulement d'une partie de
ses produits
industriels sur le continent dévasté. Mais les masses
européennes plongées dans
la misère, resteront devant l'abondance américaine sans
avoir les moyens nécessaires
pour payer.
Et dans ces
conditions d'aggravation des contradictions
économiques, la lutte sociale s'aggraverait aussi : il n'y
aura pas de place
pour les libertés ni pour un développement pacifique des
organisations et des
droits ouvriers.
000
Comment
l'ouvrier conscient doit-il donc orienter la
lutte des travailleurs contre la guerre et le capitalisme ?
Les aspirations
profondes des masses, après quatre ans et
demi de guerre, de misère et de terreur politique de la
bourgeoisie, sont la
PAIX, le PAIN et la LIBERTE. Il s'agit d'orienter ces aspirations des
ouvriers,
de la population pauvre des villes, et des petits paysans VERS DES
SOLUTIONS
PROLETARIENNES, seules capables de les réaliser.
Le souci quotidien
des travailleurs, c'est le
pain. La lutte des ouvriers pour le pain doit être menée avant
tout dans les
usines, par une lutte pour l'augmentation des salaires. Il faut
à chaque
occasion tendre à l'unification des mouvements revendicatifs,
éviter que les
ouvriers des différents ateliers présentent
isolément leurs revendications. C'est
la grève qui constitue l'arme essentielle de la lutte
revendicative. ET LA
LUTTE GRÉVISTE POUR L'AUGMENTATION DES SALAIRES CONSTITUE EN
MEME TEMPS UN DES
MOYENS LES PLUS EFFICACES DE LUTTE CONTRE LA MACHINE DE GUERRE.
Mais la
situation des ouvriers et des masses laborieuses
ira toujours en s'aggravant (jusqu'à la famine) si le
ravitaillement continue à
se faire par les voies actuelles. Les liens entre la ville et la
campagne ont
été rompus par la guerre. Les réquisitions de
l'armée d'occupation et
l'accaparement du trafic par les gros
requins du marché noir avec la complicité des
organes d'Etat, grugent les petits paysans et affament les villes.
C'est la
tâche directe des massas exploitées de la ville et de
la campagne de rétablir
les liens économiques entre elles. Le seul moyen
d'améliorer la situation
alimentaire est donc LE
CONTRÔLE DU RAVITAILLEMENT PAR LES COMITES D'USINE
(élus par les ouvriers) ET PAR LES COMITES DE QUARTIER (élus
par les
ménagères).
Mais une
solidarité définitive entre la ville et la
campagne ne peut être établie que si les travailleurs
peuvent fournir aux
paysans, en échange des produits alimentaires, des produits
industriels qui
leur sont indispensables.
Les
travailleurs doivent dénoncer à toute la population
paysanne et pauvre l'incapacité et la bestialité de la
bourgeoisie qui a ruiné
le pays pour maintenir sa domination. Ils doivent leur
expliquer que
seul le PLAN OUVRIER, qui orienterait l'industrie vers les
véritables
besoins des populations (des tracteurs agricoles et non pas des
tanks !)
peut mettre un terme aux maux actuels. Ils doivent donc mettre en avant
la
revendication du RETOUR AUX FABRICATIONS DE PAIX et du CONTROLE OUVRIER
SUR LA
PRODUCTION.
Or toute
tentative d'arracher à la bourgeoisie le morceau
de pain quotidien doit inévitablement se heurter aux organes de
répression de
l'impérialisme français et allemand. C'est pourquoi une
lutte sérieuse pour le
pain pose au premier plan la lutte politique pour le renversement
du régime de
Vichy et de la Gestapo.
Les
travailleurs doivent mettre en avant la lutte pour
la reconquête des droits de grève, de réunion,
d'association et de presse.
Une telle
perspective exige une politique
internationaliste visant à obtenir l'appui ou la
neutralité des soldats
allemands, sans lesquels il n'est pas possible de renverser le
régime PAR LES FORCES
PROLETARIENNES ET AU PROFIT DES OPPRIMES.
Mais la lutte
contre la dictature politique de la
bourgeoisie exige la CREATION DE MILICES OUVRIERES EN VUE DE L'ARMEMENT
DU
PROLETARIAT. Cette tâche peut être réalisée
par les travailleurs à condition
qu'ils se pénètrent de la nécessité de ne
compter que sur eux-mêmes et
de ne pas faire confiance à la bourgeoisie française et
alliée.
La
réalisation de l'armement du prolétariat peut faire un
grand pas en avant si les travailleurs réfractaires
réfugiés dans le maquis,
déjà partiellement armés, parviennent à se
soustraire au contrôle de
l'impérialisme gaulliste et allié par
l'élection démocratique des chefs.
L'orientation
de la lutte en ce sens n'a pas une
importance vitale seulement pour le présent : Il s'agit avant
tout de préparer
l'avenir.
En effet, dans
les conditions crées par la guerre et
désagrégation de l'économie, tout gouvernement qui
s'appuierait sur les organes
de l'État bourgeois (corps des officiers, police, haute
administration, haute
magistrature), se comporterait automatiquement (quelle que soit
sa
phraséologie) comme celui de Vichy. A travers les luttes
pour les objectifs
immédiats, les travailleurs conscients doivent donc lutter
CONTRE LES
ILLUSIONS DU PARLEMENTARISME et APPELER A LA CREATION D'ORGANES
VERITABLEMENT
DEMOCRATIQUES, LES CONSEILS (SOVIETS) OUVRIERS ET PAYSANS, élus
à l'échelle
locale, régionale et nationale par les masses en lutte contre
l'Etat bourgeois.
S'appuyant sur
ces Comités, le Gouvernement ouvrier et
paysan est le gouvernement du peuple par le peuple lui-même.
Seul il
peut résoudre les problèmes posés par la guerre ;
seul il peut punir les
criminels qui ont plongé la France dans la IIème guerre
mondiale, qui ont
détruit les organisations et les libertés
ouvrières, qui ont organisé la
déportation en Allemagne et fait emprisonner, torturer et tuer
des dizaines de
milliers de militants ouvriers.
SEULE LA
DICTATURE DU PROLETARIAT PEUT ASSURER AUX MASSES
LE PAIN, LA PAIX ET LA LIBERTÉ !
A BAS LA
REPUBLIQUE "DEMOCRATIQUE" ! VIVE LA
REPUBLIQUE SOVIÉTIQUE !
LA NOUVELLE INTERNATIONALE
Comme nous
l'avons vu, les conditions économiques de
notre époque rendent nécessaire une lutte
prolétarienne unifiée à l'échelle
internationale. Les travailleurs d'un pays ne peuvent en aucune
façon séparer
leur sort des ouvriers des autres pays. Cela, non seulement en vue de
l'émancipation sociale par le socialisme, mais même simplement
du point de
vue de la lutte économique quotidienne des ouvriers. Le niveau
de vie des
travailleurs de France, de Belgique, d'Allemagne, de Hollande, etc... a
son
influence sur le niveau de vie des travailleurs de Grande-Bretagne, de
même que
le niveau de vie des travailleurs de Grande-Bretagne, d'Allemagne,
etc... a ses
répercussions sur les travailleurs de France et ainsi de suite.
Il faut donc
à la classe ouvrière un Etat-Major
international : l'INTERNATIONALE. Mais successivement les travailleurs,
entre
1914 et 1933, ont assisté à l'écroulement de la
IIème et de la IIIème
Internationale. Aussi beaucoup d'ouvriers se demandent-ils avec
inquiétude : à
quoi bon une nouvelle Internationale ? Ferait-elle mieux que les
précédentes ?
Faudra-t-il toujours recommencer ?
Mais la
faillite des vieilles internationales n'a rien de
décourageant. Aussi longtemps que le capitalisme n'est pas
définitivement
renversé, les organisations créées par le
prolétariat en vue de la lutte contre
la bourgeoisie s'usent dans le combat ; il faut alors en créer
de nouvelles.
La IIème
et la IIIème Internationale ont laissé derrière
elles une œuvre durable. La IIème Internationale a
répandu la doctrine
socialiste parmi des millions d'ouvriers du monde entier, enracinant
ainsi pour
toujours la doctrine marxiste comme théorie du mouvement
ouvrier. Quant à la
IIIème Internationale, elle a montré, leçon
irremplaçable, comment on renverse
la bourgeoisie et a créé une économie
planifiée sur 1/6 du globe. A la IVème
Internationale incombe d'achever le travail de la IIème et de la
IIIème Internationale
en instaurant LA DICTATURE DU PROLÉTARIAT ET LE SOCIALISME DANS
LE MONDE
ENTIER.
Que les
fatigués et les sceptiques, restent à l'écart les
jeunes et les militants
ouvriers qui ne veulent. pas capituler devant
l'impérialisme se
mettront à l'école des idées de la IVème
Internationale.
Il faut
reconstituer de nouveaux partis ouvriers
communistes, sections de la IVème Internationale dans chaque
pays. Déjà des
milliers d'ouvriers sur tous les continents, dans presque
tous les pays, de l'URSS à
l'Amérique, et de l'Afrique à la Chine, luttent sous le
drapeau de la IVème
Internationale.
Car
l'avant-garde prolétarienne n'est pas faite de
militants indépendants de la classe ouvrière. LE PARTI
OUVRIER EST L'ŒUVRE DE
LA CLASSE OUVRIERE ELLE-MEME, qui se regroupe et prend conscience
de sa
force et de ses tâches. Dès maintenant, les ouvriers
doivent surmonter les
terribles conditions dans lesquelles ils vivent et trouver le
temps nécessaire
pour se consacrer au travail politique révolutionnaire. Dans
la
confrontation de leurs idées et de leur action, ils feront leur
propre
éducation démocratique, exerceront leur esprit
critique et choisiront les
meilleurs d'entre eux pour coordonner leur action et multiplier les
liaisons
sur une échelle de plus en plus large.
La classe
ouvrière a pour elle le nombre, la place
indispensable qu'elle occupe dans la production, et l'incapacité
de la
bourgeoisie de faire vivre plus longtemps la société. De
plus
"SA LIBERATION EST CELLE DE L'HUMANITÉ ENTIERE"
Celle-ci se
trouve aujourd'hui devant cette unique
alternative : ou bien LA BARBARIE, c'est-à-dire que le
prolétariat sera
incapable de remplir sa mission historique et alors "le sang et les
sueurs des classes laborieuses couleront éternellement dans
les vases d'or
d'une poignée de riches odieux" (Babeuf), ou bien LE SOCIALISME,
c'est-à-dire que le prolétariat SOUS LA CONDUITE DE SON
PARTI QU'IL FORGERA A
TRAVERS SES EPREUVES, accomplira
sa mission par la révolution socialiste qui, une fois
commencée, se répandra
d'un pays à l'autre avec une force irrésistible ;
dans ce cas : "Par l'exemple et avec
l'aide des nations avancées,
les nations arriérées seront emportées aussi
dans le grand courant du socialisme.
Les barrières douanières entièrement pourries
tomberont. Les contradictions
qui divisent le monde entier trouveront leur solution naturelle et
pacifique
dans le cadre des Etats-Unis socialistes, en Europe comme dans les
autres
parties du monde. L'HUMANITE DELIVREE S'ELEVERA JUSQU'A SA PLEINE
HAUTEUR". (Trotsky).
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