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Socialisme ou barbarie ?

20 février 1944

Brochure publiée par le Groupe Communiste (IVème Internationale).

AVERTISSEMENT

La guerre est devenue le mal chronique de notre époque. On se propose ici d'exposer aux ouvriers conscients, sou­cieux de l'avenir de leur classe, les causes réelles de ce fléau et les moyens dont dispose le prolétariat pour y met­tre fin.

Pour bien comprendre l'origine de la guerre, et pour en tirer les déductions indispensables à l'action de classe du prolétariat, il est nécessaire de connaître les causes économiques qui la déterminent ; c'est pourquoi, malgré no­tre souci constant d'écrire de façon claire et à la portée de tout ouvrier sérieux (même n'ayant pas une éducation po­litique étendue) notre sujet nous a obligés à nous étendre parfois sur des questions que l'on a rarement l'occasion d'étudier sérieusement et qui exigent, pour être bien com­prises, toute l'attention du lecteur.

Mais seuls les démagogues et les fascistes s'imaginent qu'on peut mener la "masse" (pour laquelle ils ont un profond mépris) avec des mots d’ordre "simples", c'est-à-­dire mensongers ; les marxistes au contraire s'assignent pour tâche d'aider la classe ouvrière à dissiper ses illu­sions entretenues par la bourgeoisie et à prendre conscience du système qui l'opprime et l'exploite.

L'histoire du mouvement ouvrier a montré que, malgré les difficultés qu'ils rencontrent du fait que le prolétariat, en tant que classe opprimée, manque d'une instruction suffisante, les ouvriers animés du profond désir de créer un monde meilleur, à eux, sont capables de s'élever jus­qu'aux plus hautes généralisations théoriques.

Certes, aujourd'hui, après les défaites subies par la classe ouvrière, et dans les conditions terribles que nous impose la bourgeoisie (journée de 10 heures et sous-alimentation), la majorité des travailleurs a perdu l'habitude de se préoccuper directement et systématiquement de ses inté­rêts de classe. Mais seuls des ouvriers non-conscients se refuseraient à prêter un minimum d'attention soutenue à une question aussi vitale pour le prolétariat, dans des circons­tances où la bourgeoisie saigne chaque jour un peu plus les masses.

A ceux-là n'est pas destinée cette brochure : nous nous adressons aux ouvriers conscients, et nous leur deman­dons de nous lire jusqu'au bout.

20 Février 1944

 

 

QUELLE ÉPOQUE VIVONS-NOUS ?

Chacun se rend compte que nous vivons une période ex­ceptionnelle de l'histoire du genre humain. Depuis le début du siècle, une série de guerres et de révolutions a continuellement bouleversé de fond en comble la vie des peuples du monde entier, empêchant les hommes de vivre d'une façon normale :

1904 : guerre impérialiste russo-japonaise ;

1905 : première Révolution russe ;

1912 : guerre balkanique ;

1914-18 : première guerre impérialiste mondiale, sui­vie de la série de révolutions qui l'ont endiguée ;

1917 (Février et Octobre) : Révolution russe ;

1918 (Novembre) : Révolution allemande et écroulement de l'empire austro-hongrois ; révoltes dans l'armée française.

Puis révolutions et contre-révolutions d'après-guerre :

1919 : en Hongrie ; 1919-22 : en Italie ;

1923 : en Allemagne ; 1924 : en Bulgarie ;

1925-27 : en Chine ...

A partir de 1929 la crise mondiale ouvre la voie vers une deuxième guerre impérialiste, à travers une nouvelle série de conflits intérieurs dans les différents pays capi­talistes, conflits qui se terminent par la victoire de la bourgeoisie :

1931 : chute de la royauté en Espagne ;

1933 : victoire du fascisme en Allemagne ;

1934 (Février) : insurrection des ouvriers de Vienne ;

1934-38 : grèves générales en France ;

1936 (Juillet) : Révolution prolétarienne en Espagne.

Et, 20 ans après la première guerre mondiale, annoncée par la guerre Italo-Ethiopienne (1935) et la guerre Sino-Japonaise (1937) a commencé en 1939 une deuxième guerre impérialiste dont on ne voit pas encore la fin.

Comme le montre ce tableau des principaux événements contemporains, dans l'intervalle de deux générations, la courbe des conflits a monté d'une façon vertigineuse. Il ne s'agit plus aujourd'hui de querelles dynastiques, d'appétits de conquêtes de tel ou tel pays, de sécurité des frontières, de guerres laissant la société, en dépit des malheurs et de la misère, suivre sa marche an avant ; le caractère tout à fait spécial de notre époque est qu'à l'intérieur des na­tions comme à l'extérieur, la société se déchire de plus en plus profondément à travers des bouleversements ininterrom­pus qui détruisent les richesses et la culture accumulées par l'humanité, saignent et affament les masses et les ré­duisent à un asservissement moyenâgeux. On dirait que le monde ayant perdu son centre de gravité va retomber avec fracas dans la chaos ; l'humanité entière ne peut plus re­trouver l'équilibre et la paix, si ce n'est dans les cime­tières...

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D'après les curés de toutes les religions, cette rup­ture d'équilibre, ces guerres de plus en plus meurtrières, seraient "la punition de nos péchés" ; et déjà les représen­tants de la bourgeoisie, qui en 14-18 ont mené les peuples au massacre pour la "der des der" et ont sacrifié plus de 10 millions d'hommes depuis Août 1939 pour "la démocratie" ou pour "l'espace vital", parlent d'une troisième guerre mondiale. Ainsi, la guerre à l'échelle mondiale serait un phénomène naturel inhérent à l'existence de la société humaine.

Mais, des années avant la Ière guerre mondiale, notre époque d'agonie et de mort a été caractérisée par tous les partis et les syndicats ouvriers comme l’effet du capitalisme dans sa dernière phase, l'impérialisme : "Le capita­lisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage" (Jaurès).

En effet, depuis le début du siècle, la capitalisme a profondément modifié sa structure. Fini le capitalisme de libre concurrence, le "laisser-faire, laisser-passer", qui, malgré les crises, les conflits et le chômage temporaires, accomplissait l'équipement industriel du territoire (cons­truction de machines, d'usines, de chemins de fer, de routes, de canaux, de bateaux etc...) et facilitait de plus en plus la vie on développant les forces productives, c'est-à-dire la puissance de l'homme sur la nature ; la supériorité de la grande industrie sur la petite a engendré, par la ruine de cette dernière, le monopole capitaliste. Cette modification do structure du capitalisme lui a enlevé tout caractère pro­gressif et l'a rendu profondément réactionnaire ; les plus grandes inventions, loin d'être utilisées pour accroître la puissance de l'homme sur la nature, et par conséquent son bien-être, servent à la destruction et à la mort, pour le maintien d'un régime condamné.

Et l'on a pu voir, dans une société soi-disant civili­sée, des millions de chômeurs et leurs familles souffrir la misère et la faim tandis que, pour maintenir les prix, les capitalistes procédaient à la destruction systématique des récoltes : aux Etats-Unis on élevait des hannetons pour ra­vager les plantations de coton ; l'Amérique du Sud brûlait du blé et du café dans les locomotives ; en France on offrait des primes aux vignerons pour arracher les vignes, et les pécheurs devaient rejeter leur poisson à la mer !...

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Pourquoi l'impérialisme (capitalisme monopoleur) pro­voque-t-il la destruction des richesses accumulées, la fin de la civilisation et de la culture ; pourquoi la guerre est-elle son mode d'existence, et la paix seulement "une trêve entre deux guerres" (Lénine) ? Nous demandons un peu de patience à notre lecteur ouvrier pour les explications qui suivent : il s'agit de bien comprendre ce qu'est l'impérialisme si l'on ne veut pas tomber dans les pièges de la bourgeoisie et sa laisser saigner par elle à l'aide de slogans qui ne veulent rien dire.

CAPITALISME DE LIBRE CONCURRENCE

ET CAPITALISME DE MONOPOLE (IMPERIALISME).     

Jusqu'à la fin du 19ème siècle, les marchés, et en premier lieu le marché national, offraient des possibilités d'écoulement à tous les produits : dans les différentes branches de la production (métallurgie, tissages, etc...) les capitalistes, – grands, moyens et petits – , existaient et "travaillaient" indépendamment les uns des autres ; c'é­tait le capitalisme de libre concurrence.

Cependant, la concurrence oblige chaque capitaliste à ajouter constamment les profits réalisés (sauf une partie nécessaire à ses dépenses personnelles) au capital initial, pour les réinvestir dans l'industrie (perfectionnements tech­niques, achat de machines, etc...). Or, l'extension constan­te de la production de chaque capital individuel augmente à tel point la quantité des marchandises à écouler, que le mar­ché n'est plus capable d'absorber la production de tous les capitalistes. Ceux qui n'arrivent pas à vendre leurs marchan­dises font faillite ; mais dans cette lutte à mort, ce n'est pas la chance qui décide des survivants : les entreprises ne sont pas de grandeur égale, et le prix de revient est d'au­tant plus petit que la production est grande. C'est donc la grande entreprise qui possède l'avantage décisif dans la concurrence capitaliste, concurrence de plus en plus achar­née qui aboutit à la ruine des plus faibles au profit des plus forts.

C'est ainsi que, peu à peu, avec des péripéties diverses, la libre concurrence engendre inévitablement la concen­tration des capitaux et aboutit à la domination despotique du marché par un seul capital monopoleur.

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Du point de vue de la nouvelle structure du capitalis­me, il importe peu que le capital monopoleur (qui domine un, plusieurs ou tous les marchés sans concurrence) appartienne à un seul ou à plusieurs capitalistes, ou à une masse d'ac­tionnaires : l'essentiel est la disparition de l'élément de progrès du système, la concurrence entre les capitalistes d'une même branche.

On pourrait croire, à première vue, que le capitalis­te monopoleur peut "se contenter" de sa position assurée de monopoleur et "renoncer" à gagner des positions capitalis­tes nouvelles. Mais le capitaliste ne produit pas pour la société : il "travaille" pour réaliser des profits. Et même s'il devenait tout à coup "vertueux" et voulait mettre en pratique la charité chrétienne, du point de vue économique, il le peut encore moins que dans le capitalisme de libre concurrence (où le danger n'était pas de tous les instants, et où les périodes de prospérité pouvaient au contraire lui faire croire qu'il y avait de la place pour tout le monde). La concurrence entre capitalistes indépendants d'une même branche fait place à un antagonisme de tous les instants, cent fois plus âpre, et qui, loin d'être une source de pro­grès provoque le dépérissement de l'économie, avec la misè­re et la guerre pour les masses.

Par exemple, le capitaliste qui monopolise les trans­ports par chemins de fer entre en une lutte de tous les ins­tants avec celui qui monopolise les transports par route ; d'autre part, deux sociétés monopoleuses dont les produits s'écoulent dans le monde entier – les pétroles par exemple – entrent en conflit mortel pour la possession des sources an­ciennes ou nouvelles de matières premières ; enfin, "la course pour le dollar du consommateur" est un autre élément d'antagonismes entre les monopoles (le consommateur ayant un budget à peu près fixe, il s'agit de savoir comment il répartira ses dépenses : achètera-t-il un livre, ira-t-il au cinéma, ou restera-t-il à la maison pour économiser de quoi s'acheter une bicyclette ?).

Donc, à peine arrivé au monopole comme terme d'une lutte entre capitalistes indépendants pour accaparer le mar­ché, le capitalisme plonge l'économie entière dans une anarchie encore plus grande qui finalement mène à la ruine de la société.

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En effet, pour se renforcer contre les monopoles qui le menacent, le capitaliste monopoleur est obligé de conqué­rir des positions capitalistes de plus en plus fortes, et pour cela il doit réinvestir les profits et surprofits réa­lisés ; or, le processus de concentration s'étant poursuivi dans presque toutes les branches de la production dans les vieux pays capitalistes, ceux-ci n'offrent plus de débouchés pour de nouveaux investissements : les capitaux sont donc exportés au dehors, surtout dans des pays arriérés et aux colonies où les conditions d'une économie retardataire (é­quipement industriel pour l'exploitation et l'exportation des ressources du pays, matières premières et main-d’œuvre aux plus bas prix) permettent de réaliser des bénéfices fabu­leux sur le dos de la population coloniale ou semi-coloniale.

Ainsi la lutte prend un aspect entièrement nouveau. Il ne s'agit plus d'une concurrence purement économique se ter­minant par la faillite des capitalistes les plus faibles, comme dans la libre concurrence, mais bien d'une compétition internationale pour la conquête du marché mondial (qui n'est plus extensible) et pour la main-mise sur les branches de production, les sources de matières premières et de main-d’œuvre à bon marché.

La crise dans le capitalisme du monopole n'est plus un arrêt temporaire de la production (mévente des marchandises) se terminant par une reprise économique puissante : elle de­vient un élément chronique de la vie économique, provoquant non seulement la destruction volontaire des richesses pro­duites, mais aussi la limitation des moyens de production mis en fonction. La partie décisive des moyens de production, l'industrie lourde, ne trouve plus d'autre "marché" que la guerre, c'est-à-dire la destruction pure et simple de la puissance de production de l'industrie moderne.

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Cet antagonisme à l'échelle mondiale divise le capital monopoleur en groupes financiers : les trusts industriels créent des banques ; les banques créent des trusts d'exploitation ; les groupes fusionnent avec d'autres groupes ; et ainsi se crée tout un réseau de grosses industries et de banques travaillant dans toutes les branches. Voilà comment l'économie mondiale est tombée sous la domination d'une oli­garchie capitaliste : les 200 familles en France, les 60 familles aux U.S.A., les Big Five en Angleterre, les Konzern en Allemagne, les Nitsui et les Mitsubishi au Japon, etc...

Entre ces groupes financiers qui luttent à mort les uns contre les autres, les alliances se font et se défont : c'est là qu'il faut chercher, le secret des alliances et ruptures d'alliances consacrées par les pactes diplomatiques.

Disposant des richesses du pays qui constitue la base de leur puissance, ainsi que de leurs rapines sur d'autres continents, les capitalistes détiennent tous les leviers de l'Etat, c'est-à-dire non seulement l'armée, la police, les prisons et la justice, mais encore la radio, la presse, l'é­cole et les églises.

Tous ces moyens leur servent à duper les peuples et à les entraîner dans leurs conflits à l'aide de traditions, de mots d’ordre, et de toute une propagande appropriée. Et de même que, pour défendre ses intérêts, le capitaliste fer­me "son" usine comme si c'était sa tabatière, jetant sur le pavé les ouvriers affamés, de même la bourgeoisie, pour dé­fendre ses positions menacées, jette "son" peuple dans le massacre ; car la guerre, qui n'apporte aux masses que la misère et la mort, se solde pour elle par des super-bénéfices.

En effet, tandis que les ouvriers et les paysans de tous les pays s'entre-tuent soi-disant pour la "der des der", la "démocratie", la "défense des petites nations" ou de l'Empire pour "l'ordre nouveau", "l'espace vital", "le sang con­tre l'or" et la "défense de la patrie", les champs de ba­taille sont en réalité un débouché exceptionnel, qui consomme en peu de temps des quantités énormes de "marchandises" (matériel de guerre). C'est ainsi que les masses entraînées dans la course sans fin pour le partage et le repartage du globe, croyant mourir pour la patrie, meurent pour les capitalistes !

SUPPRESSION DES CONTRADICTIONS

DU CAPITALISME

Les méfaits de la domination économique des trusts, Konzern, banques, ententes et monopoles de toutes portes sur la société, sont depuis longtemps devenus évidents pour les larges masses. Les scandales financiers, la ruine des petites gens et des paysans, l'exploitation féroce et concertée des travailleurs, – qui n'ont plus affaire à un patron dont le sort est lié à celui de l'entreprise, mais au patronat dispo­sant des ressources du capital financier, – ont soulevé contre les capitalistes monopoleurs la haine et la volonté de lutte de tous les exploités.

Devant la volonté commune de toutes les classes pauvres de museler les banques et les trusts, menace mortelle, la bourgeoisie ne put se sauver qu'on trompant les masses : Mussolini en Italie, Hitler en Allemagne, Roosevelt aux Etats-­Unis et Blum en France ont présenté leur politique comme "la fin de la toute-puissance des trusts". Et même dans la "respectable" Angleterre, gouvernée par les conservateurs, cer­tains ministres du Travail sont parfois obligés d'agiter des projets do "réformes de structure", Pourtant, les trusts n'ont jamais aussi bien prospéré que sous les gouvernements de Mussolini, Hitler, Blum, Roosevelt et Churchill.

Pourquoi ? Parce que le monopole, le grand capital, n'est pas une excroissance d'un organisme sain, qu'on pour­rait couper, ou un abus qu'on pourrait réformer, brider ou contenir : les 200 familles sont le couronnement du système capitaliste, son fruit naturel, comme la poire est le fruit du poirier.

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Il faut donc, pour remettre la société d'aplomb, pour en finir avec les crises permanentes, le chômage permanent, la guerre permanente, détruire le mal à la racine, c'est-­à-dire détruire le système capitaliste qui les engendre.

Qu'est-ce qui caractérise le capitalisme ? C'est la propriété privée des moyens de production : les usines, le sol et le sous-sol, les moyens de transport, les moyens d'échange (banques), les locaux, en un mot  tout ce dont l'homme a besoin pour assurer son existence, se trouvent en­tre les mains d'une petite minorité de bourgeois richissimes qui disposent à leur gré du sort de dizaines de millions d'hommes séparés des moyens de production, prolétarisés.

A cette contradiction essentielle qui oppose le systè­me capitaliste aux besoins de la société, contradiction en­tre la production SOCIALE et la propriété PRIVEE s'en ajou­te une seconde : le morcellement de l'économie mondiale en fractions soi-disant nationales (en réalité, à part quelques rares exceptions où les frontières délimitent en même temps la nation, presque toutes les frontières (90 %) découpent la même nation en plusieurs tronçons – l'Allemagne de 1918, les Balkans, l'Europe Centrale, l'Irlande, etc... – ou font "vivre" ensemble plusieurs nations antagonistes – l'Allemagne de 1939, les Empires coloniaux d'Afrique et d'Asie, etc..). En fait, ce morcellement de l'économie mondiale n'est qu'un système de frontières et de douanes correspondant au rapport de forces changeant entre les groupes financiers (les 200 familles, les 60 familles, les Konzern, etc...)

Production SOCIALE et appropriation PRIVÉE capitaliste, économie MONDIALE et son MORCELLEMENT en "fiefs" du capital financier, telles sont donc les causes qui provoquent la ruine de la société.

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La suppression de ces contradictions ne consiste pas en un retour en arrière à un soi-disant "âge d'or", mais dans une audacieuse marche en avant vers le socialisme.

Le mode de propriété est périmé, mais le mode de pro­duction est définitif : il faut donc les harmoniser en abo­lissant la propriété privée des moyens de production pour restituer ces derniers à la société entière par la DICTATURE DU PROLETARIAT et LA GESTION DIRECTE DES USINES PAR LES TRAVAILLEURS.

La suppression de la propriété privée des moyens de production n'est pas la suppression de toute propriété : la petite propriété paysanne continuera à exister. Les petits paysans garderont leur terre aussi longtemps qu'ils voudront, jusqu'au moment ou d'eux-mêmes ils estimeront plus avantageuse la grande culture industrialisée.

Cette révolution économique et sociale ne peut pas é­clater et vaincre simultanément dans le monde entier. Elle commence dans le cadre d'un ou plusieurs Etats, mais elle ne peut aboutir à une société harmonieuse que par la victoire de la classe ouvrière dans le monde entier : les ressources de tout le globe sont nécessaires pour bâtir une société sans aucune contradiction économique. Les travailleurs ont pu remarquer au cours de cette guerre qu'aucun pays, si ri­che qu'il soit en ressources naturelles (comme les Etats-­Unis ou l'URSS) ne peut produire à lui seul tout ce que l'homme a découvert ou inventé pour assurer sa domination sur la nature.

Donc, l'abolition de la propriété privée, le socia­lisme, implique également la suppression des frontières ca­pitalistes (douanes, passeports, etc...), c'est-à-dire la création des ETATS-UNIS SOCIALISTES DU MONDE.

STRATEGIE ET TACTIQUE

OUVRIERES CONTRE LA GUERRE.

Aujourd'hui, depuis 5 ans, la guerre ravage les continents, ruine l'économie, sépare les peuples par un fossé de sang, et risque en se prolongeant de ramener la société entière à une nouvelle barbarie sociale.

Au premier plan de la lutte ouvrière se trouve donc la lutte contre la guerre.

Mais la guerre, malgré tous les prétextes et les mas­ques que la bourgeoisie utilise pour en camoufler les véri­tables causes, n'est au fond qu'une lutte entre les différen­tes bourgeoisies pour les monopoles (guerre pour "l'espace vital" du côté de l'Axe et pour la "défense de l'Empire" du côté des alliés) : AUSSI, LA LUTTE CONTRE LA GUERRE NE PEUT-­ELLE ETRE SEPAREE DE LA LUTTE CONTRE LE CAPITALISME. Telle est l'idée fondamentale dont doivent partir les ouvriers conscients qui veulent réellement en finir avec les massacres qui recommencent tous les 20 ans.

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Bien avant la première guerre mondiale, en 1907, la IIème Internationale dénonça au Congrès de Stuttgart le ca­ractère impérialiste de la guerre qui venait. Les délégués des Partis ouvriers de France, d'Allemagne, de Russie, d'Ita­lie, etc..., qui participèrent à ce Congrès, savaient que les différences politiques entre les pays qu'ils représentaient n'étaient pour rien dans les dangers qui menaçaient la paix du monde. Ils prirent la résolution suivante : "Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, ils (les représen­tants ouvriers) ont le devoir de s'entremettre pour la faire cesser promptement et d'utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste".

En 1912, au Congrès de Bâle, ils réaffirmèrent : "LES TRAVAILLEURS CONSIDERENT COMME UN CRIME DE TIRER LES UNS SUR LES AUTRES POUR LE PROFIT DES CAPITALISTES..."

Pourtant, quand la guerre éclata "néanmoins", les chefs de la IIème Internationale, pourris par l'opportunis­me, non préparés à une lutte dans des conditions entièrement nouvelles (illégalité, lutte extraparlementaire, etc..), cédè­rent à la pression de la bourgeoisie et trahirent la classe ouvrière. C'est alors seulement qu'ils découvrirent les pré­textes politiques et "idéologiques" qui devaient justifier la cause infâme de leur bourgeoisie : les "socialistes" fran­çais appelèrent à la lutte de la "démocratie" (alliée au tsarisme !) contre le "militarisme prussien" et les "socia­listes" de l'Allemagne impériale à la lutte contre le knout tsariste...

Mais ces arguments en faveur de l'union sacrée, mis en avant du jour au lendemain par des chefs aux abois n'étaient que des mensonges.

La forme politique ne peut pas influencer ou amélio­rer la structure IMPERIALISTE de l'économie ; tout au con­traire, c'est la structure impérialiste de l'économie qui commande les actes de tout gouvernement bourgeois, démocratique, militariste ou fasciste.  

La première guerre mondiale et la présente guerre nous montrent que dans tout conflit impérialiste, c'est précisé­ment la démocratie qui est la première victime. Dans tous les pays impérialistes sans aucune exception s'établit le même régime de militarisation, de contrainte, de terreur po­licière, de censure, avec suppression de tous les droits ouvriers, pour donner aux trusts l'entière liberté d'action.

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Tandis que les chefs social-patriotes se vautraient dans l'union sacrée et les ministères, les chefs ouvriers restés fidèles au socialisme – Lénine, Luxembourg et Liebkecht en tête – prirent une voie toute opposée.

Ils dénoncèrent la guerre comme "une guerre impéria­liste pour un repartage des richesses du globe entre les forbans capitalistes". rejetant l'union sacrée et les crédits de guerre, ils appelèrent les travailleurs de leur pays à fraterniser avec ceux du pays "d'en face"  et à renverser leur propre bourgeoisie.

Nous savons aujourd'hui que c'est eux qui voyaient jus­te et qu'ils représentaient les véritables aspirations des masses opprimées, car leurs principes et leur action ont conduit à la première victoire prolétarienne (Révolution d'Octobre 1917) et à la formation de la IIIème Internationale (l'Internationale Communiste).

Quels furent donc leurs principes et leur tactique ?

Karl Liebknecht nous a laissé la meilleure formule de l'internationalisme ouvrier pendant la guerre : "L'ENNEMI DE CHAQUE PROLETARIAT EST DANS SON PROPRE PAYS" ; la tâche des travailleurs est de "balayer chacun devant leur propre porte".

Pour Lénine il s'agissait de "transformer la guerre impérialiste en guerre civile" ; car "si cette guerre n'est pas suivie d'une série de révolutions victorieuses, elle se­ra suivie à bref délai d'autres guerres".

Que celui-ci avait raison, cela a été prouvé non seu­lement par le fait que les travailleurs russes conquirent la paix grâce à la guerre civile, en renversant la bourgeoisie, mais surtout par le fait que le maintien de la domination impérialiste sur les 5/6ème du globe, a amené une 2ème guerre impérialiste mondiale. Dans un monde où subsistent les liens et les contradictions impérialistes, la paix ne peut être qu' "une trêve entre deux guerres"...

La guerre civile n'est pas un moyen désespéré auquel on n'a recours qu'à la dernière extrémité : c'est la résolu­tion inébranlable du prolétariat, appuyé sur les masses populaires, d'en finir avec la guerre impérialiste en renversant la bourgeoisie et son Etat (police, justice, corps dos officiers, etc.) Sans cette résolution inébranlable de ri­poster à la guerre impérialiste par la guerre civile, les travailleurs ne doivent pas espérer que c'est la bourgeoisie qui fera quoi que ce soit pour desserrer l'étau qui étouffe les masses ou qui reculera devant n'importe quelle infamie. Tout au contraire, grâce à la guerre impérialiste toujours plus meurtrière, elle mène à l'intérieur sa propre guerre civile destinée à paralyser et à écraser le prolétariat.

Le mot d'ordre des travailleurs est : A BAS LA GUERRE IMPERIALISTE, VIVE LA GUERRE CIVILE !

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Devant les hésitations de certains chefs "internationalistes" qui étaient paralysés dans leur action pratique par la peur que la lutte révolutionnaire "n'affaiblît le front" Lénine proclama que la défaite de. leur propre impérialisme était "un moindre mal" pour les ouvriers.

Il suffit en effet de comparer le sort de la France après 1918, victorieuse grâce à l'union sacrée, et celui de la Russie révolutionnaire, vaincue et dépouillée de vastes territoires aussi bien par l'impérialisme allemand que par l'impérialisme "allié" : les ouvriers français n'ont plus jamais retrouvé leur niveau de vie d'avant 14, tandis que les travailleurs russes ont créé un pays entièrement nouveau et élevé la Russie arriérée au niveau des pays industriels les plus avancés.

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Mais la défaite de Juin 40 ? La défaite de Juin 40 ne fut pas la conséquence de l'affaiblissement du front par les luttes révolutionnaires dans le pays, mais l'effondrement de l'impérialisme français, entraînant dans sa chute l'ensemble des classes laborieuses.

Si le prolétariat de France avait pu, grâce à une politique ouvrière juste, mettre à profit la débâcle de son impérialisme en Mai-Juin 40 pour s'emparer du pouvoir, le sort, non seulement du peuple français, mais encore de tous les peuples du monde, aurait été complètement changé, mais le prolétariat n'avait pas été préparé à une telle éventualité par les partis ouvriers.

Le parti socialiste d'après 1918 était resté définiti­vement un parti de collaboration et d'union sacrée ; la IIIème Internationale et la Parti communiste français avaient de­puis longtemps abandonné la stratégie et la tactique qui a­vaient permis la victoire des ouvriers et des paysans russes en 1917 et qui avaient mis fin à la Ière guerre mondiale. L'isolement de la Révolution d'Octobre dans un monde capita­liste a provoqué en URSS l'affaiblissement du prolétariat soviétique, centre de gravité de la IIIème Internationale. Il s'y forma une bureaucratie dirigeante analogue à celle des partis et des syndicats ouvriers occidentaux. Sous son influence, la IIIème Internationale rompit avec l'internationalis­me ouvrier : reconnaissance de la "défense nationale" on France (pacte Laval-Staline de 1935, vote des crédits de guerre de Daladier en 1935), pacte Hitler-Staline pour le dépècement de la Pologne, nouvelle "alliance" avec les impérialismes "démocratiques" pour la défense de la "démocratie" contre le fascisme, etc…

L'abandon de la stratégie et de la tactique révolution­naires par les chefs de la IIème Internationale en Août 1914 permirent à la bourgeoisie de se maintenir sur les 5/6ème du globe, tandis que le capitalisme n'était renversé par l'internationalisme prolétarien que dans la sixième partie.

L'abandon des mêmes principes par les chefs soviétiques de la IIIème Internationale a permis à la bourgeoisie de déclencher une nouvelle guerre impérialiste qui est entrée dans sa cinquième année.

Comme dans la première guerre impérialiste, la seule issue est dans l'application dans la lutte prolétarienne de la stratégie et de la tactique de Liebknecht de Lénine.

C'EST CETTE TACHE QUE CONTINUE LA IVème INTERNATIONALE !

LA QUATRIEME INTERNATIONALE ET LA GUERRE

La lutte de la IVème Internationale contre la guerre continue celle que menèrent la IIème et la IIIème Internationales avant d'être brisées par l'impérialisme mondial.

Dans tous les pays impérialistes en guerre – quelle que soit leur forme politique (démocratie ou fascisme) – le but fondamental de la IVème Internationale est la FRATERNISATION DES OUVRIERS ET DES PAYSANS SOUS L'UNIFORME. "Refuser de ti­rer les uns sur les autres pour le profit des capitalistes", fraterniser, voilà l'arme essentielle que possèdent les ex­ploités de tous les  pays contre leurs exploiteurs.

Toute autre attitude, toute réserve ou équivoque à ce sujet, est une trahison pure et simple de la classe ouvrière internationale et des masses laborieuses.

Mais les pays en guerre ne sont pas tous des pays im­périalistes ; menant sa lutte contre la guerre sous le signe de la fraternisation et de l'internationalisme (UNITE DES INTERETS DE TOUS LES PEUPLES CONTRE LA BOURGEOISIE IMPERIALISTE DE TOUS LES PAYS), la IVème Internationale propose aux travailleurs des tâches immédiates différentes SELON LA NATURE IMPERIALISTE OU NON IMPERIALISTE  des pays (et non pas selon les formes politiques).

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Là où la guerre met aux prises 2 armées impérialistes soumises au corps des officiers instrument des groupes finan­ciers (par exemple la guerre de 39-40 entre la France et l'Allemagne, ou la guerre actuelle entre les Anglo-Américains et l'Allemagne), la IVème Internationale appelle les travail­leurs des deux armées en lutte à cesser de s'entretuer et à fraterniser. Pratiquement, cette fraternisation n'est possi­ble que par la lutte directe des soldats contre leur propre Etat-major et implique donc un affaiblissement du front (impérialiste) de l'armée la plus avancée dans la voie révolu­tionnaire ; cependant, comme cela a été expliqué au chapitre précédent, la défaite est un moindre mal quand elle est pro­voquée par la lutte révolutionnaire des ouvriers et des  paysans : car pour pouvoir lutter contre l'impérialisme d'un autre pays, les travailleurs d'un pays impérialiste doivent d'abord liquider leur propre impérialisme, QUI NE LEUR EPARGNE PAS CE QUE L' IMPERIALISME ADVERSE LEUR RESERVE.

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Mais là où la guerre met aux prises une armée impéria­liste et une armée non-impérialiste, comme par exemple la guerre entre l'Allemagne et l'URSS, le Japon et la Chine, ou un conflit entre les alliés et "leurs" colonies (Inde, Maroc, etc…), la fraternisation n'implique pas un affaiblissement du front de l'armée non-impérialiste : la IVème Internationale appelle les travailleurs de ces pays (non-impérialistes : URSS ou colonies) à se défendre DE TOUTES LEURS FORCES, mal­gré leur méfiance ou leur haine pour leur propre gouvernement, contre les armées impérialistes, qui ouvrent la voie au capital financier. Car dans les pays non-impérialistes, les travailleurs qui réussissent à écarter la menace impérialiste, peuvent, de ce fait même, lutter avec succès con­tre leur propre gouvernement réactionnaire.

Cette attitude de défense de la part des travailleurs d'un pays non-impérialiste nuit-elle à la fraternisation a­vec les ouvriers et paysans de l'armée impérialiste qui les a attaqués ?

NULLEMENT, si leur lutte apparaît clairement à ces derniers comme une lutte pour les intérêts communs des travailleurs de tous les pays contre le capitalisme.

S'il ne s'est encore rien produit de pareil sur le front germano-soviétique, c'est seulement parce que aux yeux des soldats allemands, le gouvernement soviétique, par son langage et par ses actes (mort aux Boches ! ), ne diffère en rien d'un quelconque gouvernement allié fauteur de la paix impérialiste de Versailles.

Pour vaincre définitivement l'impérialisme, les travailleurs soviétiques doivent renverser la bureaucratie ré­actionnaire dirigeante et présenter aux peuples du monde en­tier leur véritable visage prolétarien.        

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Contre la guerre impérialiste mondiale actuelle, la IVème Internationale lutte avec les mots d’ordre suivants :

Contre la politique chauvine et impérialiste des partis "socialistes" et "communistes" qui divise les travailleurs et sert les intérêts de la bourgeoisie, VIVE L'INTER­NATIONALISME OUVRIER !

A BAS LES "BUTS DE GUERRE" IMPERIALISTES, la Charte de l'Atlantique, "l'ordre nouveau", etc... VIVE LE DROIT DE TOUS LES PEUPLES A DISPOSER D'EUX-MEMES jusque et y compris la séparation de l'État qui les opprime !

A BAS LA DIPLOMATIE ET LES PACTES SECRETS !

DÉFENSE DE L'URSS en tant qu'Etat ouvrier PAR LA VICTOIRE DE L'ARMEE ROUGE ET LA REVOLUTION PROLETARIENNE dans tous les pays impérialistes (Allemagne, Angleterre, France, etc...).

DÉFENSE DE LA CHINE en tant que pays semi-colonial contre le Japon, PAR LA VICTOIRE DE L'ARMEE CHINOISE ET LA REVOLUTION PROLETARIENNE AU JAPON et dans le monde. DÉFENSE DE TOUTES LES COLONIES ET SEMI-COLONIES CONTRE L'IMPERIALISME QUI LES OPPRIME : de l'Inde contre l'Angleterre, de l'Afrique contre les impérialismes alliés, etc...

A bas l'autarchie européenne de "l'ordre nouveau", à bas la main-mise du capital américain sur l'Europe, VIVENT LES ÉTATS-UNIS SOCIALISTES D'EUROPE ! Seuls les Etats-Unis socialistes assurent la véritable égalité, entre les nations, grandes ou petites.

Contre la domination du monde entier par deux grandes puissances, VIVENT LES ETATS-UNIS SOCIALISTES DU MONDE !

LA LUTTE DES TRAVAILLEURS FRANÇAIS CONTRE LA GUERRE

La déclaration de guerre en Septembre 1939 et la mobi­lisation, la censure, la défense passive, les réquisitions et la répression qui l'ont marquée, ont réveillé dans les masses la méfiance et l'hostilité contre les dirigeants capi­talistes : les travailleurs n'avaient pas oublié les leçons de la première. guerre impérialiste, les misères et les souf­frances qu'ils avaient endurées pour le seul bénéfice de la bourgeoisie.

Mais la lutte des masses contre les mesures de dicta­ture et de terreur de Daladier et Reynaud (camps de concen­tration, emprisonnements de milliers de militants ouvriers, dissolution du PC et des groupements internationalistes, mi­se au pas des syndicats, peine de mort pour la propagande communiste) ne trouva pas un guide dévoué exclusivement aux intérêts des travailleurs : la politique du PC obéissait aux intérêts diplomatiques de la bureaucratie soviétique, et ses tournants décontenançaient périodiquement les masses et les militants. Quant aux éléments internationalistes, ils étaient trop faibles numériquement pour exercer une influence effi­cace.

C'est pourquoi, bien que favorable à la révolution, l'attitude des masses (qui repoussèrent d'instinct l'idéolo­gie nationaliste-"démocratique" ou fasciste) ne provoqua pas la chute de la bourgeoisie. Quand l'impérialisme français chancela sous les coups de l'impérialisme allemand, la clas­se ouvrière, sans direction, ne songea pas à créer les orga­nes d'un Etat ouvrier (Conseils d'ouvriers et soldats), et mais se dispersa sur les routes de France...

L'exode mit fin pour les masses à l'expérience de la guerre "démocratique". Mais la défaite de l'impérialisme français ne mit pas fin à la guerre. LA GUERRE NE FAISAIT QUE COMMENCER et prit un développement mondial pesant de plus en plus lourdement sur les couches populaires du monde entier. L'économie des pays mêlés à la guerre fut soumise à une rude épreuve. Toutes les ressources furent raflées en vue de la guerre.

Le pillage de la France par l'impérialisme allemand im­posa aux masses une série de souffrances inouïes qui plongè­rent brusquement le peuple français dans des conditions de vie insupportables.

Mais comme la guerre sous la conduite de nos propres impérialistes (la "drôle de guerre") n'avait pas eu le temps d'engendrer des maux à une si grande échelle, l'état d'esprit, des masses changea par rapport à celui du début de la guerre : les malheurs qui s'abattaient sur le peuple français n'étaient pas dus à la guerre elle même, à la GUERRE TOTALE, dans laquelle victoire ou défaite engendrent les mêmes maux, mais à l'occupation étrangère, aux "Boches". Les masses cru­rent d'autant plus facilement les slogans venus de Londres, qu'à partir du début de la guerre entre l'URSS et l'impéria­lisme allemand le Parti "communiste" se mit à tenir le même langage que les impérialistes alliés.

Voilà comment aujourd'hui, après quatre années et demie de guerre la classe ouvrière se trouve complètement dépourvue d'une perspective propre et est à la remorque de la bourgeoi­sie pour une soi-disant. guerre de "libération".

Que vaut cette politique ? Pour la classe ouvrière, c'est accepter les pires souffrances non pas pour changer dé­finitivement l'ordre des choses, mais dans l'espoir de reve­nir à la situation qui a précédé la guerre et qui nous y a menés.

Cependant, quelles seraient les conditions économiques et politiques créées par une victoire alliée ? Peu de tra­vailleurs se font des illusions sur les capitalistes anglais et américains. Mais ils espèrent que leur victoire détermine­rait une amélioration de leur niveau de vie et ramènerait le respect des libertés ouvrières.

Mais cette guerre, comme la première, est une guerre impérialiste pour le repartage du monde entre les groupes financiers et pour renforcer l'exploitation capitaliste sur les masses. Si les capitalistes anglais et américains luttent contre l'Allemagne impérialiste ce n'est pas pour les peuples, mais pour évincer un concurrent. Ce concurrent n'est pas l'Al­lemagne seule, mais l'industrie, le capital financier euro­péen (l'Allemagne, la France, l'Italie, la Hollande, la Bel­gique, etc..).

Cela signifie que les conditions économiques instaurées par "l'ordre nouveau" (appauvrissement de tous les pays européens au profit des capitalistes allemands) seraient mainte­nues et aggravées par une victoire des impérialistes alliés.: l'Europe entière réduite à la portion congrue constituerait pour les États-Unis un "hinterland" économique.

En effet, à eux seuls, les États-Unis, dont la production dans les principales branches représente de 60 à 80 % de la production mondiale, regorgent de capitaux et ont besoin du monde entier pour résoudre leurs propres contradictions économiques et sociales. C'est pour cela que leurs dirigeants les ont précipités dans la guerre. C'est donc s'exposer à de terribles désillusions que de croire que les États-Unis, où le chômage atteignit à un moment donné 12 à 13 millions d'hommes – 10% de la population totale ! – et où les "marches de la faim", le vagabondage et toutes les tares politiques et sociales (persécution des Noirs, associations secrètes du type fasciste bien avant la naissance de Hitler) ont marqué plus que partout ailleurs la décomposition du capitalisme, peuvent assurer la prospérité de l'Europe.

La ruine irrémédiable de l'Europe peut bien soulager partiellement le capitalisme américain par l'écoulement d'une partie de ses produits industriels sur le continent dévasté. Mais les masses européennes plongées dans la misère, resteront devant l'abondance américaine sans avoir les moyens nécessaires pour payer.

Et dans ces conditions d'aggravation des contradic­tions économiques, la lutte sociale s'aggraverait aussi : il n'y aura pas de place pour les libertés ni pour un développement pacifique des organisations et des droits ouvriers.

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Comment l'ouvrier conscient doit-il donc orienter la lutte des travailleurs contre la guerre et le capitalisme ?

Les aspirations profondes des masses, après quatre ans et demi de guerre, de misère et de terreur politique de la bourgeoisie, sont la PAIX, le PAIN et la LIBERTE. Il s'agit d'orienter ces aspirations des ouvriers, de la population pauvre des villes, et des petits paysans VERS DES SOLUTIONS PROLETARIENNES, seules capables de les réaliser.

Le souci quotidien des travailleurs, c'est le pain. La lutte des ouvriers pour le pain doit être menée avant tout dans les usines, par une lutte pour l'augmentation des salaires. Il faut à chaque occasion tendre à l'unification des mouvements revendicatifs, éviter que les ouvriers des diffé­rents ateliers présentent isolément leurs revendications. C'est la grève qui constitue l'arme essentielle de la lutte revendicative. ET LA LUTTE GRÉVISTE POUR L'AUGMENTATION DES SALAIRES CONSTITUE EN MEME TEMPS UN DES MOYENS LES PLUS EFFICACES DE LUTTE CONTRE LA MACHINE DE GUERRE.

Mais la situation des ouvriers et des masses laborieu­ses ira toujours en s'aggravant (jusqu'à la famine) si le ravitaillement continue à se faire par les voies actuelles. Les liens entre la ville et la campagne ont été rompus par la guerre. Les réquisitions de l'armée d'occupation et l'accaparement du trafic par les gros requins du marché noir avec la complicité des organes d'Etat, grugent les petits paysans et affament les villes. C'est la tâche directe des mas­sas exploitées de la ville et de la campagne de rétablir les liens économiques entre elles. Le seul moyen d'améliorer la situation alimentaire est donc LE CONTRÔLE DU RAVITAILLEMENT PAR LES COMITES D'USINE (élus par les ouvriers) ET PAR LES COMITES DE QUARTIER (élus par les ménagères).

Mais une solidarité définitive entre la ville et la campagne ne peut être établie que si les travailleurs peuvent fournir aux paysans, en échange des produits alimentaires, des produits industriels qui leur sont indispensables.

Les travailleurs doivent dénoncer à toute la population paysanne et pauvre l'incapacité et la bestialité de la bour­geoisie qui a ruiné le pays pour maintenir sa domination. Ils doivent leur expliquer que seul le PLAN OUVRIER, qui orienterait l'industrie vers les véritables besoins des populations (des tracteurs agricoles et non pas des tanks !) peut mettre un terme aux maux actuels. Ils doivent donc mettre en avant la revendication du RETOUR AUX FABRICATIONS DE PAIX et du CONTROLE OUVRIER SUR LA PRODUCTION.

Or toute tentative d'arracher à la bourgeoisie le morceau de pain quotidien doit inévitablement se heurter aux organes de répression de l'impérialisme français et allemand. C'est pourquoi une lutte sérieuse pour le pain pose au pre­mier plan la lutte politique pour le renversement du régime de Vichy et de la Gestapo.

Les travailleurs doivent mettre en avant la lutte pour la reconquête des droits de grève, de réunion, d'association et de presse.

Une telle perspective exige une politique internationaliste visant à obtenir l'appui ou la neutralité des soldats allemands, sans lesquels il n'est pas possible de renverser le régime PAR LES FORCES PROLETARIENNES ET AU PROFIT DES OPPRIMES.

Mais la lutte contre la dictature politique de la bourgeoisie exige la CREATION DE MILICES OUVRIERES EN VUE DE L'ARMEMENT DU PROLETARIAT. Cette tâche peut être réalisée par les travailleurs à condition qu'ils se pénètrent de la nécessité de ne compter que sur eux-mêmes et de ne pas faire confiance à la bourgeoisie française et alliée.

La réalisation de l'armement du prolétariat peut faire un grand pas en avant si les travailleurs réfractaires réfugiés dans le maquis, déjà partiellement armés, parviennent à se soustraire au contrôle de l'impérialisme gaulliste et al­lié par l'élection démocratique des chefs.

L'orientation de la lutte en ce sens n'a pas une importance vitale seulement pour le présent : Il s'agit avant tout de préparer l'avenir.

En effet, dans les conditions crées par la guerre et désagrégation de l'économie, tout gouvernement qui s'appuierait sur les organes de l'État bourgeois (corps des officiers, police, haute administration, haute magistrature), se comporterait automatiquement (quelle que soit sa phraséologie) comme celui de Vichy. A travers les luttes pour les objectifs immédiats, les travailleurs conscients doivent donc lutter CONTRE LES ILLUSIONS DU PARLEMENTARISME et APPELER A LA CREATION D'ORGANES VERITABLEMENT DEMOCRATIQUES, LES CONSEILS (SOVIETS) OUVRIERS ET PAYSANS, élus à l'échelle locale, régionale et nationale par les masses en lutte contre l'Etat bourgeois.

S'appuyant sur ces Comités, le Gouvernement ouvrier et paysan est le gouvernement du peuple par le peuple lui-même. Seul il peut résoudre les problèmes posés par la guerre ; seul il peut punir les criminels qui ont plongé la France dans la IIème guerre mondiale, qui ont détruit les organisations et les libertés ouvrières, qui ont organisé la déportation en Allemagne et fait emprisonner, torturer et tuer des dizaines de milliers de militants ouvriers.

SEULE LA DICTATURE DU PROLETARIAT PEUT ASSURER AUX MASSES LE PAIN, LA PAIX ET LA LIBERTÉ !

A BAS LA REPUBLIQUE "DEMOCRATIQUE" ! VIVE LA REPUBLIQUE SOVIÉTIQUE !

LA NOUVELLE INTERNATIONALE

Comme nous l'avons vu, les conditions économiques de notre époque rendent nécessaire une lutte prolétarienne uni­fiée à l'échelle internationale. Les travailleurs d'un pays ne peuvent en aucune façon séparer leur sort des ouvriers des autres pays. Cela, non seulement en vue de l'émancipation sociale par le socialisme, mais même simplement du point de vue de la lutte économique quotidienne des ouvriers. Le niveau de vie des travailleurs de France, de Belgique, d'Allemagne, de Hollande, etc... a son influence sur le niveau de vie des travailleurs de Grande-Bretagne, de même que le niveau de vie des travailleurs de Grande-Bretagne, d'Allemagne, etc... a ses répercussions sur les travailleurs de France et ainsi de suite.

Il faut donc à la classe ouvrière un Etat-Major international : l'INTERNATIONALE. Mais successivement les travailleurs, entre 1914 et 1933, ont assisté à l'écroulement de la IIème et de la IIIème Internationale. Aussi beaucoup d'ouvriers se demandent-ils avec inquiétude : à quoi bon une nouvelle Internationale ? Ferait-elle mieux que les précédentes ? Faudra-t-il toujours recommencer ?

Mais la faillite des vieilles internationales n'a rien de décourageant. Aussi longtemps que le capitalisme n'est pas définitivement renversé, les organisations créées par le prolétariat en vue de la lutte contre la bourgeoisie s'usent dans le combat ; il faut alors en créer de nouvelles.

La IIème et la IIIème Internationale ont laissé derrière elles une œuvre durable. La IIème Internationale a répandu la doctrine socialiste parmi des millions d'ouvriers du monde entier, enracinant ainsi pour toujours la doctrine marxiste comme théorie du mouvement ouvrier. Quant à la IIIème Internationale, elle a montré, leçon irremplaçable, comment on renverse la bourgeoisie et a créé une économie planifiée sur 1/6 du globe. A la IVème Internationale incombe d'achever le travail de la IIème et de la IIIème Interna­tionale en instaurant LA DICTATURE DU PROLÉTARIAT ET LE SOCIALISME DANS LE MONDE ENTIER.

Que les fatigués et les sceptiques, restent à l'écart les jeunes et les militants ouvriers qui ne veulent. pas capituler devant l'impérialisme se mettront à l'école des idées de la IVème Internationale.

Il faut reconstituer de nouveaux partis ouvriers communistes, sections de la IVème Internationale dans chaque pays. Déjà des milliers d'ouvriers sur tous les continents, dans  presque tous les pays, de l'URSS à l'Amérique, et de l'Afrique à la Chine, luttent sous le drapeau de la IVème Internationale.

Car l'avant-garde prolétarienne n'est pas faite de militants indépendants de la classe ouvrière. LE PARTI OUVRIER EST L'ŒUVRE DE LA CLASSE OUVRIERE ELLE-MEME, qui se regroupe et prend conscience de sa force et de ses tâches. Dès maintenant, les ouvriers doivent surmonter les terribles condi­tions dans lesquelles ils vivent et trouver le temps nécessaire pour se consacrer au travail politique révolutionnaire. Dans la confrontation de leurs idées et de leur action, ils feront leur propre éducation démocratique, exerceront leur esprit critique et choisiront les meilleurs d'entre eux pour coordonner leur action et multiplier les liaisons sur une échelle de plus en plus large.

La classe ouvrière a pour elle le nombre, la place indispensable qu'elle occupe dans la production, et l'incapacité de la bourgeoisie de faire vivre plus longtemps la société. De plus "SA LIBERATION EST CELLE DE L'HUMANITÉ ENTIERE"

Celle-ci se trouve aujourd'hui devant cette unique alternative : ou bien LA BARBARIE, c'est-à-dire que le prolé­tariat sera incapable de remplir sa mission historique et alors "le sang et les sueurs des classes laborieuses coule­ront éternellement dans les vases d'or d'une poignée de riches odieux" (Babeuf), ou bien LE SOCIALISME, c'est-à-dire que le prolétariat SOUS LA CONDUITE DE SON PARTI QU'IL FORGERA A TRAVERS SES EPREUVES, accomplira sa mission par la révolution socia­liste qui, une fois commencée, se répandra d'un pays à l'au­tre avec une force irrésistible ; dans ce cas : "Par l'exem­ple et avec l'aide des nations avancées, les nations arrié­rées seront emportées aussi dans le grand courant du socia­lisme. Les barrières douanières entièrement pourries tombe­ront. Les contradictions qui divisent le monde entier trouveront leur solution naturelle et pacifique dans le cadre des Etats-Unis socialistes, en Europe comme dans les autres parties du monde. L'HUMANITE DELIVREE S'ELEVERA JUSQU'A SA PLEINE HAUTEUR". (Trotsky).