L
A G R A N D E P E U R DE
LA
B O U R G E O I S I E
Le patronat n'a pas osé
relever le défi des travailleurs, bien décidés
à
faire grève le 1er mai. Depuis le début de la guerre, au
nom de la "défense nationale" ou "du socialisme national", la
bourgeoisie
avait imposé aux travailleurs l'abandon de leur journée.
Mais, cette fois, la peur que le mécontentement accumulé
depuis cinq ans parmi les masses travailleuses ne resserre leurs rangs
en un vaste mouvement, à l'occasion de leur journée
traditionnelle
de lutte, a obligé les patrons à reculer.
Si maintenant, la bourgeoisie
essaye, par une manoeuvre, de prendre sa revanche en faisant
récupérer
la journée chômée, les ouvriers riposteront par la
grève.
De toute façon,
la bourgeoisie a reculé, mais on ne saurait semer l'illusion
qu'elle
a reculé devant une attaque ouvrière
décidée
à aller jusqu'au bout. Les ouvriers ont subi trop de
défaites
pour se relever d'un seul coup. La guerre et l'occupation, l'absence
d'organisations
légales et d'une direction prolétarienne ont
plongé
la classe ouvrière dans une situation sans
précédent
: dans ces conditions, les luttes ouvrières ont un
caractère
défensif qui se caractérise par l'irrésolution de
la grande masse, malgré la combativité d'une importante
minorité.
Les travailleurs sont encore loin d'avoir une confiance
inébranlable
dans leurs propres forces ; c'est pourtant cette confiance, issue d'une
série de combats victorieux à partir du 12 février
1934, qui a permis la grève générale victorieuse
de
juin 1936. Pour en arriver là, les ouvriers devront encore
faire,
dans l'action, une série d'expériences de leur force.
C'est
aux ouvriers conscients qu'il appartient de préparer la classe
ouvrière
à l'offensive victorieuse contre la bourgeoisie, en tirant la
leçon
de ce 1er mai.
Le 1er mai 1944, en prévision
d'une résistance ouvrière
généralisée,
la bourgeoisie a préféré céder. La
signification
de ce fait est très importante : la bourgeoisie est
ébranlée,
désunie, incertaine de l'avenir ; elle réalise pleinement
combien sa situation est précaire et reconnaît la classe
ouvrière
comme une force, avant que celle-ci en prenne conscience
elle-même.
Malgré la confiance de façade qu'elle proclame par la
bouche
de ses valets Déat et Cie, la bourgeoisie a une grande peur.
Après
bientôt cinq années de guerre, la domination de l'Etat
français
est complètement ébranlée. Il n'a plus d'autre
appui
direct que les mercenaires payés pour la sauvegarde du
régime
de Vichy. Sa faiblesse est extrême devant la situation
créée
par la résistance acharnée des masses travailleuses, par
suite de la scission des organes de l'Etat en deux fractions qui se
combattent
(pro-alliée et pro-allemande).
L'armée d'occupation
était jusqu'à maintenant le seul appui sérieux au
régime de Vichy. Mais ce qui constituait hier une arme
sûre
entre les mains des oppresseurs de l'Europe, n'est plus aujourd'hui
qu'un
instrument dangereux. Car l'armée allemande, comme toutes les
armées
impérialistes, est formée d'ouvriers et de paysans
encadrés
par le corps des officiers et dressés par une stricte discipline
militaire. Et le prolongement inouï de la guerre, les mensonges
devenus
évidents, les souffrances terribles qui les accablent, dressent
inévitablement les travailleurs-soldats allemands contre leurs
officiers
et la bourgeoisie. Il y a donc grand danger à les employer
contre
d'autres travailleurs quand il s'agit de conflits entre ouvriers et
patrons.
Si pourtant une menace
de ce genre existe aujourd'hui contre les travailleurs français
c'est parce que les social-chauvins, par leur action "anti-boche", ont
fait croire aux travail-leurs-soldats allemands et aux travailleurs
français
qu'ils sont des ennemis. Ils ont ainsi bafoué tous les
enseignements
prolétariens de la première guerre impérialiste de
14-18 ; en em-pêchant l'union des travailleurs français
avec
les travailleurs-soldats allemands contre la bourgeoisie, ils ont
aidé
les capitalistes -et en premier lieu ceux de Vichy et de Berlin-
à
perpétuer la guerre.
Cependant, dans la situation
sans issue où se trouve l'armée allemande depuis les
défaites
de Hitler en URSS, la politique d'union entre les exploités
aurait
inévitablement rallié les travailleurs-soldats allemands.
Les social-patriotes qui
"ajournent" la lutte contre notre propre bourgeoisie pour après
la "libération" mentent.
Il est évident
que, quelles que soient les péripéties de la guerre, ce
n'est
que par la fraternisation entre soldats et ouvriers que les
travailleurs
pourront mettre fin à la guerre et aux malheurs qu'elle leur
apporte,
par leur victoire sur la bourgeoisie. "Nationale" ou
"étrangère",
l'armée est toujours un instrument aux mains des capitalistes
(qu'on
se rappelle le rôle joué chez nous par l'armée
comme
briseuse de grèves en novembre 1938). Le débarquement
allié
poserait donc toujours à la classe ouvrière ce même
problème : gagner, sous la menace d'une terrible
répression,
les soldats anglais, américains et les troupes gaullistes et
coloniales,
qui encadrés par leurs officiers, garderaient les usines de la
même
façon que les soldats allemands. Pourtant, la situation serait
alors
bien plus difficile, car la bourgeoisie ne manquerait pas de faire
prendre
aux soldats la victoire alliée pour leur propre victoire, et en
ferait ainsi des ins-truments dociles de sa politique contre les
ouvriers
!
Par conséquent,
suivre jusqu'au bout la politique non-prolétarienne
"anti-boche",
c'est ajourner pour de longues années tout rapprochement des
travailleurs
des différents pays. Ce n'est donc pas préparer pour
l'avenir
de meilleures conditions de lutte, c'est mener la classe
ouvrière
à une impasse.
° ° °
La bourgeoisie
n'est pas
bien en selle. Elle a peur d'une action de classe unifiée,
concertée,
du prolétariat ; telle est la grande leçon du 1er mai
dernier.
Toute la faiblesse de la classe ouvrière est de ne pas
réaliser
clairement sa propre force en face de la faillite de la bourgeoisie.
C'est
donc le moment d'en finir avec "il n'y a rien à faire, attendons
le moment favorable". Il faut combattre le poison chauvin et lutter
pour
une politique internationaliste. C'est aux ouvriers avancés de
défendre
cette politique au sein de la classe ouvrière. Ils ne le peuvent
qu'en s'organisant et en se concertant sur la politique à mener.
Sans une politique concertée, la classe ouvrière ne peut
pas vaincre.
A BAS L'ATTENTISME ! CONTRE
LA BOURGEOISIE AUX ABOIS, SERRONS LES RANGS DES TRAVAILLEURS.
PROLETAIRES
DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS !
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P
R O P O S DE L' O U V R I E R ..
Nos pères
sont revenus
en 1918 et s'étaient juré qu'on ne reverrait plus cette
affreuse
chose qu'est la guerre. Après quatre ans dans les
tranchées,
ils savaient ce que valaient tous les slogans de la bourgeoisie que les
social-chauvins se plaisaient à répéter
jusqu'à
satiété : droit des peuples, défense de la
civilisation,
etc.. Aux Allemands on avait promis la victoire qui devait leur
apporter
une ère de prospérité : ils eurent la
défaite
et le standard de vie du peuple allemand baissa
considérablement.
Aux anciens combattants français victorieux, Clémenceau
avait
dit "ils ont des droits sur nous". Leurs droits : ils
touchèrent,
oh dérision, un complet à la démobilisation et
rentrés
chez eux vieillis et malades, ils durent se mettre au travail pour
réparer
les désastres de la guerre. "C'est l'Allemagne qui paiera" : en
fait c'est le peuple fran-çais qui paya pour la reconstruction,
et le peuple allemand dut payer lui aussi, mais ce fut pour emplir les
poches de la bourgeoisie. Vingt ans après on a remis ça
et
la bourgeoisie a em-ployé les mêmes tromperies et le
peuple
une fois de plus a été roulé.
Les partis dits ouvriers
une fois de plus se vautrent dans l'union sacrée, profitent de
la
confiance que leur accordent les masses en bafouant leurs anciens
mots-d'ordre
qui leur ont fait gagner cette confiance, en se mettant servilement aux
ordres de leur propre bourgeoisie. Cette trahison des social-patriotes
a fait considérablement baisser la foi des ouvriers en la
Révolution.
Mais le peuple en a marre
de la guerre, il en a assez qu'on lui réclame toujours des
sacrifices
sur de vagues promesses jamais tenues. Après la guerre, tous
ceux
qui auront eu la chance de sauver leur peau devront s'estimer bien
heureux
et ils devront bien, pour s'excuser de n'être pas tombés
héroïquement
sur les champs de bataille ou sous les bombardements, se mettre
à
travailler d'arrache-pied pour reconstruire ce que la barbarie aura
détruit.
C'en est assez des paroles
et des slogans patriotiques : "Les ouvriers n'ont pas de patrie" !
(Marx).
Ils doivent s'unir par dessus les frontières. Les ouvriers ne
doivent
pas être hostiles aux soldats, ou les aider dans la guerre
impérialiste.
Ils doivent fraterniser avec eux, quel que soit l'uniforme, contre la
guerre,
contre l'impérialisme. Pour cela il faut gagner leur confiance
par
une politique de classe et non pas s'opposer à eux pour des
oriflammes
nationales. OUVRIERS, PAYSANS ET SOLDATS, DEBOUT FACE A LA BOURGEOISIE
!
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A
L E R T E A L' O F F E N S I V E
P
A T R O N A L E !
L'une après
l'autre
les plus grandes usines de la région parisienne, Gnome et
Rhône,
Farman, Citroën et beaucoup d'autres, viennent d'instituer la
pratique
de la mise à pied "temporaire" d'une partie ou de tout le
personnel
(3900 chez Renault). Partout on ne parle que de mises à pied, de
chômage partiel (33 h. par semaine), de travail de nuit
généralisé,
ce qui n'empêche pas d'envisager déjà la
récupération
de la journée du 1er mai. Pendant ce temps ont repris les rafles
pour l'Allemagne et le recensement des jeunes (classe 45).
Les prétextes sont
multiples : manque d'électricité, manque de
matières
premières, désorganisation des transports, etc. Pour le
moment
les ouvriers mis à pied doivent recevoir 75% de leur salaire.
Pourtant toutes ces mesures
diverses qui coïncident et qui toutes sont dirigées contre
le niveau de vie et les conditions des ouvriers ne sauraient être
justifiées à nos yeux par les contre-coups des
événements
militaires sur l'approvisionnement de l'industrie (les capitalistes
"ordonnés"
ont-ils oublié de faire des stocks ?), ni même par la
cessation
éventuelle de la production de matériel de guerre en
perspective
d'une défaite allemande.
Car il est clair que ces
messieurs du Comité des Forges, qui prétendaient faire
travailler
les ouvriers 54 et 60 heures "pour l'Europe" et pour "l'ordre nouveau",
ne se gêneront pas pour les jeter dehors quand leur guerre ne
pourra
plus leur rapporter de super-bénéfices. Ils n'ont
certainement
pas l'intention de nous payer longtemps à 75% (le salaire
intégral
ne permettait déjà pas de joindre les deux bouts) pour
bêcher
notre jardin : et si vraiment il n'y a plus de travail, pourquoi
parle-t-on
de récupérer le 1er mai, pourquoi les usines ouvertes
travaillent-elles
de nuit ?
Il est clair que ce ne
sont que des escarmouches d'avant-garde. Le patronat sent approcher le
moment critique ou l'armée allemande décomposée ne
pourra plus maintenir l'ordre ; et, puisqu'il peut le faire sans nuire
à la production de guerre, il veut nous jeter au chômage,
nous obliger à partir en Allemagne, nous démoraliser par
la misère et nous disperser, comme en juin 1940.
Mais la classe ouvrière
ne doit pas subir un nouveau juin 1940. Contre cette offensive du
patronat
les ouvriers ne peuvent pas lutter par des mouvements locaux : ils
doivent
préparer la grève générale. La classe
ouvrière
manque en ce moment d'une direction à elle, capable d'unifier
l'action
des travailleurs.
C'est aux ouvriers conscients
(conscients
qu'il s'agit de la vie et de la mort de la classe ouvrière) de
créer
un réseau clandestin de liaisons inter-usines ; la tâche
de
ces organismes est de guider les travailleurs dans leurs luttes
partielles
(salaires, cantines, etc..) et d'assurer une action concertée en
cas de danger généralisé (mise à pied,
déportations,
etc..). Partout où la masse entre en lutte ouverte, les ouvriers
avancés doivent préconiser l'élection par la masse
en lutte de comités (comités de grève,
comités
d'usine, co-mités locaux et régionaux, etc..) ; en vue
d'assurer
à ces luttes unifiées une direction élue par les
ouvriers.
Désormais, tout
ouvrier avancé doit se considérer comme mobilisé
pour
maintenir la classe ouvrière en état d'alerte permanente.
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Q
U I E X P R O P I E R A LES T R U S
T S ?
Dans son discours du 1er
mai, Déat dit que "les voies de la gestion économique
sont
ouvertes à la classe ouvrière" (par la Charte du
travail).
Il ajoute cependant : "Certes, tout n'est pas pour le mieux et
l'économie
dirigée peut l'être très mal. Elle peut même
l'être dans le sens d'intérêts particuliers". Nous
n'avions
pas besoin que Déat nous le dise. Nous savions, en effet que "la
participation des ouvriers à la gestion économique" n'est
qu'une promesse gratuite des valets de la bourgeoisie, et que
l'économie
dirigée "dirige" des profits dans les poches des capitalistes et
des trusts ("les intérêts particuliers").
Mais voilà qu'à
l'occasion
du même 1er mai, un autre serviteur du régime capitaliste,
le général De Gaulle, déclare : "Il n'y aura pas
demain
pour nous de prospérité si l'économie n'est pas
fortement
dirigée... Dans l'économie nationale française le
rôle du travail organisé sera devenu capital ; ...il
faudra
associer les ouvriers à la gestion des entreprises".
Et pour ne pas oublier
un troisième compère, rappelons que récemment,
à
la suite des grèves italiennes, Mussolini a sorti un projet de
"socialisation"
des industries et de "participation" des ouvriers aux
bénéfices
(sic).
Mais pourquoi cette démagogie?
C'est encore eux qui l'avouent
: les ouvriers se rendent compte "que les redoutables
problèmes...
qui se poseront dès la fin des hostilités ne pourront
être
maîtrisés que par les seules méthodes socialistes".
Oui, les ouvriers se sont
rendu compte de la malfaisance du régime capitaliste ; ils ont
vu
à la lumière des misères que leur inflige la
guerre
que celle-ci, oeuvre des trusts, augmente leurs bénéfices
et sert leurs intérêts. Ils veulent en finir avec ce
régime.
Et alors, de tous les côtés, les monopoleurs paient des
porte-parole
pour tranquilliser la classe ouvrière en lui disant :
"rassurez-vous,
tout va changer... les patrons vous admettront à la gestion de
leurs
en-treprises. Quant à nous, nous dirigerons l'économie au
profit de toute la nation".
Ce qui n'empêchera
pas De Gaulle, quand il aura fait la relève de
Déat-Pétain,
de dire : "Oui, l'économie est dirigée, mais elle l'est
malheureusement
dans le sens d'intérêts particuliers". Alors nous n'aurons
qu'à nous serrer la ceinture.
Car le noeud de la question
est là : les promesses passent, la propriété
reste.
Les entreprises continueront à appartenir aux patrons, c'est eux
qui les dirigeront, qui auront le droit de mettre les ouvriers sur le
pavé,
de fermer leur entreprise quand cela leur conviendra. Et c'est ainsi
que
des institutions dont la richesse est constituée par le travail
de tous, qui servent des intérêts vitaux d'une ou de
plusieurs
nations, les mines, les chemins-de-fer, les usines géantes,
verront
leur fonctionnement réglé d'après la baisse ou la
hausse des actions, d'après les profits et pertes de la Banque
de
Paris et des Pays-Bas, de la Société
Générale,
de la Banque Rockfeller et Morgan. Les Déat et les De Gaulle ne
peuvent évidemment pas parler de l'expropriation de ces gens qui
sont leurs maîtres.
Mais pour la classe ouvrière,
pour toutes les couches laborieuses, seule l'expropriation des
industries
vitales accaparées par les trusts, peut permettre la direction
de
l'économie d'après un plan d'ensemble dans
l'intérêt
de tous, par la gestion directe des usines par les ouvriers.
Le contrôle étatique
ne remédiera pas à la malfaisance des trusts, car l'Etat
est l'Etat des trusts. Les trusts ne donneront pas d'eux-mêmes
droit
de regard aux ouvriers dans leurs affaires, car ce serait signer leur
arrêt
de mort.
Ce sont les
ouvriers eux-mêmes
qui imposeront, par la lutte, le contrôle ouvrier sur les
entreprises,
par l'emprise de leurs délégués et comités.
Le contrôle ouvrier permettra aux travailleurs de
démasquer
devant le pays le brigandage de la bourgeoisie et de prendre en mains
les
leviers de direction accaparés par une infime minorité de
capitalistes, pour aboutir à leur expropriation. |