"L'ASPECT
ACTUEL DE LA LUTTE DES CLASSES"...
Après
quelques semaines
d'une offensive verbale contre la ploutocratie et les trusts, nous
assistons
aujourd'hui à une offensive réelle contre la classe
ouvrière.
De l'Humanité au Comité des Forges tout le monde
est
unanime pour poser des exigences aux travailleurs. Le Monde,
organe
du Comité des Forges, tombe d'accord avec Thorez qu'il cite dans
son numéro du 20/12 : "L'heure est celle du combat et du
travail".
La CGT lance aux ouvriers la formule : "Travailler d'abord, revendiquer
ensuite !"
Le bourgeois
voit cette
politique d'un oeil très favorable, car elle ne peut
qu'augmenter
ses bénéfices de guerre. Mais la classe ouvrière
la
voit d'un tout autre oeil.
Comment se
présente
pour celle-ci la situation ? L'arbitraire patronal règne dans
les
usines. Des augmentations de salaires, prélevées sur les
bénéfices de guerre, devaient avoir lieu ; mais
aujourd'hui
le ministre de la Production déclare : "Il ne faut pas se
laisser
aller à une politique de facilité (sic) dans la question
des salaires". Les bénéfices de la spéculation
devaient
être confisqués, mais l'emprunt, "opération des
banques", leur a garanti une rente perpétuelle. Le
chômage
sévit. Cependant, dans les usines on fait faire aux ouvriers des
heures supplémentaires, tandis qu'on projette d'envoyer les
chômeurs
parisiens en province. Les "nationalisations" devaient mettre fin
à
l'arbitraire capitaliste. Mais le gouvernement déclare : "un
transfert
de propriété ne peut être décidé par
une simple ordonnance de gouvernement" ! C'est-à-dire que les
ministres ne peuvent pas s'attaquer aux capitalistes. Les
"Comités
de gestion" ont été transformés en "Comités
consultatifs" et les délégués eux-mêmes se
plai-gnent
que leur rôle se réduit à celui de simples
gardes-chiourme
pour pousser à la production. Dans les domaines des transports,
de la répartition, du ravitaillement, tous les organismes qui
ont
pris naissance sous Vichy, c'est-à-dire pendant la guerre,
restent
en place favorisant scandaleusement les capitalistes et les
spéculateurs
au détriment des masses. Cependant dans les usines on a
liquidé
les comités d'épuration. Que reste-t-il des belles
phrases
sur le châtiment des traîtres, la parole au peuple,
l'expropriation
des trusts ?
Un tract de la
CGT dit
: "Gagner la bataille de la production, c'est l'aspect actuel de la
lutte des classes". Aspect actuel de la lutte des classes,
l'honteuse
attitude des bureaucrates ouvriers qui commandent aux ouvriers de se
dépenser
sans compter, tandis qu'ils savent bien que cela ne servira à
rien,
car "les vrais leviers de commande ne sont pas détenus par
les
ministres" mais par les capitalistes (Populaire 21/12) ? Aspect de
la lutte des classes que cette affirmation de l'Humanité que
ceux qui feraient grève -seul moyen de contrainte sur le patron-
sont des agents de la Gestapo, tandis que le 3 décembre elle
donne
en exemple une réunion de bureaucrates syndicalistes avec de
gros
industriels et financiers pour pousser à la production ? Aspect
de la lutte des classes ? Oui ! C'est l'aspect de la trahison des
social-patriotes
qui se mettent au service de la bourgeoisie, sous couleur de servir la
"nation".
"Il faut
mettre en
valeur les ressources de la nation". Mais la nation
connaît-elle
ses ressources ? Ce sont les capitalistes individuellement qui seuls
possèdent
et connaissent leurs ressources en matières premières, en
capitaux, en machines. Le capitaliste tient à sa merci les
ouvriers,
car si ses intérêts commerciaux ou autres le lui dictent,
il peut dissimuler ses ressources, camoufler les stocks, faire
émigrer
les capitaux. La fable du "bon patron" est inventée par les
traîtres
: chaque patron ne se guide pas d'après sa religion ou sa
bonté
d'âme, mais suivant ses intérêts capitalistes.
"Il faut
unir la ville
et la campagne". Mais n'est-ce pas les profits excessifs des
capitalistes
et les énormes faux-frais de l'anarchie capitaliste
(intermédiaires,
"répartiteurs") qui maintiennent les prix élevés
et
empêchent les échanges réguliers, quel que soit
l'acharnement
au travail des ouvriers et des paysans ?
Voilà
pourquoi
ce qui s'impose avant tout, c'est le droit au CONTROLE OUVRIER sur les
ressources économiques et leur répartition. C'est dans le
cadre de chaque entreprise, par les Comités d'usine
élus
dans des assemblées ouvrières générales,
que le contrôle ouvrier doit abolir le secret commercial et
industriel
du capitaliste.
Seul le
contrôle
ouvrier fera que le travail des ouvriers contribue à relever la
nation, c'est-à-dire à améliorer le sort des
travailleurs
et des paysans.
"Offrir ses bras
à
la nation" dominée par les capitalistes de droit divin, c'est
seulement
produire des bénéfices pour ceux-ci et perpétuer
la
misère et la guerre pour les masses.
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L'OFFENSIVE
ALLEMANDE
La nouvelle
offensive allemande
a jeté une grande inquiétude dans la population. Et le
gouvernement
de De Gaulle en prend prétexte pour prendre des mesures "de
défense"
anti-ouvrières (mobilisation, travail forcé)...
Cependant si la
perspective
d'un retour de l'occupation allemande n'est qu'un épouvantail
exploité
par la bourgeoisie, il n'en reste pas moins que l'impérialisme
allemand
prouve qu'il conserve des forces importantes et que malgré les
crises
précédentes, il n'y a pas de décomposition des
armées
du Reich.
A ce sujet le
New-York-Times
dit : ils devraient méditer cette leçon, "la multitude
des
publicistes qui alimentent la propagande de Goebbels avec leurs projets
particuliers sur le traitement à infliger à
l'Allemagne...".
Même un journal bourgeois est, comme on le voit, contraint de
dénoncer
les méfaits de cette propagande impérialiste, que nous
avons
dénoncée dans le n° 37 ("Les auxiliaires de
Goebbels").
C'est à l'Humanité qu'on a tout à fait
oublié
les articles de Cachin pour "un appel au peuple allemand"...
Mais une autre
question
se pose. Pourquoi les Alliés sont-ils aujourd'hui encore si loin
de la victoire ? Si les Alliés avaient été
vraiment
des démocrates, des libérateurs des peuples
occupés
par l'impérialisme allemand, qui peut douter que les flots de la
coalition alliée grossis démesurément par les
vagues
des peuples libérés d'Europe n'auraient submergé
une
puissance même triple de celle du Reich actuel ? Mais en
réalité,
les alliés eux-mêmes mènent une guerre
impérialiste,
"occupent" eux aussi les pays occupés auparavant par l'Allemagne
; non seulement ils ne peuvent pas utiliser les volontés libres
des travailleurs d'Europe pour en finir avec l'Allemagne
impérialiste,
mais ils maintiennent au contraire contre eux une partie très
importante
de leurs forces pour sauvegarder "l'ordre", c'est-à-dire la
propriété
capitaliste (voir en Grèce).
La coalition
alliée
lutte contre l'impérialisme allemand, mais pas pour la
libération
véritable des peuples. L'Angleterre et l'Amérique luttent
pour s'assurer, chacune pour elle-même le contrôle
économique
et politique des nations ; quant à l'URSS, les
intérêts
égoïstes de la caste bureaucratique la poussent à
utiliser
dans sa politique extérieure les mêmes méthodes
que l'impérialisme anglais et américain.
C'est ce
caractère
impérialiste et anti-démocratique de la coalition
alliée
qui provoque d'une part des conflits entre les peuples
"libérés"
et les occupants alliés, et d'autre part la méfiance
mutuelle
entre les "nations unies". Les rapports impérialistes de
l'économie
mondiale engendrent le regroupement continuel des forces en
présence.
Les événements de Pologne, de Belgique, de Grèce,
en révélant ces regroupements antagonistes dans
le
camp allié, ont grandement facilité l'offensive allemande.
Tant que la
révolution
ne détruit pas de l'intérieur les foyers
impérialistes,
chaque puissance impérialiste a la possibilité de mettre
en danger la paix, la sécurité et le bien-être des
nations. Toute l'histoire depuis 1914 démontre que ce n'est pas
en bandant ses forces, en faisant un dernier effort, en tenant "le
dernier
quart d'heure" pour la guerre impérialiste, que les masses se
délivreront
des menaces impérialistes. Cette guerre, disait De Gaulle, dure
depuis 30 ans. Donc, une nouvelle victoire en 1945, 1946 ou 1947, qui
laisserait
intacts les rapports impérialistes dans le monde, ne
mènerait,
tout comme celle de 1918, qu'à de nouveaux conflits. Cette
guerre
n'est pas une guerre de 30 ans, elle est la guerre permanente, dont
Trotsky
disait : "abandonnée à sa propre logique (se
résigner
à tous les plans des impéria-listes), la guerre mondiale
serait une méthode compliquée et très
coûteuse
de suicide de l'humanité. On pourrait obtenir les mêmes
résultats...
en enfermant l'humanité dans une cage de la grandeur d'environ 1
km3 et en plongeant cette cage dans un des océans."
Lever sur le
monde
un nouvel Octobre 17, c'est seulement dans cette voie que les
travailleurs
s'arracheront au dilemme funeste dans lequel les accule la bourgeoisie
: payer la victoire, payer la défaite. Les travailleurs doivent
apprendre en politique extérieure aussi à s'arracher aux
combinaisons de la bourgeoisie par une politique indépendante de
classe.
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"CAPITULATION
SANS CONDITIONS"
Cette formule qui a
tant
enthousiasmé les dupes de la politique impérialiste
alliée,
c'est aux travailleurs et paysans grecs d'en faire les premiers
l'expérience.
Le jour
même où
les journaux annonçaient une offensive allemande vers la
Belgique,
ils annonçaient également une offensive des troupes
anglaises
contre... la Grèce.
Malgré
les essais
de compromis de la part des ELAS par l'acceptation de leur
désarmement,
le général Scobie oppose le "prestige britannique",
c'est-à-dire
la volonté esclavagiste de l'Empire, et exige la "capitulation
sans
conditions".
"Si aucun
compromis n'intervient,
les ELAS poursuivront le combat, même sans espoir..." a
déclaré
le stalinien Prophyrogénis (Le Populaire 21/12). Avec la
politique des dirigeants staliniens, union avec les Daladier de la
démocratie
bourgeoise, il n'y a non seulement aucun espoir de victoire, mais
même
pas de compromis "démocratique" possible pour les travailleurs
grecs.
Car à notre époque de capitalisme pourrissant, la
"démocratie"
bourgeoise n'est que l'étouffement de la lutte des masses par
des
combinaisons politiciennes, jusqu'au moment où le fascisme est
suffisamment
fort pour établir la dictature ouverte de la bourgeoisie. Nous
l'avons
vu notamment en Espagne (1931-1939) et en France (34-1939). L'union
avec
les Daladier de la démocratie bourgeoise trahit, au nom de
l'ordre
bourgeois, la lutte des masses pour leurs objectifs réels (le
pain,
la liberté, la paix) et les voue ainsi à l'inertie et
à
la défaite.
Mais à
peine les
travailleurs grecs ont-ils reçu une leçon de plus au
sujet
des démocrates, que les chefs staliniens, hier encore membres et
soutiens du gouvernement Papaandréou, ont offert leur soutien
à
un autre "grand démocrate", cette fois-ci non plus un
socialiste,
mais un pope, le métropolite Damaskinos. Et voici ce que
déclare
le pope démocrate : "Cette rébellion n'est pas une
révolution
fondée sur une idée, mais c'est un coup de force d'une
minorité
d'extrême-gauche pour s'emparer du pouvoir" (Le Monde, 22/12).
La voie de la
victoire
des travailleurs grecs est dans l'union autour des ouvriers d'usine, de
toutes les petites gens et des paysans, trahis par tous les politiciens
bourgeois. Ils ne doivent pas laisser leur direction actuelle
"converser"
avec Scobie, pendant que celui-ci mène une lutte sans merci au
peuple
grec, mais s'adresser directement au prolétariat anglais,
à
tous les exploités d'Europe et du monde : au nom de la
révolution
prolétarienne ils obtiendront l'appui efficace de tous les
peuples
qui souffrent de la guerre et ploient sous la dictature bourgeoise,
"démocratique"
ou fasciste.
Les ouvriers
réaliseront
autour d'eux l'union de tous les exploités seulement s'ils se
montrent
capables de détruire l'exploitation capitaliste défendue
non seulement par les fascistes, mais aussi par les
"démocrates".
Dans cette voie, seule la IVe Internationale lutte pour la
"capitulation
sans conditions" du vieux monde pourri qu'aucune "démocratie" ne
peut plus rajeunir !
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UN
NOUVEAU PACTE FRANCO-SOVIETIQUE
Le pacte
franco-soviétique
a la même signification que tous les pactes en
général.
Il consacre, tant que le capitalisme domine le monde, un rapport de
forces
temporaire, un équilibre instable entre les puissances
signataires.
Quand les forces de celles-ci se modifient, quand leur orientation
politique
change, l'équilibre se rompt, l'ancien pacte est violé.
On
en signe un nouveau, bientôt violé à son tour.
Le pacte
Staline-De Gaulle
n'est pas une assurance de paix, pas plus que ne l'ont
été
le pacte Staline-Laval de 1935, ou le pacte germano-soviétique
de
1939.
Avant de
recevoir De Gaulle,
Staline soutenait le Comité allemand du général
prussien
von Paulus (le prisonnier de Stalingrad). Si la France
impérialiste,
qui actuellement a besoin de l'URSS pour s'affranchir un peu de la
tutelle
anglo-américaine, reprenait la politique du "bloc occidental"
(contre
l'URSS), Staline renouvellerait le pacte germano-soviétique avec
les représentants d'une Allemagne réactionnaire et
impérialiste.
Comme on ne peut
plus
berner les peuples au sujet d'une véritable paix en
régime
ca-pitaliste, les commentaires des journaux louent la sagesse de la
durée
du pacte : "C'est justement en effet dans vingt ans que le Reich,
redevenu
puissant, sera probablement de nouveau dangereux ; c'est à ce
moment
que l'alliance franco-soviétique prendra sa vraie valeur". (Le
Monde
19/12). Ainsi la guerre n'est pas finie que déjà elle se
prépare.
Cogniot dans l'Humanité
du 21/12 définit le pacte comme "sauvegarde de la paix future,
oui,
mais en même temps stimulant dans la guerre d'aujourd'hui". Seule
la deuxième affirmation est vraie. Comme le pacte
franco-soviétique
de 1935, l'alliance sert avant tout à la bourgeoisie
française
de noeud coulant pour s'opposer aux revendications ouvrières.
C'est
pourquoi la signature du pacte a été
précédée
par l'octroi à Thorez de la "grâce amnistiante" ;
celui-ci,
qui en 1939, désertait l'armée impérialiste
française,
reprend son travail de 1936, quand, pour rehausser la force
impérialiste
française conformément au pacte de 1935, il enseigna aux
ouvriers, pendant la grève générale
révolutionnaire
de juin 1936 qu'"il faut savoir finir une grève". Il demande
aujourd'hui
de 20 à 40 divisions, dans un pays épuisé et
dominé
par les mêmes 200 familles et les cliques politiciennes à
leur service.
Le pacte avec
l'URSS signé
par notre gouvernement bourgeois pour des visées
impérialistes
(annexion de territoires, participation au partage du butin, action
anti-ouvrière)
doit être dénoncé par les travailleurs, qui
opposeront
à la minorité de rapaces capitalistes, le traité
qui
"lie toute la race humaine des exploités" en une
solidarité
internationale de classe.
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OU
VA LA FRANCE ? (suite)
L'UNITE
DE COMBAT DE LA CLASSE OUVRIERE
La lutte contre
le fascisme
a donc comme première condition l'unité de combat de la
classe
ouvrière. Mais la classe ouvrière ne possède pas
d'organisation
politique unique. Elle est dirigée par des partis et des
fractions
ayant des principes et des méthodes d'action différents
et
prétendant chacun détenir seul le secret de la
délivrance.
Les principales tendances dans le camp ouvrier sont le
réformisme
et la tendance révolutionnaire, entre lesquelles se situent des
nuances intermédiaires. Dans les moments de "calme", ces
dernières
s'efforcent de réaliser une "synthèse" des deux
tendances,
mais dans les moments de crise, elles se situent le plus souvent dans
le
camp réformiste. La tendance réformiste et la tendance
révolutionnaire
se combattent avec acharnement, s'accusant réciproquement des
fautes
commises et des échecs.
Toute une
catégorie
d'ouvriers ayant le sain désir de l'unité se laisse
tromper
par le mirage suscité sur l'unité organique des partis
ouvriers,
qui permettrait à la classe ouvrière de n'écouter
qu'un seul guide.
Cependant
réformisme
et révolution n'expriment pas deux méthodes
différentes
pour arriver au même but, mais l'opposition
irréconciliable
entre les intérêts de classe des millions
d'exploités
et d'opprimés, et les intérêts d'une
minorité
ouvrière relativement bien payée et de mentalité
profondément
embourgeoisée. Détenant un grand nombre de postes de
responsables
dans les organisations ouvrières ou dans l'administration
bourgeoise
(syndicats, partis politiques, mairies, sièges de
députés,
etc.) cette couche domine habituellement l'action ouvrière,
l'empêchant,
la brisant quand elle menace de bouleverser le système qui leur
permet de s'élever au-dessus de leur classe : c'est ainsi qu'en
juin 1936 l'aristocratie ouvrière, représentée par
la bureaucratie syndicale et politique, parvint à arrêter
la poussée des millions d'ouvriers les plus exploités. Le
réformisme, en s'efforçant de sauvegarder les
intérêts
de l'aristocratie ouvrière élevée au-dessus de la
masse, défend donc l'ordre bourgeois (qui à son tour
en-gendre
le fascisme). L'unité envisagée par le PS et le PC ne
serait
qu'une assurance supplémentaire de la bureaucratie contre la
révolution
des masses. La révolution seule permet à ces
dernières
de renverser le capitalisme et couper ainsi la racine même du
fascisme.
Puisque la
division en
partis de la classe ouvrière provient de la différence
d'intérêts
existant en son sein et que ce n'est pas cette division en partis qui
crée
la différence d'intérêts, seule une forme
d'organisation
englobant directement toute la masse en lutte (et non pas
seulement
les militants des différents partis) peut unifier l'action de la
classe ouvrière. Cette forme d'organisation, ce sont les
Comités.
Dans les usines et dans les quartiers, les travailleurs, dans des
Assemblées
générales ou de masse, élisent des
délégués,
révocables à chaque instant, chargés d'exécuter
les mesures votées par les assemblées. Ces comités
exécutifs locaux envoient des délégués
à
la région, qui à leur tour déléguent des
responsables
na-tionaux. Ainsi se trouve créé un organisme groupant
dans
son sein les millions d'exploités en lutte sans nuire à
l'unité
d'action ; car ce sont les travailleurs eux-mêmes qui
déterminent
démocratiquement (à la majorité) la politique
à
suivre dans chaque question donnée. Chaque parti politique peut
ainsi faire la preuve de ce que valent pratiquement ses méthodes
d'action. Il ne s'agit plus d'étiquette ("réformiste" ou
"révolutionnaire"), mais de l'attitude devant des faits que les
masses touchent du doigt.
Ce n'est pas
à
tort qu'on a appelé les Comités (ou Conseils) ouvriers
des
"Parlements ouvriers". Chaque parti garde son entière
liberté d'agitation et de propagande parmi les masses, mais
dans l'action pratique il doit faire approuver sa politique par les
masses
groupées dans les Comités. Mais les Comités ne
sont
pas un organisme seulement légiférant, ils sont à
la fois délibératifs, législatifs et
exécutifs.
Les
Comités n'ont
pas de vertu en soi. C'est selon la politique qui triomphera en leur
sein
que se décidera le sort de la classe ouvrière. En voici
deux
exemples : en Russie en 1917, avec le triomphe dans les masses
soviétiques
de la politique bolchévique (révolutionnaire) sur la
politique
menchévique (réformiste), les Soviets (nom russe des
"Comités")
prirent en main tout le pouvoir et les capitalistes furent
renversés.
En Allemagne en 1918, ce fut la politique réformiste qui
triompha
dans les Conseils, grâce à la faiblesse politique de la
fraction
révolutionnaire ; les réformistes s'unirent en un Front
populaire
avec la bourgeoisie, transmirent tout le pouvoir des Conseils à
la bourgeoisie et menèrent finalement à leur liquidation.
Le sort de l'Allemagne fut décidé dans le sens fasciste
grâce
à la trahison réformiste.
Nous exposerons
donc la
prochaine fois le programme politique que la IVe Internationale propose
aux travailleurs révolutionnaires, pour qu'ils puissent soulever
les masses ouvrières et populaires contre la bourgeoisie, les
unifier
réellement dans des Comités d'action et concentrer tout
le
pouvoir, par la dictature du prolétariat, entre les mains de la
classe ouvrière.
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