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chronologie 1945 |
POUR UN PREMIER
MAI (15 et 19 avril
1945) Travailleurs, Versant leur
sang sur les champs de
bataille, subissant les bombardements et les déportations,
enchaînés à un
travail de bagne dans les usines, touchant des rations de famine, depuis
six
ans les classes laborieuses et pauvres portent seules sur leurs
épaules tout le
fardeau de la guerre. Depuis six ans
aussi, pour maintenir les
ouvriers dans cette situation, la bourgeoisie s'est employée
à instaurer un
régime de dictature, de silence et de soumission. Dans ce but,
par Daladier
puis par Pétain, la bourgeoisie a tenté de briser le
moral de la classe
ouvrière (ses traditions de lutte et d'indépendance)
en interdisant
toute manifestation anti-capitaliste, en premier lieu la manifestation
du 1er
mai, journée traditionnelle de la revue des forces travailleuses
depuis 1890.
Ainsi depuis 39-40, le 1er mai été supprimé par
Daladier (aidé par Jouhaux) et
tourné en dérision par Pétain, avec sa
"fête" du 30 avril. Et voilà
que cette année, qui pour
beaucoup d'ouvriers devait signifier enfin le retour à la
liberté, la fin de
leur soumission à la bourgeoisie, la direction de la CGT, en
prétextant la
guerre, prétend renoncer "librement" au caractère de
lutte et au
chômage traditionnel de la journée du 1er mai. Les fêtes
de la bourgeoisie, religieuses
ou chauvines, comme le 11 novembre, ont été
chômées sans que les dirigeants de
la CGT se soient inquiétés de "l'effort de guerre". Mais
le 1er
mai, fête du travail, fête de combat contre
l'esclavage capitaliste,
contre la misère et l'oppression, ils la sabotent. Devons-nous
abandonner le Premier Mai? "L'Union
nationale pour la
guerre", tel est le slogan de ceux qui ne veulent pas faire du 1er mai
une
journée ouvrière. Mais que nous a apporté "l'Union
nationale" et où
nous mène la guerre? Sous couvert
"d'Union
nationale", le gouvernement n'a jamais défendu que les
intérêts de la
bourgeoisie. Même les dirigeants de la CGT et des Partis
ouvriers officiels
sont aujourd'hui obligés de reconnaître que
vis-à-vis des classes travailleuses
le gouvernement de Gaulle continue, au service de la bourgeoisie, la
même
politique que Pétain. Augmentation de
tous les impôts indirects,
du prix des transports, des tarifs postaux, du prix du pain, qui a
doublé en
l'espace de 6 mois (de 3f7O à 7f4O), blocage des salaires par
rapport aux prix
toujours croissants, inflation, famine, voilà l'action
gouvernementale "en
faveur" des masses; tandis que les capitalistes et les banquiers voient
tous leurs profits et sur profits de six années de guerre
garantis par les
emprunts d'État et par l'accaparement de toutes les richesses
existantes! Nationalisation
du crédit, expropriation
des trusts? Pleven,
Mayer et leurs collègues n'y songent pas. Capitalistes et hommes
des trusts ils
le sont eux-mêmes. Et le gouvernement bourgeois provoque
ainsi délibérément
la ruine de la nation, plutôt que de toucher à un seul des
privilèges des
capitalistes! C'est pour cela
qu'au lieu de la liberté
tant attendue, nous subissons le régime de la toute-puissance
arbitraire des
Bureaux (l'administration "vichyssoise") et de la police.
"Parlons peu! Travaillons!" Voilà la consigne de de Gaulle.
Aussi les
ouvriers n'ont-ils pas le droit de dire ce qu'ils pensent, tandis qu'un
Bosc,
ancien préfet du Jura, qui a commandé lui-même des
expéditions contre les
réfractaires du STO, est aujourd'hui conseiller de la
Préfecture de la Seine! Mais la
bourgeoisie, comme le confirment
les récents complots, tout en se servant de l'administration de
la police
qu'elle contrôle entièrement, prépare en même
temps ses bandes mercenaires de
fascistes, de briseurs de grèves et de matraqueurs. À
ces bandes fascistes
de Gaulle et son gouvernement servent de paravent. Parce que, en
restreignant et en supprimant la liberté de la presse et de
réunion (remise en
vigueur de l'ordonnance vichyssoise de 1943), en interdisant les forces
ouvrières armées (dissolution des gardes), il
enlève la liberté d'action aux
ouvriers, sans entraver aucunement l'activité des fascistes
dont les moyens
de se réunir, de s'armer et de mener la propagande sont
assurés par l'appui
matériel des capitalistes et par la protection dont ils
bénéficient dans la
haute administration, la police et l'armée. Voici donc ce
qu'il en est de
"l'Union nationale"! Mais la guerre? Main-mise sur
les colonies, partage des
sphères d'influence, moyens d'arracher ces "sphères
d'influence" à
ceux qui le possèdent, que ce soient des "ennemis" ou des
"amis", investissement de capitaux, accaparement de nouveaux
marchés
sur les monopoleurs, voilà les sujets discutés
ouvertement et surtout
secrètement par les capitalistes et leurs diplomates. Et ces mêmes
rivalités,
cette même concurrence entre forbans capitalistes qui ont
coûté à
l'humanité des dizaines de millions de morts et
d'estropiés, des générations
d'enfants débilités, des contrées
entièrement anéanties, des ruines et des
dévastations qui ont fait retomber le niveau de vie des peuples,
d'après
l'estimation même des capitalistes, d'au moins cent ans en
arrière, rendent
impossible la paix future entre les peuples. Mais au moins
cette guerre aura détruit le
nazisme, expression la plus barbare et la plus féroce de la
société capitaliste, disent les
défenseurs de cette guerre.
Cependant, l'attitude des alliés en Allemagne vis-à-vis
des fascistes fait
écrire au journal soviétique Izvestia: "comptant sur la
mansuétude des
alliés les nazis confient, en quelque sorte, leurs
réserves financières et
leurs cadres futurs". Et de con côté, la presse
alliée reproduit l'ordre
du jour suivant du général soviétique Tolboukine:
"le parti nazi sera
dissous, mais on ne touchera pas aux membres de la base de ce Parti,
s'ils observent une attitude loyale à l'égard des troupes
soviétiques (l'Humanité du
10/4)". C'est sur les
"collaborateurs -
d'Allemagne qui s'appuient les alliés et non pas sur
le peuple. De même en Grèce, en Roumanie, en
Italie, loin de s'appuyer sur les ouvriers, les alliés les ont
désarmé et
instauré même, comme en Grèce, la terreur blanche.
En France, n'est-ce pas les
mêmes tortionnaires de militants ouvriers qui font la police, les
mêmes
bureaucrates qui nous affament? DU PAIN, LA
LIBERTÉ, LA PAIX ! Le Premier Mai
a toujours été le symbole même de l'espoir de
centaines de millions d'opprimés que la volonté et la
force de la classe
ouvrière affranchiront l'humanité de l'exploitation
capitaliste. Si la
classe ouvrière venait à abandonner, sous
différents prétextes, ses traditions,
elle abandonnerait donc toute l'humanité aux forces
réactionnaires de la
société capitaliste décadente. La situation
actuelle nous commande plus
que jamais de rendre au 1er Mai son caractère de rassemblement
et de
mobilisation des forces ouvrières. Ce ne sont en effet ni les
pâles articles de
journaux, ni les panneaux électoraux qui feront reculer la
bourgeoisie dans sa
politique d'affamement du peuple. Le devoir des dirigeants de la CGT
eût été de
faire du 1er Mai une journée de grève
générale à l'image du 12 février 1934,
en posant hautement et énergiquement devant la bourgeoisie et
son gouvernement
les revendications des masses ouvrières. Les dirigeants
de la CGT et des Partis
ouvriers officiels ont plié le genou devant le gouvernement.
Mais à l'encontre
de la direction jouhaussiste, les cadres syndicaux de nombreuses usines
ont
voté le chômage pour le l' Mai. C'est la volonté
unanime de la classe ouvrière.
Cependant les ouvriers ne doivent pas se borner à un
chômage symbolique. En
collaboration avec les cadres syndicaux
autant que possible, allant entraîner les ouvriers des usines
où la direction
syndicale a été défaillante, les travailleurs
doivent organiser des
manifestations sur les lieux du travail et déposer leurs cahiers
de revendications. Faisant suite
aux manifestations des
centaines de milliers de ménagères qui ont
protesté, dans tout le pays, contre
le ravitaillement, faisant suite aux grèves du mois de Mars des
imprimeurs, des
travailleurs du spectacle, des porteurs de charbon et de farine, des
ouvriers
de nombreuses usines métallurgiques pour le relèvement
des salaires, les
travailleurs feront de la journée du 1" Mai une grandiose
manifestation
pour les revendications les plus légitimes et les plus vitales: À·
BAS L'AUGMENTATION DU PRIX DU PAIN! POUR
L'APPLICATION DU BARÈME DE SALAIRES
PROPOSÉ PAR LA CGT! CONFISCATION
IMMÉDIATE DES BÉNÉFICES DE
GUERRE! NATIONALISATION
SANS INDEMNITÉ ET SOUS
CONTRÔLE OUVRIER DES BANQUES ET DES INDUSTRIES-CLÉ ! CONTRÔLE
DU RAVITAILLEMENT PAR LES OUVRIERS
ET LES PAYSANS! Contre les
agissements des fascistes, des
cadres réactionnaires de l'administration, de la police et de
l'armée, c'est
aussi, comme de 1934 à 1936, l'intervention active de la classe
ouvrière qui
est seule efficace. C'est dans ce but que la classe ouvrière
montrera son poing
aux bandes fascistes en manifestant le 1er, Mai pour: LA
LIBERTÉ DEXPRESSION POUR TOUS LES
PARTIS OUVRIERS ! LA SUPPRESSION
DE LA CENSURE ET DE
L'AUTORISATION PRÉALABLE ! LIBERTÉ DE PRESSE ET DE
RÉUNION ! AMNISTIE TOTALE
POUR LES GRÉVISTES ET LES
MILITANTS SANCTIONNÉS EN 1938-1940 ! DROIT DE
COALISATION ET D'ARMEMENT POUR
LES OUVRIERS ! POUR UNE LUTTE
EFFICACE CONTRE LE
GOUVERNEMENT AFFAMEUR EN OBLIGEANT
LES REPRÉSENTANTS SE
RÉCLAMANT DE LA CLASSE OUVRIÈRE À
DÉMISSIONNER POUR PRENDRE PART À· LA LUTTE! BAS LE
GOUVERNEMENT AFFAMEUR! Dans cette
journée du 1er Mai, qui est la
journée des ouvriers de tous les pays, les travailleurs
n'oublieront pas non
plus que leurs manifestations trouveront un écho favorable parmi
les grévistes
d'Amérique, d'Angleterre, de Belgique, parmi les ouvriers et
paysans d'Italie,
d'Espagne, de Roumanie, de Grèce, dont les combats ont
montré l'ardent désir de
se débarrasser de l'oppression capitaliste. Les ouvriers
n'oublieront pas non plus que
le sort intérieur du pays se décidera autant selon la
façon dont le monde sera
organisé sur le plan international. Si les ouvriers font
confiance aux
capitalistes pour l'organisation du monde, s'ils laissent subsister
l'exploitation coloniale, la division et la hiérarchie entre
grandes et petites
nations, le dépècement du continent dans la chair vive
des peuples, il y aura
autant de causes pour de nouveaux conflits. Déjà à
Belgrade, la bourgeoisie
organise des manifestations pour l'obtention de territoires italiens,
déjà les
capitalistes belges revendiquent leur part du Rhin, que les
capitalistes
français voudraient se réserver, déjà les
magnats américains veulent leur part
de l'Inde, de l'Indochine et autres colonies que les magnats anglais ou
français ne veulent pas céder, déjà en
Allemagne s'organise la résistance et le
maquis contre l'occupant. C'est pour
mettre fin à la tuerie entre
les peuples que les ouvriers français manifesteront leur
opposition à la
politique impérialiste de la bourgeoisie. Ils manifesteront leur
solidarité
avec les ouvriers de tous les pays contre leur propre bourgeoisie,
comme l'ont
fait les ouvriers russes en 1917. Ils manifesterons contre les plans de
déportation des travailleurs allemands, contre l'occupation de
territoires étrangers,
contre le dépècement de toute l'Europe dans la chair vive
des peuples, pour le droit
des colonies et de tous les peuples de disposer d'eux-mêmes,
pour les
Etats-Unis Socialistes d'Europe et du Monde. Rompant avec les haines
nationales
derrière lesquelles les capitalistes complotent contre les
peuples, les
ouvriers français adresseront aux ouvriers de tous les pays leur
message de
solidarité et de fraternité, et donneront l'exemple de la
seule guerre légitime
pour les travailleurs: la guerre contre nos propres exploiteurs. VIVE LA
SOLIDARITÉ INTERNATIONALE DES
TRAVAILLEURS! VIVE LE PREMIER
MAI DE COMBAT DE LA CLASSE
OUVRIÈRE! 15 Avril 1945 Notre tract
était sous presse au moment où
la direction de la CGT, sous la pression des décisions
prises par les
syndicats dans les usines, revient sur sa première
proclamation et réclame
brusquement un le, Mai chômé. Et la direction
de la CGT qui prétendait
vaincre le fascisme par "l'Union nationale" ne pouvait mieux donner
raison aux partisans de la lutte de classes qui affirmaient que seul le
combat
contre notre propre bourgeoisie pouvait apporter aux travailleurs: le
pain, la
paix et la liberté. Et c'est
pourquoi seuls nos mots d'ordre
peuvent faire du 1er Mai une journée de combat. En avant, pour
une résistance efficace à
la bourgeoisie! 19 Avril 1945 Union
Communiste, IV' Internationale |