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Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! 
L A  L U T T E  de  C L A S S E S 
Organe du Groupe Communiste (IVe Internationale).
 
 
N° 46 -Troisième Année-
2 Mai 1945
COMMENT L'ETAT-CAGOULE PROTEGE ET
NOURRIT LE FASCISME
    Les organisations se réclamant de la classe ouvrière avaient aidé De Gaulle à prendre le pouvoir, en baptisant son gouvernement de "démocratique".

    Aujourd'hui, quoique ce gouvernement, dans toutes les sphères, ait démontré son caractère parfaitement réactionnaire et son dévouement au Grand Capital, il continue à bénéficier de l'appui de ces organisations, en tant que MOINDRE MAL par rapport au fascisme. Les social-patriotes déconseillent toute manifestation anti-gouvernementale, parce que : "c'est la 5° colonne qui en profiterait".

    Un fait récent illustre cependant d'une façon vivante la portée et la signification de cette politique, soi-disant de moindre mal.

    Le 6 avril, le Ministère de l'Intérieur communiquait à la presse la découverte d'une conspiration d'éléments doriotistes, francistes, etc., dans laquelle étaient impliqués 70 individus. Ce fut l'occasion pour le Ministère de l'Intérieur de louer la vigilance de la police contre les éléments de la "5° colonne" et l'action anti-fasciste du gouvernement. Mais cela n'alla pas plus loin, car sur les 70 arrêtés, 53 furent relâchés sous le prétexte qu'ils n'avaient pas été "au courant des intentions de leurs chefs" et sur les 17 autres, un est laissé en liberté provisoire, un autre est soigné à l'hôpital. Le "complot" était enterré, bien mieux, le 18 avril le Ministre de l'Intérieur déclarait "qu'il n'y avait pas eu véritablement de complot".

    La publicité de ces arrestations n'avait donc servi qu'à donner une réputation anti-fasciste au gouvernement. Car, en réalité, par la façon dont la "répression" fut menée, le gouvernement démontrait qu'en fait il protégeait les fascistes. Voit-on en effet un gréviste ou un militant ouvrier arrêté et relâché parce qu'invoquant qu'il n'était pas au courant des intentions de ses chefs ? Avec quelle morgue les policiers de la P.J. utilisent dans ces cas la formule : "il n'y a pas de fumée sans feu !"

    Il n'est pas étonnant que le gouvernement protège les fascistes, car si De Gaulle a utilisé l'appui des organisations ouvrières pour bénéficier de la sympathie des masses populaires, c'est un fait acquis aujourd'hui qu'en réalité il a avant tout le soutien des capitalistes (dont il fait la politique) et il s'appuie sur les sphères bureaucratico-policières qui ont soutenu Pétain ("l'administration vichyssoise restée en place"). Or ces sphères protègent les fascistes, bandes mercenaires et spécialisées pour toutes les besognes anti-ouvrières et anti-démocratiques. Ainsi, le corps-franc pyrénéen, ancien G.M.R., a été maintenu et officiellement reconstitué sous le nom de G.S.R. (garde de sécurité "républicaine").

    Mais l'Etat et le gouvernement actuels ne font pas que protéger le fascisme, ils aident à sa croissance, ils le nourrissent.

    Le régime d'exception existant pour la presse (censure politique, limitation du tirage et même interdiction comme c'est le cas pour la presse révolutionnaire), la liberté de réunion et d'association entravée par l'autorisation préalable (en vertu d'une ordonnance vichyssoise), la dissolution des formations militaires autonomes (milices), concernent avant tout la classe ouvrière. Car, disposant des moyens matériels fournis par les capitalistes, les fascistes, sous des noms différents et des masques nouveaux, ne sont pas entravés dans leur propagande.

    Ceux qui se rappellent 1936 savent que les fascistes craignent les ouvriers, mais ne craignent pas la police. Cependant, les ouvriers étant désarmés, Le Populaire peut rapporter (le 24 avril) que les fascistes ont organisé une manifestation antisémite dont les principaux participants étaient armés...
Sur un autre plan, l'Etat et le Gouvernement menant à l'affamement et à la spoliation des masses en faveur des capitalistes sous le masque de la démocratie tout en étouffant toute démocratie réelle ("parlons peu, travaillons" devise de De Gaulle), donnent la possibilité aux fascistes de pêcher en eau trouble, de faire auprès des couches moyennes de la ville et de la campagne la propagande de la "rénovation", du "pouvoir fort" et de "l'anti-communisme".

    Mais la présence au gouvernement de ministres "socialistes" et "communistes" est une garantie contre le fascisme, argumentent les social-patriotes. Ce qu'ils oublient de dire, c'est que les ministres "socialistes" ou "communistes" qui sont au gouvernement, ne donnent pas simplement leur appui à celui-ci là où ils le jugent nécessaire, mais en sont les prisonniers. Récemment, lors d'un meeting socialiste à la Mutualité, Le Trocquer révélait que les dispositions et les décrets pris par lui au moment où il était Ministre de la Guerre n'étaient pas tous appliqués, l'étaient uniquement ceux qui convenaient à "certains" (les Bureaux). Mais il y a mieux : à la tête du Ministère de l'Intérieur, qui a découvert la récente conspiration fasciste mais en a relâché les membres, se trouve le "socialiste" Tixier. C'est donc un "socialiste" qui couvre les agissements pro-fascistes de la bureaucratie préfectorale et policière.
Déjà, en 1937 le Ministre de l'Intérieur était le "socialiste" Dormoy. Déjà alors, ce Ministre ne trouvait pour la Cagoule rien de mieux que la plaisanterie, tandis que la Garde mobile de Dormoy ouvrait le feu sur les manifestants ouvriers de Clichy...

    Et depuis, l'Etat bourgeois (l'appareil administratif et judiciaire du pouvoir gouvernemental) à travers le daladiérisme et le pétainisme, à travers la guerre, a évolué, sans fascisme de masse jusqu'à devenir une monstruosité et le CENTRE PRINCIPAL DE CONSPIRATION CONTRE LES MASSES au service du Grand Capital.

    Le pouvoir gouvernemental, pour exercer dans une situation d'extrême appauvrissement et épuisement du pays, un contrôle REACTIONNAIRE sur les masses, pour pouvoir maintenir la "paix sociale", c'est-à-dire rejeter tous les fardeaux sur les travailleurs sans que ceux-ci opposent de résistance, pour pouvoir continuer à sucer le sang du peuple par le travail à bas salaires, l'inflation, la famine, la mobilisation, pour que d'autant plus facilement les capitalistes puissent soutenir la concurrence avec l'étranger, élargir leurs spéculations, se gaver au marché noir et prétendre à la "grandeur", pour tout ceci le pouvoir gouvernemental doit procéder par décrets, se soustraire même au contrôle très pâle et imparfait du Parlement bourgeois, devenir un Etat-cagoule, lieu principal de conspiration contre les masses et protéger les bandes fas-cistes comme force supplémentaire de pression sur les masses ouvrières.

    Dans ces conditions, même la collaboration des "socialistes" et des "communistes", le pouvoir gouvernemental de la bourgeoisie ne l'accepte que dans la mesure où cette collaboration s'exerce contre les masses.

    Participant à toutes les mesures gouvernementales anti-ouvrières et anti-populaires par l'entremise de leurs ministres, les partis "socialiste" et "communiste français en se mettant au service de l'Etat-cagoule se font les fourriers du fascisme.

    C'est la politique de collaboration gouvernementale qui a amené Thorez, dans son discours du mois de janvier, à demander aux ouvriers de faire confiance à l'administration et à la police étatiques et à approuver le désarmement des formations ouvrières armées (milices), principale force anti-fasciste.

    Dans ce même discours, Thorez "tendait la main" aux officiers pétainistes "prêts à servir", tout en sachant par ailleurs les sentiments pro-fascistes de ces éléments.

    C'est aussi pour satisfaire aux exigences de la collaboration de classes que les dirigeants de la CGT avaient lancé aux ouvriers le slogan "travailler d'abord, revendiquer ensuite", facilitant ainsi les décrets Pleven et Parodi.

    Les bureaucrates ouvriers, loin d'être une garantie contre le fascisme, par leur politique de collaboration de classe servent de paravent à l'Etat-cagoule et empêchent les ouvriers de voir le danger. Les illusions qu'on sème dans les masses prolétariennes en les poussant à la passivité et en les empêchant de lutter contre les maux du régime capitaliste, laissent la voie libre au fascisme.

    Mais pour la première fois à l'occasion du 1er mai la classe ouvrière a rejeté cette politique. Les dirigeants "socialistes" et "communistes français de la CGT voulaient faire du 1er mai une journée "d'union nationale" et de travail de choc ; les ouvriers par leur ferme décision de ne pas respecter la consigne et de chômer, ont obligé les dirigeants de la CGT, sous peine de se discréditer, à organiser une manifestation ouvrière anti-fasciste et anti-capitaliste.

    De la même façon, en passant outre aux décisions des dirigeants officiels, quand c'est nécessaire, la classe ouvrière peut obliger les syndicats à mener une politique plus ferme vis-à-vis du patronat et à se protéger contre les menaces fascistes en organisant des milices ouvrières pour la défense des locaux et des militants ouvriers.

    Mais pour obliger les organisations se réclamant de la classe ouvrière à passer à l'action, il faut obliger leurs dirigeants à rompre la coalition gouvernementale, leur collaboration anti-ouvrière avec les ministres capitalistes, pour prendre part à la lutte des masses sous le mot-d'ordre : A bas le gouvernement affameur !

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OBEIREZ-VOUS A LA VOLONTE DES MASSES ?
    Les élections ont montré la volonté communiste des masses travailleuses. La manifestation du 1er mai témoigne de leur combativité.

    Mais de 1934 à 1939 ni les victoires électorales ni la volonté de lutte des masses n'ont empêché la guerre et la dictature de s'installer et d'écraser le peuple.

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