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Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! 

L A  L U T T E  de  C L A S S E S 

Organe du Groupe Communiste (IVe Internationale).

 

N° 49
-Troisième année- 11 juillet 1945

     

LES DEUX BOUTS D'UN MEME BATON...

    Cela a commencé au lendemain de la victoire inachevée de juin 1936. Ce que la bourgeoisie avait été obligée de céder de sa main droite (congés payés, contrats collectifs, augmentation des salaires), elle entreprit aussitôt de le reprendre de sa main gauche.
    Entre tous les moyens qu'elle a utilisés pour ruiner les conquêtes économiques des travailleurs, LES MANIPULATIONS MONETAIRES ont joué le principal rôle.
Vincent Auriol, Ministre des Finances dans le premier gouvernement de "Front Populaire" Blum, réussit à rattraper une partie des concessions des accords Matignon (faites par le même gouvernement) par une dévaluation du franc de 10%. Il prétendit que les engagements des "bons" patrons à ne pas augmenter les prix empêcheraient la diminution du pouvoir d'achat des travailleurs ; ce qui pratiquement ressembla aux essais d'arrêter une inondation en promenant la châsse d'un saint quelconque, après avoir pratiqué une brèche dans les digues...
    Paul Raynaud s'attaqua ensuite de front aux salaires (par le chantage du danger extérieur) et prétendit réaliser "l'équilibre" budgétaire au moyen des 15% et 5%...
Mais ce n'étaient là que des débuts. A ces attaques d'essai succéda ensuite le grand moyen : la planche à billets. L'INFLATION devait permettre au gouvernement de piller A VOLONTE les masses sur lesquelles la grande bourgeoisie a pu ainsi rejeter TOUT le fardeau de la "drôle de guerre", de l'occupation, et maintenant de la "reconstruction d'une grande armée pour la grandeur".
A ce moyen utilisé par ses prédécesseurs Blum, Daladier et Pétain, De Gaulle vient d'en ajouter un autre, en apparence destiné à combattre les maux de l'inflation. Mais en réalité il ne fait que COMPLETER le pillage des masses en faveur du Grand Capital et de l'Etat bourgeois qui aujourd'hui n'est plus qu'une énorme sangsue de plus en plus avide sur le corps anémié de la nation travailleuse.
    En effet, l'échange des anciens billets qui vient d'avoir lieu ne pouvait aucunement aboutir à un impôt sur le Grand Capital trusté monopolisé, des 200 familles. Leur richesse étant constituée par de formidables moyens de production (usines, matières premières, etc.) et par l'exportation du capital à l'étranger sous forme de devises, on n'identifie légalement qu'une partie infime de leur fortune en comptant leurs billets de banque français Au contraire, eux qui exploitent des dizaines de millions de travailleurs de tous les pays, ont réussi par leurs banques à réaliser de fructueux bénéfices dans les dernières "opérations".
    Le pompeux "impôt sur le capital" n'atteint en réalité que le "capital" des petits et moyens épargnants, des petits et moyens paysans. Or ce dernier capital représente avant tout le travail personnel de la famille paysanne, son cheptel disparu, ses instruments de travail usés et non pas le résultat de l'exploitation d'autrui. C'est pourquoi la "résorption de la circulation financière" (la "stabilisation") de M. Pleven n'est qu'une escroquerie qui complète le pillage des salariés (dont le pouvoir d'achat va toujours en s'amenuisant), par le pillage de la fortune paysanne et des économies des petites gens.
    C'est avec raison qu'en 1919, l'Internationale Communiste de Lénine et Trotsky dénonçait de la façon suivante l'aspect monétaire du capitalisme contemporain :
"Perdant de plus en plus sa valeur de moyen et de régulateur de l'échange de produits... le papier-monnaie s'est transformé en instrument de réquisition, de conquête et en général d'oppression militaire et économique".
    C'est avec raison que le Programme de Transition de la IVe Internationale proclame : "Ni l'inflation monétaire, ni la "stabilisation" ne peuvent servir de mots-d'ordre au prolétariat. CAR CE SONT LES DEUX BOUTS D'UN MEME BATON..."
    La bourgeoisie essaie de rejeter sur la classe ouvrière la responsabilité de l'inflation, en la présentant comme une conséquence de la hausse des salaires. Ainsi, la "stabilisation" elle-même apparaîtrait comme un sacrifice imposé aux classes moyennes par l'égoïsme des travailleurs.
Dans un tract du 25 mai nous avons dénoncé les véritables causes du désarroi économique croissant : l'inflation n'est pas causée par l'augmentation des salaires, mais par l'émission massive de papier-monnaie en vue de couvrir les dépenses de l'Etat ; or le gros de ces dépenses est constitué par l'armement, les grosses indemnités accordées aux capitalistes sous de multiples prétextes, l'entretien d'une armée de bureaucrates civils et militaires parasites, de la police officielle et secrète, de groupements para-militaires anti-ouvriers, etc., etc.
    C'est une duperie de dire aux ouvriers de produire davantage pour AUGMENTER LES RICHESSES, étant donné que l'essentiel de la production continue à être destiné aux fabrications d'armement. Ces fabrications provoquent non seulement l'inflation (étant financées par l'Etat), mais aussi le manque croissant d'objets de consommation ; elles absorbent les faibles moyens de production existants et empêchent le renouvellement d'objets industriels indispensables (tels les instruments aratoires).
Pour se procurer les devises nécessaires à l'équipement d'armement, le gouvernement exporte les biens de consommation comme le beurre, qui est entièrement soustrait à l'alimentation des classes pauvres.
La classe ouvrière ne peut accepter la politique du gouvernement tendant à faire retomber sur les travailleurs tout le fardeau du militarisme, de la crise économique, du désordre financier et autres maux découlant du régime capitaliste.
    Depuis, même des politiciens et des journaux bourgeois ont "critiqué" la politique du gouvernement, en soulignant le poids écrasant du parasitisme bureaucratique (civil et militaire) et l'appauvrissement du pays du fait des fabrications de guerre.
    Mais ces "critiques", QUI EN MEME TEMPS FONT CONFIANCE AU GOUVER-NEMENT, ne servent en réalité qu'à tromper les masses travailleuses ; car aucune critique au monde ne peut changer la nature réactionnaire du gouvernement bourgeois.
    La bourgeoisie française, qui à la suite de la 2° guerre impérialiste, a perdu toute une série de ses positions dominantes, est obligée de pressurer les masses afin de pouvoir défendre ses intérêts vis-à-vis de ses rivaux impérialistes. Ainsi, même la production de paix n'est pas pour la bourgeoisie un moyen d'accroître le niveau de vie des masses, mais vise à concurrencer l'industrie étrangère, le succès de cette concurrence ayant pour base LES BAS SALAIRES DE LA MAIN-D'OEUVRE FRANCAISE. Dans ces conditions, l'Etat au service de la bourgeoisie a pour but, selon l'expression de Lénine, de faire du pays, dans tous les cas, un para-dis pour les banquiers et les capitalistes et un bagne pour les ouvriers et les paysans.
    Seule la vraie politique communiste présente une issue : car elle ne fait aucune confiance aux représentants de la bourgeoisie, mais appelle la classe ouvrière (DONT LES INTERETS NE SONT PAS SEPARES DE CEUX DE TOUTES LES AUTRES COUCHES EXPLOITEES) à agir pour SES INTERETS, sans se laisser détourner par les arguments de la bourgeoisie et de ses serviteurs.
En accord avec cela, elle revendique : L'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES ; -LE RETOUR AUX CONTRATS COLLECTIFS ; -L'ETABLISSEMENT D'UN PLAN DE PRODUCTION DE PAIX, SOUS CONTROLE OUVRIER ; -L'EXPROPRIATION DES GRANDES BANQUES, DES COMPAGNIES MONOPOLEUSES DE L'INDUSTRIE DE GUERRE, DES CHEMINS DE FER, DES SOURCES DE MATIERES PREMIERES.

    Le programme de la IVe Internationale dit : La "possibilité" ou "l'impossibilité" de réaliser les revendications est... une question de rapport de forces qui ne peut être résolue que par la lutte. Il s'agit de préserver le prolétariat de la décadence, de la démoralisation et de la ruine. Il s'agit de la vie et de la mort de la seule classe créatrice et progressive et, par là-même, de l'avenir de toute l'humanité. Si le capitalisme est incapable de satisfaire les revendications qui surgissent infailliblement des maux qu'il a lui-même engendrés, IL NE LUI RESTE QU'A PERIR".

La Lutte de Classes.

 LA "PUNITION DES COUPABLES"

    Nous reproduisons ci-dessous l'article que nous avons consacré le 18 mars 1944 (N°26) à la question de la "punition des coupables". Les travailleurs pourront ainsi se convaincre que le sort actuel des Bazaine et des Guillaume (vie de château) et la punition des lampistes ne sont pas dûs au hasard, à la "trahison", mais sont le résultat inévitable du pouvoir économique et politique conservé par la bourgeoisie, comme nous l'avons expliqué à temps :
    Pucheu sera-t-il fusillé ou gracié ?
    Peu importe. La manoeuvre de la "punition des coupables", par laquelle la bourgeoisie ESSAIE DE REJETER LA RESPONSABILITE COLLECTIVE SUR QUELQUES INDIVIDUS sacrifiés à la colère populaire, est un vieil artifice qui ne trompe pas les travailleurs conscients.

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    La classe capitaliste justifie sa domination, ses privilèges et son droit à la paresse, par sa prétendue direction régulatrice soi-disant indispensable au bon ordre de la société.
    Dans les circonstances "normales" d'exploitation, la bourgeoisie réussit à imposer ce point de vue aux couches les plus arriérées et aux intellectuels éduqués par elle. Or loin d'exercer sur la société une action bienfaisante, la domination parasitaire de la bourgeoisie amène inévitablement de grandes catastrophes pour les masses laborieuses : la crise écono-mique avec le chômage de millions d'ouvriers, la faillite et la misère pour la petite-bourgeoisie, la destruction des produits agricoles, les grandes escroqueries financières, LA VOYOUTERIE QUI RONGE la société, et finalement LA GUERRE avec ses moyens toujours plus parfaits de destruction, l'incurie et la stupidité des chefs militaires, les trahisons et les complots des classes bourgeoises de tous les pays contre les masses laborieuses.
    C'EST POUR CAMOUFLER SES RESPONSABILITES DANS CES EVENEMENTS QUE LA BOURGEOISIE A EU RECOURS A DE PUISSANTS MOYENS DE DIVERSION : "le fascisme c'est la guerre", "la démocratie c'est les Juifs et la franc-maçonnerie", "la punition des coupables", etc.

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    Quand en juin 1940 la débâcle de l'impérialisme français dévoila les mensonges, l'incapacité, l'incurie, la frousse, la pourriture de la bourgeoisie et de son Etat, alors, pour détourner la colère populaire, le "nouveau" régime de Vichy (oeuvre des plus bas politiciens de la III° République) annonça lui-même la "punition des coupables". Mais le procès de Riom devait seulement servir de prétexte à une campagne acharnée contre la classe ouvrière. En effet comment Pétain et Laval, serviteurs des 200 familles, pouvaient-ils punir les crimes ac-complis sous le régime "démocratique" au profit des mêmes 200 familles ?
    Maintenant qu'Alger se prépare à prendre la succession du régime de Vichy (de la même manière que celui-ci avait pris la succession de Paul Reynaud), IL S'AGIT AVANT TOUT DE PREVENIR LES MOUVEMENTS DES MASSES QUE LES ANNEES DE GUERRE ONT CHAUFFEES A BLANC CONTRE LA BOURGEOISIE. Ne bougez pas, justice sera faite, tous les crimes seront punis, Alger s'en charge : voyez l'exemple de Pucheu !

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    Quel que soit le sort de Pucheu, nous avons déjà un exemple de la façon dont Alger entend punir les coupables. Un peu avant le procès de Pucheu a eu lieu un procès de bourreaux qui, en Afrique du Nord, ont sauvagement torturé les emprisonnés politiques. Plusieurs accusés, gardes chiourme et subordonnés, ont été condamnés à mort, convaincus d'avoir été les auteurs directs des atrocités commises. Mais l'inspecteur général des camps de concentra-tion, le colonel Lupi, nommé par Vichy, a été acquitté faute de preuves matérielles !

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    De plus la "Punition des coupables" a des précédents historiques célèbres : Bazaine qui pendant la guerre franco-allemande de 1870 capitula à Metz avec toute son armée (pour la tenir "à la disposition de l'ordre social menacé" en France, déclara-t-il à ses juges en 1873) fut condamné à mort : sa peine fut commuée en 20 ans de détention, et il "s'évada" quelques mois après pour aller finir tranquillement ses jours à Madrid. Le Kaiser, déclaré responsable du premier massacre mondial, mourut de la goutte dans un château en Hollande ; il est vrai qu'à sa place les alliés châtièrent savamment les classes laborieuses allemandes qui l'avaient renversé.
    A Riom la clique politicienne de Vichy a fait le procès du régime parlementaire, à Alger la clique des généraux fait le procès du régime de Vichy.
Les ouvriers les reconnaissent tous deux comme responsables des malheurs qui se sont abattus sur le pays.
    Quand Daladier, Pétain, de la Rocque, Blum et Herriot nous plongèrent dans la guerre, c'était sous les ordres des 200 familles ; quand Pétain, Laval, Pucheu, Darlan, Doriot ont commencé la farce sanglante de la "collaboration" ce fut aussi aux ordres et pour le bénéfice des 200 familles.
C'est pourquoi la punition des coupables n'est pas possible sans le renversement des 200 familles qui sont les véritables maîtres de la justice et de l'Etat. si les travailleurs ne veulent pas d'acquittement Lupi, de condamnation à mort transformée en détention "à la Bazaine", de fusillades de quelques-uns pour couvrir les crimes de la classe dominante, ils doivent lutter pour la création DE LEURS PROPRES TRIBUNAUX DU PEUPLE, en renversant l'Etat de la bourgeoisie et sa "justice".
    Le peuple laborieux n'est pas assoiffé de sang et ne se repaît pas de la vue des têtes tombées. S'il veut punir les responsables C'EST POUR LEUR ENLEVER TOUTE POSSIBILITE DE NUIRE PLUS LONGTEMPS. Et c'est seulement en renversant la bourgeoisie que la classe ouvrière mettra un terme au complot permanent que représente pour le peuple l'existence de la classe capitaliste.

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LENINE SUR "L'EPURATION"

    "Toute l'histoire des pays de parlementarisme bourgeois, et dans une large mesure des pays bourgeois, constitutionnels, montre que la succession des ministres n'a que fort peu d'importance, tout le travail réel d'administration étant confié à une immense armée de fonctionnaires. Or, cette armée est profondément pénétrée d'un esprit essentiellement antidémocratique. Elle est attachée par des milliers et des milliers de liens aux grands propriétaires fonciers et à la bourgeoisie dont elle dépend dans tous les domaines. Cette armée baigne dans une atmosphère bourgeoise à laquelle il lui est absolument impossible de se soustraire. Momifiée, figée dans des formes immuables, elle n'a pas la force de s'arracher à cette ambiance et ne peut modifier en rien sa façon de penser, de sentir et d'agir. Elle est basée sur le principe hiérarchique ainsi que sur certains privilèges réservés au "service de l'Etat" ; ses cadres supérieurs sont complètement asservis, par l'intermédiaire des banques et des sociétés anonymes, au capital financier, dont ils sont, dans une certaine mesure, les agents dont ils défendent les intérêts et propagent l'influence.
    Tenter d'effectuer, au moyen de cet appareil gouvernemental des transformations sociales... c'est s'illusionner au plus haut point et tromper le peuple. Cet appareil peut faciliter à une bourgeoisie républicaine la création d'une république qui serait une "monarchie sans monarque" comme la IIIe République française, mais il est absolument incapable d'appliquer des réformes, je ne dis pas abolissant, mais simplement limitant d'une façon plus ou moins effective les droits du Capital et les droits de la "sacro-sainte propriété privée". C'est pourquoi, dans tous les ministères de "coalition", auxquels participèrent les "socialistes", ces derniers, même s'ils étaient de bonne foi, n'ont fourni qu'un vain ornement ou un paravent aux gouvernements bourgeois, un paratonnerre contre l'indignation populaire, un instrument de du-perie des masses. Ce fut le rôle de Louis Blancen 1848 ; ça a été, depuis lors, celui de nombreux ministères de coalition en Angleterre et en France ; ça a été celui de Tchernov et de Tsérételli en 1917, et il en sera ainsi tant que durera le régime bourgeois et que subsistera intangible le vieil appareil gouvernemental de la bourgeoisie, basé sur le fonctionnarisme."

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A QUI PROFITE LE CHAUVINISME ?

    La CGT a publié un communiqué dans lequel elle revendique le contrôle sur l'utilisation des prisonniers allemands, afin que leur emploi ne "concurrence pas les conditions d'existence" des ouvriers français et n'entraîne pas leur chômage.
    Ce problème, extrêmement sérieux pour les conditions de travail et d'existence de tous les ouvriers en France, la direction de la CGT a donc jugé utile de le poser à l'ordre du jour. Mais en pratique, son attitude chauvine, radicalement contraire à l'esprit ouvrier, joue d'ores et déjà contre les ouvriers français et facilite la politique patronale.
    Nous reproduisons ici notre tract diffusé à l'usine RENAULT et diffusé à la suite d'un incident concernant les prisonniers allemands :
"La direction de chez RENAULT vient de publier un avis menaçant les ouvriers de renvoi immédiat au cas où ils seraient surpris à donner un peu de tabac ou une friandise quelconque aux prisonniers allemands qui font du travail forcé dans l'usine. Cet avis vient à la suite d'un incident soulevé par les responsables syndicaux à propos d'un geste de solidarité (un ouvrier qui a offert un peu de tabac à un prisonnier allemand).
Camarades, pouvons-nous imaginer un tableau plus répugnant ?
Un exploité qui gagne péniblement sa vie fait le geste humain de soulager la souffrance d'un autre travailleur qui possède encore moins que lui. Aussitôt, sous prétexte de crimes perpétrés pendant l'occupation impérialiste allemande en France, les responsables syndicaux s'adressent à la direction pour que celle-ci puisse ajouter une brimade de plus aux autres multiples qu'elle exerce déjà contre les ouvriers de son usine. Qui est la direction ? La direction du grand trust soi-disant nationalisé de RENAULT (or il n'y a rien de changé aux conditions de travail, où tout se passe comme sous l'ancien patron), et tous les capitalistes français roulent sur l'or et vivent de la richesse extraite du travail pénible des travailleurs de toute race et de toute nationalité (français  coloniaux, etc.). Ils maintiennent les travailleurs en esclavage par la violence et le mensonge, et les font s'entre-déchirer pour mieux les exploiter. Tandis qu'ils enseignent aux ouvriers la haine contre d'autres ouvriers, les capitalistes traitent leurs confrères étrangers avec beaucoup d'égards. On le voit clairement dans la façon dont la finance alliée traite par exemple Goering et sa femme (repas somptueux, château, voiture, domestiques). Il n'y a évidemment pas de Goering aux travaux forcés chez RENAULT pour expier ses crimes.
Proposons donc aux responsables syndicaux, au lieu de ramper devant la direction, de faire une enquête sur l'origine des prisonniers allemands travaillant chez RENAULT, vous verrez que leur écrasante majorité sont des travailleurs comme vous, qui en Allemagne, comme vous en France, ont été exploités par leur RENAULT et Cie, qui comme vous n'ont jamais connu aucune des véritables joies de l'existence, qui comme vous ont été un beau jour mobilisés en 1939 et obligés sous menace de pendaison de marcher contre les travailleurs d'en face.
    Oui, la France a été saignée et maltraitée, il y a eu les camps de déportation et de torture (où se trouvaient d'ailleurs aussi des ouvriers allemands). Mais est-ce que l'Allemagne n'a pas été transformée aussi en un monceau de ruines, est-ce qu'on ne veut pas exterminer aussi les ouvriers allemands, tandis que les capitalistes allemands commencent déjà à collaborer et à faire des affaires, est-ce que malgré cette extermination réciproque vous pouvez oublier que depuis 1939 les capitalistes de tous les pays n'ont été empêchés par aucune circonstance de guerre de ramasser l'or dans le sang des travailleurs ?
Camarades, au nom de la classe ouvrière consciente, dont le destin historique est d'émanciper le monde entier de l'exploitation capitaliste et des guerres fratricides, nous condamnons et dénonçons comme misérable et digne de mépris cette attitude des responsables syndicaux ; qu'ils se rétractent ! Faites enquêter parmi les travailleurs allemands ! N'oubliez pas que le traitement qui leur est infligé décide de vos salaires aussi, car les capitalistes sont contents d'avoir à leur merci de la main-d'oeuvre forcée, pour mieux faire pression sur vos propres salaires et conditions de vie. Rappelez vous les exemples du passé. Défendez les opprimés qui sont à côté de vous pour mieux vous défendre vous-mêmes, défendez vous ensemble, pour qu'un jour enfin puisse cesser cette condition de l'ouvrier s'épuisant comme une rosse servile au service de ses exploiteurs.
    Exactement à l'image des capitalistes allemands, les capitalistes français écrasent les travailleurs étrangers de façon à donner l'illusion à leurs propres esclaves "libres" (les ouvriers français ) qu'ils sont des privilégiés. Faites comprendre aux travailleurs allemands que cette comédie ne durera pas indéfiniment, qu'elle sera brisée par la solidarité de tous les exploités de chez RENAULT, pour qu'enfin justice soit faite contre les véritables responsables de la guerre et de nos misères."
La veille du jour où ce tract a été diffusé, deux travailleurs avaient été congédiés pour avoir parlé à des ouvriers allemands. Des faits relatés il ressort avec évidence que le chauvinisme des bureaucrates syndicaux les amène à recourir à l'arbitrage de la direction patronale, pour que celle-ci fasse la police entre les travailleurs de différentes catégories. Ils reconnaissent donc, de fait, au patron le droit de disposer à sa guise de ses salariés. Il est certain dans ce cas que la revendication des dirigeants pourris de la CGT, demandant que l'utilisation des prisonniers allemands ne concurrence pas les conditions d'existence des ouvriers français, ne pourra, comme tant d'autres, que rester sur le papier. Quelle doit être l'attitude des ou-vriers français pour réellement faire aboutir cette revendication ?
1° Le patronat ayant à sa disposition une armée de travail misérablement traitée (en la personne des prisonniers allemands), fait automatiquement pression sur tous les autres tra-vailleurs (loi de la concurrence). D'autre part, cette armée de travailleurs étant composée de prisonniers et astreinte au travail forcé, le patronat l'a à sa merci pour l'utiliser en cas de grève des ouvriers français et briser ainsi ces mouvements. L'intérêt évident des ouvriers français c'est donc d'exiger l'abolition de tout travail forcé et le statut des travailleurs libres pour les ouvriers étrangers, quelle que soit leur nationalité.
2° Pour que la CGT puisse avoir le contrôle sur ses ouvriers, quel est le meilleur moyen (dans un esprit véritablement ouvrier), si ce n'est d'étendre à tous les travailleurs les droits syndicaux.
Au lieu de cela les bureaucrates chauvins se font les gardes-chiourme entre les ouvriers français et allemands, imitant en cela les nazis, puisque ceux-ci empêchaient aussi, par des sanctions, les ouvriers allemands de parler aux travailleurs étrangers (ce qui n'a d'ailleurs pas empêché les ouvriers allemands de faire des gestes de solidarité à leur égard, comme le savent très bien les prisonniers rapatriés).
3° Si la CGT craint que la présence des prisonniers allemands n'entraîne le chômage des ouvriers français, il faut exiger le renvoi des prisonniers dans leurs foyers.

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A LA PLACE DE LA "MONTAGNE" IL N'Y AVAIT QUE LE "MARAIS"
    L'Humanité du 11 juillet déclare, au sujet des décisions gouvernementales sur les futures élections, que le PC n'accepte pas "la moindre part de responsabilité dans l'élaboration d'un projet qui révèle un fâcheux état d'esprit anti-démocratique".
    Or, si ce projet n'a pas été élaboré par le PC, il a été voté par les ministres "communistes" au gouvernement, qui donc en ont pris ENTIEREMENT la responsabilité. Evidemment, l'Humanité justifie leur attitude en prétextant qu'une crise gouvernementale serait "une aggravation de la situation déjà difficile du pays" : ainsi les chefs staliniens, qui ont fait un grand tapage sur leur lutte pour une CONSTITUANTE SOUVERAINE du peuple (40 millions d'hommes), ont reculé devant le chantage d'une seule personne : De Gaulle, représentant des 200 familles, qui avait menacé de se retirer si ses plans n'étaient pas acceptés.
    MM. les chefs staliniens, qui répètent sur tous les tons qu'il faut faire confiance au peuple -"d'où sont sortis les Hoche"- auraient dû, si leur démocratisme n'était pas de la pure démagogie, rétorquer à De Gaulle : "Tu peux t'en aller si tu es contre une Constituante souveraine, car du peuple constituant d'où en 1789 sont sortis non seulement les Hoche, mais aussi les Robespierre et les St-Just, sortiront maintenant les Lénine et les Trotsky, et le pays s'en trouvera mille fois plus sain et plus robuste qu'avec toi et ta classe au gouvernement". Mais l'Humanité au contraire se félicite du maintien de "l'union au sein du gouvernement" : union avec les réactionnaires et le pétainiste De Gaulle, sous prétexte de défendre la démocratie !
    C'est aux travailleurs communistes d'imposer aux dirigeants du PC l'accord de leurs actes avec leurs paroles : contre l'action réactionnaire de De Gaulle, rompez la coalition et luttez pour un Gouvernement Ouvrier et Paysan !