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APPEL DES TRAVAILLEURS INDOCHINOIS

AUX TRAVAILLEURS FRANCAIS

 

    La répression s'abat à l'heure présente sur l'ensemble des tirailleurs indochinois encasernés en France. Travailleurs Français, vous vous êtes sans doute demandé la raison des mesures terroristes des hommes des trusts? Quel est donc le crime des tirailleurs, qu'on désarme, qu'on emprisonne par centaines, qu'on charge à la baïonnette et qu'on fusille?

    Ils ont débarqué en France il y a 6 ans, venus des coins les plus reculés de l'Indochine.

    On les a armé et poussé au front comme du bétail. Pourquoi se battaient-ils? On exigeait seulement d'eux qu'ils se fassent tuer. Les survivants ont connu les stalags et le travail sans salaire dans l’org. Todt.

    Sortis des stalags, nous n'avons pas eu les mêmes droits que les autres prisonniers (pas de prime de libération, par ex.). Nous avons demandé au gouvernement de nous démobiliser (ayant connu 7 ans de caserne, certains d'entre nous 8 et 9 ans de service militaire) et de nous orienter vers les centres de formation et de rééducation professionnels.

    On nous a en réponse enrégimentés à nouveau, mˆme les malades, nous faisant travailler pour les patrons français (dans les forêts, salineries etc ... ). Avec un salaire de 2frs par jour. Bien plus, on veut nous forcer à entrer dans le corps expéditionnaire pour aller combattre nos frères au pays.

    Nous avons demandé au Gal Leclerc de nous épargner pareille besogne: on nous a mis dans des camps disciplinaires à Entraigues (Vaucluse), en nous enlevant tous nos effets et en nous privant de nourriture.

    Tout cela pour n'avoir pas voulu être infâmes en faisant la guerre à nos familles.

    Le 18 Oct. dernier nous avons fait, avec nos compatriotes travailleurs, la grève de la faim pour protester contre l'embarquement de force de nos camarades à Marseille, contre la guerre en Indochine et contre l'arrestation arbitraire des membres de la délégation générale des Indochinois (notre org. représentative en France). Partout nous avons rencontré la sympathie des travailleurs français -- tandis que les officiers colonialistes arrêtent plus de 300 des nôtres et jettent sur nous désarmés, les gardes mobiles armés de baïonnettes comme à Agen où une trentaine d'anciens prisonniers de guerre Indochinois furent grièvement blessés.

    Les tirailleurs répartis dans les régions de Strasbourg, Mulhouse, Aix-en-Provence, Agen, La Rochelle, Arles, Montpellier, ont rendu leurs galons aux bourreaux et garde-chiourmes, demandant la libération de tous leurs camarades arrêtés. Ou alors que l'on interne comme prisonniers de guerre, les 8.000 tirailleurs Indochinois!

    Car ils estiment que leurs camarades n'ont fait que leur devoir. Ils vous demandent de les soutenir. Ce n'est pas dans des pays éloignés et étrangers que se passent ces choses. C'est ici, en France même,

    Par leurs mesures terroristes, les colonialistes veulent faire de nous une machine à répression, bonne contre quiconque; demain, on tentera d'utiliser contre vous des tirailleurs: en les défendant aujourd'hui, vous vous défendez vous-mêmes.

    Montrez en nous soutenant par tous les moyens en votre pouvoir, que vous n'aiderez pas les crimes des colonialistes et des hommes des trusts. Partout localement, syndicalement et politiquement, aidez-nous à obtenir sans attendre:

 

LA LIBERATION DE TOUS LES TIRAILLEURS ARRETES – LA DEMOBILISATION ET LA TRANSFORMATION EN TRAVAILLEURS DE TOUS LES TIRAILLEURS - L'OCTROI AUX TIRAILLEURS DES MEMES AVANTAGES CEUX AUXQUELS ONT DROIT LES AUTRES PRISONNIERS DE GUERRE - LEUR INSCRIPTION DANS LES CENTRES DE REEDUCATION ET D'APPRENTISSAGE PROFESSIONNELS.

 

(Décembre 1945)

Les Tirailleurs INDOCHINOIS en France