OPPOSITION SYNDICALE « LUTTE DE
CLASSES »
Bulletin
Intérieur N° 1
(Janvier 1946)
Les fêtes
de Noël et du Jour de l'an,
ainsi que le manque de courant ont contrarié l'arrivée
des échos à La Voix [des
Travailleurs]. Les rapports de la vente de la V des T ne sont pas
parvenus
intégralement, mais l'on doit noter une baisse très
sensible dans les ventes à
la criée. La cause de cette baisse est due en partie au froid et
au manque de
lumière le matin; mais aussi au fait que, les staliniens faisant
régner une
véritable terreur, les ouvriers n'osent pas acheter ouvertement
la presse
ouvrière. La vente à l'intérieur des usines par
nos camarades a plutôt tendance
à progresser.
Nos camarades
ont fait paraître des
bulletins d'opposition. Chez Thomson, la section syndicale a obtenu la
cantine
pour faire les réunions syndicales à condition que
personne étranger à la boite
ne puisse y pénétrer. Nos camarades prennent position
contre cette restriction
et s'expriment ainsi: "Voyez citoyen Beaumont nous ne sommes pas
systématiquement contre vous et vos semblables." La façon
de présenter la
question n'est pas bonne. Il eut été plus juste de dire:
"Nous voulons que
tous les ouvriers syndiqués puissent assister aux
réunions quelqu'ils soient."
Car il ne s'agit nullement d'être pour ou contre Beaumont, mais
de défendre une
revendication juste. Même des ouvriers (il n'est pas besoin
d'être un bonze
syndical) d'une autre usine doivent pouvoir assister aux
réunions, dès
l'instant qu'ils sont syndiqués.
Ce n'est que
par un échange de vues entre
ouvriers et non seulement par l'intermédiaire des sphères
bureaucratiques, que
les ouvriers pourront trouver la ligne juste qui conduit à leur
émancipation.
Les camarades
de chez Citroën, ont fait
paraître un bulletin inter-usine Citroën, ce qui marque un
progrès dans le
développement de la lutte de l'opposition chez Citroën. Les
oppositions qui se
constituent (Citroën Clichy) doivent fixer des tâches
à chaque camarade.
Certains camarades peuvent se montrer sceptiques quant à l'issue
de la lutte,
en dénombrant nos forces en face de celles de la bourgeoisie. Il
faut démontrer
à ces ouvriers la dialectique du rapport de force.
Actuellement
dans des usines de 1.500 à
2.000 ouvriers, une quinzaine d'ouvriers syndicalistes donnent le ton
dans
toute la boite. La plupart du temps ces ouvriers sont staliniens, et
n'ont que
leur expérience pratique à l'exclusion de toute
éducation politique, économique
et même sociale.
Chez Alsthom,
la section syndicale qui
n'est pas une des plus fortes de la RP puisque l'usine ne compte
qu'environ 800
ouvriers, qui n'a pas de base théorique sérieuse
d'activité, mais qui pratique
la politique de l'action directe, a par une délégation de
43 ouvriers, agité la
question de la carte de pain, au point que Frachon en a
été amené à faire un
long article, que Hénaff a du faire un communiqué
à la presse et que la presse
bourgeoise en a parlé.
Dans les
oppositions notre travail doit
être: éducation pour forger des cadres, divulgation pour
stimuler le mouvement.
Chaque oppositionnel doit être le catalyseur du travail ouvrier.
Dans leurs
échos, les camarades n'ont
encore rien mentionné en ce qui concerne la nouvelle convention
collective dans
la métallurgie. Dans plusieurs journaux de boite de la CGT, on
remarque une
tendance à ne plus répéter avec autant
d'insistance, le mot d'ordre
"produire". Ces journaux se contentent de porter publiquement
quelques revendications accessoires. Il faut, dans notre presse locale,
démasquer tout le vide de ces canards, sans pour cela
répondre à toutes leurs
balivernes. De longs articles sont réservés à
faire de la propagande pour les
mutuelles etc .... en expliquant que, en attendant de pouvoir supprimer
l'exploitation de l'homme par l'homme (ce qui pour ces canards est
très lointain)
le r“le du syndicat est de développer la solidarité et la
fraternité. Dans nos
journaux locaux il faut démasquer cette tendance "mutuelliste"
et
redonner aux termes fraternité et solidarité leur contenu
de classe et non le
contenu genre curé que leur donne la presse syndicaliste
officielle.
Il faut que les
camarades nous fassent
parvenir des renseignements exacts sur la façon dont sont
administrées leurs
boites: comment fonctionne le boni; comment sont majorées les
heures
supplémentaires; le nombre d'heures de travail (indiqué
à chaque fois que cela
change), la paie réelle des ouvriers, car un OS 2'
catégorie dont le contrat
collectif est 25 Frs 40 touche de 30 à 32 Frs chez Citroën
et de 36 à 38 chez
Renault, etc....
Dans le
Métallo on a remarqué que la
revendication à travail égal, salaire égal,
était modifiée comme suit: à
catégorie égale, salaire égal. Il faut dans notre
presse locale démasquer cette
manœuvre aux ouvriers, car c'est justement la force des patrons de
faire
exécuter des travaux à des ouvriers de catégorie
inférieure pour les payer
moins, même s'ils ne sont pas de la catégorie, s'ils font
le travail, ils
doivent être rémunérés en conséquence.
(Janvier 1946)