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Prolétaires de tous les pays, unissez-vous
La Lutte de Classes
Organe de l'Union Communiste (Trotskyste)
 
N°87     Prov. Bimensuel (B.I.)
  CINQUIEME ANNEE
29 MARS 1947
Le N°: 4 francs
 


 
LA QUESTION DECISIVE
    A la suite des attaques personnelles du P.R.L. contre M. Thorez, à l'occasion du débat sur l'Indochine, les chefs staliniens ont dû se livrer, eux aussi, à une petite manifestation de diversion. Jusqu'à maintenant, bien que partisans de "l'entente avec Hô-Chi Minh", ils avaient accepté, non seulement la responsabilité ministérielle de la guerre, mais aussi la solidarité parlementaire avec le P.R.L. lors du vote de confiance à Blum, qui lui-même se déclarait entièrement d'accord avec Thierry d'Argenlieu (L. de Cl., n°81). Ils avaient aussi voté avec le P.R.L. les crédits généraux pour l'armée (y compris celle d'Indochine) et accepté en commission les crédits SPECIAUX qui faisaient l'objet des récents débats.
    Mais comme le P.R.L. a mis en doute le "caractère national" des chefs staliniens, ceux-ci ont décidé de s'abstenir lors du vote sur la question de confiance posée par Ramadier, suspendant ainsi sur la tête du ministère la menace d'une crise. En agissant de cette façon, ils vou-laient, d'un côté, contraindre les cercles dirigeants à avouer publiquement qu'ils ne peuvent pas se passer de leur concours en ce moment, et Ramadier fit en effet solennellement l'éloge de Maurice Thorez ; d'un autre côté, cela leur donnait une nouvelle occasion de "faire de l'opposition" et de démontrer ainsi aux travailleurs conscients, qui savent que le colonialisme est une source de réaction et de misère, leur fidélité à la défense vigilante de la démocratie. Après quoi, ils maintinrent la "solidarité ministérielle" !

    Comme toujours, les manoeuvres trompeuses des chefs du P.C.F. sont justifiées par l'intérêt de la classe ouvrière. La solidarité des ministres staliniens avec le gouvernement Ramadier, qui mène en Indochine une politique aventuriste et réactionnaire, est justifiée par l'habituel subterfuge : "La réaction serait trop contente qu'on s'en aille." Mais comme cette fois la participation gouvernementale oblige les ministres staliniens à FAIRE noir là où leur parti DIT blanc, il a fallu aux chefs staliniens MINIMISER la question de l'Indochine et proclamer leur accord "SUR TOUTES LES AUTRES QUESTIONS DE LA POLITIQUE GOUVERNEMENTALE". Quelles sont ces autres questions ? L'Humanité du 25-3 proclame : "Non à la guerre ! Oui à la baisse ! Oui contre les factieux ! Oui pour notre sécurité et les réparations !" Mais le "Oui à la baisse" qui n'est qu'une machine de guerre po-litique pour s'opposer aux revendications les plus urgentes des travailleurs, c'est également l'attitude du P.R.L. et du patronat ; le Oui à Bidault, c'est aussi l'attitude du P.R.L. ; quant au "Oui contre les factieux", le fait que depuis deux ans de gouvernement "démocratique" la réaction est plus puissante que jamais, prouve que la participation ministérielle des Staliniens, sous ce prétexte, n'est qu'une duperie pour les travailleurs. Et comme pour rester au gouver-nement, le soi-disant "Non" du P.C.F. à la guerre d'Indochine, s'est transformé en "Oui" pour les ministres staliniens, ceux-ci ne sont restés au gouvernement que pour faire une politique APPROUVEE D'UN BOUT A L'AUTRE PAR LE P.R.L. !

    Et cependant, la question de la guerre d'Indochine, dont les chefs staliniens ont fait un problème gouvernemental de second ordre, est en réalité le problème fondamental qui com-mande tous les autres.
100 MILLIONS PAR JOUR rien que pour la guerre en Indochine, A COTE DE TOUS LES AUTRES CREDITS POUR L'ARMEE, c'est une saignée financière qui provoque la hausse des prix d'une façon irrésistible, et ruine l'économie française en la détournant, comme en temps de guerre, de ses buts réels : nourrir, vêtir, abriter le peuple en France.

    D'autre part, l'exploitation coloniale, qui n'est pas possible sans les d'Argenlieu, est la source PRINCIPALE de la réaction en France même.

    Dans ces conditions, la poursuite de la guerre en Indochine, que nous avions dénoncée comme une aventure, ne peut mener qu'à une catastrophe les travailleurs français.

    Cependant, les chefs staliniens mettent leur espoir dans le succès de leur formule "entente avec Hô-Chi Minh". Car l'impérialisme français ne peut plus mener une guerre longue. A l'instar de la Hollande, qui vient d'arrêter les hostilités contre les 60 millions d'habitants des Indes-Néerlandaises qu'elle exploite, le gouvernement Ramadier sera probablement, lui aussi, obligé de négocier avec le Viêt-nam. C'est alors que les chefs staliniens pensent tirer profit de leur attitude, en faisant valoir leur "clairvoyance", leur "fermeté" et leur "courage".

    Mais si une telle éventualité peut temporairement sauver les chefs staliniens d'un discrédit immédiat et de la faillite politique, la question ne se pose pas de la même façon pour les ou-vriers et paysans d'Indochine et pour les travailleurs français.

    Car "l'entente avec Hô-Chi Minh", préconi-sée par les chefs staliniens, n'est pas une politique démocratique. "Le maintien de la présence française" qu'ils préconisent à la place de l'"ancien colonialisme" n'est que cet ancien colonialisme lui-même. Il ne s'agit pas d'enlever aux Banques exploitrices leur monopole, de les exproprier, de retirer les troupes qui pillent le pays et épuisent le budget métropolitain. Il s'agit de concessions à une mince couche bourgeoise ou instruite pour s'en faire une alliée.

    Or, le maintien de la "présence française" en Indochine en la personne de l'armée des d'Argenlieu sera non seulement une source de conflits continuels, mais la continuation de la domination de la Banque d'Indochine qui maintiendra intacte l'exploitation coloniale.

    La seule politique favorable aux intérêts des travailleurs, c'est LE RETRAIT SANS CONDITIONS DE TOUTES LES TROUPES D'OCCUPATION, ET L'EXPROPRIATION DES BANQUES, NOURRIES DE LA SUEUR DES TRAVAILLEURS FRANÇAIS ET INDOCHINOIS, AU PROFIT DU PEUPLE INDOCHINOIS ET DU PEUPLE FRANÇAIS. Faute de quoi, les travailleurs français continueront à souffrir, selon l'exigence de Ramadier, "comme sous la servitude".


 LA C.G.T. ET LA BAISSE DES PRIX
(extraits)
    [...] C'est parce que hausse des salaires et baisse des prix sont effectivement les deux aspects différents d'une même question : celle du renforcement du pouvoir d'achat populaire face au pouvoir d'achat des riches, qu'ayant capitulé sur les salaires, les dirigeants de la C.G.T. ne peuvent pas davantage imposer la baisse.

    La déclaration de la C.G.T. qui abandonne le minimum vital, affirme que pour imposer la baisse au patronat il faut vérifier ses prix de revient et de vente, découvrir les stocks, les bénéfices camouflés, les dépenses exagérées, etc. C'est là une atteinte aux prérogatives patronales essentielles, une ingérence dans sa propriété privée. Une pareille immixtion dans ses affaires se heurterait à sa résistance acharnée, encore bien plus que sur la question des salaires. Et les dirigeants de la C.G.T., qui n'ont pas été capables d'organiser l'action ouvrière pour briser la résistance des patrons sur la question des salaires, prétendent surveiller leurs prix et leurs bénéfices... par les Comités d'entreprise. Rien que le moyen indique déjà tout le sérieux de cette "lutte pour la baisse".

    Quelle est l'activité pratique de ces "Comités d'entreprise;", connue par les ouvriers, et non pas celle que leur attribue Frachon sur le papier ? Tout au plus de s'occuper d'"oeuvres sociales". Car il s'agit, en réalité, non pas d'organismes ouvriers ayant une fonction de surveillance auprès du patronat, mais d'auxiliaires de celui-ci, d'organes mixtes de collaboration avec le patronat, où se trouvent en minorité les délégués ouvriers dont la tâche légalement fixée est de veiller à la bonne marche de l'entreprise, à l'augmentation du rendement, et non de dénoncer les agissements du patronat, agissements qui leur sont du reste cachés ; car c'est la direction patronale elle-même qui communique ses renseignements aux Comités d'entreprise, les renseignements qu'elle veut bien leur donner.

    Le résultat, c'est que dans une importante usine comme Renault, par exemple, comme partout ailleurs, l'activité du Comité d'entreprise consiste à informer les ouvriers du nombre d'automobiles qui ont été fabriquées dans le mois, à rendre compte des progrès de la crèche ou de l'apprentissage et à s'en prendre, aussi, à l'occasion... aux ouvriers qui "resquillent" un quart de vin en plus de leur ration à la cantine.

    Dire aux ouvriers que de pareils organismes peuvent représenter -sans parler de contrôler effectivement- ne fut-ce qu'une ébauche ou un essai de contrôle, c'est compromettre à leurs yeux l'idée même du contrôle ouvrier.

    A juste titre, les ouvriers n'ont aucune confiance dans ces organismes. Et cependant, des militants syndicalistes partisans de la lutte pour l'échelle mobile et le contrôle ouvrier, essaient de donner un ca-ractère "progressif" à ces Comités d'entreprise. Nous lisons dans le bulletin syndical de l'imprimerie Paragon-Mommens, au sujet de l'ouverture des livres de compte et du contrôle ouvrier : "Beau champ d'activité pour les Comités d'entreprise". Mais c'est précisément ce que disent aussi les bureaucrates de la direction cégétiste, pour réduire à néant la lutte pratique réelle pour l'échelle mobile et pour la baisse des prix par le contrôle ouvrier.

    En réalité, comme pour les salaires et encore plus que pour les salaires, la lutte pour la baisse des prix ne peut pas se concevoir menée par quelque organisme technique siégeant aux côtés des patrons, mais par des organes de combat des ouvriers, directement contrôlés par eux et eux seuls, opposant à la force patronale leur propre force.

    C'est donc en acquérant d'abord des forces dans l'unité et la cohésion de lutte pour l'amélioration de leurs conditions économiques immédiates, c'est-à-dire en imposant le minimum vital et l'échelle mobile, que les ouvriers pourront être assez forts pour se proposer la tâche du contrôle et de la baisse des prix, et grouper ainsi autour d'eux d'une manière effective les petites gens qui sont victimes de la politique gouvernementale favorable au grand capital.
 


A la conférence de Moscou, DONNANT, DONNANT
    Nous démontrions dans notre précédent article (Du diktat de Munich au diktat de Moscou, LdC n°86, article non reproduit) que le but avoué du pacte franco-anglais : dresser le bloc franco-anglais contre le danger allemand, était mensonger. A peine l'encre avec laquelle Bevin et Bidault avaient signé le pacte de Dunkerque était-elle séchée, qu'ils devaient prendre position au sujet de l'Allemagne, à la Conférence de Moscou. Comme un pacte n'a de valeur que dans ses conséquences immédiates, on allait tout de suite savoir la vérité sur celui de Dunkerque. Or, non seulement Bevin et Bidault ne se sont pas trouvés d'accord sur les problèmes que pose l'Allemagne, aux "Alliés", mais des quatre puissances en présence, ce sont précisément les points de vue français et anglais qui s'opposaient le plus.

    On le voit : le but avoué des pactes n'est que la formule la plus capable de duper les travailleurs des pays signataires, afin de mieux les entraîner à soutenir l'effort militaire de la bourgeoisie au nom d'alliances "sacrées", alors qu'en réalité celle-ci utilise ses forces pour des buts de pillage en compagnie d'"alliés" qui sont aussi bien des ennemis, dès que leurs intérêts les séparent.

*   *   *
    Mac Arthur, représentant de l'état-major américain au Japon, s'est prononcé pour l'évacuation de troupes américaines du pays qui fut le principal adversaire des Alliés en Asie et dans le Pacifique. Peut-être se serait-il converti subitement à la démocratie ? Pas le moins du monde. Au même moment, les impérialistes américains colonisent la Turquie et font pression sur l'Angleterre pour qu'elle maintienne ses troupes en Grèce. Parce que dans ces deux derniers pays la bourgeoisie est trop faible pour s'opposer aussi bien à la lutte de son propre peuple, qu'aux visées militaires de Staline ; tandis qu'au Japon la puissance restaurée des capitalistes peut servir à l'impérialisme américain dans ses plans contre la Chine et contre l'U.R.S.S. Le retrait des troupes du Japon n'est envisagé que parce qu'il est le seul moyen de restaurer la puissance militariste de la bourgeoisie japonaise.

    En se retirant, les forces américaines veulent laisser la bourgeoisie japonaise suffisamment forte pour écraser les masses ouvrières et paysannes, car Mac Arthur ne pense nullement laisser les travailleurs et paysans japonais régler leur compte à leurs exploiteurs et instaurer la véritable démocratie.

    Il ne se retirera pas avant que les banquiers japonais ne se soient relevés et suffisamment renforcés avec l'aide des financiers américains. Cette aide des financiers américains aux capitalistes japonais est préconisée ouvertement. Elle ne peut étonner que ceux qui se sont laissés tromper par la propagande démocratique alliée. Quel est l'intérêt majeur qui pousse le capitalisme américain à relever la puissance japonaise ? C'est que le capitalisme américain veut dominer le monde entier, et l'occupation militaire des grands pays est plutôt une source de faiblesse militaire qu'un surcroît de puissance. Les U.S.A. ont besoin de "collaborateurs" contre la Chine et contre l'U.R.S.S. Et l'impérialisme japonais avec ses traditions de lutte contre ces deux pays peut être un allié décisif.

*   *   *
    Mais les dirigeants de l'U.R.S.S., puissance contre laquelle les U.S.A., qui visent à la domination mondiale, dirigent tous leurs plans, opposent aux méthodes de brigandage des impérialistes américains les mêmes méthodes. Les USA ayant revendiqué la possession des îles de Micronésie comme base stratégique dans le Pacifique, Molotov a fait connaître à Washington qu'il considérait ce projet comme parfaitement "équitable". En commentant cette attitude, Le Monde (21-3-47) révèle qu'en "justifiant l'annexion de fait de la Micronésie..., l'U.R.S.S. entend légitimer du même coup les annexions déguisées qu'elle a déjà opérées ou qu'elle projette en Europe et en Asie, et elle assoit plus solidement sa propriété (qui lui fut reconnue à Yalta) sur les Kouriles".

    Donnant, donnant, par conséquent.

    Nous n'avions donc pas tort non plus quand nous affirmions que les décisions des Trois Gros à Moscou révèleront aux travailleurs que les véritables victimes de cette guerre n'ont été que les masses laborieuses de tous les pays.

GAUTHIER


 
 
LA MANIFESTATION 
DU 25 MARS 1947 
    Malgré la politique anti-ouvrière des bureaucrates cégétistes, des centaines de milliers d'ouvriers répondirent à leur appel et défilèrent dans les rues de Paris pour se rendre au Champ de Mars. Un des mots d'ordre de la C.G.T., qui fut repris par de nombreuses pancartes, fut celui des : "Oisifs au travail;". Des ouvriers scandaient : "Les zazous au boulot, les fascistes au poteau". Parler de mettre les oisifs au travail, quand tous les leviers de commande sont entre les mains des bourgeois, c'est-à-dire de ceux qui ne travaillent pas, cela est un leurre. Mais si les travailleurs l'ont repris, c'est qu'en sortant de l'usine, ils éprouvaient le besoin de manifester leur haine contre les parasites qui vivent de leur sueur et de leur sang. 

    Le mot d'ordre des primes à la production fut rarement repris par les manifestants et quand Frachon en parla, seuls quelques fanatiques aux abords de la tribune applaudirent. Par contre les pancartes réclamant le minimum vital étaient nombreuses. Les bonzes ont capitulé devant le gouvernement et Jouhaux nous a expliqué que les discussions reprendraient au mois de mai pour définir la nouvelle conception du minimum vital. Mais si Jouhaux peut attendre le mois de mai, les travailleurs, eux, ne peuvent pas attendre. C'est pourquoi les pancartes et les slogans réclamant le minimum vital furent si nombreux. La manifestation clama aussi sa solidarité au peuple indochinois : "Paix avec le Viêt-nam" ; "les 100.000 millions d'Indochine au minimum vital" réclamaient des pancartes. Pendant ce temps, les parlementaires communistes font parade en s'abstenant de voter des crédits tandis que Thorez et les ministres du P.C.F. les votent au Conseil des Ministres. Tandis que le micro, avant le meeting, jouait des airs de swing et La Marseillaise qui ne fut pas reprise par la foule, de nombreux groupes sur le parcours et en arrivant au Champ de Mars chantaient L'Internationale. 

    Bien avant la fin du discours, les ouvriers regagnaient le métro, ils savaient ce qu'"ils" allaient dire. 

    Encore une manifestation qui n'aura servi à rien. 

    Pourquoi tant d'ouvriers, les suiveurs mis à part, ont-ils participé à une manifestation sans lendemain ? 
Excédés par des conditions de vie toujours plus misérables, en l'absence de véritables organisations pour diriger leurs luttes, les travailleurs sont venus nombreux au Champ de Mars non pour acclamer leurs "chefs", mais pour crier leur mécontentement. 

    Car, les "chefs", eux, n'ont organisé cette manifestation que pour servir, comme le reconnaît Le Monde, organe des 200 familles (qui ne les blâme pas à ce sujet) "d'exutoire" (soupape de sûreté) (Le Monde, 27-3-47). 

 


 
 
 ...ECHOS... 
R E N A U L T 
 
        Mouvement au secteur Collas 
    A l'atelier 5 (Trempe), les ouvriers ont débrayé pour réclamer une augmentation de salaire. Après plusieurs délégations infructueuses et 4 jours de grève, ils obtinrent 2 fr. de l'heure d'augmentation. Par solidarité pour l'atelier 5, des ouvriers du département 6 ont engagé une action. Ils arrêtèrent les moteurs et tentèrent de convoquer une réunion pendant le travail pour dresser un cahier de revendications, nommer une délégation et décider de l'action à mener. Mais ils furent arrêtés dans leur action par les délégués, au moment où la moitié environ du département avait cessé le travail. Ceux-ci tentèrent de briser l'élan des ouvriers en argumentant que "ce n'était pas le moment de faire grève parce que le sort de la France se jouait à la conférence de Moscou" ou que "des éléments irresponsables cherchaient à nous entraîner dans une grève sans fin et qu'on n'aurait rien à manger." 

    Comme des ouvriers protestaient : "Ca fait 2 ans qu'on la saute, on en a marre" et que leurs arguments ne convainquaient personne, les délégués remirent eux-mêmes les moteurs en route. La liaison étant mal assurée du fait de la spontanéité du mouvement, les ouvriers furent désorientés, ne sachant s'il fallait aller de l'avant ou reculer. 

    Si les ouvriers ont manqué d'organisation pour mener le mouvement jusqu'au bout, ils ont fait une fois de plus l'expérience de la direction syndicale. L'un d'eux disait à un représentant du syndicat : "C'est toi qui a remis le moteur en marche, mais la prochaine fois je t'attacherai à ta machine s'il le faut". 

    N'ayant pu demander l'avis des ouvriers dans une réunion, les camarades les plus combatifs firent circuler une liste de pétition, réclamant une augmentation de 10 francs de l'heure sur le taux de base, pour tout le monde. 

    Les pétitions ayant été signées par la grosse majorité des ouvriers dans les secteurs où elles furent présentées, le délégué du secteur Collas fut contraint d'accepter de présenter la revendication à la direction. 

*   *   * 
    Divisions ouvrières 
    Après avoir saboté un mouvement en mettant eux-mêmes les moteurs en marche, les représentants de la C.G.T. se sont attirés la méfiance des ouvriers. La menace de la crise gouvernementale fit espérer à quelques Staliniens de base que leur parti allait entrer dans l'opposition. C'est ainsi qu'un Stalinien disait à un ouvrier ayant joué un rôle actif dans une grève : "Ce qu'il faut surtout c'est l'unité, ce n'est pas sous prétexte qu'on est socialiste, communiste ou trotskyste qu'on doit se tirer dans le dos". 

    -Mais l'autre fois vous n'avez pas hésité à nous tirer dans le dos quand nous avons débrayé. 

    - Ce n'est pas une raison, s'il y en a qui ont fait des bêtises, pour continuer. 

    Ainsi, devant le danger, les ouvriers de base du P.C.F. ne tiennent plus compte des calomnies de leurs chefs et recherchent l'unité avec ceux que leurs dirigeants qualifient de fascistes et d'agents de la réaction. Les ouvriers d'avant-garde et particulièrement les Trotskystes appuient sans réserve tout mouvement de défense des intérêts ouvriers. Mais, en brisant des grèves, les Staliniens sont les meilleurs artisans de la division. 

    Mardi dernier, chez Renault, des ouvriers disaient : "Ils nous ont saboté notre mouvement, moi je sabote le leur, je n'irai pas à leur manifestation et je continuerai à travailler". Et en effet, certains ouvriers refusèrent de débrayer à 5 heures. 

    Au lieu d'unir les ouvriers, les bureaucrates syndicaux introduisent la méfiance et la division dans le mouvement ouvrier.