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Prolétaires de tous les pays, unissez-vous
La Lutte de Classes
Organe de l'Union Communiste (Trotskyste)
 
N°90     Prov. Bimensuel (B.I.)
  CINQUIEME ANNEE
16 MAI 1947
Le N°: 4 francs

  
 
QUI L'EMPORTERA ?
    Le dernier vote (du vendredi 9 mai), par lequel la direction cégétiste stalinienne a réussi à arrêter la grève générale Renault, consacre-t-il la victoire de cette direction ?

    Ce n'est pas par un vote que la grève générale avait éclaté, douze jours auparavant ; c'est un secteur de l'usine comprenant environ 1.500 ouvriers qui, débarrassé des saboteurs "syndicaux" officiels par une lutte intérieure qui durait depuis de longs mois, a entraîné dans l'action toute l'usine.

    C'est par une lutte ouverte avec la direction syndicale dans le reste de l'usine que les grévistes du secteur Collas ont conquis l'adhésion des travailleurs de chez Renault. Quelle est l'histoire de cette lutte ? La voici brièvement.

    Les 1.500 ouvriers du secteur Collas, en grève le vendredi 25 avril pour une revendication intéressant toute la classe ouvrière, convoquent un meeting général le lundi 28 avril, à la suite duquel, en parcourant les différents ateliers des usines, ils réussissent à faire débrayer un peu partout. Mais c'est seulement environ 12.000 ouvriers des différents départements qui restent en grève. Dans le reste de l'usine (qui compte environ 30.000 personnes), les responsables cégétistes font reprendre le travail aux ouvriers qui, malgré leur mécontentement, sont intimidés par la pression de ces jaunes.

    Mais le lendemain mardi, la direction syndicale se sent débordée : pour essayer de reprendre tout le mouvement en mains et de le contrôler, elle utilise une première "manoeuvre" en appelant elle-même à la grève générale... d'une heure, pour soi-disant appuyer ses propres négociations avec la direction. Mais une fois en grève, les travailleurs de toute l'usine y restent, refusent de limiter le mouvement à une heure et suivent le secteur Collas et dans la grève et dans ses revendications.

    Mais c'était là tout ce que les travailleurs pouvaient faire. Privés, dans presque tous les départements, d'éléments éduqués capables de tenir tête localement à la pression des bureaucrates petits et grands aux ordres des bonzes syndicaux, ils ne peuvent aller de l'avant. Ils sont en grève contre la volonté des dirigeants cégétistes, et c'est à ces derniers que revient, dans beaucoup de secteurs, la direction d'un mouvement dont ils ne veulent pas. C'est là que commencent les "victoires" de la C.G.T.

    Sa première victoire ? Mercredi, dans l'après-midi, ils lancent des groupes d'assaut dans l'usine pour intimider les ouvriers, balayer les piquets de grève, disperser l'organisation propre des grévistes qui s'apprêtaient pour le lendemain, 1er mai. Il leur fallait à tout prix empêcher que les autres travailleurs sachent que la grève Renault et ses buts avaient surgi en dehors des ;dirigeants syndicaux; et malgré leur opposition.

    Vis-à-vis du reste de la classe ouvrière, les chefs cégétistes s'efforcent, en effet, de faire croire que ce sont eux qui conduisent le mouvement, que ce sont eux qui revendiquent les 10 francs, etc. Ils réussissent à empêcher les grévistes de manifester le 1er Mai ; mais cette première "victoire" est la première grande défaite de la direction cégétiste dans le secteur le plus important de la classe ouvrière, les usines Renault. Il ne s'agit plus cette fois-ci d'actes de violence contre des vendeurs de journaux qu'on accuse de n'importe quoi ; les travailleurs les ont vus à l'oeuvre contre eux-mêmes.

    Ils essayent ensuite, le vendredi 2 mai, de consulter "démocratiquement" les ouvriers pour savoir s'ils veulent reprendre le travail avec 3 francs de prime (même pas encore acquise), alors que toute l'usine s'était mise en grève pour les 10 francs sur le taux de base.

    Or, le vote du vendredi 2 mai consacre le rapport de forces tel qu'il était apparu dans l'action gréviste du lundi, quand environ 12.000 ouvriers étaient en grève avant l'ordre officiel de la C.G.T. (le vote donne plus de 11.000 pour la grève, 8.000 contre).

    La grève entre ainsi dans sa deuxième semaine. Son sort se joue maintenant en dehors de l'usine. Les revendications des grévistes ne peuvent aboutir que par une lutte de l'ensemble de la classe ouvrière, comme en juin 1936, et il faut à tout prix obtenir l'adhésion des autres usines de la région parisienne.

    Là encore les staliniens recourent aux mêmes procédés, empêchent les délégués des grévistes de diffuser leur tract devant Citroën, etc. La grève Renault, malgré les mouvements de grève qui éclatent en province et dans certaines usines de Paris, ne réussit pas à entraîner le reste des travailleurs. C'est là la deuxième "victoire" des dirigeants cégétistes, mais avec les mêmes conséquences pour leur avenir. Dans de nombreuses usines (touchées ou non par les grévistes) où les ouvriers voulaient se mettre en grève, ils ont dû recourir à leur égard à la tromperie et à l'intimidation.

    Ainsi, le vote du vendredi 9 mai chez Renault, qui donne une majorité pour la reprise du travail sur la base de 3 francs de prime, ne signifie nullement une reprise de confiance dans les Staliniens. Mais il est dû au fait que les ouvriers de chez Renault se sont vus isolés, dans la lutte, du reste de la classe ouvrière.

    Malgré son échec, quant aux revendications ouvrières anticapitalistes qu'elle voulait faire prévaloir, la grève Renault est le commencement de la fin pour la direction officielle. C'est dans le bastion le plus important de la classe ouvrière que les dirigeants staliniens sont apparus aux travailleurs pour ce qu'ils sont : des éléments profondément antiprolétariens, obligés de se maintenir par la corruption, par l'intimidation, et par la brutalité ouverte, quand les travailleurs n'ont pas cédé aux deux premières. Un enseignement qui ne pouvait être acquis que dans la pratique, dans l'action, est maintenant assimilé par les travailleurs de chez Renault. Ils ont appris que, pour briser la politique du patronat, de famine pour les masses, il faut d'abord surmonter, par le regroupement et l'organisation, le sabotage stalinien au sein du mouvement ouvrier.

     Anticapitalisme et réformisme


HAUSSE DES SALAIRES ET PRIME A LA PRODUCTION
    Les dirigeants de la C.G.T. ont été mis devant le fait de la grève générale des usines Renault pour une augmentation de salaire de 10 francs sur le taux de base, comme acompte sur le minimum vital.
Après avoir essayé d'arrêter la grève par des méthodes d'intimidation et de brutalité, les dirigeants de la Fédération des Métaux ont finalement dû reprendre à leur compte, pour tous les métallurgistes, la revendication de 10 francs d'augmentation des grévistes, mais en la présentant sous forme de prime à la production. Ils ont ainsi soutenu le mouvement "comme la corde soutient le pendu". Car, sous le couvert de "leur" revendication, ils ont fait pression sur les ouvriers des autres usines pour qu'ils ne se mettent pas en grève et attendent le résultat de "leurs" négociations. Pendant ce temps-là, chez Renault même, ils ont manoeuvré pour la reprise du travail sur la base d'un compromis de 3 francs de prime à la production.

    Pourquoi les dirigeants cégétistes ont-ils opposé à la revendication d'augmentation sur le taux de base, telle que l'avaient formulée les ouvriers de Renault, la revendication de la prime au rendement ?

    On sait que, pour que la prime à la production atteigne son but au point de vue patronal, il faut qu'elle corresponde à une petite rémunération au-dessus du salaire de base, pour un effort dépassant de beaucoup la production normale ; plus l'ouvrier travaille, moins il est payé proportionnellement à son effort. Il n'est plus possible de faire croire aux ouvriers que leur salaire est lié à la productivité. Chez Renault, la production a augmenté de 150%. Dans la sidérurgie, avec 60% de hauts-fourneaux en marche, la production est au même niveau qu'en 1938. La surexploitation a atteint son maximum, il n'est plus possible d'augmenter les salaires par l'augmentation du rendement, car il y a à cela les limites mêmes de la capacité des machines et de l'effort physique des hommes. Que les ouvriers n'arrivent même pas à tenir la cadence qui leur est actuellement imposée, cela n'est-il pas prouvé par la revendication cégétiste du paiement des temps coulés au taux de base ?

    Mais s'il n'est plus possible d'augmenter le salaire par l'augmentation du rendement, la revendication cégétiste de la prime n'est donc pas autre chose qu'une revendication camouflée d'augmentation du salaire, qui ne peut être obtenue autrement que par la pression ouvrière sur le patronat et ses profits. C'est la pression ouvrière de la grève, même trahie, qui a obligé Lefaucheux à accorder les 3 francs chez Renault, alors que, pendant des mois, les démarches de la C.G.T. s'étaient heurtées au refus le plus absolu. Et c'est l'agitation et les grèves ouvrières, suite à la grève Renault, qui ont abouti, dans différentes usines, aux augmentations dont se vantent les dirigeants cégétistes (Panhard : 6 à 10%, Bréguet : 10% + 4 francs, Nevé : 10 fr. + prime progressive, Bahier : 3 fr. + prime, Latil : 4 fr., etc.).

    En réalité donc, en camouflant les demandes d'augmentation de salaire sous le nom de "prime à la production", les dirigeants cégétistes voulaient, non seulement réaliser un compromis en faveur du pa-tronat (en offrant aux ouvriers une petite satisfaction à l'aide de laquelle ils regagneraient leur confiance) mais enlever aussi aux revendications ouvrières tout caractère de lutte anticapitaliste ouverte. Leur "revendication" n'est qu'un piège parmi ceux qu'ils ont utilisés pour saboter la lutte ouvrière jusqu'à présent (produire d'abord, blocage des salaires pour faire baisser les prix, etc.).

    En se contenant de quelque dérisoire "prime à la production", les ouvriers se retrouveront à bref délai dans la même situation qu'aujourd'hui, du fait même qu'il n'y a, dans ce genre de rémunération, aucune garantie pour l'ouvrier, qu'elle est liée à la notion de rendement et à l'appréciation patronale (révision des temps, etc.).

    Pourquoi le patronat s'oppose-t-il à la revendication d'un relèvement des salaires sur le taux de base, selon le minimum vital calculé sur l'indice des prix ? Parce qu'il ne veut pas se lier les mains vis-à-vis des ouvriers, parce qu'il veut garder l'initiative dans la question des salaires, spéculer sur les prix et garder ainsi la possibilité de toujours diminuer le niveau de vie des ouvriers au bénéfice des profits capitalistes, comme il l'a fait jusqu'à maintenant.

    Les capitalistes, qui ne peuvent pas admettre que les revendications des ouvriers s'attaquent à leurs profits, prétendent que la hausse des salaires entraîne l'inflation. Mais les grévistes de chez Renault ont répondu à cet argument. Ils ont trouvé dans le bulletin même de la direction patronale l'aveu d'une augmentation de 30% versée aux millionnaires de la sidérurgie, sans qu'il y ait eu augmentation des salaires. Et alors que la part des concessionnaires pour une "Juva" est passée de 17.022 francs en janvier à 20.005 fr. en mars, le coût de la main-d'oeuvre directe diminuait de 13.950 à 12.985 francs.

    L'inflation gouvernementale suit son cours : le bilan publié par les journaux, avant quelque augmentation de salaire que ce soit, montre 17 milliards de billets nouveaux lancés par l'Etat ; dans ces conditions, qu'est-ce que la "revendication" cégétiste d'une "prime" de 10 fr. dans l'avenir, sinon une duperie ?

    "Nous voulons la hausse des salaires par rapport aux profits des capitalistes", disait un tract du Comité de Grève. Et par ailleurs : "...jusqu'à présent, la politique patronale a toujours été de nous faire courir après les prix à l'aide de petites satisfactions partielles, pour calmer notre mécontentement. Notre revendication actuelle, qui est celle du minimum vital, c'est-à-dire pour nous limiter au chiffre de la C.G.T. de 7.000 fr. par mois, 10 fr. d'augmentation sur le taux de base pour 40 heures de travail, doit mettre fin, une fois pour toutes, à cet état de choses. Car l'augmentation que nous réclamons doit être garantie par son adaptation constante aux indices des prix, en fonction de ce qu'il nous faut acheter pour vivre sans mettre en danger notre santé. Nous voulons L'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES".

    Les ouvriers de chez Renault, qui avaient demandé l'augmentation sur le taux de base comme acompte sur le minimum vital, n'exprimaient donc pas une simple demande d'augmentation de salaire ; leur revendication tendait à mettre un frein aux spéculations des capitalistes et de leur gouvernement sur le dos des travailleurs ; elle engageait la lutte ouvrière dans le sens d'un contrôle des ouvriers sur leurs exploiteurs. Elle montrait une issue aux efforts des travailleurs pour la revalorisation de leur pouvoir d'achat.


LA GREVE GENERALE ET LA COLLABORATION DE CLASSES
    Jusqu'à la grève Renault, les ministres et chefs staliniens justifiaient leur collaboration gouvernementale par la lutte contre la réaction : il valait mieux collaborer avec les clérico-réactionnaires M.R.P. pour éviter De Gaulle.

    Mais leur but était, en réalité, de maintenir l'ordre, eux-mêmes, en tant que serviteurs de la bourgeoisie pour bénéficier des avantages ministériels. C'est pourquoi, ils faisaient au Gouvernement la politique du P.R.L.

    Il a suffi que la grève Renault menace de se transformer en grève générale pour que les chefs staliniens découvrent qu'on ne lutte pas contre la réaction en faisant une politique réactionnaire : "Rien ne serait plus dangereux que de glisser, sous le couvert de lutte contre les factieux, à la politique réactionnaire qu'ils préconisent" (Thorez). Ils ont abandonné le Gouvernement pour se "désolidariser" de sa politique réactionnaire.

    Mais à peine les chefs staliniens ont-ils quelque peu réussi à maîtriser le mouvement naissant dans le pays que déjà leur collaboration avec le Gouvernement, contre les grévistes, est aussi étroite que quand ils y étaient. C'est ainsi que Daniel Mayer faisait publier le lundi 12 mai le texte suivant : "Si 1.200 ouvriers ne travaillent pas, 1.000 d'entre eux sont dans l'impossibilité de le faire étant donné que 200 ouvriers, déterminés à voir la grève se poursuivre, s'opposent à la fourniture de la force motrice". Le lendemain, mardi, le tract local de la C.G.T., s'adressant aux ouvriers des usines Renault, reprenait mot pour mot ces mensonges. Donc, si "Socialistes" et "Communistes" se querellent dans des articles de journaux pour se rejeter mutuellement les responsabilités, ils collaborent étroitement contre les grévistes. Ils sont tous contre la grève qui, seule, a ouvert de nouvelles perspectives pour la classe ouvrière. Si les "Communistes" sont passés dans "l'opposition", ce n'est que pour mieux briser la lutte autonome des travailleurs. Mais cette manoeuvre, loin d'être une surprise pour les marxistes révolutionnaires, a été expliquée longtemps à l'avance par La Lutte de Classes.


FRONT UNIQUE
    "Le cabinet chinois a cédé sur l'un des trois points contenus dans l'ultimatum de grève générale adressé par la Fédération des Ouvriers des Entreprises industrielles et des Services publics de Changhaï, qui groupe huit cent mille membres. La Commission des prix, présidée par le premier ministre a consenti à procéder au rajustement des prix et des salaires, ces derniers étant bloqués depuis janvier dernier." (Les journaux).

    Des Etats-Unis, où des grèves générales déferlent les unes après les autres, au Japon, où le mouvement ouvrier organisé est la principale force du pays qui tienne tête à l'occupation américaine, de la Ruhr prolétarienne à la Corée "arriérée", le mouvement ouvrier forme une chaîne dans laquelle ne manque pas un seul anneau. A Changhaï, 800.000 ouvriers menacent de se mettre en grève ; en Espagne, il y a grève générale à Bilbao, en France, la grève générale marque des points et jusque dans la Suisse conservatrice et "privilégiée", les "conflits sociaux" se précisent.

    Partout, sans exception, la même politique de la bourgeoisie : faire retomber les charges de sa politique de guerre sur le dos des ouvriers, par l'inflation, en bloquant les salaires.

    Ce mouvement universel de grèves, c'est la réaction des masses exploitées de tous les pays contre les conséquences de la guerre. Et, de ce fait, ces grèves sont en même temps une lutte contre la guerre que les capitalistes préparent. La 3e guerre mondiale, que les stipendiés de la bourgeoisie nous présentent comme une fatalité pour ôter aux masses travailleuses tout esprit de résistance, voit se dresser devant elle la lutte ouvrière.

    Ainsi, d'un côté, les Truman, les Churchill, les Staline avec leur bombe atomique et leur politique de rapine --d'un autre côté, le mouvement ouvrier. Qui l'emportera ? C'est désormais une course de vitesse entre les forces de guerre : la bourgeoisie mondiale --et les forces de paix, le mouvement ouvrier mondial.

    Si tous les éléments, qui consciemment s'opposent ou veulent s'opposer à la guerre, rassemblent toute leur énergie pour la mettre au service de la révolution mondiale, la paix triomphera.


L'UNITE
    La grève Renault a brusquement fait surgir au grand jour et cristallisé le mécontentement qui couve depuis des années au sein de la classe ouvrière. En montrant leur volonté de ne pas se laisser définitivement réduire à la condition de parias, les travailleurs ont obligé tout le monde, dans toutes les sphères de la société, à prendre ouvertement position.

    Dans l'usine même, la démarcation s'est faite non pas en fonction de l'appartenance "politique" des travailleurs, non pas en fonction de leurs conceptions philosophiques, mais uniquement sur la base de la défense de la situation économique des travailleurs. Ce qui a frappé les ouvriers dès les premières heures de la grève, c'est l'unité d'action réalisée par le Comité de Grève. "Moi, disait l'un d'eux, je suis chrétien ; j'ai un copain qui est secrétaire de la J.O.C. Eh bien ! dans son coin, c'est lui qui mène la bagarre. Personnellement, je ne suis pas syndiqué à la C.F.T.C., pourtant, j'ai bien lancé deux mille gars dans la grève. Mais, dans mon coin, c'est un anarchiste qui mène le combat."

    -L'essentiel, lui répond un autre (syndiqué à la C.G.T., lui) c'est que nous soyons tous d'accord sur les moyens de défendre notre beefsteak.

    -Nous avons sans doute des opinions différentes, mais nous nous connaissons entre nous, et nous savons bien reconnaître ceux qui sont les plus gonflés, les plus capables de nous défendre. Et c'est ceux-là que nous désignons, quelles que soient leurs opinions.

    -Eh oui, voilà le vrai front unique des ouvriers.



 
 
METHODES STALINIENNES
    Au meeting que les bonzes syndicaux avaient organisé le mercredi 30 avril, dans l'île Seguin, la presque totalité des ouvriers étaient présents. 

    Hénaff, entouré de sa garde du corps, déversait derrière son micro les calomnies habituelles sur le Comité de grève. Mais, lorsqu'un membre du Comité de grève s'approcha pour prendre la parole, les matraqueurs de la garde du corps se ruèrent comme des brutes forcenées sur les grévistes. En approchant Hénaff, on entendit qu'il disait : "Mais tire, tire donc, qu'est-ce que t'attends pour tirer ?..." 

    Les ouvriers, indignés, se dispersèrent et le reste du discours fut prononcé devant 200 à 300 présents, la claque qui applaudissait aux ordres. 

    A un contre-meeting du comité de grève, les mêmes brutes, qui, pour la plupart, ne travaillent pas chez Renault, firent le même travail de matraquage des ouvriers. Il s'en fallut de peu qu'un pavé ne soit lancé dans la voiture radio du comité de grève. A 20, ils matraquèrent un jeune vendeur de La Vérité. 

    Le soir, à 300, barres de fer à la main, ils circulèrent dans l'usine pour expulser les piquets de grève. Mais ils n'osèrent pas se présenter au secteur Collas. 

    N'étant pas parvenus à briser la grève avec ces méthodes, les Staliniens, le lendemain, s'en déclaraient "démocratiquement" partisans. Mais ils se gardèrent de remplacer les piquets de grève qu'ils avaient expulsés, ouvrant ainsi l'usine à Lefaucheux, qui pouvait se vanter ensuite, dans la presse, d'avoir fait évacuer "sur ordre de la Direction". 

 
 SOLIDARITE OUVRIERE
    Les bonzes cégétistes ont tout mis en oeuvre pour isoler les grévistes, pour empêcher la solidarité ouvrière de se manifester à leur égard. Dans toutes les usines, ils ont employé toutes leurs forces pour empêcher un mouvement général de se déclencher.

    Un ouvrier de LMT, écoeuré, disait à ses camarades : "Nous sommes des jaunes, ce que nous méritons, ce sont des coups de pied..."

    Et dans cette famille ouvrière où le père et le fils travaillent tous deux chez Citroën, la discussion est chaude, tous les soirs, au sujet de la grève. Le père, fatigué, craint les grèves, car ce sont des aventures. La mère a déjà fait l'expérience de trois longues grèves, avec le cortège de misères qu'elles lui ont valu. Elle calcule, suppute ce qu'une nouvelle grève lui vaudrait de souffrances et de privations accrues. Elle est irréductible. Mais tous les soirs, le mari et le fils rentrent à la maison, un peu plus partisans de la lutte : "Que veux-tu, il faut bien y venir, dit le père. Nous ne pouvons en finir qu'avec un mouvement général. Autant le faire maintenant". Et c'est le fils qui a le mot de la fin : "Comprends, maman, on ne peut tout de même pas laisser ces pauvres gars de chez Renault se battre seuls...".

    Quelles que soient les trahisons, les déceptions subies, la voix de la solidarité ouvrière n'est pas prête à s'éteindre dans le coeur des travailleurs, conscients de la nécessité d'une lutte organisée et unifiée.
 
 

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La Rédaction.