QUI
L'EMPORTERA ?
Le
dernier vote (du vendredi 9 mai), par lequel la direction
cégétiste
stalinienne a réussi à arrêter la grève
générale
Renault, consacre-t-il la victoire de cette direction ?
Ce n'est pas par un vote que la grève générale
avait
éclaté, douze jours auparavant ; c'est un secteur de
l'usine
comprenant environ 1.500 ouvriers qui, débarrassé des
saboteurs
"syndicaux" officiels par une lutte intérieure qui durait depuis
de longs mois, a entraîné dans l'action toute l'usine.
C'est par une lutte ouverte avec la direction syndicale dans le reste
de
l'usine que les grévistes du secteur Collas ont conquis
l'adhésion
des travailleurs de chez Renault. Quelle est l'histoire de cette lutte
? La voici brièvement.
Les 1.500 ouvriers du secteur Collas, en grève le vendredi 25
avril
pour une revendication intéressant toute la classe
ouvrière,
convoquent un meeting général le lundi 28 avril, à
la suite duquel, en parcourant les différents ateliers des
usines,
ils réussissent à faire débrayer un peu partout.
Mais
c'est seulement environ 12.000 ouvriers des différents
départements
qui restent en grève. Dans le reste de l'usine (qui compte
environ
30.000 personnes), les responsables cégétistes font
reprendre
le travail aux ouvriers qui, malgré leur mécontentement,
sont intimidés par la pression de ces jaunes.
Mais le lendemain mardi, la direction syndicale se sent
débordée
: pour essayer de reprendre tout le mouvement en mains et de le
contrôler,
elle utilise une première "manoeuvre" en appelant
elle-même
à la grève générale... d'une heure, pour
soi-disant
appuyer ses propres négociations avec la direction. Mais une
fois
en grève, les travailleurs de toute l'usine y restent, refusent
de limiter le mouvement à une heure et suivent le secteur Collas
et dans la grève et dans ses revendications.
Mais c'était là tout ce que les travailleurs pouvaient
faire.
Privés, dans presque tous les départements,
d'éléments
éduqués capables de tenir tête localement à
la pression des bureaucrates petits et grands aux ordres des bonzes
syndicaux,
ils ne peuvent aller de l'avant. Ils sont en grève contre la
volonté
des dirigeants cégétistes, et c'est à ces derniers
que revient, dans beaucoup de secteurs, la direction d'un mouvement
dont
ils ne veulent pas. C'est là que commencent les "victoires" de
la
C.G.T.
Sa première victoire ? Mercredi, dans l'après-midi, ils
lancent
des groupes d'assaut dans l'usine pour intimider les ouvriers, balayer
les piquets de grève, disperser l'organisation propre des
grévistes
qui s'apprêtaient pour le lendemain, 1er mai. Il leur fallait
à
tout prix empêcher que les autres travailleurs sachent que la
grève
Renault et ses buts avaient surgi en dehors des ;dirigeants syndicaux;
et malgré leur opposition.
Vis-à-vis du reste de la classe ouvrière, les chefs
cégétistes
s'efforcent, en effet, de faire croire que ce sont eux qui conduisent
le
mouvement, que ce sont eux qui revendiquent les 10 francs, etc. Ils
réussissent
à empêcher les grévistes de manifester le 1er Mai ;
mais cette première "victoire" est la première grande
défaite
de la direction cégétiste dans le secteur le plus
important
de la classe ouvrière, les usines Renault. Il ne s'agit plus
cette
fois-ci d'actes de violence contre des vendeurs de journaux qu'on
accuse
de n'importe quoi ; les travailleurs les ont vus à l'oeuvre
contre
eux-mêmes.
Ils essayent ensuite, le vendredi 2 mai, de consulter
"démocratiquement"
les ouvriers pour savoir s'ils veulent reprendre le travail avec 3
francs
de prime (même pas encore acquise), alors que toute l'usine
s'était
mise en grève pour les 10 francs sur le taux de base.
Or, le vote du vendredi 2 mai consacre le rapport de forces tel qu'il
était
apparu dans l'action gréviste du lundi, quand environ 12.000
ouvriers
étaient en grève avant l'ordre officiel de la C.G.T. (le
vote donne plus de 11.000 pour la grève, 8.000 contre).
La grève entre ainsi dans sa deuxième semaine. Son sort
se
joue maintenant en dehors de l'usine. Les revendications des
grévistes
ne peuvent aboutir que par une lutte de l'ensemble de la classe
ouvrière,
comme en juin 1936, et il faut à tout prix obtenir
l'adhésion
des autres usines de la région parisienne.
Là encore les staliniens recourent aux mêmes
procédés,
empêchent les délégués des grévistes
de diffuser leur tract devant Citroën, etc. La grève
Renault,
malgré les mouvements de grève qui éclatent en
province
et dans certaines usines de Paris, ne réussit pas à
entraîner
le reste des travailleurs. C'est là la deuxième
"victoire"
des dirigeants cégétistes, mais avec les mêmes
conséquences
pour leur avenir. Dans de nombreuses usines (touchées ou non par
les grévistes) où les ouvriers voulaient se mettre en
grève,
ils ont dû recourir à leur égard à la
tromperie
et à l'intimidation.
Ainsi, le vote du vendredi 9 mai chez Renault, qui donne une
majorité
pour la reprise du travail sur la base de 3 francs de prime, ne
signifie
nullement une reprise de confiance dans les Staliniens. Mais il est
dû
au fait que les ouvriers de chez Renault se sont vus isolés,
dans
la lutte, du reste de la classe ouvrière.
Malgré son échec, quant aux revendications
ouvrières
anticapitalistes qu'elle voulait faire prévaloir, la
grève
Renault est le commencement de la fin pour la direction officielle.
C'est
dans le bastion le plus important de la classe ouvrière que les
dirigeants staliniens sont apparus aux travailleurs pour ce qu'ils sont
: des éléments profondément
antiprolétariens,
obligés de se maintenir par la corruption, par l'intimidation,
et
par la brutalité ouverte, quand les travailleurs n'ont pas
cédé
aux deux premières. Un enseignement qui ne pouvait être
acquis
que dans la pratique, dans l'action, est maintenant assimilé par
les travailleurs de chez Renault. Ils ont appris que, pour briser la
politique
du patronat, de famine pour les masses, il faut d'abord surmonter, par
le regroupement et l'organisation, le sabotage stalinien au sein du
mouvement
ouvrier.
Anticapitalisme et réformisme
HAUSSE
DES SALAIRES ET PRIME
A LA PRODUCTION
Les
dirigeants de la C.G.T. ont été mis devant le fait de la
grève générale des usines Renault pour une
augmentation
de salaire de 10 francs sur le taux de base, comme acompte sur le
minimum
vital.
Après
avoir
essayé d'arrêter la grève par des méthodes
d'intimidation
et de brutalité, les dirigeants de la Fédération
des
Métaux ont finalement dû reprendre à leur compte,
pour
tous les métallurgistes, la revendication de 10 francs
d'augmentation
des grévistes, mais en la présentant sous forme de prime
à la production. Ils ont ainsi soutenu le mouvement "comme la
corde
soutient le pendu". Car, sous le couvert de "leur" revendication, ils
ont
fait pression sur les ouvriers des autres usines pour qu'ils ne se
mettent
pas en grève et attendent le résultat de "leurs"
négociations.
Pendant ce temps-là, chez Renault même, ils ont
manoeuvré
pour la reprise du travail sur la base d'un compromis de 3 francs de
prime
à la production.
Pourquoi les dirigeants cégétistes ont-ils opposé
à la revendication d'augmentation sur le taux de base, telle que
l'avaient formulée les ouvriers de Renault, la revendication de
la prime au rendement ?
On sait que, pour que la prime à la production atteigne son but
au point de vue patronal, il faut qu'elle corresponde à une
petite
rémunération au-dessus du salaire de base, pour un effort
dépassant de beaucoup la production normale ; plus l'ouvrier
travaille,
moins il est payé proportionnellement à son effort. Il
n'est
plus possible de faire croire aux ouvriers que leur salaire est
lié
à la productivité. Chez Renault, la production a
augmenté
de 150%. Dans la sidérurgie, avec 60% de hauts-fourneaux en
marche,
la production est au même niveau qu'en 1938. La surexploitation a
atteint son maximum, il n'est plus possible d'augmenter les salaires
par
l'augmentation du rendement, car il y a à cela les limites
mêmes
de la capacité des machines et de l'effort physique des hommes.
Que les ouvriers n'arrivent même pas à tenir la cadence
qui
leur est actuellement imposée, cela n'est-il pas prouvé
par
la revendication cégétiste du paiement des temps
coulés
au taux de base ?
Mais s'il n'est plus possible d'augmenter le salaire par l'augmentation
du rendement, la revendication cégétiste de la prime
n'est
donc pas autre chose qu'une revendication camouflée
d'augmentation
du salaire, qui ne peut être obtenue autrement que par la
pression
ouvrière sur le patronat et ses profits. C'est la pression
ouvrière
de la grève, même trahie, qui a obligé Lefaucheux
à
accorder les 3 francs chez Renault, alors que, pendant des mois, les
démarches
de la C.G.T. s'étaient heurtées au refus le plus absolu.
Et c'est l'agitation et les grèves ouvrières, suite
à
la grève Renault, qui ont abouti, dans différentes
usines,
aux augmentations dont se vantent les dirigeants
cégétistes
(Panhard : 6 à 10%, Bréguet : 10% + 4 francs, Nevé
: 10 fr. + prime progressive, Bahier : 3 fr. + prime, Latil : 4 fr.,
etc.).
En réalité donc, en camouflant les demandes
d'augmentation
de salaire sous le nom de "prime à la production", les
dirigeants
cégétistes voulaient, non seulement réaliser un
compromis
en faveur du pa-tronat (en offrant aux ouvriers une petite satisfaction
à l'aide de laquelle ils regagneraient leur confiance) mais
enlever
aussi aux revendications ouvrières tout caractère de
lutte
anticapitaliste ouverte. Leur "revendication" n'est qu'un piège
parmi ceux qu'ils ont utilisés pour saboter la lutte
ouvrière
jusqu'à présent (produire d'abord, blocage des salaires
pour
faire baisser les prix, etc.).
En se contenant de quelque dérisoire "prime à la
production",
les ouvriers se retrouveront à bref délai dans la
même
situation qu'aujourd'hui, du fait même qu'il n'y a, dans ce genre
de rémunération, aucune garantie pour l'ouvrier, qu'elle
est liée à la notion de rendement et à
l'appréciation
patronale (révision des temps, etc.).
Pourquoi le patronat s'oppose-t-il à la revendication d'un
relèvement
des salaires sur le taux de base, selon le minimum vital calculé
sur l'indice des prix ? Parce qu'il ne veut pas se lier les mains
vis-à-vis
des ouvriers, parce qu'il veut garder l'initiative dans la question des
salaires, spéculer sur les prix et garder ainsi la
possibilité
de toujours diminuer le niveau de vie des ouvriers au
bénéfice
des profits capitalistes, comme il l'a fait jusqu'à maintenant.
Les capitalistes, qui ne peuvent pas admettre que les revendications
des
ouvriers s'attaquent à leurs profits, prétendent que la
hausse
des salaires entraîne l'inflation. Mais les grévistes de
chez
Renault ont répondu à cet argument. Ils ont trouvé
dans le bulletin même de la direction patronale l'aveu d'une
augmentation
de 30% versée aux millionnaires de la sidérurgie, sans
qu'il
y ait eu augmentation des salaires. Et alors que la part des
concessionnaires
pour une "Juva" est passée de 17.022 francs en janvier à
20.005 fr. en mars, le coût de la main-d'oeuvre directe diminuait
de 13.950 à 12.985 francs.
L'inflation gouvernementale suit son cours : le bilan publié par
les journaux, avant quelque augmentation de salaire que ce soit, montre
17 milliards de billets nouveaux lancés par l'Etat ; dans ces
conditions,
qu'est-ce que la "revendication" cégétiste d'une "prime"
de 10 fr. dans l'avenir, sinon une duperie ?
"Nous voulons la hausse des
salaires par rapport aux profits
des
capitalistes",
disait un tract du Comité de Grève. Et par ailleurs : "...jusqu'à
présent, la politique patronale a toujours été de
nous faire courir après les prix à l'aide de petites
satisfactions
partielles, pour calmer notre mécontentement. Notre
revendication
actuelle, qui est celle du minimum vital, c'est-à-dire pour nous
limiter au chiffre de la C.G.T. de 7.000 fr. par mois, 10 fr.
d'augmentation
sur le taux de base pour 40 heures de travail, doit mettre fin, une
fois
pour toutes, à cet état de choses. Car l'augmentation que
nous réclamons doit être garantie par son adaptation
constante
aux indices des prix, en fonction de ce qu'il nous faut acheter pour
vivre
sans mettre en danger notre santé. Nous voulons L'ECHELLE MOBILE
DES SALAIRES".
Les ouvriers de chez Renault, qui avaient demandé l'augmentation
sur le taux de base comme acompte sur le minimum vital, n'exprimaient
donc
pas une simple demande d'augmentation de salaire ; leur revendication
tendait
à mettre un frein aux spéculations des capitalistes et de
leur gouvernement sur le dos des travailleurs ; elle engageait la lutte
ouvrière dans le sens d'un contrôle des ouvriers sur leurs
exploiteurs. Elle montrait une issue aux efforts des travailleurs pour
la revalorisation de leur pouvoir d'achat.
LA
GREVE GENERALE ET
LA COLLABORATION DE CLASSES
Jusqu'à
la grève Renault, les ministres et chefs staliniens justifiaient
leur collaboration gouvernementale par la lutte contre la
réaction
: il valait mieux collaborer avec les
clérico-réactionnaires
M.R.P. pour éviter De Gaulle.
Mais leur but était, en réalité, de maintenir
l'ordre,
eux-mêmes, en tant que serviteurs de la bourgeoisie pour
bénéficier
des avantages ministériels. C'est pourquoi, ils faisaient au
Gouvernement
la politique du P.R.L.
Il a suffi que la grève Renault menace de se transformer en
grève
générale pour que les chefs staliniens découvrent
qu'on ne lutte pas contre la réaction en faisant une politique
réactionnaire
: "Rien ne serait plus dangereux que de glisser, sous le couvert de
lutte contre les factieux, à la politique réactionnaire
qu'ils
préconisent" (Thorez). Ils ont abandonné le
Gouvernement
pour se "désolidariser" de sa politique réactionnaire.
Mais à peine les chefs staliniens ont-ils quelque peu
réussi
à maîtriser le mouvement naissant dans le pays que
déjà
leur collaboration avec le Gouvernement, contre les grévistes,
est
aussi étroite que quand ils y étaient. C'est ainsi que
Daniel
Mayer faisait publier le lundi 12 mai le texte suivant : "Si 1.200
ouvriers
ne travaillent pas, 1.000 d'entre eux sont dans l'impossibilité
de le faire étant donné que 200 ouvriers,
déterminés
à voir la grève se poursuivre, s'opposent à la
fourniture
de la force motrice". Le lendemain, mardi, le tract local de la C.G.T.,
s'adressant aux ouvriers des usines Renault, reprenait mot pour mot ces
mensonges. Donc, si "Socialistes" et "Communistes" se querellent dans
des
articles de journaux pour se rejeter mutuellement les
responsabilités,
ils collaborent étroitement contre les grévistes. Ils
sont
tous contre la grève qui, seule, a ouvert de nouvelles
perspectives
pour la classe ouvrière. Si les "Communistes" sont passés
dans "l'opposition", ce n'est que pour mieux briser la lutte autonome
des
travailleurs. Mais cette manoeuvre, loin d'être une surprise pour
les marxistes révolutionnaires, a été
expliquée
longtemps à l'avance par La Lutte de Classes.
FRONT
UNIQUE
"Le
cabinet chinois a cédé sur l'un des trois points contenus
dans l'ultimatum de grève générale adressé
par la Fédération des Ouvriers des Entreprises
industrielles
et des Services publics de Changhaï, qui groupe huit cent mille
membres.
La Commission des prix, présidée par le premier ministre
a consenti à procéder au rajustement des prix et des
salaires,
ces derniers étant bloqués depuis janvier dernier." (Les
journaux).
Des Etats-Unis, où des grèves générales
déferlent
les unes après les autres, au Japon, où le mouvement
ouvrier
organisé est la principale force du pays qui tienne tête
à
l'occupation américaine, de la Ruhr prolétarienne
à
la Corée "arriérée", le mouvement ouvrier forme
une
chaîne dans laquelle ne manque pas un seul anneau. A
Changhaï,
800.000 ouvriers menacent de se mettre en grève ; en Espagne, il
y a grève générale à Bilbao, en France, la
grève générale marque des points et jusque dans la
Suisse conservatrice et "privilégiée", les "conflits
sociaux"
se précisent.
Partout, sans exception, la même politique de la bourgeoisie :
faire
retomber les charges de sa politique de guerre sur le dos des ouvriers,
par l'inflation, en bloquant les salaires.
Ce mouvement universel de grèves, c'est la réaction des
masses
exploitées de tous les pays contre les conséquences de la
guerre. Et, de ce fait, ces grèves sont en même temps une
lutte contre la guerre que les capitalistes préparent. La 3e
guerre
mondiale, que les stipendiés de la bourgeoisie nous
présentent
comme une fatalité pour ôter aux masses travailleuses tout
esprit de résistance, voit se dresser devant elle la lutte
ouvrière.
Ainsi, d'un côté, les Truman, les Churchill, les Staline
avec
leur bombe atomique et leur politique de rapine --d'un autre
côté,
le mouvement ouvrier. Qui l'emportera ? C'est désormais une
course
de vitesse entre les forces de guerre : la bourgeoisie mondiale --et
les
forces de paix, le mouvement ouvrier mondial.
Si tous les éléments, qui consciemment s'opposent ou
veulent
s'opposer à la guerre, rassemblent toute leur énergie
pour
la mettre au service de la révolution mondiale, la paix
triomphera.
L'UNITE
La
grève Renault a brusquement fait surgir au grand jour et
cristallisé
le mécontentement qui couve depuis des années au sein de
la classe ouvrière. En montrant leur volonté de ne pas se
laisser définitivement réduire à la condition de
parias,
les travailleurs ont obligé tout le monde, dans toutes les
sphères
de la société, à prendre ouvertement position.
Dans l'usine même, la démarcation s'est faite non pas en
fonction
de l'appartenance "politique" des travailleurs, non pas en fonction de
leurs conceptions philosophiques, mais uniquement sur la base de la
défense
de la situation économique des travailleurs. Ce qui a
frappé
les ouvriers dès les premières heures de la grève,
c'est l'unité d'action réalisée par le
Comité
de Grève. "Moi, disait l'un d'eux, je suis chrétien ;
j'ai
un copain qui est secrétaire de la J.O.C. Eh bien ! dans son
coin,
c'est lui qui mène la bagarre. Personnellement, je ne suis pas
syndiqué
à la C.F.T.C., pourtant, j'ai bien lancé deux mille gars
dans la grève. Mais, dans mon coin, c'est un anarchiste qui
mène
le combat."
-L'essentiel, lui répond un autre (syndiqué à la
C.G.T.,
lui) c'est que nous soyons tous d'accord sur les moyens de
défendre
notre beefsteak.
-Nous avons sans doute des opinions différentes, mais nous nous
connaissons entre nous, et nous savons bien reconnaître ceux qui
sont les plus gonflés, les plus capables de nous
défendre.
Et c'est ceux-là que nous désignons, quelles que soient
leurs
opinions.
-Eh oui, voilà le vrai front unique des ouvriers.
METHODES
STALINIENNES
Au
meeting que les bonzes syndicaux avaient organisé le mercredi 30
avril, dans l'île Seguin, la presque totalité des ouvriers
étaient présents.
Hénaff, entouré de sa garde du corps, déversait
derrière
son micro les calomnies habituelles sur le Comité de
grève.
Mais, lorsqu'un membre du Comité de grève s'approcha pour
prendre la parole, les matraqueurs de la garde du corps se
ruèrent
comme des brutes forcenées sur les grévistes. En
approchant
Hénaff, on entendit qu'il disait : "Mais tire, tire donc,
qu'est-ce
que t'attends pour tirer ?..."
Les ouvriers, indignés, se dispersèrent et le reste du
discours
fut prononcé devant 200 à 300 présents, la claque
qui applaudissait aux ordres.
A un contre-meeting du comité de grève, les mêmes
brutes,
qui, pour la plupart, ne travaillent pas chez Renault, firent le
même
travail de matraquage des ouvriers. Il s'en fallut de peu qu'un
pavé
ne soit lancé dans la voiture radio du comité de
grève.
A 20, ils matraquèrent un jeune vendeur de La
Vérité.
Le soir, à 300, barres de fer à la main, ils
circulèrent
dans l'usine pour expulser les piquets de grève. Mais ils
n'osèrent
pas se présenter au secteur Collas.
N'étant pas parvenus à briser la grève avec ces
méthodes,
les Staliniens, le lendemain, s'en déclaraient
"démocratiquement"
partisans. Mais ils se gardèrent de remplacer les piquets de
grève
qu'ils avaient expulsés, ouvrant ainsi l'usine à
Lefaucheux,
qui pouvait se vanter ensuite, dans la presse, d'avoir fait
évacuer
"sur ordre de la Direction".
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SOLIDARITE
OUVRIERE
Les
bonzes cégétistes ont tout mis en oeuvre pour isoler les
grévistes, pour empêcher la solidarité
ouvrière
de se manifester à leur égard. Dans toutes les usines,
ils
ont employé toutes leurs forces pour empêcher un mouvement
général de se déclencher.
Un ouvrier de LMT, écoeuré, disait à ses camarades
: "Nous sommes des jaunes, ce que nous méritons, ce sont des
coups
de pied..."
Et dans cette famille ouvrière où le père et le
fils
travaillent tous deux chez Citroën, la discussion est chaude, tous
les soirs, au sujet de la grève. Le père, fatigué,
craint les grèves, car ce sont des aventures. La mère a
déjà
fait l'expérience de trois longues grèves, avec le
cortège
de misères qu'elles lui ont valu. Elle calcule, suppute ce
qu'une
nouvelle grève lui vaudrait de souffrances et de privations
accrues.
Elle est irréductible. Mais tous les soirs, le mari et le fils
rentrent
à la maison, un peu plus partisans de la lutte : "Que veux-tu,
il
faut bien y venir, dit le père. Nous ne pouvons en finir qu'avec
un mouvement général. Autant le faire maintenant". Et
c'est
le fils qui a le mot de la fin : "Comprends, maman, on ne peut tout de
même pas laisser ces pauvres gars de chez Renault se battre
seuls...".
Quelles que soient les trahisons, les déceptions subies, la voix
de la solidarité ouvrière n'est pas prête à
s'éteindre dans le coeur des travailleurs, conscients de la
nécessité
d'une lutte organisée et unifiée.
Camarades,
Le manque de ressources financières ne nous permet pas de faire
paraître le journal dans les mêmes conditions que
jusqu'à
maintenant.
En attendant la reconstitution d'un fond de roulement, nous
éditerons La Lutte de Classes sous forme de
bulletin.
Nous faisons appel à tous nos camarades, à tous nos
lecteurs,
pour un soutien rapide et efficace.
La
Rédaction. |
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