"PLANS"
DE RELEVEMENT ... ...
"PLANS" DE DETRESSE
On a fait beaucoup de bruit, dans la
presse
et à la radio, autour du plan de détresse anglais. Et
pour
cause : on tenait à nous montrer que nous n'étions pas
les
seuls à être malheureux. Maintenant, en effet,
l'Angleterre
a son "plan de détresse" comme la France a déjà
son
"plan de relèvement".
Et quelles sont les mesures
essentielles
par lesquelles le gouvernement anglais entend sortir de ses
difficultés
économiques pour revenir à la belle époque de
l'abondance
et de la prospérité ? Les mêmes que celles qui
doivent
"relever" l'économie française délabrée.
Aux
mêmes maux, mêmes remèdes :
1° Augmentation de la durée
de
la journée de travail ; quoiqu'on sache parfaitement que plus
les
heures sont longues plus le rendement de l'ouvrier diminue.
2° Réduction des
importations
de denrées alimentaires, c'est-à-dire qu'il faudra se
serrer
la ceinture, manger moins en travaillant plus.
3° Accroissement des exportations
:
par exemple, l'Angleterre exportera désormais 4 autos, au lieu
de
3, sur 5 fabriquées en tout. "Nous n'avons plus de dollars, donc
nous sommes obligés d'exporter davantage pour nous en procurer."
4° Enfin la seule mesure qui ne
lèse
pas les petits : réduction des crédits militaires,
principale
source des dépenses de l'Etat (entretien des troupes
d'occupation
en Allemagne, Grèce, Palestine, etc...)
Malheureusement, en Angleterre comme
en
France, si les premières mesures sont entrées sans retard
en vigueur, les auteurs du plan se sont aperçus, par contre,
qu'il
était impossible de comprimer le budget militaire. Et la 4e
mesure,
là-bas, comme ici, restera à l'état de projet
comme
témoin des voeux pieux de nos gouvernants.
Mais aussi excellent que soit le plan
de
détresse par ce qu'il contient, il l'est encore bien plus, comme
plan de relèvement, par ce qu'il ne contient pas : pas
d'impôt
sur les gros revenus, pas de suppression de la rente versée aux
gros actionnaires des industries nationalisées, pas de
licenciements
parmi les gros budgétivores militaires et civils, aucune mesure
de contrainte sur les avoirs des capitalistes à
l'étranger,
aucune mesure de contrôle sur leur trafic international. On sait
par exemple que les capitalistes français possèdent
à
Londres 50 milliards et, aux chiffres près, la réciproque
est vraie.
Pendant la guerre, les capitalistes,
en
fabriquant des canons, se sont enrichis, tandis qu'ils ont vidé
le peuple de sa substance et dilapidé le capital national.
Aujourd'hui,
ce qu'ils cherchent, ce n'est pas à reconstruire ce qu'ils ont
détruit,
mais à retrouver leurs marchés extérieurs en
luttant
de vitesse avec leurs concurrents. De là, leur souci d'exporter
à tout prix, au détriment de tous les besoins de
consommation
de la population, et par une surexploitation accrue de la main-d'oeuvre.
Un tel plan mérite, en effet,
le
nom sincère que lui ont donné les Anglais. C'est bien un
"plan de détresse"... de détresse du peuple. On peut,
évidemment,
l'appeler aussi "plan de relèvement"... de relèvement des
capitalistes. En définitive, il n'a de plan que le nom, car tout
ce qu'il contient de concret, c'est la recherche de mesures pour
appauvrir
encore le peuple au bénéfice du capital financier, tandis
que les représentants de celui-ci au gouvernement
s'évertuent
à faire accepter ces mesures au peuple en les lui
présentant
sous des "attraits" divers.
Tel le prestidigitateur qui vous fait
voir
blanc ce qui est noir et noir ce qui est blanc. Mais la lutte sociale
de
ces derniers temps, en Angleterre comme en France, a déjà
montré que la classe ouvrière saura déjouer ce que
ces messieurs appellent "plans", mais qui ne sont que des complots
d'une
poignée d'exploiteurs contre leurs peuples.
LES
TRAVAILLEURS NE VEULENT PAS DE
SOUPE POPULAIRE. ILS VEULENT UN SALAIRE DECENT.
La Commission exécutive du
syndicat
démocratique
Renault vient de diffuser un tract intitulé : "Pourquoi
l'augmentation
des cantine ?" Il y est dévoilé que :
En raison de l'augmentation des prix
depuis
1945, la participation des ouvriers aux frais a été
augmentée
de 20 à 36 francs, alors que la direction a maintenu sa
participation
à 20 francs, malgré l'augmentation du prix de vente de
ses
voitures.
Mais ce n'est pas tout : la direction
loue
la cantine aux ouvriers et cette location a été
relevée
deux fois sous prétexte de revalorisation des valeurs
immobilières.
Le service des cantines paie aussi les frais d'amortissement du
matériel
et les locaux (ce qui revient à dire qu'à un moment
donné
les cantines et le matériel auront été
entièrement
payés par les ouvriers, néanmoins ces locaux et ce
matériel
resteront propriété de la Régie). La Régie
facture, en outre, au prix fort tout ce qu'elle fournit au service des
cantines : celui-ci paie à la Régie, pour un ouvrier de
l'A.O.C.,
pour la pose d'un tuyau par exemple, 250 francs de l'heure, alors qu'on
sait que cet ouvrier reçoit au grand maximum 90 francs.
Ainsi, à part les 20 francs que
la
Régie débourse et qu'elle récupère
largement
par le paiement des locaux, tous les frais sont supportés
par les ouvriers.
En conséquence de ces
révélations,
le tract du S.D.R. conclut en demandant une diminution du prix de la
cantine
et un meilleur ravitaillement (ce qui a été jugé
possible
par le responsable de la cantine), en exigeant de la direction une
augmentation
de sa subvention de 10 francs par repas, une diminution des frais
d'entretien
et la suppression de la location des locaux.
Les ouvriers ne seraient pas
tributaires
de la soupe populaire s'ils avaient un salaire suffisant ; ce qui les
oblige
à manger à la cantine, ce n'est pas le manque de
denrées
sur le marché, mais leur salaire insuffisant pour les acheter.
Au
moyen de la cantine le patron complète notre sous-salaire par
une
prestation en nature : il a tout intérêt à donner
une
subvention à "l'oeuvre sociale" qu'est la cantine qui
bénéficie,
par ailleurs, de bons spéciaux de l'exemption des impôts,
du chiffre d'affaires à payer, etc. Mais alors que, dans ces
conditions,
les ouvriers devraient avoir au moins un repas convenable à un
prix
modique, il n'en est rien ; car le patron les vole sur cette partie du
salaire comme il les vole sur le reste, et n'hésite pas à
leur servir une soupe populaire à un prix élevé,
pour
se soustraire lui-même à la subvention qu'il doit.
C'est là sa nature. Mais les
ouvriers
sont dans leur droit d'exiger que le patron paie sa subvention à
la cantine comme une chose qui leur est due, parce que partie de leur
salaire.
Et, après tout, les ouvriers ne
sont
pas obligés d'accepter indéfiniment qu'une partie de leur
salaire leur soit donnée sous forme de patates, ou autres
denrées
de plus ou moins bonne qualité. Si le patron a tout
intérêt
à maintenir "les oeuvres sociales" pour masquer le fait qu'il
nous
paye un sous-salaire, notre intérêt à nous, pour ne
pas tomber victimes de ses combines, c'est d'exiger l'augmentation de
notre
salaire de base, c'est-à-dire le paiement intégral d'un
salaire
vital, autrement dit qui représente la valeur de ce qu'il faut
pour
vivre.
Les ouvriers n'entendent pas les
oeuvres
sociales sous forme de paternalisme et d'aide aux pauvres. Ils sont
pour
l'organisation de cantines, crèches, coopératives, etc.,
qui peuvent faciliter leur vie, mais à condition que celles-ci
soient
à l'abri des escroqueries patronales.
POURQUOI
LE S.D.R. LUTTE-T-IL
POUR LE
CONTROLE OUVRIER ?
par
Pierre BOIS
Nous
relatons par ailleurs les
révélations
du S.D.R. au sujet de l'augmentation du prix de la cantine. Ainsi le
"déficit"
par lequel cette augmentation a été justifiée
vient
tout simplement des combines de la direction patronale qui grugeait les
ouvriers jusque sur leur maigre pitance quotidienne. Or, le
degré
de misère des travailleurs peut être constaté par
le
fait qu'une différence de quelques francs posait l'obligation
pour
bien des ouvriers de réduire leur repas d'un plat !
Mais si dans une question relativement
secondaire
comme celle de la cantine, le patronat procède par le vol et la
tromperie, quels procédés sont les siens, et de quelle
envergure,
dans les sphères plus importantes de l'économie ! Qu'en
est-il,
au juste, du "déficit" par lequel le patronat justifie le refus
d'un salaire décent ? Qu'en est-il de "notre besoin de devises"
par lequel on explique l'exportation des produits essentiels dont on
prive
la population ? La réalité n'a rien de commun avec ces
prétextes.
Ainsi, par exemple, dans le n° 13
de
La Voix, nous avons relaté comment les capitalistes refusent
d'un
côté l'échelle mobile des salaires, mais appliquent
de l'autre, l'échelle mobile des prix et des
bénéfices,
qui les met à l'abri de l'inflation.
On sait aussi que les
bénéfices
avoués des capitalistes ne correspondent pas à leurs
revenus
réels ; leur bénéfice net n'est
déclaré
qu'après l'amortissement des machines et des matières
premières,
la déduction des jetons de présence, des
tantièmes,
du capital de réserve, de la distribution camouflée de
bénéfices
sous forme d'actions gratuites, les augmentations de capital sous forme
d'investissements, le paiement des dividendes sur le capital que
portent
les actions, alors que celui-ci a déjà depuis longtemps
été
restitué aux actionnaires, etc.
On sait généralement que
les
capitalistes sont les "naufrageurs du franc" par l'exportation de leurs
avoirs à l'étranger, par leurs combines internationales
entre
trusts et banques. On sait qu'ils sont, par leurs spéculations,
les responsables de la hausse des prix, etc.
Les ouvriers et la population pauvre
savent
en général que les capitalistes procèdent par le
vol
et la tromperie. Mais que serait-ce si, dans chaque entreprise, dans
chaque
banque, les ouvriers et les employés connaissaient exactement
les
chiffres, les procédés, la portée de ces vols !
Le fait que dans la question de la
cantine
on peut opposer, aux faux prétextes du patronat, la
réalité
des chiffres, cela nous donne beaucoup plus de force pour nous
défendre.
On pourrait mieux encore lutter pour la défense de nos salaires,
si on pouvait, chiffres en main, montrer à toute la population
où
se cache l'argent dû à nos salaires, à la
subsistance
de nos familles, et quel triste usage il en est fait.
A l'heure actuelle, où toute la
production
capitaliste est basée sur la spéculation et la
surexploitation
de la main-d'oeuvre, c'est une question vitale pour les travailleurs de
pouvoir, pour s'en défendre, les dévoiler à la
population.
Tout ce qui concerne les revenus et le
mode
de vie des travailleurs, du matin au soir et tous les jours, est
parfaitement
connu et porté sur statistiques. Pourquoi les affaires des
capitalistes,
dont dépend le fonctionnement de toute l'économie, ne
sont-elles
connues que d'eux-mêmes ? Pourquoi les capitalistes peuvent-ils
fixer
et imposer un niveau de vie à l'ouvrier, alors que celui-ci n'a
aucun droit de regard sur les capitalistes, leur gestion anarchique de
l'économie, leurs gaspillages et leurs dépenses
inouïes
?
Mais, objecteront des camarades, s'il
a
été facile de mettre le nez dans les livres de la
cantine,
c'est autre chose de mettre le nez dans la cuisine même des
profits
capitalistes ! C'est peut-être plus difficile ; cependant c'est
réalisable
de la même façon.
Les capitalistes se chargent
d'encaisser
les bénéfices ; mais c'est toute une armée de
comptables,
experts, statisticiens, employés, etc., qui tient les livres de
compte et fait les calculs. Ainsi, pour la cantine, les chiffres du vol
patronal étaient connus depuis des mois. Mais pour qu'ils soient
dévoilés, il a fallu que les ouvriers se mettent en
branle,
montent en délégations, fassent pression, exigent les
chiffres.
Techniquement, le Comité d'entreprise savait tout, mais c'est la
pression des ouvriers qui l'a déterminé à les
dire.
Nous demandons au Comité d'entreprise, qui affirme
connaître
bien d'autres choses encore, qu'il les rende publiques et les fasse
connaître
aux ouvriers de l'usine.
Rappelons-nous la panique jetée
parmi
les "grossistes" au moment où les postiers, rompant le "secret",
ont ouvert et publié les télégrammes poussant
à
la hausse - ou la peur bleue des banquiers lorsque les employés
du Trésor, en grève, menacèrent de dévoiler
les scandales.
CE
QUE SONT LES NATIONALISATIONS
Le journal parlé de la radio
mène
une enquête sur les nationalisations. Mercredi 13 août,
était
interviewé M. Plois, directeur général adjoint de
la Régie Renault.
Il commença par affirmer que le
président-directeur,
M. Lefaucheux, avait toutes les prérogatives et toutes les
responsabilités
d'un chef d'entreprise privée (ce n'est pas ce que M. Lefaucheux
a l'habitude de nous dire, quand nous lui présentons nos
revendications)
et que le conseil d'administration fonctionnait comme celui d'une
entreprise
privée.
Puis M. Plois s'étendit fort
longtemps
sur les avantages que les ouvriers de la Régie avaient
retiré
de la nationalisation. Il parla de la cantine, "gérée par
un membre ouvrier du Comité d'entreprise", où 26.000
repas
sont servis chaque jour, passant sous silence, comme il se doit, le
prix
et la qualité des repas servis. Il s'étendit largement
aussi
sur le "ravitaillement familial", fournissant aux ouvriers des pommes
de
terre, des produits alimentaires, des textiles, des meubles, du bois de
chauffage, oubliant, là aussi, de préciser le cours de
marché
noir auquel ces objets sont vendus. Il cita la crèche, les
colonies
de vacances ; parla de "l'amélioration de la condition des vieux
travailleurs", des "suggestions des ouvriers retenues et
primées",
des primes à l'ancienneté, des primes progressives de
production
; tout cela naturellement sans donner de chiffre exact.
A l'entendre, la Régie Renault
serait
le paradis des ouvriers, et la Direction n'aurait pour tout souci que
le
bien-être du personnel !
Aux questions concernant les rapports
de
la Régie avec l'Etat, M. Plois répondit que "la
Régie
se contente de ses seules ressources. Elle ne reçoit aucune
subvention
de l'Etat et paie des impôts comme une maison privée".
La façon dont la
nationalisation
a été effectuée fut complètement
passée
sous silence. Seulement, la veille, un responsable des "Charbonnages de
France" (les houillères nationalisées), avait
été,
lui, beaucoup plus loquace. Il avait expliqué que les anciens
actionnaires
des houillères avaient reçu des obligations au prorata de
leurs actions ; que le montant de ces obligations avait
été
fixé par rapport à la valeur des actions cotées en
Bourse en 1938, "portée à un coefficient fixé par
la loi" (l'échelle mobile joue automatiquement pour ces
messieurs...)
; enfin que ces obligations rapportaient un intérêt de 3%
plus 0,25% sur les bénéfices d'exploitation.
Pourquoi cette transformation des
actions
en obligations ? Quelle est la différence ?
L'actionnaire qui achète une
"action"
achète une part de la propriété de l'entreprise.
Il
a droit à une partie correspondante des bénéfices,
sous forme de dividende. Mais si l'usine est en déficit, il ne
touche
rien, et doit même, dans certains cas, renoncer à son
capital.
L'obligataire qui prend une "obligation" est considéré
comme
prêtant de l'argent à l'entreprise. En tant que
prêteur,
il a droit aux intérêts de son capital, même en cas
de déficit. Transformer les actions en obligations, c'est
assurer
aux anciens actionnaires une rente fixe, là où, dans la
plupart
des cas, ils ne pouvaient plus espérer conserver leurs
dividendes.
Par exemple, il est de notoriété que le gaz et
l'électricité
étaient en déficit depuis des années. La
nationalisation
est donc une opération fructueuse pour ces trusts, dont les
membres
continuent ainsi à toucher de coquets bénéfices.
Cela est si vrai que, le lendemain 14
août,
M. Veuille, président du Conseil national des assurances
nationalisées,
affirmait à son tour au micro : "Nous fonctionnons exactement
comme
le secteur privé. Mais le paiement des intérêts aux
anciens actionnaires est garanti par l'Etat. En cas de déficit,
l'Etat doit pourvoir à ce paiement". Entendez par là :
tant
que nous faisons des bénéfices, nous sommes
"indépendants"
de l'Etat, mais s'il y a du déficit, alors la nationalisation
joue
: c'est l'Etat - c'est-à-dire les contribuables - qui paie aux
actionnaires
de quoi continuer à vivre en parasites.
Ce que M. Plois appelle
"l'indépendance
de la Régie vis-à-vis de l'Etat", c'est simplement le
fait
que chez Renault on n'a pas encore eu besoin de faire appel de cette
manière
aux caisses de l'Etat (les "bénéfices" ayant
été
rendus possibles grâce au financement, par l'Etat, de la
reconstruction
de l'usine).
Voilà ce que sont les
nationalisations
: la sauvegarde des intérêts des capitalistes dans les
secteurs
où par leurs propres moyens ils ne peuvent plus réaliser
de profits.
LUCIENNE.
D
A N S L ' U S I N E . . .
MISERE
DES OUVRIERS
A l'atelier 31, un ouvrier
était
absent
lorsqu'on a distribué l'acompte de 1.000 francs, ayant dû
conduire un de ses enfants à l'hôpital pour une fracture
du
bras. Depuis, il est monté cinq fois au bureau et n'a toujours
pas
touché la prime. On lui a donné un acompte de 1.000
francs,
mais on lui retient sur sa paye, et on lui doit toujours les 1.000
francs.
Cet ouvrier n'a plus d'argent, et le
jeudi
14 août il est venu travailler avec un casse-croûte,
n'ayant
pas d'argent pour manger à la cantine.
- Ca m'ennuie, disait-il, d'être
toujours
obligé de pleurer pour réclamer mes sous, alors j'aime
mieux
me contenter d'un casse-croûte. Voilà comment on voudrait
humilier les ouvriers en les traitant comme des mendiants quand ils
réclament
les quelques sous qu'ils ont eu tant de mal à gagner.
LES
VIEUX TRAVAILLEURS A L'HONNEUR
A l'atelier 344, un vieil ouvrier de
l'usine
a pris quinze jours de congé supplémentaire. Devant cette
"indiscipline", le contremaître s'est exprimé ainsi : "Si
lundi le "vieux" n'est pas là, je n'en veux plus dans la
chaîne,
il sera muté".
Voilà comment on traite ceux
qui
ont donné toute leur vie de labeur au patronat.
AU
DEPARTEMENT
6
Depuis dix-huit mois que ça
durait,
la
direction a enfin fait mettre des vasistas qui donnent de l'air et de
la
lumière.
Au lieu de mettre des carreaux
ordinaires,
qui auraient coûté moins cher à la Régie,
qui
se prétend en déficit, on a mis du verre dépoli,
ce
qui a pour conséquence de priver les ouvriers qui travaillent
dans
ce secteur de la vue agréable des coteaux boisés de
Sèvres
et de Meudon.
C'est que, bien sûr, il ne faut
pas
distraire les ouvriers de leur travail. Et en sortant le soir à
6 ou 7 heures, après neuf heures de travail, il ne leur reste
plus
grand temps pour jouir de la lumière du jour.
LES
PRIMES
D'INSALUBRITE
Pour masquer certaines conditions de
travail
par trop lamentables, le patronat a coutume d'allouer des primes
d'insalubrité
et comme tout ce qu'il "donne", encore faut-il les lui arracher.
Autrefois, le principe de ces primes
était
qu'elles permettaient l'achat de certaines denrées qui
atténuaient
les préjudices professionnels. C'est ainsi, par exemple, qu'un
rectifieur
ou un soudeur au plomb avait droit à une quantité de lait
donnée.
En 1936, les ouvriers obtinrent des
primes
d'huile, dites de "nettoyage". Aujourd'hui, si une machine est
particulièrement
dangereuse, ou si un travail très malsain, si l'ouvrier
réclame,
dans le meilleur des cas, il obtient deux ou trois francs de l'heure,
souvent
moins. Mais ce système tend à se retourner de plus
en plus contre les ouvriers, le patron se contentant d'accorder des
primes
par-ci, par-là, moyennant lesquelles il astreint son personnel
à
des conditions de travail de plus en plus insalubres et dangereuses.
Pour nous, ouvriers, ces primes
n'empêchent
pas les machines de nous couper les doigts, ou nos poumons de se
ronger.
La prime n'est nullement un remède. Ce doit être un moyen
de pression sur le patron, car, pour lui, seuls les chiffres comptent.
Si nous exigeons des primes qui lui reviennent plus cher que la mise au
point de moyens de protection efficaces, il sera contraint de mettre en
place ces moyens. Mais si, au contraire, nous tolérons un franc
de prime en compensation de conditions de travail répugnantes,
c'est
faire bon marché de notre existence.
AVERTISSEMENT
A LA DIRECTION
PAS DE BRIMADES !
Après avoir passé un
mauvais
moment
pendant la grève, la direction, comme après toute lutte
gréviste,
essaie, par la méthode des brimades de se débarrasser des
ouvriers les plus combatifs, de décourager les autres, de semer
la zizanie, pour ramener le beau temps où elle pouvait disposer
des ouvriers comme elle voulait.
Les exemples se multiplient.
Dernièrement, la direction a
donné
des ordres aux chefs de départements pour défalquer les
heures
à des ouvriers du 6 et du 18 qui étaient montés en
délégation à la direction et à la
commission
des cantines, bien qu'on sache que l'ensemble des ouvriers de ces
départements
ne reconnaisse pas les délégués officiels, qui eux
bénéficient d'heures payées. Des camarades,
malgré
leur absence, ont réalisé leur production.
Néanmoins
on leur a retiré les heures de déplacement. Le même
procédé a été appliqué aux ouvriers
qui étaient montés à la direction pour
réclamer
leur paye qu'on voulait leur donner en retard.
Aux fonderies, un ouvrier combatif,
qui
avait pris son congé une semaine plus tôt que les autres,
a été muté à l'usine O, puis de là
on
parle de le muter à nouveau dans le but de le lasser et le voir
prendre son compte. On pourrait donner d'autres exemples encore...
La direction patronale supporte mal
que
les ouvriers, par la grève, aient conquis la liberté de
leurs
mouvements et relevé la tête, que maîtrise et
chronométreurs
ne puissent plus agir à leur guise, que les ouvriers discutent
entre
eux, vendent et diffusent ouvertement leur presse dans l'usine, alors
qu'avant
la grève, dans une atmosphère de règlements
policiers,
la diffusion d'un tract était motif de mise à la porte,
comme
cela s'est passé au mois de mars 1946 pour un camarade que des
"délégués"
avaient "surpris" à distribuer un tract.
Il est donc normal que la direction
veuille
"reprendre du poil de la bête". Mais le pourra-t-elle ? Cela ne
dépend
pas que d'elle. Ainsi, pendant la grève, elle se serait bien
passée
de venir demander la "permission" aux ouvriers de laisser passer les
wagons
dans les départements en grève, ou de se déranger
en la personne de M. Lefaucheux pour nous "prier" de reprendre le
travail.
Mais elle n'avait pas le choix, car les ouvriers ne se laissaient pas
faire.
Se laisseront-ils faire aujourd'hui ? Il ne dépend que de nous
de
ne pas tolérer les brimades et de ne pas laisser le rapport de
forces
pencher à nouveau en faveur du patronat.
Car son intention n'est pas seulement
de
mettre un tel ou un tel à la porte pour être "tranquille".
L'expérience nous enseigne que l'appétit du patronat
n'est
jamais assouvi et que s'il ne rencontre pas de résistance, cela
commence par des brimades individuelles pour finir par des brimades
générales,
du genre de l'interdiction de parler pendant le travail, qui existait
bien,
avant 36, dans les usines.
A quelques mois seulement de notre
grève,
les ouvriers qui ont tenu tête au patronat et l'ont fait
capituler
sur le payement des heures de grève, qui ont mis en échec
l'appareil de répression gouvernemental, qui ont donné le
signal de l'ébranlement général, et qui pour cela
ont soutenu de dures privations, ne sont pas disposés à
capituler
aujourd'hui et à laisser brimer les meilleurs d'entre eux, pour
que le patronat puisse nous ramener à sa merci. Tous les
ouvriers
de notre usine feront bloc autour de ceux d'entre nous que la direction
patronale veut brimer ; et celle-ci apprendra bientôt ce que peut
lui coûter une telle politique !
Jean
BOIS.
AU
L.M.T.
augmentation de la cantine
Au L.M.T. le prix de la cantine passe
de
32 fr. 50 à 48 fr.
La commission de gestion du C.E.
explique
que cette augmentation découle du nouveau prix des marchandises.
La subvention de la direction étant la même depuis 1944,
pour
un nombre grandissant de rationnaires, il y a impossibilité de
maintenir
l'ancien prix.
Aucun changement n'était donc
possible
quant à l'amélioration du menu, ce que nous avons pu
constater
après quatre jours de saucisses et légumes cuits à
l'eau.
Ainsi avec le même salaire, nous
devons
payer le même repas 15 fr. plus cher, alors que la direction, qui
refuse de nous augmenter et empoche sur les marchandises que nous
produisons
les augmentations, diminue de ce fait sa subvention.
UNITE
D'ACTION
"Vous êtes de diviseurs !" C'est
par
cette
phrase que le Comité d'entreprise a accueilli les camarades du
S.D.R.
qui venaient pour leur enquête sur la cantine.
- Mais, répondit un camarade
à
ces messieurs, si nous n'avions pas été là, vous
seriez
encore dans votre lit.
En effet, les chiffres et les combines
que
le S.D.R. vient de révéler étaient connus des
membres
cégétistes du comité d'entreprise depuis le mois
de
février. Cependant, avant que le S.D.R. n'ait agi, ils se
gardaient
bien de les porter à la connaissance des ouvriers. C'est
seulement
après que le S.D.R. ait revendiqué la diminution des prix
de la cantine, que la C.G.T. a repris à son tour cette
revendication.
Ce qui intéresse les ouvriers,
dans
cette affaire, ce n'est donc pas de savoir les épithètes
que lancent les bureaucrates cégétistes, mais qui a agi
et
ce que chacun a fait.
L'unité cesse d'être un
vain
mot, seulement quand tout le monde agit pour défendre une
même
cause. Elle n'est pas dans les paroles. Or si le S.D.R., en agissant
pour
la cantine, a obligé la C.G.T. à en faire autant sous
peine
de se discréditer, n'a-t-il pas réalisé, en
même
temps, l'unité ?
On aurait pu rester longtemps encore
tous
"unis" derrière la C.G.T., sans que, pour cela, quoi que ce soit
change dans l'usine. Mais les ouvriers conscients, qui, en s'organisant
indépendamment, sont passés à l'action sans se
soucier
des accusations des bonzes, avec confiance dans la force des ouvriers
et
en se mettant à l'apprentissage de leurs tâches
syndicales,
sont, eux, les véritables réalisateurs de l'unité
dans l'action de défense des revendications ouvrières -
comme
l'ont été les camarades du S.D.R. depuis le début
de son existence.
Les bonzes syndicaux qui
détestent
avant tout l'action ouvrière, traitent du reste de diviseurs
même
les ouvriers qui sont à l'intérieur de la C.G.T., pour
peu
qu'ils défendent une position différente de la leur.
C'est
pour cela que les ouvriers ne se laisseront pas embarrasser par des
formules.
Mais le meilleur moyen de distinguer le vrai du faux, c'est de
défendre
contre le patronat et ses valets ceux d'entre nous qui se mettent en
avant
pour la défense de nos intérêts à tous.
UN
SALAIRE DECENT POUR
UN TRAVAIL DECENT !
Le plan Monnet avait prévu le
prolongement
du temps de travail. Tous les prédécesseurs de Ramadier
et
Schuman, chaque fois qu'ils voulaient indiquer une solution au marasme
économique, disaient : "Il faut travailler plus, allonger la
journée
de travail".
M. Léon Blum avait
réalisé
ce tour de force de force de transformer la semaine de quarante heures
en quarante-huit heures sans en changer le nom. Il restait une
dernière
étape à franchir : supprimer même cette limitation
à la journée de travail.
La C.G.T. s'est chargée de
cette
dernière formalité, lors de son agenouillement - le
dernier
en date - à la conférence C.G.T.-C.N.P.F. Après le
bavardage rituel sur la France à relever, sur la classe
ouvrière
soucieuse de ses responsabilités, la semaine de quarante heures
a été solennellement enterrée. Légalement,
on sera bientôt tenus de faire quarante-huit heures. Mais les
limites
légales ne constituant en fin de compte que le niveau au-dessous
duquel on ne peut descendre, ces quarante-huit heures pourraient fort
bien
se transformer à brève échéance en soixante
heures.
C'est du reste ainsi que nos
négociateurs
l'entendent. N'ayant pas voulu augmenter les salaires dans des
proportions
convenables, ils veulent bien donner une compensation aux ouvriers :
vous
n'aurez pas de gros salaires, seulement, vous pourrez faire des heures.
Or, pour nous, que représente
ce
surcroît de travail ? Un surcroît de fatigue et de
misère.
Mais, pour le patron, c'est du surprofit. Dans le système
capitaliste,
tout travail salarié contient une part de travail non
payé
que le patron empoche sous forme de plus-value
(bénéfices).
Et c'est justement l'augmentation du travail non payé que
recherche
le patron en augmentant la journée de travail et
l'intensité
du travail de chaque ouvrier. Un plus grand nombre d'heures de travail,
s'il signifie accroissement de profits, n'a donc rien à avoir
avec
une plus grande masse de produits et à meilleur marché
pour
la population ; preuve que depuis trois ans le niveau de vie des
ouvriers
baisse au lieu d'augmenter avec la production.
Plus l'ouvrier travaille, plus il se
fatigue
et moins il a de bien-être. En obligeant les ouvriers à
user
leur substance toujours plus vite, les capitalistes mangent le
blé
en herbe en gaspillant sans vergogne la source première
d'énergie,
la main-d'oeuvre. Si on veut accroître notre bien-être, on
ne peut le faire qu'au détriment des bénéfices
capitalistes,
et cela on ne peut donc le faire qu'en luttant pour la réduction
du temps de travail, avec un salaire vital : UN SALAIRE DECENT POUR UN
TRAVAIL DECENT !
Mais pour la bourgeoisie,
l'allongement
de la journée de travail constitue en outre un facteur
précieux
de "paix sociale" au sens où l'entendent les bourgeois :
réarmer
idéologiquement et pratiquement en vue de la prochaine guerre.
C'est ainsi que Daladier-Reynaud
forgeaient
"l'acier victorieux" en 1939-1940, imposant aux ouvriers des
journées
de onze et douze heures de travail forcé dans les bagnes
capitalistes.
C'est ainsi qu'Hitler a consolidé sa domination sur les ouvriers
allemands et préparé sa guerre.
Accepter un accroissement de la
journée
de travail, c'est d'avance souscrire à la misère et
à
la guerre.
DURIEUX.
Comme nous l'avons
déjà signalé,
nous n'arrivons pas à couvrir les frais du journal. Tout
camarade
peut le vérifier : puisque nous sommes pour le contrôle
ouvrier,
nous tenons les factures à la disposition de tous les
camarades.
Le véritable moyen de
couvrir
nos
frais est d'intensifier la vente du journal dans l'usine et en dehors,
grâce à l'effort de nos vendeurs et à
l'accroissement
du nombre de nos liaisons dans toutes les usines. Mais, en attendant,
que
chacun fasse un effort immédiat.
Nous avons déjà
lancé
des listes de souscriptions qui ne sont pas rentrées. Nous
savons
qu'en ce moment, juste après les vacances, les bourses sont
plutôt
plates. Mais réparti sur des centaines de camarades, cet effort
est minime pour chacun (ne ferait-il que payer le journal 5 francs au
lieu
de 3 francs), et il suffirait à combler le déficit.
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Souscriptions
Nous remercions nos camarades
indochinois
du camp de Mazargues pour leur souscription de 400 francs |
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BIBLIOTHEQUE
A chaque permanence, nous tenons
à
la disposition des camarades qui désirent lire chez eux, une
collection
de livres d'éducation (philosophiques, économiques,
politiques)
et de romans.
ABONNEMENTS
3 mois ............... 80 fr.
6 mois................150 fr.
Abon. de soutien .....200 fr.
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