LA
MAIN DANS LE SAC
Tandis que sur le
devant
de la scène, C.G.T., patronat et gouvernement - les trois
larrons
- pour tromper les travailleurs, se rejettent réciproquement les
responsabilités, dans les coulisses ils agissent la main dans la
main, et de temps à autre nous pourrons les surprendre la main
dans
le sac...
Hier, c'était
le
mauvais patronat qui gênait le bon gouvernement, aujourd'hui
c'est
le mauvais gouvernement qui sabote l'application des accords
C.G.T.-patronat.
Mais cette savante division du travail où l'un (la C.G.T.) fait
semblant de lutter avec les travailleurs, tandis que l'autre (le
gouvernement)
prend le masque antipatronal ("l'application des accords
C.G.T.-C.N.P.F.
provoquerait la hausse des prix" dit Ramadier) est
complétée
par un soutien mutuel direct contre la démocratie
ouvrière.
En effet, celle-ci pour peu qu'elle existe réellement,
amène
automatiquement à la tête des travailleurs des ouvriers
conscients
et constitue par conséquent la plus grave menace pour nos
larrons
: si à la tête de la C.G.T., les bureaucrates actuels
venaient
à être remplacés par des ouvriers élus
à
la base, que deviendraient leurs combinaisons ?
Or, on se souvient de
la piteuse aventure arrivée aux chefs de la C.G.T. le printemps
dernier, aux élections pour la nomination des administrateurs de
Caisses primaires à la Sécurité sociale. Pour
vaincre
l'antipathie des travailleurs contre l'appareil syndical et le
système
antidémocratique, on leur accorda le maigre droit de panachage :
c'est-à-dire d'élire non pas automatiquement les
têtes
de liste, mais de choisir parmi les candidats d'une même liste.
Résultat
de ce droit : les chefs de la C.G.T., les Hénaff, Costes,
Reynaud,
etc. furent mis par les travailleurs en queue de liste !
Nos
"démocrates"
ont dû recourir à un subterfuge : obliger les candidats de
base à démissionner pour prendre leur place.
Il a suffi d'un droit
démocratique aussi maigre que celui de choisir parmi les propres
candidats de la C.G.T. pour que les combinaisons bureaucratiques soient
mises en danger par les travailleurs.
Or, le mois prochain
doivent
avoir lieu des élections du conseil d'administration des Caisses
régionales de Sécurité sociale. Un décret
paru
au "Journal officiel" du 17 septembre, abolit le panachage et le vote
préférentiel
! Les candidats présentés en tête de liste par la
C.G.T.
sont donc assurés d'être élus. Qui signe ce
décret
? Daniel Mayer et Ramadier ! Comme on le voit, point besoin que Croizat
soit au ministère pour que les lois antidémocratiques
(comme
celle des élections de délégués) soient
votées.
CES MESSIEURS COMPRENNENT TRES BIEN LEURS INTERETS COMMUNS.
Et les
intérêts
des dirigeants de la C.G.T. sont tellement étrangers à
ceux
des travailleurs, qu'un semblant de droit démocratique que leur
avait accordé un Ramadier première version, leur est
maintenant
retiré par le Ramadier deuxième version.
Mais pour se
débarrasser
des larrons du gouvernement et avoir un gouvernement qui agisse
démocratiquement
: c'est-à-dire un gouvernement ouvrier et paysan, il faut au
préalable
débarrasser le mouvement ouvrier lui-même de la tutelle
des
bureaucrates.
LA
VOIX DES TRAVAILLEURS.
UNE
MAISON DE FOUS ...
Les exportations
sont
destinées,
nous dit-on, à procurer aux pays exportateurs les devises
indispensables
à l'importation des produits dont ils manquent. Or, les journaux
de cette semaine nous apportent à ce sujet une nouvelle pour le
moins curieuse : Tandis que les usines anglaises de textile travaillent
activement pour l'exportation, la Grande-Bretagne se prépare
à
importer de France des tissus pour complets, à concurrence de
1.500.000
livres (c'est-à-dire environ 1 milliard 800 millions de francs).
Autrement dit, l'Angleterre exporte des tissus pour complets et,
à
l'aide des devises ainsi récupérées, elle
importe...
des tissus pour complets.
Serait-ce une histoire
de fous ? C'est, en tout cas, l'illustration de la folle gabegie
dans laquelle nous plonge le règne capitaliste.
Les capitalistes
anglais
fabriquent des tissus que, par suite des salaires trop bas, les
ouvriers
anglais, et avec eux toutes les couches pauvres de la population, ne
peuvent
acheter. Ces tissus sont donc exportés vers des pays à
niveau
de vie supérieur : Etats-Unis, Canada, Australie. Mais alors se
pose un autre problème : comment vêtir les ouvriers
anglais,
incapables, avec leurs salaires, d'acheter les produits qu'ils ont
eux-mêmes
fabriqués ? La solution est simple : d'abord instituer un
rationnement
sévère (en Angleterre les points de textiles subsistent),
afin de réduire artificiellement les besoins au minimum. Puis,
pour
satisfaire ce minimum indispensable, se procurer des tissus meilleur
marché
que ceux de la production nationale. Et où trouver ces derniers
: là où la main-d'oeuvre est encore moins chère.
Puisque la monnaie
française
est fortement dépréciée, puisque les salaires
français
sont réduits à un taux de famine, il est évident
que,
pour les possesseurs de livres, les produits français sont
très
avantageux.
C'est pourquoi
l'Angleterre,
gros producteur de tissus se prépare à importer pour 1
milliard
800 millions de tissus français.
Pendant ce temps, la
moitié
de la France porte des haillons.
L'ouvrier
français,
tout comme l'ouvrier anglais, est incapable de payer, avec son salaire,
les produits qui sortent de ses mains. Mais si les ouvriers anglais,
par
suite de la détresse encore plus grande de leurs frères
français,
ont pu voir satisfaire, jusqu'ici, une partie de leurs besoins, vers
qui
la bourgeoisie française pourrait-elle se tourner pour faire la
même opération ? Le niveau des travailleurs
français
est un des plus bas. Où chercher les produits à
portée
de leur bourse ?
Pour que les
travailleurs
français puissent acheter ce qui leur faut, la production doit
être
orientée vers les besoins intérieurs du pays.
L'exportation
vers les pays à monnaie forte n'est que l'organisation de la
misère
des travailleurs français, les devises elles-mêmes ne
servant,
comme l'a révélé le dernier scandale, qu'aux
besoins
de luxe et à la politique de spéculation de la
bourgeoisie.
***
Les services du
Ravitaillement
communiquent "qu'une importante quantité de morue salée
permettrait
cet hiver d'améliorer le ravitaillement". Si le salaire de
l'ouvrier
ne lui permet pas d'acheter la viande qui existe en abondance, il
pourra
bien se contenter de manger de la morue salée.
La ration de sucre ne
pourra pas être sensiblement améliorée, pas
au-delà
de 750 grammes, car "si les prévisions en matière de
sucre
sont sans doute assez bonnes", il faudrait, pour améliorer la
ration,
"supprimer des attributions de sucre à la distillerie et
à
la confiturerie" qui travaillent pour l'exportation et la consommation
des riches.
"En ce qui concerne
l'huile,
il n'y a également aucune décision arrêtée".
On espère en distribuer 250 grammes... avant la fin de
l'année.
Si on exporte à
bon prix le beurre, l'huile, le vin, le sucre, etc., les ouvriers
français
en échange, peuvent manger... de la morue.
LUCIENNE.
LE
SYNDICAT DEMOCRATIQUE RENAULT ENTAME
LA LUTTE CONTRE
LA VIE CHERE, POUR
L'ECHELLE MOBILE
En dépit des
accords
C.G.T.-patronat, nulle part les ouvriers n'obtiennent l'augmentation
des
11% sans être obligés de faire grève. Ces accords,
qui n'étaient qu'une duperie organisée avec le concours
des
dirigeants cégétistes, reconnaissent pourtant qu'il
était
possible au patronat d'accorder cette minime augmentation. Mais le
patronat
se refuse à augmenter les salaires et ne veut pas davantage
baisser
ses prix. Il augmente toujours plus l'écart entre prix et
salaires,
mettant les ouvriers dans l'impossibilité de se suffire avec ce
qu'ils gagnent. En se refusant de payer aux ouvriers un salaire qui
leur
permette de vivre, il les met dans l'alternative soit de crever de
faim,
soit de se mettre périodiquement en grève.
Une statistique du ministère du
Travail
estime que 7.176.183 journées de travail ont été
perdues
par suite des grèves en cours du premier semestre 1947. La
satisfaction
des revendications ouvrières aurait représenté une
perte moins grande pour les capitalistes que la perte de ces millions
de
journées de travail. Le patronat ne peut pas invoquer son
impossibilité
de supporter les revendications ouvrières, quand il peut se
permettre
de supporter la perte des bénéfices que
représentent
ces millions de journées de chômage.
Cette politique du
patronat
est uniquement justifiée par son intention d'épuiser les
ouvriers dans les luttes incessantes, jusqu'à ce qu'ils
finissent
par se résigner à leur sort. Car si les ouvriers ne
peuvent
pas se résoudre à mourir de faim, il n'est pas moins
pénible
pour eux, de soutenir continuellement de dures luttes grévistes.
C'est pour mettre fin
à cette alternative que le S.D.R., de même que les
grévistes
de Peugeot, opposent au patronat la revendication du salaire minimum
vital
calculé en fonction de l'indice des prix (échelle
mobile).
Le minimum vital, en défendant le salaire contre sa continuelle
dépréciation, permet à la classe ouvrière
de
contrecarrer la politique de vie chère du patronat et du
gouvernement.
Le sentiment de tous
les
ouvriers : c'est qu'il faut un nouveau juin 36. Il est encore temps,
aujourd'hui
que la lutte ouvrière bat son plein, de parer à la
contre-offensive
que prépare la bourgeoisie. L'unification de leurs luttes se
fera,
si les ouvriers se concertent et organisent l'action dans chaque usine
sur les revendications communes à toute la classe
ouvrière.
C'est vers ce but que tend l'action, entamée par le S.D.R., que
nous relatons par ailleurs.
par
Pierre BOIS
Lorsque des camarades du
S.D.R. ont interdit l'accès des ateliers aux
délégués
des départements 6 et 18, non parce qu'ils voulaient les
empêcher
de travailler, mais parce que les ouvriers ne les voulaient plus comme
délégués et que ceux-ci refusaient de donner leur
démission, la direction cégétiste et la direction
patronale ont accusé nos camarades de commettre une "entrave
à
la liberté du travail" et les ont menacés de peines
d'amende
et d'emprisonnement.
Au nom de la
"liberté
du travail", ils entendaient imposer la volonté de trois
délégués
à celle de douze cents ouvriers qui ne voulaient plus d'eux
comme
représentants. Mais les ouvriers, pour pouvoir se
défendre
contre le patronat, ont toujours dû expulser les jaunes ou mettre
à la raison les éléments inconscients qui sabotent
leurs intérêts.
La mise à la
porte
des délégués qui s'étaient comportés
en jaunes, était une action décidée par la
majorité
des ouvriers. La direction a invoqué la loi sur "la
liberté
du travail" pour CONTRECARRER LE DROIT DES OUVRIERS D'AGIR DE
FAÇON
CONCERTEE de la même façon que le patronat invoque cette
loi
quand, au moment d'une action gréviste, il cherche à
introduire
des jaunes et des briseurs de grève.
Cette loi a, en effet,
pour unique but, de permettre au patronat de s'opposer à
l'action
commune des ouvriers, et de lui donner l'appui de la force publique
pour
briser cette action.
Si le patron peut
invoquer
contre les ouvriers la "liberté du travail" pour introduire
parmi
eux ses agents, les ouvriers, par contre, ne peuvent pas avoir recours
à cette loi quand le patron, pour son bon plaisir, met à
la porte quelques-uns d'entre eux sans aucun motif professionnel, les
mute
d'un département à l'autre, se débarrasse des plus
combatifs, etc. Le dernier exemple en date est celui de notre camarade
Lopez, qui a été renvoyé sous le prétexte
qu'il
n'avait pas de carte de travail.
Le patronat,
obligé
de reconnaître aux ouvriers le droit de se coaliser, de se
syndiquer
et d'agir d'une façon concertée pour la défense de
leurs intérêts, cherche, en invoquant la loi sur la
"liberté
du travail", à annuler les effets de ce droit, en faisant agir
contre
les ouvriers des jaunes et des briseurs de grève, en opposant
par
exemple à une action gréviste décidée par
la
majorité des ouvriers, une minorité d'inconscients ou
d'éléments
étrangers à l'usine, chômeurs, etc...
La loi sur la
"liberté
du travail" n'est donc autre chose qu'une RESTRICTION AU DROIT DE
COALITION
DES OUVRIERS .
Contre cette
liberté
patronale, les ouvriers, au contraire, luttent pour défendre
LEURS
libertés : celle de se coaliser et de se concerter pour
défendre
leurs droits dans des actions communes, celle de faire respecter leurs
décisions en faisant la chasse aux jaunes.
Et ce n'est pas
d'aujourd'hui
que la classe ouvrière agit en ce sens. Avant la guerre, dans le
bâtiment, par exemple, nous allions bien souvent, après
nos
réunions syndicales, en compagnie de membres des comités
de chômeurs, chasser de leurs chantiers ceux qui, au nom de la
liberté
du travail, travaillaient le samedi, sabotant ainsi la semaine de
quarante
heures qu'il fallait imposer au patronat, et retirant le pain de la
bouche
à de nombreux ouvriers en chômage.
La C.G.T.
elle-même
ne revendique-t-elle pas le contrôle sur l'embauche et la
débauche,
ce qui une atteinte, du point de vue patronal, à la
"liberté
du travail" ? Mais en fait, pour la C.G.T., cette revendication
signifie
uniquement le monopole de ce contrôle à son profit. Pour
les
ouvriers cependant, le contrôle sur l'embauche et la
débauche
est effectivement une revendication élémentaire, entrant
dans le cadre de leur droit de coalition et de leur droit de se
défendre,
dans le travail, contre l'arbitraire patronal.
En fait, la
"liberté
du travail", en dehors de son utilisation antiouvrière par le
patronat,
n'est qu'un vain mot. Le travail, pour celui qui doit vendre sa force
de
travail, n'est pas une liberté, mais une pénible
nécessité.
Dans la
société
capitaliste, la liberté du travail pour les ouvriers consiste
à
avoir le droit de faire des heures supplémentaires, de
travailler
dix heures par jour à une cadence forcenée pour un
salaire
de famine. La "liberté du travail" est la liberté pour le
patron d'exploiter l'ouvrier dix heures tous les jours, et aussi la
liberté
de le mettre à la porte quand il n'en a plus besoin, de le
renvoyer
ou de le muter quand il ne fait pas une cadence "suffisante". La
"liberté
du travail", c'est encore le droit pour le patron d'employer des jaunes
quand les ouvriers veulent user de leur droit de grève. La
"liberté
du travail", c'est le droit pour ceux qui travaillent de crever de
faim,
et la possibilité pour ceux qui ne font rien, de jouir et de
gaspiller
le travail des ouvriers.
Les
dernières révélations sur la bombe atomique
LES
SAVANTS S'OPPOSAIENT A
SA FABRICATION ...
Il y a deux ans, le
10
août
1945, le gouvernement américain, par deux bombes atomiques
lancées
successivement, faisait anéantir les villes japonaises de
Hiroshima
et Nagasaki. Il a été démontré à
l'époque
et prouvé depuis que le but du lancement de ces bombes
n'était
pas de faire capituler le Japon (celui-ci ayant fait une offre de paix
dès le 22 juillet), mais d'expérimenter l'effet d'un
bombardement
atomique sur de grandes agglomérations humaines et, surtout,
d'effrayer
les masses populaires de tous les pays par la puissance de cette
nouvelle
arme que possédait la bourgeoisie.
Noua apprenons
cependant
aujourd'hui, par les révélations d'une
personnalité
américaine, publiées dans Le Monde du 7 septembre, que la
bombe atomique n'a pas été lancée sans
qu'auparavant
une forte opposition se soit manifestée. En effet, devant
l'immensité
du crime que l'on préparait, les savants qui avaient
participé
aux recherches sur la désintégration atomique et accompli
docilement, jusqu'alors, les tâches prescrites par la
bourgeoisie,
reculèrent d'effroi. Eux qui avaient travaillé à
mettre
l'énergie atomique au service de l'humanité se refusaient
à voir le fruit de leurs efforts utilisé à
massacrer
des milliers d'êtres humains. A la nouvelle que le gouvernement
américain
avait réellement l'intention de fabriquer une bombe, "une crise
morale sévit parmi les savants", rapporte Le Monde. Nombreux
furent
ceux qui abandonnèrent leurs travaux (quel sacrifice
énorme
cela signifiait pour eux !) d'autres souffrirent de dépression
nerveuse...
Pour apaiser ces
consciences
et parvenir à ses fins, le gouvernement américain fit
venir
spécialement d'Angleterre Niels Bohr, une
célébrité,
qui, joignant à ses talents de docteur ceux de "philosophe"
s'employa
à démontrer aux savants scrupuleux la valeur morale de la
fabrication et de l'utilisation de la bombe atomique : "puisqu'elle
existait
en fait, tôt ou tard la guerre rendrait son utilisation
inévitable.
Plus tôt on ferait une
démonstrations
de sa puissance effroyable, mieux ce serait, pour les Etats-Unis..."
La majorité des savants durent
s'incliner
? Depuis des années, seuls les canons avaient parlé. Que
pouvait maintenant, au fond des laboratoires, la faible voix de la
conscience
de ces savants ? Face aux capitalistes, marchands de canons et autres
partisans
de la continuation de la guerre et de l'utilisation de tous les moyens
qu'elle comportait, il n'existait aucune opposition, aucune force sur
laquelle
ils puissent s'appuyer. Il n'existait donc aucune autre issue, pour les
savants, que l'emploi de la bombe atomique ; encore le comité
chargé
d'en décider, dont ils faisaient partie, mit-il trois mois
à
s'y résoudre...
Seule la classe
ouvrière,
par une lutte organisée et résolue, pouvait s'opposer
à
la poursuite de la guerre impérialiste et à l'utilisation
de la bombe atomique. Seule aujourd'hui, encore, la classe
ouvrière
du monde entier peut mettre un obstacle à la troisième
guerre
mondiale qu'est en train de préparer la bourgeoisie. Et
l'exemple
des savants américains prouve qu'elle trouvera l'appui
nécessaire
pour réussir, parmi les éléments même sur
qui
la bourgeoisie nous paraît exercer le plus solidement son
autorité.
Note. - Nous devions publier cet
article
il y a quinze jours dans le numéro 18 de La Voix. Le manque de
place
nous en a empêchés jusqu'ici.
EN
ITALIE... COMME EN FRANCE !
Il y a huit jours,
en
Italie,
la vague gréviste atteignait son point culminant : au million de
travailleurs agricoles en grève dans le Nord, venaient se
joindre,
le 17 septembre, plusieurs centaines de milliers de
métallurgistes
et d'ouvriers de diverses branches d'industrie, tandis que
menaçaient
d'arrêter le travail, si satisfaction n'était pas
donnée
à leurs revendications, des dizaines de milliers d'ouvriers des
manufactures de tabac et du textile, de cheminots et de fonctionnaires.
En Italie, comme en
France,
les travailleurs se sont mis en grève pour protester contre la
politique
de vie chère et de bas salaires du gouvernement.
Les dirigeants du
parti
"communiste" et du parti "socialiste" italiens, eux-mêmes
effrayés
par l'ampleur de ces mouvements de masse, se sont empressés de
rassurer
la bourgeoisie. "Il n'y aura pas de révolution, ni de
pré-révolution",
déclarait Pietro Nenni, leader "socialiste", au nom des deux
partis.
Et pour endiguer le mouvement et le détourner de son but
révolutionnaire,
les bureaucrates ont organisé des manifestations monstres, comme
"la marche de la faim", à Rome (genre manifestation
Champ-de-Mars),
pour demander... que "socialistes" et "communistes" reviennent au
gouvernement.
Comme si cela allait mieux pour les masses quand ils y étaient,
il y a quelques mois !
Pendant ce temps,
d'autres
"sauveurs" accouraient à l'aide du régime en péril
: aux Etats-Unis, de hautes personnalités en appelaient à
la nécessité d'accorder d'urgence des crédits
spéciaux
pour l'Italie, afin de soutenir, d'un autre côté, le
gouvernement
menacé par le mouvement ouvrier.
C'est ainsi que,
épaulées
d'un côté par les social-traîtres, de l'autre par
les
dollars américains, les classes dominantes réussissent
à
maintenir un régime pourri.
Depuis quatre ans
qu'ils
ont renversé Mussolini et le fascisme, les travailleurs italiens
s'épuisent en des grèves incessantes pour
améliorer
leurs conditions de vie. Depuis quatre ans, la bourgeoisie et les
réformistes
conjuguent leurs efforts pour briser ces mouvements et maintenir,
à
leur profit, un régime qui ne survit que par l'inflation, la
faillite
monétaire, l'oppression étrangère et plonge les
travailleurs
et les populations pauvres dans une misère de plus en plus
atroce.
En Italie... comme en
France !
LE
TRACT DU
SYNDICAT DEMOCRATIQUE RENAULT
Dans une lettre
à
la direction de la Régie, la C.E. du S.D.R. a demandé une
entrevue pour la matinée du jeudi 25-9, pour entamer des
négociations
sur la question des salaires.
Pour appuyer cette
démarche,
le S.D.R. a diffusé un tract adressé aux ouvriers de
l'usine.
Bien que les autres organisations syndicales aient montré une
carence
complète, il s'adresse également à elles pour
qu'elles
se joignent à sa démarche auprès de la direction.
En effet, la direction
prétend que les ouvriers n'ont plus droit à aucune
augmentation
après celle accordée depuis le mois de mai. Les ouvriers
ne peuvent accepter cette prétention. Depuis la vie a
augmenté
de 50%. De plus, les 11%, selon les accords C.G.T.-C.N.P.F.
entérinés
par le gouvernement, concernent une augmentation sur le salaire
effectivement
payé au mois de juillet. L'attitude de la direction n'est donc
qu'un
essai de rogner le salaire ouvrier, en comptant sur la carence des
organisations
syndicales et l'indécision des ouvriers.
Dans sa lettre
à
la direction, le S.D.R. demande à "régler la question des
salaires de façon que les ouvriers ne soient pas mis devant
l'alternative,
soit de se mettre périodiquement en grève, soit de crever
de faim", comme c'est le cas actuellement.
Le S.D.R. demande que
soit garanti aux ouvriers un salaire minimum vital calculé en
fonction
de ce que coûtent les objets de première
nécessité
; ils ne peuvent pas admettre que leur salaire soit calculé au
prix
la plus bas, alors que les fabrications de la Régie sont vendues
au prix du jour le plus fort. Ou alors que la Régie cesse de
fabriquer
des voitures pour l'exportation (le récent scandale des devises
a bien montré que celles-ci ne servent qu'aux capitalistes) et
qu'elle
fabrique des camions, des tracteurs, des produits nécessaires
à
la reconstruction du pays et vendus en proportion du salaire ouvrier.
Il
n'y a pas d'autre moyen de lutter contre la vie chère.
En outre, pour faire
cesser
le régime de l'arbitraire dans les conditions de travail,
d'horaires,
d'hygiène, etc., le S.D.R. fait appel aux ouvriers pour qu'ils
dressent
par département des cahiers de revendications et qu'ils
élisent,
dans ce but, des commissions formées de camarades ayant leur
confiance.
Tous les ouvriers appuieront le S.D.R.
qui
entame cette action au nom de tous pour des revendications voulues par
tous. Il n'en réclame nullement le monopole. Contrairement aux
dirigeants
cégétistes qui négocient par-dessus la tête
des ouvriers, il appelle tous les ouvriers à participer par leur
action à ses démarches auprès de la direction. Il
met en avant les chances que les ouvriers ont de faire aboutir leurs
revendications,
au moment où tant d'autres secteurs de la classe ouvrière
sont en lutte.
Jean BOIS.
C
H E Z R E N A U L T
LES
JAUNES PROVOQUENT LES OUVRIERS
De nombreux
ouvriers du
secteur
Collas, lorsqu'ils ont appris que la C.G.T., à la suite de ses
négociations,
n'avait obtenu que 0 fr. 05 (1 sou) d'augmentation, sont allés
trouver
les délégués pour demander des explications. Ces
délégués
cégétistes, bien que n'ayant été
élus
que par 168 voix sur 794 inscrits, en raison de la loi
électorale
sur les délégués, représentent
légalement
l'ensemble des ouvriers auprès de la direction. Mais aux
questions
des ouvriers, les délégués
cégétistes
Leblond et Savoy répondirent que "les salaires ne les
intéressaient
pas, qu'ils n'étaient pas là pour nous donner des
renseignements,
qu'ils étaient là parce qu'il fallait y être,
uniquement
pour nous "em...".
Devant cette attitude
de provocateurs, les ouvriers demandèrent aux
délégués
cégétistes, en meeting public, de donner leur
démission
de délégués. Les ouvriers ne pouvaient accepter
d'être
représentés plus longtemps par des gens qui non seulement
ne remplissaient pas leur mandat, mais se comportaient à leur
égard
en jaunes. Persistant dans leur attitude, les
délégués
répondirent qu'"ils n'avaient pas d'ordre à recevoir des
ouvriers et qu'ils feraient ce qui leur plairait".
Il ne restait d'autre
solution aux ouvriers que d'interdire à ces jaunes
l'accès
de leur département.
Ce n'est donc pas en tant que
cégétistes
mais en tant que gens qui sabotent le mouvement ouvrier que les
ouvriers
du département décidèrent de les mettre à
la
porte. Il ne s'agissait pas de leur interdire de travailler. La preuve,
c'est qu'un délégué cégétiste,
père
de six enfants, Poirier, ayant voulu travailler pour ne pas perdre son
salaire, a été admis à le faire. Mais les ouvriers
refusaient, après leur déclaration, de les avoir en tant
que délégués qui parlent en leur nom.
Un autre
cégétiste,
ancien délégué, Facompré, a
été
maintenu en dehors de l'usine parce qu'ayant frappé un camarade.
C'était donc bien une épuration à l'égard
de
jaunes.
Les
cégétistes
refusent de se soumettre à la volonté des ouvriers et
osent
encore invoquer pour eux la démocratie. Or qu'est-ce que la
démocratie,
sinon la volonté de la majorité des ouvriers ? S'ils
avaient
représenté les ouvriers, ils n'auraient pas eu besoin de
recourir à la direction pour se défendre. Ce fait,
à
lui tout seul, prouve qu'ils sont au service de la direction contre les
ouvriers. Parce que les ouvriers ne veulent plus se laisser traiter en
mineurs, ces gens sont en colère et veulent se venger.
LA
DEMOCRATIE CEGETISTE
Au sujet de la
prétention
de la C.G.T. d'invoquer la démocratie, des camarades nous
demandent
de publier certains faits récents qui illustrent son
comportement.
A la fonderie, atelier
66, un ouvrier du S.D.R. a fait une collecte en faveur d'un ouvrier
malade.
Les cégétistes, pour manifester leur hostilité
à
une initiative prise en dehors d'eux, ont arraché la lettre de
remerciement
que l'ouvrier malade avait adressée à ses camarades.
Au même atelier,
ils essayèrent de saboter la réunion d'information du
S.D.R.,
en effaçant sa convocation au panneau d'affichage.
Lors des
élections
de délégués, ils organisèrent la fraude du
vote, en remettant aux ouvriers algériens des bulletins à
leur nom.
A l'atelier 46 aussi,
les délégués cégétistes ont
arraché
du panneau d'affichage les affiches de convocation à la
réunion
du S.D.R.
Au roulement à
billes, ils se sont emparés de La Voix, que diffusait une
ouvrière,
et l'ont brûlée.
A l'atelier 179, ils
ont
essayé d'empêcher de force un de nos camarades de diffuser
un tract.
Au département
6, des ouvriers, indignés de la façon dont
L'Humanité
informe ses lecteurs, avaient affiché l'article relatant la
soi-disant
grève manquée du secteur Collas. Des
cégétistes
ont arraché l'article. Nous n'avons pas peur des calomnies, mais
les membres du P.C.F. ont honte de leur presse.
DE
CHARYBDE EN SCYLLA !
La C.G.T. avait
fait des
démarches auprès de la direction pour renvoyer nos
camarades,
et, forts de son consentement, ils ont fait courir des bruits dans ce
sens
dans l'usine, allant jusqu'à dire que le camarade Bois
était
arrêté. Cependant la direction a dû reculer devant
l'agitation
qui régnait parmi les ouvriers.
Irritée de cet
échec, la section cégétiste, perdant la
tête,
a essayé de recourir à un autre moyen, qui n'a fait que
la
ridiculiser. Elle a donné l'ordre aux ouvriers du secteur Collas
de faire grève pour demander le renvoi des membres du S.D.R.
Résultat
: sept ouvriers sur douze cents ont débrayé.
S'ils ne l'étaient pas
déjà,
les ouvriers de l'usine sont fixés maintenant de quel
côté
est la majorité, et si les dirigeants du S.D.R. ont, oui ou non,
agi démocratiquement.
UN
SYNDICAT D'EPICIERS
Par suite du système de paie
mis en
application
depuis quelques mois au département 88, les ouvriers de ce
secteur
se voyaient, cette semaine, obligés de passer une fois de plus
leur
dimanche sans argent. Le S.D.R. décida de revendiquer la paie
pour
le vendredi au lieu du lundi, ou le paiement d'un acompte se
rapprochant
de la valeur de cette paie et apporté aux ouvriers à leur
machine.
Le refus de la direction fut
catégorique
: on ne donnerait des acomptes qu'à ceux qui iraient les
chercher
après le travail, et pas plus de 2.000 francs. Après
négociations,
elle accepta de payer l'acompte dans le département, mais pas
plus
de 2.000 francs. Il est clair que ce que la direction ne voulait pas,
c'était
capituler sur le principe. Donner l'équivalent de la paie,
c'était,
en fait, faire la paie.
Devant cette intransigeance, les
ouvriers
décidèrent d'aller, vendredi, chercher leur paie
eux-mêmes.
Invités à participer
à
la manifestation, les dirigeants cégétistes du
département
attendirent, pour répondre, d'avoir consulté... les
lumières
de la rue Yves-Kermel. Des ouvriers, pas question !
Après quoi, ils
refusèrent
toute participation, prétextant que "puisque la direction
donnait
un acompte, cela suffisait". Et, "après tout, nous n'avions pas
voulu participer à la manifestation du Champ-de-Mars". Autrement
dit, ils "nous rendaient la pareille".
Cela ressemble plus à un
débat
d'épiciers qu'à une attitude de responsables ouvriers.
Ces messieurs, en paroles, sont
pourtant
opposés au système de paie en vigueur dans notre
département.
Mais lutter activement contre ce système, c'est autre chose.
La direction, forte de l'appui de la
C.G.T.,
fit pression sur les ouvriers : dès le lendemain matin, les
contremaîtres
déclaraient que ceux qui se mettraient en vedette pour aller
chercher
leur paie seraient punis. Ainsi le mouvement a échoué.
Messieurs les
cégétistes,
si attachés à l'"unité", nous prouvent une fois de
plus, dans les faits, que ce sont eux les diviseurs.
DURIEUX.
L'ENTREVUE
AVEC
L'INSPECTEUR DU TRAVAIL
Depuis plus de
quinze
jours,
le S.D.R. avait posé quatre revendications auxquelles il n'avait
pas encore été répondu. Mercredi dernier, 17
septembre,
dès qu'il eut connaissance de l'agitation qui régnait
à
Collas et de la menace de grève, l'inspecteur du Travail fit
appeler
les représentants du S.D.R. à son bureau. M.
Vernier-Palliez,
neveu et bras droit de M. Lefaucheux, étant entré sur ces
entrefaites, l'inspecteur du Travail leur donna rendez-vous pour le
lendemain
au bureau de l'inspecteur divisionnaire et s'empressa de donner
réponse
aux revendications restées en souffrance :
1° les cantines sont
accordées
au S.D.R. dans les mêmes conditions qu'aux autres organisations
syndicales
; |
2° l'utilisation des
panneaux
syndicaux
est accordée au S.D.R. |
Comme nous faisons
remarquer
qu'une note émanant de notre syndicat n'a pas pu être
affichée
parce que la direction n'a pas voulu mettre son visa, l'inspecteur du
Travail
prétend que les informations syndicales ne doivent comporter
aucune
attaque ni contre d'autres organisations syndicales ni contre la
direction.
En somme, la loi du 16
avril prévoit un panneau d'affichage pour les organisations
syndicales,
mais les informations pour pouvoir être affichées doivent
être soumises à la censure de la direction et de
l'inspecteur
du Travail.
Quant aux deux autres
questions, la possibilité d'être associé aux
discussions
avec la direction, et la possibilité de déposer à
date fixe nos revendications, l'inspecteur du Travail prétend
que
la loi ne nous y autorise pas.
Tant que nous n'avons
pas de délégués, nous ne pouvons pas être
reçus
à la direction. Nos droits se limitent à faire de la
propagande
pour avoir des délégués aux prochaines
élections.
Comme nous faisons
valoir
que nous pouvons recourir à la grève pour exiger des
délégués
à nous, l'inspecteur du Travail nous déclare que la
grève
n'est tolérée que dans les limites des droits reconnus
par
la loi. C'est ainsi que nous avons appris que des bouchers de Vaugirard
s'étaient mis en grève pour une augmentation de salaire,
leur patron les attaqua en justice et leur syndicat fut
condamné,
parce qu'ils avaient fait grève alors que leurs salaires
étaient
déjà au-dessus du taux légal. Voici une
sévère
entorse au droit de grève, si ce sont les tribunaux bourgeois
qui
doivent définir dans quelles circonstances les ouvriers peuvent
ou ne peuvent pas faire grève.
COMMENT
ILS ENTENDENT LA SOLIDARITE
Au
département 6,
une collecte a été faite en faveur du camarade Lopez,
licencié
sous un prétexte de légalité, à la suite de
son action pendant la grève. Cette collecte a rapporté la
somme de 3.010 francs.
Lorsque nos camarades ont
présenté
leurs listes aux délégués, ceux-ci ont
refusé
de verser quoi que ce soit. Ainsi, pour des gens qui prétendent
représenter les ouvriers, la solidarité ne s'applique pas
aux ouvriers victimes de la répression patronale, sous
prétexte
qu'ils n'appartiennent pas à leurs organisations.
Il y a quelque temps,
au même département, l'ancien délégué
qui, pendant la grève avait eu une attitude capitularde, est
tombé
malade. Malgré cela, les syndiqués du S.D.R. n'ont pas
hésité
à donner à la collecte faite en faveur de cet ouvrier,
car
pour eux, s'ils ont une conception différente de la lutte, la
solidarité
entre les exploités que la misère ou la maladie frappent
sans distinction n'est pas un vain mot.
Bien plus, c'est un ouvrier membre du
S.D.R.
qui a pris l'initiative de la collecte.
Ce n'est pas la peine
de clamer partout l'unité de la classe ouvrière si l'on
se
montre hostile à un simple geste de solidarité.
Dernière
minute
L'ACIER
N'ETAIT PAS DANS LA LIGNE...
Mardi soir, devant
environ
800 auditeurs de Billancourt, Maurice Thorez a tenu un discours
électoral.
Ceux qui ont dû être étonnés ce sont
certainement
les gens de L'Acier, en l'entendant parler des ouvriers allemands qu'il
ne faut pas confondre avec les capitalistes allemands. Eux, qui se sont
donné tant de mal pour baver sur ce sujet contre La Voix, vont
peut-être
maintenant être obligés de copier sur elle... pour pouvoir
être dans la ligne.
Nous demandons aux
camarades
qui écrivent à La Voix et qui désirent une
réponse
de ne pas oublier de mettre leur nom et leur adresse. A cette
condition,
nous nous efforcerons, chaque fois que la question intéressera
tous
les ouvriers, d'y répondre dans le journal.
Que ces camarades
mentionnent
également s'ils désirent que l'on publie leur signature.
Comment aider La Voix ? On peut
choisir
un ou plusieurs des moyens suivants :
1°) |
Acheter chacun un ou
plusieurs
numéros
et les vendre ou les diffuser. |
2°) |
Faire des ventes dans
l'usine,
à
la porte de notre usine et d'autres usines. |
3°) |
Etablir des liaisons avec
des
camarades
d'autres usines susceptibles de vendre et de diffuser le journal. |
4°) |
Souscrire et recueillir des
souscriptions. |
5°) |
Afficher le journal partout
où passent
et se réunissent beaucoup d'ouvriers et encadrer certains
articles
très importants ou d'actualité. |
6°) |
Veiller
à ce que La Voix
soit bien
mise en évidence dans les kiosques autour de notre usine. |
|