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chronologie 1947 |
N° 21 |
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1er OCTOBRE 1947
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Rendez-vous de 18h à 20h :
café-tabac «Le
Terminus» angle r. Collas av. Edouard Vaillant. M° Pont-de Sèvres |
Seize nations d'Europe attendent de cette générosité l'aide qui doit leur permettre de retrouver en 1951 leur niveau de vie d'avant guerre. Cependant, au moment où il s'agit de réaliser pratiquement cette aide, les difficultés ne cessent de surgir de tous côtés. Les dernières en date proviennent de la propre situation de la riche Amérique. Afin de retrouver des clients sur le marché international, seul moyen de faire face à la crise de surproduction, les capitalistes américains demandent à leur gouvernement d'accorder un prêt aux capitalistes européens. Mais avancer des milliards de dollars à l'Europe, aux frais du Trésor, cela signifie aussi augmenter les impôts et faire marcher la planche à billets avec tout ce que cela comporte pour la population des Etats-Unis. Truman et Marshall font des déclarations alarmées sur la hausse des prix, préconisent de nouvelles mesures de contrôle et d'"économies".
De son
côté,
la bourgeoisie européenne dispose encore sur place de ressources
en main-d'oeuvre, matières premières, denrées
alimentaires,
etc., mais s'avère incapable de les utiliser au
relèvement
du pays. Alors qu'en France, par exemple, il serait possible et
suffisant
pour les besoins de la population, d'ensemencer, en blé, 5
millions
d'hectares, on n'en a rien fait jusqu'ici et l'on en est réduit
à mendier des céréales aux Etats-Unis ! SI LES
CLASSES
DIRIGEANTES SONT INCAPABLES, SUR LE PLAN NATIONAL DE TIRER PARTIE DES
RESSOURCES
EXISTANTES POUR SUBVENIR AUX BESOINS DU PAYS, COMMENT SERAIENT-ELLES
CAPABLES,
SUR LE PLAN INTERNATIONAL, D'ORGANISER UNE ENTR'AIDE ET UNE REPARTITION
RATIONNELLE DES PRODUITS ?
L'issue à la situation actuelle, pour les peuples, se trouve dans la classe ouvrière. Celle-ci est capable de prendre les mesures qui s'imposent, d'exercer la contrainte sur les capitalistes qui détiennent toutes les richesses du pays, de les mettre au service de la population. Alors cesserait la situation intolérable qui fait que les capitalistes français disposent aux Etats-Unis d'avoirs s'élevant à un milliard de dollars, alors que le peuple français en est réduit à mendier "l'aide américaine" ! LA
VOIX DES TRAVAILLEURS.
Quotidiennement, les journaux relatent les actes de terrorisme et les luttes sanglantes qui déchirent le pays. Mais tandis qu'ils insistent longuement sur les antagonismes irréductibles qui opposent nationalistes juifs et arabes, ce n'est qu'incidemment qu'on apprend, à propos de l'activité des nationalistes chauvins, qu'un chef syndicaliste arabe vient d'être abattu par ces derniers pour avoir travaillé au rapprochement entre ouvriers juifs et arabes (d'après Le Monde du 26-9). Il s'agit du treizième chef syndicaliste arabe assassiné, dans l'année, pour les mêmes raisons ! Rien qu'à l'importance de cette sanglante répression on peut mesurer l'ampleur du mouvement ouvrier et l'énergie qu'il déploie pour opposer à la guerre fratricide, entretenue par les exploiteurs, l'entente et la fraternité entre exploités. Et malgré cette répression, le mouvement ouvrier a déjà réussi à unir, dans d'importantes grèves communes, ouvriers juifs et arabes. Le mouvement ouvrier arabe et juif sait que la seule opposition réelle à la guerre, la seule solution possible au problème palestinien, c'est l'union des ouvriers juifs et arabes contre l'impérialisme et contre tous leurs exploiteurs communs.
Le même exemple
nous est donné aux Indes où Gandhi, jadis apôtre de
la non-violence, prêche la "guerre sainte" contre le Pakistan,
alors
que le mouvement ouvrier, unissant dans la même lutte contre
leurs
exploiteurs, ouvriers hindous et musulmans, s'efforce d'apporter la
paix
entre les peuples.
par
Pierre BOIS
Il y a huit jours, le
S.D.R.
avait demandé, par lettre, à la direction, une entrevue
pour
déposer ses revendications. Celle-ci a répondu par un
refus,
prétextant que le S.D.R. n'était pas légalement
représentatif.
A quoi vise la direction quand elle ose mettre en avant un argument d'aussi mauvaise foi ? Ce n'est certes pas le souci de la légalité qui l'a guidée : elle n'en est pas à sa première infraction à la loi en ce qui concerne les droits des ouvriers (conditions de travail, salaires, etc.). Pour recevoir le S.D.R., la direction n'avait nul besoin d'enfreindre la loi, celle-ci ne lui interdisant nullement de discuter avec qui que ce soit, même avec un ouvrier isolé. La direction pouvait-elle craindre que le S.D.R. n'exprime pas la volonté d'un nombre suffisant d'ouvriers ? Non plus. Car si nous n'étions pas représentatifs, nous ne serions pas une organisation syndicale légalement reconnue. Si nous n'étions pas représentatifs, la C.G.T. ne nous consacrerait pas des tracts spéciaux, où il est vrai, la calomnie remplace l'argumentation. Même si le S.D.R. ne représente pas la majorité des ouvriers de toute l'usine, c'est un fait connu et vérifié (aux élections de délégués, par l'élection de la C.E. du syndicat) qu'il représente la grosse majorité d'un secteur de 1.200 ouvriers, le secteur Collas, qui jouit de la sympathie et de l'appui moral de toute l'usine. Ces 1.200 ouvriers n'ont-ils donc pas le droit d'avoir leurs représentants ? D'ailleurs, s'il y avait doute sur notre représentativité, rien ne serait plus facile que d'organiser à ce sujet un referendum. Si la direction doute de notre représentativité, pourquoi s'est-elle refusée jusqu'à maintenant à pourvoir au remplacement d'un délégué suppléant de Collas manquant ? Un vote pour l'élection de ce délégué suppléant aurait permis de vérifier la représentativité du S.D.R. Mais ce qui intéresse la direction, ce n'est pas de veiller à ce que les droits des ouvriers soient respectés - et celui qu'ont leurs syndicats de négocier sur la question des salaires est un droit élémentaire - mais de vérifier si les ouvriers ont la volonté et la force de l'y obliger. Déjà au moment de la grève, un représentant de M. Lefaucheux avait refusé d'abord de recevoir les ouvriers dûment mandatés pour poser la revendication des 10 francs qu'avait approuvée un vote de la majorité de l'usine, sous prétexte qu'il "ne les connaissait pas". Ce que la direction ne voulait pas légalement reconnaître, c'était la volonté des ouvriers de l'usine, exprimée par cette délégation. Et ceci au mépris de toute représentativité : car, au même moment, elle négociait avec la C.G.T., que le vote des ouvriers en faveur de la grève avait mise en minorité. Et dans la dernière semaine, la direction fut obligée de recevoir le comité de grève Collas, pour liquider le conflit qui continuait pour le paiement des heures de grève. Mais parce que celui-ci refusait de se montrer "accommodant" (à la manière de la C.G.T.), M. Lefaucheux démentit publiquement avoir reçu le comité de grève, mais seulement une "délégation d'ouvriers". Où est, dans tout cela, la légalité ? Dans ces conditions, le S.D.R. eût-il représenté la majorité de toute l'usine, la direction aurait d'abord cherché et trouvé le motif "légal" pour essayer de ne pas discuter avec lui la question des salaires (n'est-elle pas arrivée à démontrer que les 11% qui nous sont légalement "reconnus" ne nous sont légalement pas dus ?). La direction refuse aujourd'hui de recevoir le S.D.R., parce que celui-ci pose des revendications qui, en défendant les intérêts des ouvriers, lèsent les intérêts capitalistes. Alors qu'elle a pu éconduire la C.G.T. sans même lui faire des promesses, elle savait ne pas pouvoir procéder de même avec le S.D.R., qui présentait non seulement une revendication de salaires, mais voulait trouver en faveur des ouvriers, une solution à la vie chère et à leur pouvoir d'achat. En refusant de discuter avec lui, elle espère, grâce à la carence et à la complicité des autres organisations syndicales, enterrer les doléances des travailleurs. Elle ne "veut pas connaître" le S.D.R., pour pouvoir refuser aux ouvriers le droit d'exprimer leurs revendications.
C'est parce qu'il
connaissait
cette politique patronale que le S.D.R. appelait les travailleurs
à
être "prêts à l'appuyer dans sa démarche et
dans
ses négociations, au besoin par l'action directe".
S'il est vrai qu'ils défendent les revendications des travailleurs, comment se fait-il que dans une usine comme Renault, et ce n'est pas la seule, ils ne lèvent pas le petit doigt pour obtenir les 11% et qu'ils ne dénoncent même pas la direction patronale qui refuse de les accorder ? En réalité, l'appui qu'ils donnent aux revendications ouvrières est fait de mots et de résolutions sur le papier, d'autant plus que les mineurs n'avaient pas attendu ce tardif appui verbal pour se mettre en mouvement. La semaine dernière, le S.D.R., après des propositions d'unité d'action faites depuis longtemps à la C.G.T. pour les 11% et restées sans réponse, a décidé de se mettre à la tête de cette action en demandant aux ouvriers de l'appuyer dans ses démarches auprès de la direction. Bien que l'appel du S.D.R. ait été accueilli avec beaucoup de sympathie dans toute l'usine, le secteur Collas, où les ouvriers sont le plus solidement organisés et qui était disposé à la lutte, n'est finalement pas entré en grève. Les ouvriers doutaient que toute l'usine les suive et que la situation soit vraiment favorable à une action. Cependant, on sait maintenant qu'à la simple annonce, par les journaux, que Renault allait se mettre en grève déjà les ouvriers d'une usine voisine, Chausson Billancourt, avaient commencé à débrayer. Ce qui prouve qu'une action entamée par la R.N.U.R. ou par un ou plusieurs de ses départements avait toutes les chances de succès, car la sympathie et l'appui effectif de beaucoup d'autres usines lui étaient acquis. L'objectif même de la lutte qu'entamait le S.D.R. : attaquer la vie chère des deux côtés, en exigeant le rajustement des salaires au coût de la vie et la baisse des prix pour chaque entreprise en proportion du salaire ouvrier, aurait de son côté contribué à unifier la lutte de tous les travailleurs. Faute d'action ouvrière, la bourgeoisie passera à la contre-attaque, comme elle essaie déjà de le faire chez Renault, en osant prélever sur le salaire de famine des ouvriers 1.900 francs à titre de remboursement sur des avances faites ! Au moment où l'effervescence grandit dans des corporations aussi importantes que celles des mineurs et des cheminots qui revendiquent les 11%, la direction de la R.N.U.R. ose ergoter sur des textes légaux pour ne pas accorder aux ouvriers cette augmentation. Ce que la direction fait chez Renault, la bourgeoisie le fait partout. Mais la direction de la R.N.U.R. a démasqué trop tôt ses intentions. Si les ouvriers n'étaient pas prêts, dès la semaine dernière, à lui donner la riposte, et en même temps le signal de la lutte à tous ceux de leurs camarades qui l'attendent, cela ne signifie pas qu'ils y ont renoncé. L'activité du S.D.R. et de tous les ouvriers conscients est orientée vers l'organisation de cette lutte inévitable afin de mettre du côté des travailleurs toutes les chances de succès. La direction patronale s'apercevra bientôt que les ouvriers de la R.N.U.R. n'ont reculé que pour mieux sauter.
La direction ayant
refusé
une entrevue au Syndicat démocratique Renault pour discuter la
question
des salaires, nous précisons nos revendications :
Déjà elle a commencé à retenir 150 francs par quinzaine en récupération des 900 francs "prêtés" après la grève en plus de l'indemnité de grève de 1.600 fr. La conséquence de ceci, c'est que pendant six quinzaines on va nous retenir 150 francs. Et si, à la dernière paye, nous avons toujours un peu plus que d'habitude, parce qu'il y avait le rappel des 18 sous depuis juillet, à la quinzaine prochaine nous toucherons moins qu'avant l'application des 11%. Et la direction se réserve le droit de nous retenir aussi les 1.000 francs. La C.G.T., qui revendiquait qu'aucune retenue ne soit faite sur la paye, a capitulé sur les 900 francs et n'a obtenu encore rien de précis au sujet de 1.000 francs. Quant au S.D.R., la direction n'a pas voulu le recevoir pour discuter des salaires. Or, de même que les 11%, la direction nous doit ces 1.000 francs puisque les organisations patronales et le gouvernement ont recommandé aux employeurs de ne pas les retenir. Mais la direction, qui n'a pas encore pris de position officielle, pratique en fait la retenue des 1.000 francs : Tous les ouvriers qui quittent l'usine se voient retenir sur leur paye les 900 francs d'avance prêtés après la grève, plus les 1.000 francs d'acompte sur les 11%. Nous avions raison quand nous disions que lorsque les ouvriers s'arrêtent de lutter la direction passe à l'offensive.
Non seulement on nous
paye un salaire de famine, mais encore, par le simple jeu d'une
Aux attaques répétées de la direction, il faudra bien répondre par une contre-attaque ouvrière, si nous ne voulons pas crever totalement de faim. Jean
BOIS.
Ce tract pose une série de questions, notamment : quels sont les conseilleurs et les bailleurs de fonds ? Pendant la grève, messieurs les cégétistes, vous aviez promis aux ouvriers de la Régie de constituer vos dossiers et de démasquer les "diviseurs". Or il n s'agit plus de poser des questions, il faut tenir votre promesse. Jusqu'à maintenant vous n'avez été capables de porter aucune accusation précise contre des militants du S.D.R. Il faut prouver la liaison des Edmond, Salvade et Hungree, que nous n'avons jamais connus, avec le syndicat démocratique ! Quant à notre camarade Lopez, nous n'avons jamais nié qu'il ait été des nôtres. Cela vous étonne qu'un militant ouvrier, surtout lorsqu'il est étranger, ait des "ennuis" avec l'administration bourgeoise. Il est vrai qu'il y a bien longtemps que vous n'avez plus d'ennuis avec les représentants de l'autorité capitaliste, vous qui faites la politique de la bourgeoisie et du gouvernement. Votre grande "révélation", c'est que notre camarade Adèle a été appelé au téléphone par l'inspecteur du travail. Quel scandale ! On croirait que vous, messieurs les cégétistes, vous n'avez jamais aucun contact avec les inspecteurs du travail, vous qui fréquentez les antichambres ministérielles et qui ne manquez aucune occasion de trinquer avec les représentants du gouvernement ou du patronat. Allons, messieurs les bureaucrates, les injures et les calomnies ne suffisent plus, sortez donc votre dossier que vous avez promis aux travailleurs de la Régie depuis des mois. Faute de quoi les ouvriers seront bien obligés de vous prendre pour ce que vous êtes : de vils calomniateurs. Nota. - Lorsque le tract de la C.G.T. fut en circulation à Collas, les ouvriers, qui étaient curieux de savoir jusqu'où pouvait aller la bassesse de la section syndicale C.G.T., voulaient tous en avoir un exemplaire. Mais la C.G.T. n'a plus guère de diffuseurs et même les cégétistes avaient honte de distribuer une telle saleté. Aussi, ce furent les responsables du S.D.R. qui, aux ateliers 101 et 344 se chargèrent de la diffusion. Nous tenons à remercier la section syndicale C.G.T. pour la publicité gratuite qu'elle nous a faite.
Muni du tract, Jouan
voulut
prouver à M. Hourier, responsable cégétiste, qu'il
était bien toujours là. Or, M. Hourier... n'était
pas au courant de l'existence du tract. On peut avoir du culot autant
que
dix "responsables" cégétistes, mais on ne peut nier la
présence
d'un homme qu'on a devant soi. Force fut donc à M. Hourier de
reconnaître
l'erreur, encore que ce M. Hourier aurait pu avertir ses chefs.
Les rédacteurs du tracts n'ont même pas daigné demander à M. Hourier, responsable du département où Jouan travaille, si ce dernier était encore à l'usine. Après tout, la vérité importe peu aux bonzes cégétistes, l'exactitude des faits n'embarrasse pas ces gens puisqu'ils ont à leur disposition des "irresponsables" pour exécuter aveuglément la sale besogne. On ne saurait être de plus mauvaise foi. Le camarade ne fait pas partie du S.D.R., quoique sympathisant, comme des milliers d'ouvriers, avec son activité. Que les maîtres de M. Hourier bavent sur les responsables du S.D.R., cela se conçoit. Mais qu'ils prennent des noms au hasard, cela prouve qu'ils tiennent absolument à faire croire qu'il y a du nouveau dans leurs "dossiers". En somme, de nouvelles paroles sur un air déjà connu. Bêtes ou pas bêtes, des gens qui ne savent que suivre des ordres d'en haut ne peuvent pas prétendre représenter à la base la volonté des ouvriers. Les ouvriers refusèrent de soutenir une cadence de douze heures de travail par jour, étant donné le mauvais ravitaillement, et demandèrent de faire 45 heures de travail par semaine au maximum. Devant la volonté des ouvriers, la direction dut reculer et décider, en accord avec les ouvriers, un horaire de 45 heures par semaine. Une demi-heure après, les délégués cégétistes, cherchant à briser la volonté de la majorité, firent circuler des listes demandant aux ouvriers de se prononcer pour 45 ou 48 heures. C'est la vieille tactique employée également chez Renault pendant la grève. Les ouvriers ayant refusé de reprendre le travail avec 3 francs, les délégués cégétistes reposèrent la même question quelque temps après. Ces méthodes de pression ont permis à la C.G.T. d'avoir, jusqu'à maintenant, une certaine façade, mais elles ne pourront pas à l'infini empêcher la volonté ouvrière de se manifester. On le voit chez Renault où des coins, réputés cégétistes comme l'île et le roulement à billes où régnait la terreur, où les ouvriers, par crainte des délégués, prenaient leurs cartes pour ne pas avoir d'ennuis et n'osaient pas exprimer leur pensée, on voit ces coins-là, refuser leurs cartes et commencer à imposer la démocratie.
L'horaire des
équipes
restera inchangé, c'est-à-dire que les moteurs tourneront
sans interruption de 6 h. 30 à 23 h. 30, et tous les jours.
Ainsi,
un moteur de 80 CV tournera pour trois machines, voire moins.
En conclusion, le patron, tout en "obéissant" aux prescriptions ministérielles, sous le signe de l'économie d'électricité, fera accomplir aux ouvriers des quinzaines de 110 heures au lieu de 96 heures. Si nous prenons l'exemple de la cantine K.K. qui sert en moyenne 2.000 repas par jour (en fait elle en sert près de 2.400), ceci fait 9.800 fr. par jour de frais de location. Si l'on compte 250 jours de travail par an (les vacances et les journées de repos étant déduites) nous arrivons à la coquette somme de 2.450.000 fr. Dans Boulogne, les loyers de 6.000 fr. par an (pour ceux qui ont la chance d'en avoir évidemment) ont quatre pièces, salle de bain et confort. La Commission des cantines paye donc à la Régie pour le loyer et l'entretien de deux salles comme la cantine K.K. autant que pour quatre cents loyers très convenables. Avouons que lorsque la Commission des cantines annonce 4 fr. 90 par repas pour les frais d'entretien et de location, ces chiffres sont contestables. Ou la Commission des cantines camoufle des "frais" dans la location des cantines, ou bien elle est la dupe de la direction. En attendant ce sont les ouvriers qui payent. A.
QUATRIN.
A cause de cela, depuis de longs mois, les ouvriers revendiquent une prime d'insalubrité, le travail s'effectuant strictement sans aucun moyen de protection contre la poussière de fonte. Or celle-ci fait ses ravages. Imperceptible, douce au toucher, elle s'infiltre partout dans les habits et s'amasse dans les pores d'où elle devient indélogeable, empêchant ainsi les fonctions de la peau de s'accomplir : respiration cutanée, élimination des poisons, etc... (d'où troubles et malaises de toutes sortes). Si l'ouvrier transpire, la fonte rouille et détériore ses vêtements. Or, à la Régie, suer n'est-il pas chose courante ? Pour ceux qui effectuent le polissage, les mains nettes sont un souvenir lointain, un privilège de riches. Quant à nos voies respiratoires, pour comprendre à quel point elles s'encrassent, il suffit de savoir que, le dimanche soir, 48 heures après avoir quitté l'usine, certains camarades mouchent encore du noir. Tous ces "inconvénients" sont choses auxquelles tout le monde est accoutumé. Mais, il y a 15 jours, un jeune ouvrier a dû partir pour une maison de repos, une radio ayant révélé que ses poumons recelaient de la poussière de fonte. Or - et cela n'importe quel médecin peut l'affirmer - la poussière de fonte, en se déposant dans les voies respiratoires, provoque des plaies qui deviennent vite tuberculeuses. Pas d'aspirateurs, pas de dépoussiéreurs, aucun moyen d'aération, pour certains jusqu'à 15 et 17 heures de présence par jour ; de telles conditions de travail exposent les ouvriers à un danger permanent. La Direction fait la sourde oreille à toutes les réclamations. Elle se moque éperdument de la santé des ouvriers. Que celui qui est perdu aille crever dans son coin, pourvu que ceux qui restent continuent à suer des bénéfices. Pourtant, les moyens de protection existent : usinage sous carters hermétiques avec aspirateurs des poussières ; locaux aérés ; distribution de lait aux ouvriers ; surveillance médicale méticuleuse et régulière au compte de l'usine. La direction sait exiger des heures et des heures de travail. Les travailleurs, eux, exigent en retour un minimum de moyens de protection, une surveillance médicale qui ne soit pas un simulacre. Nous louons nos bras pour vivre, nous ne vendons pas nos poumons. DURIEUX.
Peut-on rendre les professionnels responsables de l'injustice ? N'est-ce pas plutôt, de la part de la direction, une affaire d'intérêts bien compris, comme il se doit ? "Des O.S., il y en a plein la rue..." Cette phrase n'est-elle pas monnaie courante, chez Renault ou ailleurs ? Quant aux professionnels, le rapport annuel de M. Lefaucheux, directeur de la R.N.U.R., est catégorique à ce sujet, quand il se plaint du manque d'"honnêteté" des autres patrons qui lui subtilisent les professionnels formés par ses soins. Des marchands de viande ne s'exprimeraient pas plus crûment. Autrefois, lorsque le marché du travail comportait une grosse proportion d'ouvriers professionnels, ceux-ci étaient aussi peu considérés que les O.S. et les écarts des salaires moins importants entre ces deux catégories (autrefois 5%, aujourd'hui 40%). Mais aujourd'hui, la formation professionnelle est de plus en plus réduite. Autrefois, les parents se privaient pour faire apprendre un métier à leurs enfants. Comme maintenant ils sont obligés de se priver pour simplement faire manger leurs enfants, il ne saurait être question de le faire pour leur enseigner un métier. Apprendre un métier est devenu un luxe. De plus, la formation gratuite, courante avant guerre, est aujourd'hui matière à lésineries : l'Etat réduit les crédits et les capitalistes préfèrent orienter leurs efforts vers un système de production où les ouvriers sont des robots. Mais le machinisme perfectionné n'exclut pas les ouvriers qualifiés. Bien souvent, au contraire, une qualification poussée est nécessaire pour conduire certaines machines. Or, il y a de longues années que la formation professionnelle est à peu près abandonnée. Combien sont-ils les jeunes qui, pendant les années d'occupation et depuis, ont pu apprendre un métier ? C'est pour cela que les patrons sont obligés de ménager un peu plus les professionnels, dans la mesure où il leur est impossible de s'en passer. Pour nous, O.S., la solution n'est pas de lutter contre les professionnels. Cela servirait les intérêts du patronat qui verrait avec plaisir les rangs des ouvriers se diviser. Quelle que soit la différence entre les salaires de deux catégories d'ouvriers, c'est le pouvoir d'achat de toutes les couches de travailleurs qu'il faut relever. C'est tous unis que nous devons lutter pour arracher des conditions de vie plus dignes. DURIEUX
Ayant eu la "chance" de pouvoir faire réquisitionner un logement, voici ce que cela m'en a coûté pour avoir enfin le droit de l'occuper. Première démarche à la mairie pour retirer le papier attestant la réquisition à mon nom. Coût : 150 francs. Deuxième démarche à la préfecture de la Seine pour ouvrir mon dossier : 200 fr. Ces formalités remplies, j'ai enfin droit à la visite de M. l'huissier : Premier déplacement pour constater que le logement est effectivement inoccupé : il constate la présence d'un parapluie et se voit dans l'obligation de me réclamer 1.000 francs. Une deuxième fois, il se dérange et pour la même somme, vient constater l'état du logement. La première fois, ses yeux, sans doute éblouis par la présence du parapluie, s'étaient refusés à constater l'état des lieux. Or, qui dit constat, dit papier "y afférent". J'ai donc dû aller retirer ces derniers : 500 fr. pour le premier, 450 Fr. pour le second. Ne pas oublier les "timbres en sus" : 550 fr. Puis, j'ai eu affaire aux compagnies du Gaz et de l'Electricité : l'Electricité de France me soutira d'abord 200 fr., puis je me vis dans l'obligation d'acquérir un coffret à 450 fr., une plaque de compteur 180 fr., un interrupteur 130 fr. et pour 300 fr. de fils et baguettes. Pour le gaz, je m'en tirai avec 18O fr. La remise en état du logement me revient à 3.000 fr. pour les fournitures, ayant effectué moi-même les travaux.
Total : 8.290 fr.,
soit
le salaire de presque un mois, sans compter le temps perdu pour les
démarches.
DEHENNYNCK.
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