GUERRE
OU PAIX ?
Le nouveau budget de guerre
américain présenté par Truman à
l'approbation
du Congrès, se monte à 46% du nouveau budget et est de
17%
plus élevé par rapport à celui de l'an dernier. La
préparation matérielle de la nouvelle guerre se poursuit
donc fiévreusement.
"La guerre est inévitable,
nous répète-t-on, c'est faire preuve de sagesse que de
s'y
préparer". Car nous en sommes là, deux années et
demi
à peine après l'effondrement du Japon. Les fauteurs de
guerre
de tous les pays veulent amener les peuples du monde entier à
l'idée
de la "guerre inévitable", autrement dit, au suicide de
l'humanité.
Les militaristes de tous
les pays ont certes de gros arguments pour nous persuader de remettre
notre
sort et celui de nos femmes et de nos enfants entre leurs mains
sanguinaires.
La faillite de la "Société des Nations" après
l'autre
guerre et celle des "Nations Unies" maintenant, ne
démontrent-elles
pas le danger des illusions "pacifistes" basées sur une entente
volontaire des peuples ? Il n'y a donc pas d'autre moyen
"réaliste"
pour assurer la paix, nous disent-ils, que la domination MILITAIRE
d'une
seule grande puissance sur tous les peuples du globe !
Mais n'est-ce pas au nom
de ce "raisonnement" qu'aussitôt après
l'écroulement
de l'Allemagne et du Japon, les militaristes des Etats-Unis ont
déjà
voulu lancer les travailleurs d'Amérique et d'Europe contre ceux
de l'Est ? Il fallait, soi-disant, dès 1945, profiter de
l'énorme
supériorité militaire des cliques de Washington sur les
cliques
de Moscou pour "en finir une fois pour toutes". Comment se fait-il que
la guerre U.S.A.-U.R.S.S. "inévitable" en 1945 suivant la
volonté
des capitalistes, n'eût pas lieu ? C'est qu'à
l'époque
les ouvriers des Etats-Unis et d'Europe n'étaient pas
prêts
à continuer la tuerie sous d'autres prétextes. Par des
luttes
sociales d'envergure, par des grèves formidables, ils
exigèrent
au contraire de leurs gouvernements qu'ils tiennent leurs promesses !
La nouvelle guerre fut
évitée parce que les travailleurs de tous les pays ne s'y
étaient pas résignés.
Ce fait capital nous permet de
comprendre
pourquoi la bourgeoisie et ses serviteurs veulent à tout prix
nous
convaincre de "l'inévitabilité" de la guerre. Si l'espoir
de guérison donne au malade des forces pour lutter contre la
maladie,
la certitude de l'inutilité de ses efforts ne lui
ôte-t-elle
pas toute volonté de combattre le mal ?
C'est pourquoi la bourgeoisie
essaye de persuader les ouvriers de l'inutilité de leurs efforts
dans tous les domaines. Ses économistes ne se sont-ils pas
depuis
toujours efforcés de présenter le salaire de famine que
le
capitaliste paye au travailleur comme une loi naturelle
éternelle
? Mais est-ce qu'il est jamais venu à l'idée aux
travailleurs
de renoncer à leurs luttes revendicatives ?
Pas davantage, ils n'accepteront
la guerre elle-même comme une fatalité. Et d'autant plus
facilement
que leur lutte pour une vie meilleure, pour de meilleurs salaires, pour
un travail digne dans des conditions décentes, EST en même
temps une lutte contre la guerre.
LA
VOIX DES TRAVAILLEURS.
CHOMEURS
EN TRAVAILLANT
On a
prêché
et on prêche aux ouvriers, de toutes parts, l'effort et le
travail
pour le relèvement, toujours mieux, toujours davantage.
Mais tandis qu'on exige
toujours plus de l'ouvrier, toujours plus misérable devient sa
situation.
Avec l'abaissement continuel de son
pouvoir
d'achat, on en arrive aujourd'hui à constater que le
professionnel
"bien payé" se trouve au niveau du manoeuvre d'avant guerre ;
quant
à l'O.S., il ne vit guère mieux que le chômeur.
En 1937, avec ses 9 francs
d'allocation par jour, le chômeur pouvait acheter une livre de
beurre,
ou une livre de viande, ou encore 15 kilos de pommes de terre. Le
paiement
des notes de loyer, de gaz, d'électricité n'était
pas exigé pendant son chômage.
En travaillant quarante
heures par semaine à 9 francs de l'heure, l'ouvrier
réalisait
un mois d'environ 1.540 francs, soit 51 francs par jour, qui
représentaient
2 kg. 25O de beurre, ou 2 kg. 500 de viande, ou 85 kilos de pommes de
terre.
Aujourd'hui, travaillant
dix heures par jour, à une cadence épuisante, avec 10.500
francs par mois, l'ouvrier peut acheter, avec son salaire journalier de
350 francs : 20 kilos de pommes de terre, ou moins d'un kilo de viande,
ou encore 350 grammes de beurre (au marché noir), sans compter
que
les notes de gaz, électricité, loyer, suivent constamment
la hausse.
Mais si l'ouvrier, en
travaillant, ne peut vivre mieux qu'il y a quelques années le
chômeur,
qu'en serait-il, aujourd'hui, s'il était chômeur ? Car
malgré
les bas salaires auxquels les capitalistes font travailler les
ouvriers,
ils n'écartent pas, tout au contraire, la perspective du
chômage.
Quelle solution le capitalisme y apportera-t-il ? Celle des marches de
la faim?
En réalité,
depuis cent ans, le niveau de vie des masses ne fait que descendre.
Le salaire journalier
de l'ouvrier lui donnait :
|
Beurre |
Viande |
P. de terre |
En 1850 |
3 kg 700 |
4 kg 250 |
85 kg |
En 1910 |
2 kg. 700 |
5 kg 600 |
64 kg |
En 1925 |
1 kg 900 |
2 kg. 600 |
29 kg |
En 1937 |
2 kg. 250 |
2 kg. 250 |
85 kg |
En
1947(décembre) |
0 kg. 500 |
1 kg. 500 |
37 kg |
Une
amélioration considérable
avait été enregistrée après le mouvement
ouvrier
de 1936.
Le niveau de vie des travailleurs
baisse
régulièrement en dépit du perfectionnement des
moyens
techniques et de l'augmentation de la production. C'est la
caractéristique
du développement capitaliste. L'exemple le plus frappant
étant
celui du Japon, où l'ouvrier, avant cette guerre, se nourrissait
d'une poignée de riz, alors que le système industriel
extrêmement
perfectionné, dépassait, dans certaines branches,
même
la technique américaine.
Mais les pays capitalistes,
où le niveau de vie des masses est le plus bas, ne
représentent
que l'image de l'avenir de tous les autres. En Amérique,
où
l'immense appareil industriel a doublé le volume de sa
production
depuis 1939, le pouvoir d'achat a diminué depuis cette
époque.
Le journal bourgeois Le
Monde publie, le 11-1-48, cette statistique des prix, pour la France :
au mois d'avril 1947, l'indice général des prix de
détail
était de 837 ; au mois de décembre, de 1.356, soit une
augmentation
de 62% (prix officiels seulement). Il constate que cette course des
prix
a subi un temps d'arrêt, entre novembre et décembre, du
fait
que les ouvriers en grève n'avaient pas de quoi acheter. La
voilà
donc leur solution : pour que les prix n'augmentent pas, NE MANGEZ PAS
!
On comprend, dans ces
conditions, que toutes les luttes ouvrières de ces derniers
temps
se soient résumées à la revendication du salaire
minimum
vital, et que même les organisations syndicales traîtres
aient
été finalement obligées de s'y rallier.
POUR
UNE C.G.T. SANS
BUREAUCRATES
Nous
écrivions, la
semaine dernière, sous le titre "Notre Force", que ce n'est pas
sur les vieux appareils bureaucratiques, mais sur les ouvriers
eux-mêmes,
que le S.D.R. allait s'appuyer.
L'exemple nous venant
d'une autre usine confirme la force de la volonté
ouvrière
vis-à-vis de ces appareils et que, finalement, ce sont les
travailleurs
qui ont le dernier mot.
Chez Alsthom-Lecourbe,
la semaine après la grève de novembre, trente sur les
quarante-cinq
membres de la C.E. de la C.G.T. ont donné leur démission
de cette organisation.
Une quinzaine d'entre
eux ont adhéré au Comité d'Action Syndicaliste
pour
envisager les modalités d'un nouveau regroupement syndical,
tandis
que les autres réservaient leur décision en fonction du
congrès
constitutif du C.A.S. ou du congrès local des Métaux
(C.G.T.),
etc.
L'ancienne C.E. s'était
toujours signalée, dans le passé, par son action
indépendante
du bureau confédéral et orientée d'après la
volonté des ouvriers. Aussi, les réunions syndicales
rassemblaient-elles
régulièrement dans les trois cents personnes sur les
mille
cinq cents de l'usine.
Il y a dix jours, après
démission de la C.E., une réunion convoquée par la
C.G.T. ne rassemblait plus que vingt-sept assistants.
Dans ces conditions, la
propagande faite auprès des ouvriers et ouvrières pour
l'adhésion
au C.A.S., par les anciens membres de la C.E. rencontrait un certain
succès
; jusqu'au moment où on apprit que des pourparlers
étaient
engagés entre le C.A.S. et Force Ouvrière, en vue de la
fusion.
Aussitôt, les ouvriers réagirent de façon non
équivoque.
Aux presses, notamment, les ouvrières résumèrent
l'opinion
de tous : "Que ce soit Frachon ou Jouhaux, on ne veut plus les voir !
"Les ouvrières
pensent, comme l'écrivait le bulletin S.D.R. (29-12-47) :
"...Que nous importe les
bureaucrates des diverses organisations syndicales ? De quel secours
nous
ont-ils été dans notre lutte, si ce n'est d'encaisser nos
cotisations et de spéculer sur la confiance que les ouvriers
leur
avaient accordée ?"
Les responsables syndicaux
ont donc arrêté toute propagande en faveur du C.A.S. et ne
prennent plus les adhésions que sous réserve. Les
camarades
responsables sont tous d'accord pour donner leur démission du
C.A.S.,
au cas où celui-ci adhérerait à Force
ouvrière,
et pour travailler à la constitution d'un syndicat autonome.
Car les ouvriers ne se
refusent pas à suivre les bureaucrates frachonistes pour
retomber
dans les mains d'autres bureaucrates (jouhaussistes). C'est là
le
fait de gens qui, pour la plupart, ne veulent pas perdre leur petite
place
appointée et cherchent à bénéficier de la
manne
gouvernementale qui pleuvra sur Jouhaux.
Mais, à la base,
les ouvriers doivent avoir une organisation à eux et là
où
le syndicat de base reste fidèle à leur volonté,
comme
chez Alsthom, il préfère, lui aussi, rester
indépendant.
La reconstitution d'une
nouvelle et véritable C.G.T. ne résultera pas de
l'adhésion
à un appareil syndical bureaucratique, mais naîtra de
contacts
directs entre les syndicats de base d'usine à usine.
Pierre
BOIS.
L'ETAT
VOLEUR N° 1
Le plan de
relèvement
financier prévoit une lourde augmentation des impositions des
membres
de professions libérales (médecins, avocats, etc...) car
à ce qu'il paraît, ceux-ci passent le plus clair de leur
temps
à frauder le fisc et à dissimuler leurs revenus. L'Etat a
peur d'être roulé, c'est pourquoi il se sert
lui-même.
Il est bien possible que
les médecins et les avocats soient des "fraudeurs", mais alors
que
dire de l'Etat lui-même ! Comment appeler le fait d'emprunter de
l'argent et de ne pas le rendre ? Le code civil nous renseigne sans
détour
: si c'est un individu quelconque qui le fait, cela se nomme un abus de
confiance et un vol, et si c'est l'Etat on appelle cela de la rente
à
3 ou 5 p.cent. L'opération est à la fois simple et
fructueuse.
Il n'y a qu'à faire un peu de publicité autour de
l'emprunt
en question, promettre une vieillesse heureuse aux braves gens qui s'y
laisseront prendre et ouvrir les guichets pour recueillir leurs gros
sous.
Ensuite on leur verse une rente dérisoire, (10.000 francs
placés
en 1920, ce qui représentait une petite fortune, rapportent
actuellement
500 francs par an) pendant vingt ou trente ans et au bout de ce temps
on
leur rend de quoi s'acheter un mouchoir pour essuyer leurs larmes.
Après cela on comprend bien que
l'Etat
ne veuille pas se laisser rouler par des avocats. En matière de
vol, il détient lui-même la première place !
SIMPLIFICATION
ET UNIFICATION
DU
CALCUL DES SALAIRES
Le gouvernement a
déclaré
inexactes les interprétations que les syndicats avaient
publiées
sur l'augmentation des salaires.
Mais quand M. Villiers,
représentant du patronat, est allé à son tour
demander
à Daniel Mayer comment interpréter la loi, le ministre a
simplement répondu "qu'une prochaine circulaire mettrait les
choses
au point".
L'arrêté
prend effet du 1er décembre, nous sommes à mi-janvier,
l'énoncé
de la loi est relativement simple : 38 francs pour base de calcul de la
hiérarchie, 52,50 de minimum garanti et 10 francs de prime
horaire
; et pourtant, nulle part encore il n'a pu être appliqué.
Pourquoi ?
Les salaires étant
fixés par le gouvernement, la nouvelle loi ne devrait
être,
en principe, qu'un additif aux précédentes. Mais, dans la
réalité, ces salaires sont un amalgame de primes, de
coefficients,
de catégories qui diffèrent avec chaque entreprise,
créant
une infinité de cas particuliers que les "techniciens" des
ministères
doivent s'employer à étudier. Là, le boni est
progressif
(chez Renault, par exemple) ; ailleurs, il est dégressif (chez
Citroën).
Au sein d'une même entreprise, les ouvriers sont payés de
mille manières différentes. Il y a d'abord les
catégories
principales : manoeuvres, O.S., professionnels, etc... Mais chaque
catégorie
est divisée en sous-catégories, chacune d'elles
correspondant
à un salaire différent. C'est ainsi qu'entre l'O.S.1 et
l'O.S.2,
il y a plusieurs taux de base, variant non seulement d'un atelier
à
un autre, mais souvent entre deux ouvriers travaillant côte
à
côte.
Le salaire de base n'est
qu'une partie du salaire brut, pas toujours la plus importante ; il y a
le boni. Le système du travail au rendement complique l'affaire
en ajoutant un nouvel élément au calcul de la paie : le
coefficient
de production doit déterminer le boni. Ce coefficient est sujet
aux mêmes variations que le salaire de base. Il est pratiquement
incontrôlable, car, si chaque ouvrier peut contrôler sa
production,
il ne peut pas fixer son boni qui est calculé sur la production
de sa chaîne entière. Les primes à la production
qui
s'ajoutent au boni, sont également fixées suivant
l'échelle
hiérarchique. Enfin, les primes diverses : insalubrité,
huile,
heures de casse-croûte, gratification exceptionnelle, etc...
autant
d'éléments de division, le principe de leur attribution
étant
laissé à l'appréciation des chefs. Une fois le
salaire
normal obtenu, d'autres lois régissent la majoration des heures
supplémentaires. Toutes ne le sont pas au même taux. C'est
un calcul de plus. Et pour finir, les retenues : chaque augmentation de
salaire entraîne une modification du barème de
l'impôt
cédulaire. Quelques francs suffisent parfois à
entraîner
une augmentation considérable de l'impôt. La cotisation
d'assurances
sociales et les appoints retenus et reportés complètent
le
tableau.
Autant d'entreprises,
autant de systèmes de paie. Chaque groupe de travailleurs est un
cas différent. Il serait difficile aux ouvriers d'y voir clair,
leurs feuilles de paie étant sinon indéchiffrables, du
moins
incontrôlables. Le système de paie qu'applique chaque
patron
correspond à ses buts de division et de duperie.
Si la loi est volontairement
vague, c'est afin de ne pas toucher à tous ces systèmes
de
calcul différents, afin de ne pas obliger les patrons à
clarifier
et à unifier leurs méthodes. Car moins la feuille de paie
est claire, plus il est facile de tromper les ouvriers, de les
exploiter,
de les voler au sens littéral du mot ; leur soustraire quelques
francs par ci, par là, sur ce qu'ils ont gagné.
Voilà pourquoi
un arrêté si simple dans son énoncé est si
difficile
à appliquer.
Voilà pourquoi
le S.D.R. réclame la simplification et l'unification du calcul
des
salaires.
H.
DURIEUX.
IMPOTS
ET FRAIS GENERAUX
Le gouvernement a
fait voter
un nouveau programme d'impôts. Le salarié, en ce qui
concerne
l'impôt cédulaire, a vu le taux d'abattement porté
à 96.000 francs. Si l'on considère que le minimum vital
est
passé à 126.000 francs, au taux de 15%, il
déboursera,
sur ce qui lui est indispensable pour vivre, environ 5.000 francs par
an.
Après l'application des augmentations de salaire en cours, il
paiera
près de 11.000 francs, indépendamment des impôts,
taxes
municipales et autres retenues.
Le salarié ne peut
rien camoufler. L'Etat sait, à un centime près, ce qu'il
gagne. Ses "revenus" sont portés noir sur blanc sur sa feuille
de
paye. Du reste, sa contribution ne s'arrête pas là. Il
paie
des impôts sur tout, sur sa nourriture, ses distractions, ses
transports,
sur le prix du métro qui le mène au travail. Il rembourse
avec usure tous les impôts qu'ont payé les divers
intermédiaires
entre les mains desquels sont passés les produits qu'il consomme.
Pour les petits commerçants,
industriels et paysans, le nouveau train d'impôts est un nouveau
poids. Car, s'ils peuvent camoufler une partie de leurs revenus, la
simplicité
relative de leur comptabilité ne leur offre pas grandes
ressource.
D'ailleurs, l'Etat prévoit pour certains d'entre eux des taxes
forfaitaires.
Il n'en est pas de même pour les grosses firmes et autres
sociétés
anonymes. Leur comptabilité offre mille ressources, mille moyens
de camoufler légalement leurs bénéfices
réels
: les émoluments des administrateurs, des directeurs,
l'entretien
de leurs voitures, les réceptions, les dîners, leurs frais
de déplacement, leur entretien personnel au cours de leurs
voyages,
tout cela est compté dans les frais généraux de
l'entreprise
et vient en déduction du bénéfice net. Chez
Renault,
par exemple, ces frais généraux se montent, au minimum,
à
850% des frais de production, c'est-à-dire que pour 1.000
francs de salaires, la Régie
ajoute
8.500 francs pour calculer son prix de revient !
Avec de telles méthodes
de calcul, bien souvent, des bénéfices nets, il n'y en a
pas !
C'est pourquoi, quel que
soit le pourcentage de l'impôt, ce que les gros déboursent
représente toujours un pourcentage dérisoire par rapport
à leur train de vie réel.
Les sacrifices que réclame
M. Mayer, une fois de plus, ne concernent pas les gros.
CHEZ
RENAULT
M.
Lefaucheux ignore
la loi sur les délégués
La direction de la
R.N.U.R.
savait ce qu'elle faisait quand elle se refusait à recevoir les
représentants du S.D.R., sous prétexte qu'ils
n'étaient
pas les délégués régulièrement
élus
du personnel. Elle préférait avoir à faire aux
cégétistes.
Aussi longtemps qu'a duré
l'esprit combatif du mois de mai, les ouvriers n'ont pas eu absolument
besoin d'une représentation légale pour exiger leurs
droits.
Quand la direction, par exemple, au début de juillet, voulut se
permettre de payer les ouvriers avec vingt-quatre heures de retard,
c'est
à plusieurs centaines que les gars de Collas allèrent
chercher
la paye au bureau.
Mais aujourd'hui l'attitude
patronale retrouve tout son sens. La semaine dernière, à
la suite d'une brimade au département 6, des ouvriers ont bien
pensé
s'adresser aux camarades du S.D.R., comme les seuls en qui ils aient
confiance,
mais ne l'ont pas fait parce que "M. Lefaucheux ne les reçoit
pas".
Mais les ouvriers n'ont pas davantage
pu
s'adresser à d'autres, car, sur les
délégués
cégétistes élus l'été dernier en
vertu
de la loi Croizat, un délégué et un
suppléant
manquent (ayant démissionné), et le
délégué
restant étant absent de l'usine.
Depuis plusieurs mois
déjà, le S.D.R. a réclamé auprès de
la direction qu'il soit procédé à des
élections
partielles au département 6 pour remplacer les
délégués
manquants et assurer au personnel la représentation à
laquelle
la législation en vigueur lui donne droit.
La direction a fait la
sourde oreille et ne veut recevoir que les
délégués
régulièrement élus (sic).
Or, elle a d'autant moins
de motifs de refuser cette élection, que la loi en vertu de
laquelle
avaient été élus les
délégués,
l'été dernier, n'est plus en vigueur.
Elle a évidemment
tout intérêt, quand on sait qu'un ancien
délégué
cégétiste et secrétaire de la section, auquel des
ouvriers se sont adressés, faute de mieux, a refusé de
s'occuper
d'eux, sous prétexte qu'ils n'étaient pas
adhérents
à la C.G.T. Ce monsieur refuse de remplir son devoir,
après
avoir profité de la loi sur l'élection des
délégués
du 16 avril 1946, pour usurper son mandat : car, en vertu de cette loi,
les délégués de Collas ont été
"élus"
par 168 voix sur 794 inscrits (la liste C.G.T. ayant passé pour
l'usine avec 59% des voix).
Cependant, cette loi est
aujourd'hui désuète, ayant été
modifiée
par le Parlement, dans le sens de la représentation
proportionnelle
(bien que non intégralement et ne donnant droit ni à la
désignation
par les ouvriers, ni à la révocabilité) ; il
serait
donc d'autant plus facile à la direction de vérifier
légalement
la représentativité des délégués.
Mais
loin de respecter les droits ouvriers, elle les foule aux pieds en
laissant
les quinze cents ouvriers de Collas SANS représentation.
L'élection de délégués
à eux est de la première importance pour les ouvriers. Il
faut, sans tarder, agir dans ce sens pour mettre un frein à
l'arbitraire
patronal.
Toujours les mêmes
qui payent !
Comme tout le reste, le
prix de la cantine vient d'être augmenté un peu partout
dans
les usines. Chez Renault, un nouveau système vient d'être
instauré en vue de répartir les frais
"équitablement"
: chacun paiera le repas suivant ce qu'il gagne, c'est-à-dire,
par
exemple, qu'un professionnel paiera plus cher qu'un O.S. A
première
vue, ce système paraît tout à fait juste.
Mais que dire de la direction,
dont la participation aux frais de la cantine est toujours le
même
depuis 1945 : 20 francs par repas ? Ce qui veut dire que, depuis cette
époque, toutes les augmentations du prix de la cantine ont
pesé
uniquement sur les ouvriers. Et pourtant les prix des voitures ont
été
augmentés plusieurs fois depuis 1945, dernièrement encore
de 52%. Pourquoi, alors, n'applique-t-on pas aussi le système de
la hiérarchie à la direction ?
En 1945, la Juva coûtait
114.000 francs. Aujourd'hui, elle coûte 270.000 francs : soit une
augmentation de 137%. La Régie devrait donc verser, en plus, par
repas :
20 x
137
-------------- = 27 fr.40
100
soit,
en tout : 20 + 27,40 = 47 fr.4O
Sans doute alors, mangerions-nous
mieux que nous ne le faisons.
A lui seul, cet exemple
en dit long sur le fonctionnement de toute l'économie. Les
augmentations
de prix, d'impôts, etc., retombent toujours sur le dos des
ouvriers.
Mais si, au lieu de prendre dans la poche de l'ouvrier, on avait
prélevé
davantage sur les bénéfices capitalistes, il est certain
qu'on s'en serait aperçu : jamais le peuple ne serait
tombé
dans une aussi profonde misère.
Les
ouvriers ne
sont pas à la disposition du patron
Disposer de la
main-d'oeuvre
comme bon lui semble, voilà, pour le patron, l'un des
préceptes
d'exploitation.
Quand il ne s'agit pas
de mises à la porte arbitraires, comme dans toutes les usines,
ces
temps derniers, ce sont, comme chez Renault, des mutations d'ouvriers
d'un
département à l'autre, dans un pur but de brimade.
Mais la série ne
s'arrête pas là : la semaine dernière, chez
Renault,
les ouvriers d'une équipe de l'atelier 31, département 6,
furent "invités" à rentrer chez eux à 15 h.30,
parce
qu'un moteur ne marchait pas... Certains d'entre eux
protestèrent
énergiquement, mais en vain. A ceux qui demandaient combien
seraient
payées les heures qu'il leur restait à faire, on
répondit
qu'elles ne le seraient pas.
Or, d'après la
législation
en vigueur, toute journée commencée doit être
intégralement
payée. La direction n'a donc aucun droit, quand l'horaire
affiché
est de dix heures par jour (et c'est l'horaire régulier, puisque
le minimum vital est basé sur deux cents heures par mois) de
renvoyer
les ouvriers après sept heures de travail, sans les payer pour
dix.
Mais, non seulement la
direction viole ouvertement la loi, au détriment des ouvriers,
mais
elle trouve encore le moyen de les duper et de les voler doublement :
en
effet, elle a "charitablement" proposé aux mécontents de
venir récupérer les trois heures perdues, le vendredi,
où
normalement ils ne devaient pas travailler. Beaucoup n'ayant pas voulu
se déplacer seulement pour trois heures, ont travaillé la
journée entière, c'est-à-dire qu'en plus de leurs
cinquante heures dans la semaine, ils en ont encore fait sept !
Voilà donc où veut en
venir
la direction : réduire complètement la main-d'oeuvre
à
sa merci, en disposer à sa guise, c'est-à-dire au mieux
de
ses intérêts, au mépris de la législation
ouvrière.
En somme, revenir au temps d'avant 1936, où le patron pouvait
envoyer
les uns à la pêche, pendant qu'il contraignait les autres
à travailler jusqu'à 10 et 11 heures du soir.
Mais nous ne devons pas
nous laisser faire. Nous devons exiger nos droits. Nous vendons notre
travail
dix heures par jour, mais nous ne sommes pas en permanence à la
disposition du patron.
Pour mater les grévistes
le gouvernement Jules Moch a mobilisé les réservistes de
la classe 43/2.
C'est là que s'est
montrée
toute la pagaïe dont est capable l'armée. Pas ou peu de
nourriture,
encore moins d'habillement, puisqu'on avait invité les
réservistes
à se munir d'une paire de chaussures et d'une couverture.
Le Monde du 3 janvier
s'inquiète : "Nous sommes impuissants à mettre rapidement
sur pied des réserves importantes. Quel pourrait être le
résultat
d'une mobilisation plus complète ?"
Depuis trois ans des milliards
sont absorbés par le budget de la guerre. On tire sur la ficelle
dans tous les domaines, mais le budget de la Défense nationale
est
sacré. Ne s'agit-il pas de la sauvegarde de la France ? Mais
à
peine veut-on mobiliser une demi-classe et c'est la pagaïe, tout
va
mal. Où passe donc l'argent ? Mais la solde des culottes de peau
aux colonies, en Allemagne ? et toutes les combines des officiers ?
"On vote des milliards
pour l'armée, disait un ouvrier. Il faut bien engraisser tous
les
soudards, mais demain s'il y avait une guerre, ça serait comme
en
1940. Qu'est-ce qu'on pourrait faire contre les Russes ou les
Américains,
tout juste se sauver et toutes les réserves ce serait pour
permettre
au premier arrivé de renforcer son potentiel de guerre".
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