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N° 35
 PRIX : 4 francs
18 FEVRIER 1948
 
L’EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L’OEUVRE DES TRAVAILLEURS EUX-MÊMES
La Voix des Travailleurs
 
Adresser toute correspondance, abonnements et mandats par poste à JEAN BOIS, 65, rue Carnot, Suresnes (Seine) 
  ORGANE DE LUTTE DE CLASSE
Rendez-vous de 18h à 20h : café-tabac «Le Terminus» 
angle r. Collas av. Edouard Vaillant. M° Pont-de Sèvres

A LA RECHERCHE D'UNE PAIX PERDUE
      Une polémique des plus aiguës vient d'être déclenchée entre les "alliés" à la suite de la publication par les Etats-Unis et l'Angleterre des documents diplomatiques nazis concernant la période de 1939-1941, c'est-à-dire depuis le pacte Hitler-Staline jusqu'à l'invasion de la Russie par les armées allemandes.
      Ces documents, en fait, ne révèlent rien qu'on n'ait su. Qui ne se souvient des visites de Molotov à Berlin, de la réception de von Ribbentrop à Moscou, qui a pu oublier les poignées de main devant l'objectif de ces "hommes d'Etat", qui n'avait compris, dès l'invasion de la Pologne en septembre 1939, que l'arrêt pacifique des armées allemandes et russes sur une ligne consacrant son partage en deux, n'avait pu se faire qu'en vertu d'une convention secrète de larrons se partageant le butin ?
      Cependant Moscou riposte à Washington : "Falsificateurs de l'Histoire ! Vous publiez les documents de 1939-1941, mais vous ne dites rien du rôle que le capitalisme anglo-saxon a joué dans le relèvement d'une Allemagne guerrière pour la lancer contre l'U.R.S.S. ! Nous, nous n'avons fait que détourner sur vous-mêmes le coup par lequel vous vouliez nous frapper !" "A VOULOIR FRAPPER LE VOISIN, ON SE FRAPPE SOI-MEME", philosophe sur ce thème L'Humanité du 13 février.
      En somme, la politique des gouvernements de Washington, de Berlin et de Moscou a été celle de crabes dans un panier : MANGER LES AUTRES, OU LES LAISSER MANGER, POUR NE PAS ETRE MANGE SOI-MEME !
Pas trace, dans tout cela, de démocratie, de liberté pour les peuples, d'un monde meilleur, au nom desquels ils ont fait massacrer des dizaines de millions d'êtres humains et infligé des souffrances inouïes à des centaines et des centaines de millions d'hommes.
      En fait, à quoi se réduit le débat entre Moscou et Washington ? Il fait songer à ces médecins qui, au lieu de guérir le mal, ne bâtissaient de savantes théories que pour en finir avec cette conclusion : "Voilà pourquoi votre fille est muette !" Voilà pourquoi il y a eu la guerre, nous expliquent ensemble Washington et Moscou. Mais leur "querelle des responsabilités", loin d'offrir aux peuples un moyen d'éviter de futurs massacres, ne fait au contraire que les préparer.
Bien entendu, il ne manque pas de gens pour qui la diplomatie n'est qu'un sport où il s'agit de miser sur le plus fort. Pour eux, c'est la diplomatie qui provoque la guerre, c'est donc elle qui peut l'empêcher.
      Mais la majorité des travailleurs, auxquels la guerre n'épargne aucune souffrance, voient de plus en plus que, selon Jaurès, "c'est le capitalisme qui porte en lui la guerre, comme la nuée l'orage", et que la diplomatie n'est pas son paratonnerre. Au contraire, comme le prouve la polémique actuelle, elle est le laboratoire secret où, sous couleur de sauvegarder la paix, on prépare intensément la guerre.
A la recherche de la paix perdue, les travailleurs doivent renverser les brigands qui, de Washington, de Moscou, de Londres et de Paris, préparent le nouveau et le plus terrible massacre des exploités.
LA VOIX DES TRAVAILLEURS.
 
 
Ce n’est ni la propagande gouvernementale,
ni la propagande électorale, qui nourriront les travailleurs
    La formidable hausse des prix qu'ont engendrée les mesures gouvernementales pose encore et à nouveau à l'ordre du jour la révision des salaires.
    Le gouvernement qui, depuis la grève de novembre, a si bien manoeuvré en faveur des capitalistes, cherche encore à tourner les difficultés qui peuvent lui venir du côté de la classe ouvrière.
    La hausse des denrées alimentaires, entraînée par les manipulations financières et la hausse des prix industriels, pèse le plus directement sur le budget des travailleurs. Le gouvernement cherche donc le remède dans quelques importations qui doivent influer sur les prix nationaux. Il y a trouvé de nouvelles raisons d'espérer : le blé n'est-il pas en baisse à la bourse de New York ? La baisse des prix mondiaux ne peut avoir qu'une répercussion favorable pour la France.
Mais le gouvernement qui lance cette propagande sait qu'elle n'est qu'une misérable tromperie. Déjà la baisse a provoqué la panique à la bourse de New York. Et serait-ce la première fois que les capitalistes brûleraient le blé et jetteraient les pommes de terre, plutôt que de les exporter au-dessous d'un certain prix ?
    Mais il suffit au gouvernement que les masses travailleuses fondent quelque espoir, si petit soit-il, sur une baisse des prix, patientent encore, ne fût-ce qu'un mois ou deux, pour que ce soit autant de gagné pour les capitalistes. La "baisse" de Blum, le plan Monnet, l'aide américaine et le plan Marshall, autant de plans et de promesses qui se sont effondrés lamentablement les uns après les autres ! Mais le but était atteint : faire patienter les travailleurs, gagner du temps.
    Le gouvernement manoeuvre savamment pour gérer les affaires des capitalistes, et les masses travailleuses en sont les victimes.
    Comment se défendre contre ces manoeuvres ?
    "Ce qu'il nous faut, c'est un bon gouvernement", prétendent ceux qui se trouvent aujourd'hui dans l'opposition. Mais les chefs du P.C.F. - c'est d'eux qu'il s'agit - n'ont-ils pas été pendant deux ans au gouvernement ? Par quel mystère ont-ils fait, eux aussi, pendant tout ce temps, la politique des capitalistes, endossé le blocage des salaires, la hausse des prix, l'inflation ?
    C'est que, s'ils ont été au gouvernement, c'était bien par la volonté du patronat, pour le compte duquel ils faisaient les gardes-chiourme en usine, invitant les ouvriers à produire et à ne pas revendiquer.
    Car, ou le gouvernement est là par la volonté du patronat, et ne peut alors être autre chose que son garde-chiourme, ou c'est la classe ouvrière qui impose, par la force, son gouvernement. Mais pour cela, il faut d'abord que le pouvoir, dans les usines, soit aux mains des ouvriers et non du patronat.
    C'est bien pour cela que les ouvriers ne peuvent mettre leurs espoirs dans un bon gouvernement qui défendrait leurs intérêts, aussi longtemps que dans les usines et les chantiers, ils n'arracheront pas au patronat leur droit à la vie.
 
A LA R.N.U.R. LEGALITE A SENS UNIQUE
Nous ne sommes plus qu'à 8 jours des élections partielles de délégués du personnel, à la R.N.U.R.
Le S.D.R., qui avait envoyé dans le délai légal sa liste de candidats, a reçu à la dernière minute, la réponse suivante de la direction :
"Par lettre du 23/1/48, l'Inspection du travail m'a fait connaître que les organisations représentatives étaient celles affiliées aux centrales syndicales suivantes : C.G.T., C.G.T.-F.O., C.F.T.C. Votre organisation n'étant pas sur cette liste, les candidatures présentées par votre lettre du 4/2/48 ne peuvent être retenues."
Or la loi du 7/7/47 qui régit ces élections est la suivante : "Au 1° tour du scrutin, chaque liste est établie par les organisations syndicales les plus représentatives".
Dans le cas qui nous intéresse, si ce texte a un sens, il ne peut s'agir de représentativité en général, d'organisations représentatives des mineurs du Nord ou des dockers de Marseille, mais d'organisations représentant les ouvriers de chez Renault.
Dans ces conditions, Force Ouvrière, qui n'a manifesté aucune activité et n'est même pas constituée en syndicat d'usine, ne peut être représentative, en aucun cas plus représentative que le S.D.R. dont l'existence remonte à juin 47 et qui s'est manifesté, depuis, dans toutes les actions ouvrières, comme la deuxième force syndicale de l'usine.
Mais, après tout, c'est en dépit de la loi (que la direction tourne comme elle veut) que les élections actuelles, refusées au S.D.R., quand celui-ci les demandait, sont faites justement pour lancer Force Ouvrière, cette nouvelle agence des intérêts patronaux au sein du mouvement ouvrier.
Pour les mêmes raisons, les persécutions que la direction patronale exerce contre le S.D.R., en opposant à son action des obstacles "légaux", n'ont d'autre but que de décourager les ouvriers d'y adhérer, malgré la sympathie qu'ils lui portent.
En effet, la direction a toujours opposé une fin de non recevoir au S.D.R., se retranchant derrière le prétexte qu'il n'était pas légalement représentatif. Demain, il suffira que Force Ouvrière, déclarée telle d'emblée, parvienne à avoir quelques délégués pour que la direction discute et traite avec eux "légalement" au nom des ouvriers. N'est-ce pas de la même manière que, dans la grève de mai, la direction, au mépris de la volonté des ouvriers (dont la majorité suivait le comité de grève), traitait avec la C.G.T. (qui était contre la grève) pour un compromis ?
C'est le droit le plus élémentaire des ouvriers de se donner des délégués de leur choix. Ce n'est ni au patron, ni à son Inspecteur du travail de décider de la représentativité des organisations ouvrières, mais aux ouvriers eux-mêmes. Or, le patronat, en manoeuvrant à sa guise la législation ouvrière, veut transformer un droit des ouvriers conquis en 36 : celui d'avoir des délégués, en un piège qui consiste à n'autoriser que la candidature de ceux qui favorisent sa politique.
Les bureaucrates syndicaux acceptent d'un commun accord, la limitation patronale à la loi sur les délégués, parce qu'elle les favorise, et les protège contre tout contrôle des ouvriers de la base.
Il n'y a que si le vote est boycotté au 1er tour : c'est-à-dire que plus de 50% des ouvriers s'abstiennent de voter, que la direction devra accepter, au 2° tour, la candidature d'autres listes que celles reconnues par elle représentatives.
C'est là le seul correctif démocratique prévu dans une loi qui donne toute latitude à l'arbitraire patronal.
C'est pour que les ouvriers ne tombent pas dans le piège tendu par le patron, avec la complicité de bureaucrates syndicaux (dont la seule ambition est une petite place), que le S.D.R. appelle les ouvriers à l'abstention au 1er tour.
Pierre BOIS.
 
 
CAMARADES LECTEURS, 
Au mois de juin dernier, nous avons mené la lutte pour imposer la démocratie dans les élections de délégués. Et 6.696 ouvriers sur 21.484 inscrits ont répondu à notre appel, en s'abstenant de participer au vote. 
Une fois de plus, la loi bourgeoise en vigueur oblige les ouvriers à boycotter les élections au premier tour, pour obtenir la libre candidature au deuxième tour. Mais, cette fois-ci, la lutte se mène par département. Et le S.D.R., qui combat l'arbitraire de cette loi, est en meilleure posture pour faire triompher les droits démocratiques les plus élémentaires des ouvriers. 
Vous savez comment, ces dernières années, des délégués, faisant la politique patronale du "produire" et étrangers aux aspirations des travailleurs, ont contribué à démoraliser la majorité des ouvriers. 
Si l'action du S.D.R. réussit, ce sera un premier coup porté à la bourgeoisie. Ce sera un premier obstacle renversé qui permettra d'aller de l'avant et de s'attaquer ensuite aux autres obstacles que la bourgeoisie dresse contre les ouvriers pour empêcher leur émancipation. 
Camarades lecteurs, nous faisons donc appel à votre dévouement et à votre énergie. Mobilisez-vous, éclairez les camarades autour de vous qui ne sont pas au courant des tromperies et des faits dévoilés dans La Voix, au sujet des élections. Vous savez que l'on ne manquera pas d'exercer de nombreuses pressions sur eux. Aidez-les à repousser les tripotages qui sont indignes de la classe ouvrière. Mobilisez-vous pour imposer la démocratie. Il faut qu'au moment des élections les travailleurs restent à leur machine ! 
LA VOIX DES TRAVAILLEURS. 
 
LES LUTTES OUVRIERES EN BELGIQUE
MEME METTEUR EN SCENE MEME SCENARIO
    Depuis la "libération", la presse bourgeoise a pris l'habitude de souligner le contraste entre le rôle néfaste joué par les "mauvais dirigeants ouvriers" en France et en Italie, et les bons résultats de la "collaboration" ouvrière et patronale en Belgique et en Angleterre. Il ne fallait donc pas, d'après ces messieurs, s'étonner que la Belgique et l'Angleterre fussent des pays de cocagne en comparaison de la pénurie inouïe qui sévit en Italie et en France.
Les grèves qui viennent d'éclater en Belgique, quels qu'en soient les développements et les résultats infligent un éclatant démenti à ces menteurs professionnels, dont le but essentiel est de semer la division entre les ouvriers des différents pays.
    Alors, pour expliquer ce soi-disant revirement, ces messieurs les journalistes sont contraints à de nouveaux mensonges : la main du Kominform, après l'Italie et la France, a fait son apparition en Belgique !
    Le malheur, pour ces bourreurs de crâne, c'est le P.C. belge est un faible parti, et que les organisations syndicales sont entièrement à direction socialiste.
Comme en France, à partir du mois de mai 1947, les syndicats de base à majorité communiste sont entrés dans la lutte avec tous les ouvriers, malgré l'opposition de la direction communiste de la C.G.T. ; en Belgique, les syndicats de base à majorité socialiste sont entrés dans la lutte avec tous les ouvriers, malgré l'opposition de la direction socialiste de la centrale syndicale belge. Car quelle que soit l'idéologie de leurs chefs embourgeoisés, nulle part les travailleurs du rang ne peuvent se résigner à la famine. Et en Belgique, comme en France et en Italie, malgré une situation capitaliste plus favorable que dans ces derniers pays, la décadence du régime oblige également les travailleurs à entrer en lutte, sous peine d'être réduits à la mendicité.
    On s'en convaincra davantage bientôt, par l'exemple des ouvriers anglais eux-mêmes. Nous avons signalé dans notre dernier numéro que le gouvernement anglais s'est engagé dans la même politique pratiquée déjà par les gouvernements français successifs : blocage légal des salaires pour les ouvriers d'une part, appel patriotique aux capitalistes pour qu'ils limitent leurs bénéfices, d'autre part. Dans la pratique : "le bagne pour les ouvriers, le paradis pour les capitalistes".
    Les travailleurs anglais se résigneront-ils sans lutter ? L'Angleterre ne sera-t-elle pas bientôt en proie aux "luttes sociales" ? Faut-il être prophète pour prévoir que les journalistes de notre respectable presse capitaliste y verront la main du Kominform ? Cependant, pour leur malheur encore, en Angleterre, comme en Belgique, l'écrasante majorité des ouvriers sont affiliés à des organisations syndicales et politiques à tendance socialiste plus que modérée !
En attendant, les événements de Belgique ressemblent à ceux de France en mai-juin 1947, non seulement parce qu'ils ont le même metteur en scène --le capitalisme-- mais également quant au scénario ; surgie d'en bas contre la volonté des dirigeants syndicaux, la grève des mineurs s'est étendue à d'autres corporations, malgré les mesures de réquisition et de mobilisation du Ramadier belge : M. Spaak !
    Les grèves de Belgique et la situation en Angleterre confirment ce qu'on savait par l'exemple de l'Italie et de la France, à savoir que la décadence du régime capitaliste ne laisse d'autre issue aux ouvriers de tous les pays que la lutte.
A. MATHIEU.
 
LA SANTE DES TRAVAILLEURS NE VAUT PAS CHER CHEZ RENAULT
    Les ouvriers qui travaillent sur les tours à huile sont criblés de boutons aux mains, aux bras et aux jambes. La moindre égratignure s'envenime tout de suite et donne une plaie qui n'arrive plus à guérir.
    Pour la nième fois, le médecin de l'usine a recommandé aux ouvriers de se mettre de la pommade en abondance. Mais, en réalité, ce remède est impossible à appliquer, car l'huile dégoulinant sans cesse le long des bras et sur les vêtements, l'ouvrier est obligé de s'essuyer à chaque instant. Et ce n'est pas la prime de 148 francs par quinzaine qui peut lui permettre de prendre le temps de s'enduire de pommade chaque fois qu'il s'est essuyé !
    Mais la direction ne s'est pas contentée de mettre gratuitement et à discrétion de la pommade à la disposition des ouvriers. Depuis quelque temps, elle a même fait incorporer un désinfectant à l'huile ! Peine perdue : les effets de l'huile sont toujours les mêmes.
    En réalité, la direction devrait d'abord augmenter l'attribution supplémentaire de savon qui est, actuellement, d'une ration tous les trois mois - activer la construction des douches (commencée depuis trois mois) pour que les ouvriers puissent se doucher tous les jours et prendre au moins un bain sulfureux par semaine - leur fournir tous les jours un tablier propre : au lieu de cela, le chef d'entretien se plaint qu'il n'a rien à leur donner, ce qui fait qu'ils gardent des tabliers pleins d'huile sept et huit jours, et attrapent ainsi des boutons aux jambes.
    Mais la véritable cause de ces effets si pernicieux à la santé des ouvriers, c'est que ceux-ci, obligés, pour faire leur production, de soutenir une cadence très forte (85 minutes dans l'heure), n'ont pas le temps de nettoyer leurs bacs. Résultat : la saleté s'accumule, se mélange à l'huile et infecte la peau.
    Ce n'est donc pas de la pommade qu'il faut donner aux ouvriers, mais, comme autrefois, leur allouer un temps qui leur permette de nettoyer la machine à fond et de vidanger les bacs, au moins une fois par semaine.
CHEZ GEVELOT
(usine de munitions), ISSY-LES-MOULINEAUX
    Là, comme ailleurs, il est facile de se rendre compte de ce que fait la Sécurité sociale pour les ouvriers, tant au point de vue hygiène que soins médicaux.
I. HYGIENE. - Le médecin, chargé de vérifier les conditions de travail, ne connaît que deux ateliers sur onze. Il n'a jamais mis les pieds dans les autres.
La liaison entre les chefs d'atelier et le médecin en reste aux coups de téléphone pour identifier vaguement les causes des accidents répétés et l'origine des maladies professionnelles.
En ce moment, aucune douche ne fonctionne dans l'usine, et cinq ateliers seulement ont des lavabos.
II. SOINS. - Un ouvrier travaillant de nuit est brûlé par un acide à la face et aux deux poignets. Aucune pommade, aucun lubrifiant n'existant dans le matériel pharmaceutique de nuit, le chef d'atelier conseille simplement d'y mettre de l'eau claire... Quand l'ouvrier quitte son service, à 5 h.30, le service médical de jour n'est pas encore ouvert. Et comme, d'autre part, le médecin ne vient que deux fois par semaine à l'usine, l'ouvrier est donc "prié" de s'adresser à un médecin particulier et de s'en tirer comme il peut !
CHEZ SIMCA
Voici quelques jours, des membres de Force Ouvrière, qui distribuaient des tracts à la porte de l'usine, se heurtèrent à des cégétistes qui prétendirent s'opposer par la violence à leur diffusion. Pressés par ces derniers de les aider à "évincer à jamais" les diffuseurs de Force Ouvrière, les ouvriers s'y refusèrent et les laissèrent, en tête à tête, vider leur querelle. Nous n'avons rien à voir, disaient-ils avec juste raison, à de tels règlements de compte entre gens du "même milieu".
Et d'ailleurs, les ouvriers sont assez grands pour juger, sans l'aide de personne, Force Ouvrière comme une organisation au service du patronat. Mais les ouvriers n'ont jamais eu peur d'écouter quelque idée que ce soit, ni jamais empêché quiconque de s'exprimer, car la lutte quotidienne leur a donné l'expérience suffisante pour juger qui défend ses intérêts et qui ne les défend pas. Tant que l'action de Force Ouvrière ou de tout autre organisation semblable, se limite à diffuser "ses idées" (sic), les ouvriers n'y voient aucun inconvénient. Ils ne recourent à la violence que contre ceux qui essayent de les terroriser. Mais, jusqu'à maintenant, dans ce domaine, ce sont encore les dirigeants frachonistes qui détiennent tous les records, bien que des signes qui ne trompent pas (l'appel de la police pendant la grève), montrent que les dirigeants de F.O. sont décidés à utiliser les mêmes méthodes.
A LA R.N.U.R.
LE PATRONAT ASPIRE A LA DICTATURE
La direction vient de faire apposer une affiche qui interdit aux différentes organisations syndicales de tenir des réunions dans l'usine... sous prétexte que "les passions politiques et syndicales de l'heure risquent de provoquer des incidents" !
Le patronat a une drôle de conception de la démocratie. Si les passions politiques sont "dangereuses" en usine, elles le sont autant dans la vie de la nation, en général. D'où conclusion logique : il faut la dictature !
En fait, en interdisant aux ouvriers de se réunir dans l'usine, en les obligeant à se réunir au dehors, après 9 et 10 heures de travail, la direction les empêche matériellement de se concerter sur leurs intérêts professionnels, d'exercer leur droit syndical, sans compter les autres droits de citoyen qui leur sont reconnus en principe, mais qu'ils sont dans l'impossibilité matérielle d'exercer.
Mais si ces velléités dictatoriales sont tout à fait dans la nature du patronat, que dit, dans le cas de l'affiche qui nous intéresse, la législation de "l'Etat démocratique" ?
Des délégués cégétistes ayant été menacés, par la direction, de mise à la porte et de mise à pied pour avoir organisé des meetings de protestation, ont fait appel à l'Inspecteur du travail. Le représentant de la loi leur a fait savoir que
Aucune loi n'interdit aux ouvriers de se réunir ; mais aucune loi ne les y autorise.
Comment sortir de ce dilemme ? M. l'Inspecteur n'a vu que la solution de s'en référer au règlement d'usine. Et, comme par hasard, le règlement interdit les réunions dans l'usine. Conclusion : il faut s'en tenir au règlement, à moins de le changer, celui-ci étant une "entente entre patron et ouvriers".
Premièrement, le règlement n'a pas été soumis aux ouvriers, ni approuvé par eux. On appelle donc "entente" une chose imposée.
Deuxièmement, si les droits des ouvriers dépendent de cette sorte d'"entente", il faut donc comprendre que leur exercice est une question de rapport de force.
C'est bien pour cette raison qu'au moment où les ouvriers tenaient en respect M. Lefaucheux, celui-ci ne s'avisait pas de faire poser des affiches interdisant les réunions syndicales dans l'usine.
TOUJOURS LES MEMES QUI PAIENT
La direction prend toutes les précautions pour la bonne marche de l'entreprise... quand il s'agit de ses intérêts pécuniaires.
Dans les magasins, les employés sont tenus de ne pas faire d'erreurs, que ce soit en plus ou en moins. Le règlement de la direction se traduit par une véritable diminution du salaire : pour une erreur dans un mois, on retient 2 fr.50 de l'heure pendant deux quinzaines !
Ces mêmes outils, dont les magasiniers payent si cher le maniement, les ouvriers, de leur côté, en sont également responsables ; cependant aucun endroit n'est prévu pour qu'ils puissent les mettre en sécurité. Il faut donc, le cas échéant, qu'ils en soient de leur poche.