UNE POLITIQUE DE
BRIGANDS
Après
avoir justifié son
tournant diplomatique en faveur d'Hitler, en 1939, par les manigances
des alliés qui voulaient jeter celui-ci contre l'U.R.S.S.,
Moscou continue son plaidoyer. En effet, la diplomatie stalinienne
s'est rendu compte que ses considérations sur le
machiavélisme des alliés ne justifient nullement, de
sa part, en 1939-1940, l'attaque de la Finlande, le partage de la
Pologne, la mainmise sur les pays baltes et le démembrement de
la Roumanie.
C'est pourquoi, obligé de
s'expliquer
là-dessus,
Moscou questionne : "Le gouvernement anglais a-t-il bien agi en
cantonnant
ses troupes, pendant la guerre, en Egypte, malgré les
protestations
des Egyptiens ?" Et il répond : "Oui, incontestablement." "Le
gouvernement
des Etats-Unis d'Amérique a-t-il bien fait de débarquer
ses
troupes à Casablanca, malgré les protestations des
Marocains ?" "Oui, incontestablement", répond encore la
diplomatie stalinienne. "Mais, s'empresse-t-elle d'ajouter, il faut en
dire autant du gouvernement soviétique qui, pendant
l'été de 1940, avait organisé un front Est contre
l'agression hitlérienne et cantonné ses troupes le plus
loin possible à l'Ouest."
"Notre action est en tout point
identique
à
la vôtre ; vous ne pouvez condamner les méthodes
soviétiques
sans vous condamner vous-mêmes ; pour notre part, nous
reconnaissons
que vous avez bien agi ; mais cela vous oblige à nous rendre la
pareille",
démontre Moscou aux alliés. Je vous passe la rhubarbe,
mais
passez-moi la moutarde, leur propose-t-elle, en somme !
Cependant, cette absolution
réciproque n'empêche
pas que ce genre de politique - oppression des peuples sous
prétexte
de les protéger contre un danger encore plus grand - soit une
politique
de brigands. Ce n'est pas depuis Hitler, c'est depuis des
générations
que les capitalistes anglais oppriment, non seulement l'Egypte, mais
les
Indes, les peuples arabes et les indigènes d'Afrique. Et est-ce
pour
lutter contre Hitler que les Américains ont
débarqué
à Casablanca ou, sous ce prétexte, pour des
conquêtes
impérialistes dans le monde entier ? Moscou n'avait-elle pas,
dans
sa première note communiquée à la presse,
accusé
les Anglo-Saxons d'avoir nourri Hitler à leur sein ? Comment
concilier
la première version avec la seconde ?
Mais Moscou ne réussira pas
à
montrer
patte blanche en se servant de la farine alliée. Le principal
résultat
de la guerre 1914-1918 a été, justement, de
révéler
aux peuples que les dirigeants capitalistes de tous les pays les
bernaient
avec des slogans libérateurs, en les conduisant EN FAIT aux
rapines
de guerre, à l'oppression des peuples et à leur propre
ruine
et esclavage. A l'époque, c'était la révolution
communiste
d'octobre 1917 en Russie, à la tête de laquelle se
trouvaient
Lénine et Trotsky, qui montrait aux peuples ces
vérités
fondamentales. Car elle proclama et ACCOMPLIT pratiquement la fin de la
guerre,
la fin de la diplomatie secrète, la fin des annexions de
territoires
étrangers, et donna REELLEMENT aux peuples de l'ancien empire
des
tsars le droit de disposer d'eux-mêmes.
Si Staline était le
continuateur de
cette
politique véritablement communiste, et non pas le plus grand
usurpateur
de l'histoire, il ne serait pas contraint d'entasser mensonges sur
mensonges
et de chercher une justification de ses actes chez les brigands
impérialistes
alliés. Seulement, dans les territoires occupés par ses
officiers,
les peuples gémissent aussi sous une terrible oppression. Il ne
pouvait
donc trouver de meilleures références qu'auprès
des
alliés capitalistes, car une politique de brigands ne peut
trouver
d'approbation que chez des brigands.
LA
VOIX DES TRAVAILLEURS
LES
ELECTIONS
PARTIELLES DE DELEGUES CHEZ
RENAULT
VICTOIRE
DU S D R AUX
DEPARTEMENTS 6 ET 18
Abstentions massives dans les autres
départements
L'heure tardive à laquelle nous
sont
parvenus
les résultats des élections partielles du mardi 24
février
ne nous permet pas d'en donner dès maintenant une analyse et un
commentaire
détaillés. Cependant, plusieurs conclusions sont
évidentes.
Les départements 6 et 18
restent
fidèles
aux traditions de la grève de mai. Au département 6, sur
844
inscrits, la C.G.T. obtient 243 voix exactement. Au 18, 46 voix sur 195
inscrits.
Force Ouvrière obtient O voix au 6, et 5 au 18 !
Mais, miracle de la démocratie
entendue selon M. Lefaucheux, l'inspecteur du travail et les
bureaucrates syndicaux, et grâce à un découpage
savant par lequel on a séparé électoralement le 18
du 6 pour le rattacher au département 17,
le candidat cégétiste passe, dès le 1er tour, dans
cette
"circonscription électorale" avec 114 voix sur 358,
c'est-à-dire moins de 30% !
Partout ailleurs, le pourcentage des
abstentions varie entre 20 et 45%.
C'est seulement au 6 (où le
pourcentage des abstentions se chiffre, avec les quelques voix nulles,
à 70%) qu'il
y aura un 2° tour et que le S.D.R. pourra présenter ses
candidats.
Mais l'essentiel reste acquis. Ces
élections ont prouvé l'exactitude des affirmations du
S.D.R. qui, en s'inscrivant en faux contre les tripotages de M.
Lefaucheux, de l'inspecteur (patronal) du travail et des bonzes
syndicaux, prétendait être la 2° force syndicale de
l'usine, après la C.G.T. frachoniste. En effet, la C.F.T.C.,
reconnue représentative, n'a même pas pu présenter
des candidats, et Force Ouvrière n'a réussi à
avoir aucun
élu. Mieux encore, les voix recueillies par F.O. dans certains
coins
ne sont pas dues à une sympathie réelle des votants pour
F.O.,
mais à leur haine vis-à-vis des bonzes frachonistes.
Ont-ils entassé manoeuvres sur
manoeuvres, mensonges sur mensonges, "les trois larrons", pour priver
le S.D.R. de ses
droits les plus élémentaires et les ouvriers du secteur
Collas
d'avoir des représentants à eux ! MAIS TOUTES LEURS
COMBINES
SE SONT ECROULEES DEVANT LA VOLONTE OUVRIERE.
|
Inscrits |
Votants |
Nuls |
C.G.T. |
F.O. |
Dpt 6 |
844 |
275 |
32 |
243 |
0 |
Dpt 18 |
195 |
54 |
3 |
46 |
5 |
Dpt 17 |
163 |
147 |
9 |
68 |
70 |
Nous
publierons dans le prochain
numéro les résultats complets.
La classe ouvrière ne veut
pas
du minimum de crève-la-faim,
elle
veut
UN VERITABLE
MINIMUM
VITAL
Des discussions interminables ont eu
lieu,
au Conseil économique, entre représentants du patronat,
du gouvernement et des organisations syndicales. De combien le
coût de la vie a-t-il augmenté, de 22, de 20 ou de 19% ? A
partir de quand faut-il compter les nouvelles hausses de prix ? A
partir du 1er décembre, du 1er janvier
ou du 1er février, d'avant les augmentations de salaires ou
d'après
? Ces augmentations "compensaient-elles" une hausse de prix qui avait
déjà
eu lieu, ou "s'équilibraient-elles" avec la nouvelle hausse en
cours
?
Ces controverses académiques se
poursuivent comme toujours en de pareilles occasions, tandis que les
prix continuent à
monter. Et de nouveau, les solutions envisagées à une
situation,
pire que celle qui l'avait précédée, ne sortent
pas
de l'ordinaire : faut-il augmenter les salaires et de combien, ou
fait-il
faire baisser les prix et de combien ?
Pour leur part, gouvernement et
patronat
proposent
la baisse des prix, certains qu'ils sont de n'en rien faire. On aurait
pu
penser que, depuis "l'expérience Blum", ils n'auraient plus
osé
se servir du même attrape-nigaud. Mais qu'opposer d'autre aux
légitimes
revendications des travailleurs ? On est bien obligé de revenir
aux
mêmes sornettes sur la baisse des prix, pour faire patienter les
ouvriers
qui ont besoin d'une augmentation immédiate des salaires.
Les représentants de la C.G.T.
frachoniste, en revendiquant une augmentation de salaires de 20% pour
le cas où gouvernement et patronat ne prendraient pas
l'engagement formel de procéder tout de suite à la
baisse, se posent en défenseurs du minimum vital auquel tout
travailleur doit avoir droit.
Cependant le pouvoir d'achat des
travailleurs est
descendu au point que même si l'augmentation actuelle
réclamée par la C.G.T. était accordée, les
salaires n'atteindraient même
plus le niveau pourtant bas auquel ils se trouvaient déjà
en
1945.
En réalité, la C.G.T.
fait les
mêmes
calculs que Force Ouvrière ou la C.F.T.C., que le gouvernement
et
le patronat, à un chiffre près. Car, à de
semblables
augmentations de salaires, gouvernement et patronat, évidemment,
sont
obligés d'y venir, quand le décalage devient trop grand -
ainsi
qu'ils l'ont déjà fait jusqu'à présent sous
la
pression de mécontentements graves.
Mais de cette façon, patronat,
gouvernement et représentants syndicaux en arrivent à
considérer comme
correspondant toujours au minimum vital des augmentations qui ne font
même
pas rattraper le niveau de vie d'il y a deux ans ou même un an.
En fait, étant donné que
la
production
a rattrapé et dépassé celle de 1938, le minimum
vital
devrait être au moins au niveau du salaire ouvrier moyen de 1938.
Le
"minimum" qu'ils fixent, eux, aux travailleurs, c'est le minimum du
crève-la-faim.
L'attitude des organisations
syndicales
bureaucratiques
montre qu'en réalité la classe ouvrière ne pourra
arracher
de véritable minimum vital aussi longtemps qu'elle ne
s'émancipera
pas des centrales syndicales actuelles, et qu'elle ne se sera pas
donné
une organisation syndicale véritablement démocratique.
LE
CENTENAIRE
DE LA REVOLUTION DE FEVRIER 1848
Le
100° anniversaire de la
Révolution de Février 1848 jouit d'une faveur toute
spéciale. Avec un ensemble
touchant, de Thorez à De Gaulle, en passant par le
Président de la République, tout le monde
célèbre l'événement. A vrai dire,
chacun différemment.
C'est que
Février 1848, en évoquant à la fois
révolution, république, liberté,
égalité, fraternité, permet à chacun d'en
prendre et d'en laisser, d'invoquer des fantômes au lieu de
rappeler les choses.
Ainsi, les dirigeants du P.C.F.,
qui,
au pouvoir, sont les hommes du "produire d'abord, revendiquer ensuite",
suggèrent, en identifiant la situation actuelle de la France
à celle de 1848 que
leur retour au gouvernement serait dans la meilleure tradition
ouvrière révolutionnaire.
Les chefs du "parti socialiste",
en
célébrant la "II° République", voudraient nous
faire croire que la IV°, avec ses matraquages, emprisonnements et
fusillades des travailleurs en lutte
est la soeur de l'autre. Ils n'auraient pas tort, s'ils situaient leur
anniversaire
plus près du Juin sanglant que du Février-Mars
démocratique,
quand les ouvriers, après avoir renversé la
royauté,
étaient les maîtres de la rue.
Une semblable rectification nous
permet aussi
de comprendre pourquoi le R.P.F. lui-même peut
célébrer les événements d'il y a un
siècle : Février 1848
n'a-t-il pas fini par le 2 Décembre 1851 ? la démocratie
bourgeoise
n'a-t-elle pas fait place au coup d'Etat bonapartiste de
Napoléon III
?
Mais que s'est-il passé
en
Février 1848 ?
A cette époque, la France
était gouvernée par la monarchie constitutionnelle de
Louis-Philippe. Ce
régime n'avait pour seule raison d'être que la
spéculation sur tout ce qui offrait matière à
spéculer : déficit budgétaire, emprunts du
gouvernement, lignes de chemin de fer alors en construction.
Deux classes voulaient sa fin,
mais
par des
moyens et dans des buts différents.
D'une part, la bourgeoisie
voulait un
gouvernement qui lui coûtât moins cher. Depuis des
années, les brigandages de la monarchie, derrière
laquelle s'abritaient les loups-cerviers de la Bourse, paralysaient, en
effet, le commerce et l'industrie.
D'autre part, la classe
ouvrière luttait
de toutes ses forces contre ce régime, car il personnifiait
à
ses yeux toute l'exploitation terrible qui pesait sur elle : 14 et 15
heures
de travail par jour et absence complète de libertés.
Mais la bourgeoisie,
malgré son
opposition à la monarchie, était
précisément la classe qui
exploitait directement le travail de l'ouvrier. C'est pourquoi elle ne
voulait
pas de bouleversements qui auraient mis en danger sa propre domination,
elle
ne voulait pas du renversement violent de Louis-Philippe. Ce qu'elle
voulait,
c'est que le "gouvernement bon marché" lui soit accordé
par
la monarchie se réformant elle-même ! Elle avait
d'ailleurs
déjà trahi la République en Juillet 1830, en
mettant
précisément sur le trône Louis-Philippe,
après
que les ouvriers eurent renversé la monarchie absolue de Charles
X.
Toute son action se bornait donc à des "banquets
d'opposition".
Et la Révolution de
Février n'eut lieu que contre sa volonté, que parce que,
à ses gestes timides d'en haut, répondit, d'en bas, le
soulèvement révolutionnaire des ouvriers.
Mais tandis que les ouvriers,
qui
avaient fait la Révolution et imposé la République
dont la bourgeoisie
ne voulait pas, s'efforçaient de lui donner un contenu
véritable
et exigeaient une REPUBLIQUE SOCIALE, c'est-à-dire non seulement
les
mots liberté, égalité, fraternité, mais la
chose,
de meilleurs salaires, moins d'heures de travail, du travail pour tous,
plus
d'exploitation ! la bourgeoisie, qui avait conservé ses
privilèges
économiques, n'entendait par "république" qu'un paravent
pour
frustrer le peuple des fruits de son effort.
C'est pourquoi, tandis que
l'aile dite
démocratique de la bourgeoisie entreprit savamment de tromper la
classe ouvrière qui n'avait pas de leaders capables de la
défendre, une autre aile, dite républicaine, se
préparait à lui infliger "une bonne
leçon" : il fallait, soi-disant, guérir le peuple de ses
"illusions
socialistes", le maintenir dans la "saine réalité" de
l'exploitation
bourgeoise.
Et les massacres de Juin
démontrèrent aux ouvriers cette simple
vérité, à savoir que l'exploitation de la
bourgeoisie, même couverte des mots "démocratie" et
"république",
ne leur laisse d'autre issue qu'une lutte jusqu'au bout, s'ils ne se
résignent
pas à leur misérable sort.
...Ils peuvent, en effet, se
retrouver
tous dans les événements de la Révolution de 1848.
Mais les
dirigeants du P.C.F. jouent le rôle des démocrates qui
bernèrent
le peuple ; mais les défenseurs "socialistes" ou M.R.P. de la
IV°
République continuent le travail de ceux qui menèrent aux
massacres
de Juin - la mobilisation de toutes les forces de l'Etat par Ramadier
et
Schuman contre les grévistes conduit, en effet, à un
semblable
heurt ; et le R.P.F. aussi, car il s'apprête, sur le cadavre de
la
IV° République, à bâtir la dictature du sabre
et
du goupillon que Napoléon le Petit inaugura sur le cadavre de la
II°.
Celle-ci périt parce que,
malgré la devise : liberté, égalité,
fraternité, inscrite sur son drapeau, furent massacrés
les meilleurs combattants de la seule
classe qui pouvait en faire une réalité : LA CLASSE
OUVRIERE
!
A.
MATHIEU.
|
C H E Z R E N A U L T
L'hôpital
se
moque de l'infirmerie
Pour avoir plus de voix, Force
Ouvrière et la C.F.T.C., organisations reconnues
"représentatives", des ouvriers s'entend (sic !), ont
présenté liste commune pour les élections de
délégués. Mais pour recueillir des voix, il faut
d'abord
avoir des candidats. Chose pas facile pour ces organisations...
représentatives.
Au secteur Collas, Force
Ouvrière a
été
mettre d'office sur sa liste, malgré leur volonté, deux
ouvriers
membres du S.D.R. qui, lui, a justement été
écarté
au premier tour comme non représentatif !
L'un de ces "candidats", le camarade
Beaudot, s'est
aussitôt fait rayer. L'autre, le camarade Bouhaïk,
étant malade, il lui a été impossible d'en faire
autant. Force Ouvrière
avait déjà essayé de le classer parmi ses membres
en
lui faisant porter à domicile, gratuitement, une carte avec les
timbres
de janvier et février.
Force Ouvrière "tel Soubise,
cherche
ses
troupes", ironise la C.G.T. dans son bulletin de février, du
département
6. C'EST L'HOPITAL QUI SE MOQUE DE L'INFIRMERIE ! Si le candidat de la
C.G.T.
au département 6 n'est pas, comme celui de Force
Ouvrière,
un membre du S.D.R., frauduleusement désigné, ce candidat
est...
un ancien membre du S.D.R. !
La C.G.T. n'a pas osé
présenter les
anciens, tel Facompré qui, depuis la grève de mai, s'est
acquis
une solide réputation de jaune. A la recherche d'un nouveau
candidat,
Soubise numéro 2 n'a rien trouvé d'autre... qu'un
Adèle,
girouette transfuge du S.D.R., et que la C.G.T. traitait d'"agent de
Mayer".
"On n'en a pas trouvé d'autre, mais on le surveille", telle est
la
réclame que fait au nouveau candidat le secrétaire
syndical
cégétiste Facompré.
Ailleurs, à la Fonderie,
l'hôpital, c'est-à-dire la C.G.T., n'a pu faire mieux que
de présenter l'ancien délégué,
Vérité. L'échantillon est tellement
réputé pour ses belles qualités qu'un propre
responsable cégétiste s'est fait porter sur la liste
Force
Ouvrière pour lui faire échec. La C.G.T. en
vérité, peut bien se moquer de Force Ouvrière !
A la lumière de faits
semblables, on
comprend
encore mieux pourquoi le S.D.R. a combattu la loi patronale sur les
délégués
en vigueur, pourquoi il lutte pour que les ouvriers puissent
élire,
en toute liberté et sans restrictions sur la
représentativité,
tout camarade jouissant de leur confiance, et que les
délégués
ouvriers soient responsables devant les ouvriers et révocables
par
eux par un simple vote local.
***
En l'absence d'un bilan
d'activité
à
présenter aux ouvriers, la propagande électorale de la
C.G.T.
a consisté essentiellement en des moyens d'intimidation allant
jusqu'aux
menaces de mort à l'adresse des responsables du S.D.R.
Ces "chevaliers sans peur" recherchent
la
provocation.
Leur principal travail consiste à empoisonner
l'atmosphère parmi
les ouvriers.
Alors que justement, depuis la
grève
de
mai, le S.D.R. avait réussi, en abolissant ces méthodes,
à
sauvegarder la liberté et l'unité des ouvriers qui ont
tenu
en respect la direction. Mais pour cela, il faut aux ouvriers des
représentants
honnêtes et non des empoisonneurs.
La direction doit augmenter sa
subvention aux
cantines
Le prix des repas à la cantine
vient
encore
de faire un bond prodigieux (65 francs au lieu de 42). Comme
après chaque augmentation, la qualité s'est
temporairement un peu améliorée, mais est loin de
satisfaire les rationnaires. Si les cinq centilitres de vin
supplémentaires, supprimés il y a quelques mois, sont
à
nouveau servis, le dessert, par contre, est supprimé.
Comparée à celle
d'autres
usines,
cette situation est d'autant plus scandaleuse.
Chez Simca, où les ouvriers
mangent
dans
des cantines aérées, avec haut-parleurs, le prix du repas
est
de 72 francs, vin compris, mais un OS2 gagne 94 francs de l'heure,
alors
que, chez Renault, il gagne environ 75 à 76 francs. La
subvention patronale
est de 37 francs par repas. Le menu du 21 février 1948
était
:
Salade de tomates
Une tranche de jambon
Deux rondelles de saucisson
Un bifteck
Une assiette de hachis parmentier
Cinq ou six figues, une dizaine de
dattes
Un quart de vin.
Chez Alsthom-Lecourbe, le repas est
à
28
francs sans vin, de 43 francs avec 30 centilitres de vin, et se compose
d'une
soupe, d'un plat de viande garni, d'un légume et d'un dessert ou
fromage
; la subvention patronale est fixée à 35 francs, mais,
pratiquement,
c'est 50 à 52 francs que le patron débourse pour chaque
repas.
La direction est cependant loin d'être philanthrope.
Chez Renault, les frais
généraux se répartissent sur un plus grand nombre
de rationnaires, la cantine devrait être encore meilleure. Mais
la subvention patronale n'est que
de 20 fr., somme qui n'a pas varié depuis 1945 !
De quel côté chercher la
responsabilité d'un pareil état de choses ?
La C.G.T., qui pendant des
années, a
fait
de la cantine Renault un cheval de bataille, en la présentant
comme
une merveille de réalisation du Comité d'entreprise, est
obligée
aujourd'hui, devant la faillite qui menace la commission des cantines,
de
démasquer la direction et de reprendre la revendication que le
S.D.R.
avait formulée depuis des mois : augmentation de la subvention
patronale.
Mais tant que leur place
n'était pas
menacée,
du fait d'un certain équilibre dans la trésorerie
réalisé
par l'augmentation du prix des repas sur le dos des ouvriers, les
représentants
cégétistes au Comité d'entreprise n'ont
élevé
aucune protestation.
Le S.D.R. a dénoncé
depuis
longtemps
les abus des cantines : le paiement à la Régie de loyers
excessifs
et de main-d'oeuvre au prix fort (ce qui lui faisait
récupérer
la subvention versée par ailleurs), la part trop grande des
frais
d'entretien et de service. (Aujourd'hui, la C.G.T. prétend que
la
part des salaires du personnel des cantines a été
multipliée
par 3,57 depuis 1946. Si l'on appliquait le même coefficient aux
salaires
des ouvriers, un O.S. qui gagnait, au début de 1946, 33 fr. de
l'heure,
devrait gagner 118 francs. Nous doutons que les salaires aux cantines
aient
été augmentés dans de telles proportions).
Déjà, le 18 août
1947,
un
tract du S.D.R. posait la question : "Pourquoi le Comité
d'entreprise et la section syndicale C.G.T. n'ont-ils pas alerté
les ouvriers sur
la responsabilité de la direction dans l'augmentation des
cantines, eux qui connaissaient la situation déficitaire depuis
le mois de février
?" (1947).
Mais cette question est restée
sans
réponse,
de même qu'est restée sans suite la promesse des membres
de
la commission des cantines aux militants du S.D.R., de procéder
à
des réunions d'information sur la gestion des cantines.
Le mauvais fonctionnement de la
cantine
oblige
une bonne partie du personnel à apporter sa gamelle ; mais, pour
la
direction, cela se ramène à une économie de 20
francs
par tête et par jour (montant de sa subvention), soit plus de 2
francs
de l'heure. Or, cette "économie" est un vol sur le salaire de
l'ouvrier.
La direction ne trouve pas de
crédits
suffisants
pour augmenter les salaires et la subvention de la cantine ; elle en
trouve
par centaines de millions pour acheter des machines qui n'apportent
aucun
soulagement à la peine des travailleurs, mais les rendent
toujours
plus esclaves.
La direction peut et doit augmenter la
subvention des cantines et permettre aux ouvriers de se nourrir
convenablement. Il faut
le lui imposer !
P.S. - Du fait du nouveau
système de
vente
des tickets avec pointage de la carte, il n'est plus
délivré de tickets isolés à moins de les
payer 90 fr. Qu'un ouvrier oublie son ticket et il doit payer son repas
90 fr. ! Le cas est fréquent pour les nouveaux embauchés
qui n'ont pas assez d'argent pour prendre une carte à 325 francs.
Les conditions de
travail des ouvriers
étrangers
Certains ouvriers, italiens,
espagnols,
voyant la famine qui menace chaque jour davantage dans leur pays, se
laissent berner
par la propagande capitaliste qui leur promet du travail et du pain en
France.
Avant même de passer la
frontière, ces ouvriers sont contraints de signer un contrat
d'une durée minimum d'un an avec une entreprise
française. Or, ces entreprises (grosses firmes capitalistes)
profitent de l'occasion pour faire travailler ces ouvriers
dans des conditions que jamais d'autres ouvriers, unis dans un
syndicat,
n'accepteraient. Ils sont astreints à une cadence surhumaine,
dix
heures par jour : à Peyrat-le-Château (Haute-Vienne), par
exemple,
les ouvriers étrangers, qui travaillent au barrage doivent
piocher
dans le roc.
Pour 50 francs par repas (vin et pain
non
compris),
ils ont une nourriture insuffisante et infecte. Ils sont logés
dans
des baraques communes où il leur est formellement interdit de
faire
du feu.
Et le patronat profite de "l'aubaine"
jusqu'au bout en les payant encore en dessous du minimum vital
fixé par le gouvernement.
Les prisonniers de guerre allemands,
transformés en travailleurs "libres", sont également
employés dans ces camps
de travail qui n'ont rien à envier à ceux d'Hitler.
Répression patronale chez SIMCA
Dans le courant de la semaine
dernière, un ouvrier, père de cinq enfants, qui avait mis
à profit l'heure
du repas pour diffuser La Voix des Travailleurs sur les machines, a
été
surpris par le gardiennage, qui sillonne constamment et à toute
heure
l'usine.
La direction l'a mis à pied
pour
trois
jours.
Sept cégétistes ont
été mis à pied pour six jours, dans la même
semaine, pour diffusion de leur journal à l'intérieur de
l'usine.
SIGNIFICATION D'UN VOTE
Dans le Livre, le résultat
général du référendum concernant
l'orientation syndicale a donné 28.953 voix pour la C.G.T. et
26.414 pour l'autonomie. Force Ouvrière a recueilli 5.505 voix.
Il y avait en tout plus de 6.000 bulletins nuls. La
proportion d'abstentions s'est élevée à 50% !
Il suffit à la C.G.T. d'une
majorité de quelque 2.000 voix pour qu'elle se félicite
de son succès !
Mais, en réalité, que
démontre ce vote ? Si une bonne partie des ouvriers n'ont encore
pas réussi à se séparer des bureaucrates de la
direction (non sans doute parce qu'ils gardent confiance en eux, mais
parce qu'ils craignent la division), un nombre toujours plus grand
d'ouvriers ont déjà rompu avec eux. Et la
différence est tellement minime qu'il suffirait de peu de
chose pour que la balance penchât de l'autre côté.
Comme
s'exprimait un syndiqué : "Les ouvriers sont prêts
à toute
éventualité en cas de nouveaux manquements de la part des
dirigeants
cégétistes". D'autre part, le résultat du vote,
qui
prouve clairement que, pour les ouvriers, l'autonomie n'a rien de
commun
avec l'adhésion à Force Ouvrière, répond
aussi
à cette propagande "bien intentionnée" qui cherchait
à
confondre les deux.
Mais c'est surtout des
élections de
délégués
chez les mineurs du Nord que la C.G.T. a tiré gloire. Or, en
réalité,
aussi bien chez les mineurs que dans le Livre, le "succès" de la
C.G.T.
est loin d'être celui dont elle se vante. En effet, dans le Nord,
la
proportion d'abstentions a été de 30%. Sur les 70% de
votants,
elle a recueilli 80% des voix, c'est-à-dire, en
définitive
(80% de 70%), 56% du nombre total des inscrits. En fait de grande
victoire,
donc, la C.G.T. remporte tout juste une faible majorité.
Quant à la défaite de
Force
Ouvrière,
dans les mines comme dans le Livre, qui pourrait s'en étonner ?
Depuis longtemps, Jouhaux, qui avait
précédé Frachon dans la voie de la trahison,
était vomi par les ouvriers. C'est
dès la "libération" que les ouvriers réclamaient
l'exclusion
de Jouhaux de la C.G.T., mais c'est précisément son
compère
Frachon qui lui servait de garant. Et s'il s'est trouvé, par la
suite,
que les frachonistes ont été obligés, par le
mouvement
ouvrier, de passer dans un semblant d'opposition vis-à-vis du
gouvernement
et du patronat pour "ne pas se couper des masses", dans aucune
circonstance,
Jouhaux et sa clique, par contre, ne se sont trouvés du
côté
des ouvriers. Ce qui explique, du reste, que Force Ouvrière ne
soit
pratiquement pas représentée par des ouvriers du rang.
Ce que révèlent, en tout
cas,
ces
votes, c'est le grand nombre d'ouvriers mécontents des
organisations syndicales bureaucratiques.
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