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chronologie 1948 |
L'erreur commise
par le PCI est de dire : "les événements de Belgrade
risquent de transporter en Yougoslavie le centre d'un véritable
mouvement ouvrier". Maintenant ils montrent le mouvement de Tito comme
un mouvement progressif. En fait qu'est-ce
qu'il y a derrière Tito ?
Le socialisme dans les Balkans, avant 1914, était la fraction la plus avancée, avec le socialisme russe et allemand, du socialisme international. Après 18, la situation change complètement. Les méthodes staliniennes anéantissent dans ces pays encore plus qu'en Occident tout mouvement ouvrier sain. Ils ont poussé le éléments communistes, démunis de toute éducation, à la destruction physique. En 1944 il y avait en Roumanie 800 membres du P.C. Maintenant il y en a 800.000. On peut dire en toute certitude que le mouvement ouvrier organisé devait être très faible en Yougoslavie. En fait, dans tous les pays balkaniques, et particulièrement en Yougolavie, à la base du mouvement de Tito il y avait la Résistance, c'est-à-dire la lutte de partisans. Il n'y a pas de mouvement ouvrier organisé, comme en France où le Parti a des cadres, des "idéologues", une physionomie bien déterminée. En Yougoslavie il n'y a pas de P.C. organisé, avec des idéologues et des cadres. A la base du mouvement titiste il y a quelques centaines de malheureux passés par l'école stalinienne, mais avant tout il s'agit des éléments de la résistance formés de paysans et d'éléments d'autres classes. Suivant le système stalinien, Tito a pu organiser le pays sur le modèle de l'U.R.S.S. Le régime institué était semblable aux autres régimes balkaniques. Le corps des officiers, la police secrète, la bureaucratie dominent le pays. Dans un pays où la paysannerie constitue la majorité écrasante, où la bourgeoisie est plutôt commerçante, n'étant pas une véritable classe dominante, la vie est toujours dominée en fait par l'Etat. Les secteurs économiques les plus importants sont monopole d'Etat. Quand on cherche ce qu'il y a de progressif et de révolutionnaire, le Parti conscient, les communistes yougoslaves, on ne les trouve pas. En fait, il ne peut y avoir de véritable mouvement ouvrier sans activité révolutionnaire consciente.
Derrière
le
mot-d'ordre "Fédération danubienne", Tito ne vise que des
buts
d'hégémonie sur ses partisans balkaniques. A
première
vue, c'est un mot-d'ordre progressif qui a été celui de
l'Internationale
Communiste, mais il faut savoir sur qui l'on compte pour l'application
des
mots-d'ordre. Tito borne son mot-d'ordre à un moyen de
négociation
avec la Bulgarie, l'Albanie, alors que l'I.C. adressait le mot-d'ordre
de
Confédération balkanique aux masses ouvrières et
paysannes.
Ce qui distingue en fait le révolutionnaire du
non-révolutionnaire,
c'est de savoir sur qui on compte pour l'appliquer. Sur quoi et sur qui s'appuie le régime de Tito ? Il ne s'appuie pas sur la classe ouvrière, mais sur la Résistance (sur les paysans et les éléments de toutes les classes, bureaucrates, officiers) qui a donné naissance à une hiérarchie de l'Etat, dans toutes les sphères, sur le modèle russe. Derrière Tito il n'y a aucune classe, aucun mot-d'ordre progressifs. Tito n'a fait aucune allusion au mouvement ouvrier international, et pour cause.
S'il n'y a pas
de
raisons idéologiques, où chercher l'origine de ce conflit
qui
est extrêmement important, car il s'agit d'une rupture dans le
bloc
stalinien, et d'une rupture profonde. Il ne s'agit pas d'une petite
querelle,
mais d'une question qui en fin de compte se réglera par la force
des armes. Si Staline ne réussit pas à reprendre la
situation en
main de l'intérieur, ce à quoi il ne s'attend pas, ils
seront
obligés de résoudre la situation par les armes en liaison
avec
la situation internationale. Le tsarisme s'appuyait avant tout sur les Grand-Russiens. Les Russes étaient les oppresseurs de toutes les nationalités de l'U.R.S.S., certaines comme les Ukrainiens plus avancés culturellement, d'autres se trouvant à différents stades de civilisation. Certains écrivains du camp ouvrier ont accusé Staline d'avoir détruit certaines nationalités en masse. Il est évident que cette lutte entre les minorités nationales et les Russes à l'intérieur de l'U.R.S.S., ne pouvait exploser à moins d'un affaiblissement décisif de l'Etat soviétique.
Par contre, dans
les
Balkans, en face d'Etats non soumis directement, la domination russe ne
s'est
pas établie sans frictions assez graves et pas non plus d'un
seul
coup. Les partis communistes dans les Balkans étaient
très
faibles, et en fait il a fallu un certain temps à la
bureaucratie
stalinienne pour prendre en main ces pays (elle a dû admettre un
certain
temps des "démocrates" à la tête de ces
gouvernements,
qui ont été éliminés par la suite :
Pologne,
Hongrie, Tchécoslovaquie...). Par contre Tito,
déjà
sous l'occupation, avait été reconnu par les
"alliés"
et en fait ce n'est pas tellement à l'aide d'agents staliniens
que
par ses propres forces, celles de la Résistance, que Tito a mis
la
main sur le pays. Vous savez quel a été le comportement de l'U.R.S.S. dans ces pays. Leurs méthodes sont extrêmement brutales. Des gens qui les avaient accueillis assez bien au début, comme "libérateurs" et communistes, leur ont voué très vite de la haine. Ce conflit montre jusqu'à quel point la brutalité de la bureaucratie stalinienne a heurté le sentiment national des gens auxquels ils avaient à faire. Parce qu'en fait, c'est là l'origine du conflit.
Trotsky avait
déjà expliqué à l'époque les raisons
du procès de Toukhachevsky,
qui a jeté les bases de l'Armée rouge moderne, qui en a
réalisé
la mécanisation ; on lui a fait un procès en l'accusant
de
négocier avec l'Allemagne (ce qui était le cas de
Staline),
en fait parce qu'il s'opposait à l'immixtion du G.P.U. dans les
affaires
de l'armée. Le conflit a été assez fort à
l'intérieur
de l'U.R.S.S. pour qu'on fusille Toukhachevsky. Figurez-vous cela
d'Etat
à Etat. En fait, c'est un heurt entre le nationalisme serbe et
le
nationalisme soviétique. Parce qu'en fait, effectivement, ce
n'était
pas dans les vues de Tito de s'allier au camp occidental.
Géographiquement, il ne le peut pas. En réalité,
il l'a fait en dépit du
fait qu'il n'a pas sur qui s'appuyer. Il peut s'appuyer partiellement
sur
les Etats-Unis, mais tôt ou tard il y a danger qu'il devienne la
victime
de cette nouvelle orientation. C'est pourquoi Tito fait tout ce qu'il
peut,
tout en s'opposant aux visées de Staline, pour trouver des
points
d'appui dans les autres pays balkaniques. Si l'U.R.S.S. avait traité sur un pied d'égalité la Yougoslavie, ils seraient fous d'avoir agi de cette façon. Quel intérêt a la Yougoslavie, si elle était traitée sur pied d'égalité, de se tourner vers le monde occidental ? Du reste ils ne peuvent pas voiler entièrement ce fait, ils s'évertuent donc dans tous leurs articles d'expliquer que l'U.R.S.S. a joué un rôle éminent dans la libération des peuples... L'U.R.S.S. a le droit de critiquer les petits pays, mais les petits pays n'ont pas le droit de critiquer l'U.R.S.S. Même si l'U.R.S.S. joue un rôle spécial, cela n'implique pas l'inégalité entre nations. Car ainsi l'impérialisme justifie aussi le traitement vis-à-vis des colonies, parce qu'il apporte la culture. Ou l'Amérique vis-à-vis de l'Europe, "ils ont un rôle spécial dans le défense de l'Europe occidentale". Ce n'est pas étonnant, après coup, qu'en absence d'un mouvement ouvrier, ce soit sur ce terrain que le point de scission se soit trouvé. Cela tient à toute l'histoire des Balkans et de la Russie. Néanmoins cela facilite la lutte que nous menons sur le terrain national et international, parce de plus en plus l'atmosphère totalitaire, l'unanimité sur laquelle reposait la religion stalinienne, n'existe plus actuellement ouvertement.
Cela provoque
aussi
sur le terrain international des changements extrêmement
importants
et cela ouvre de nouvelles possibilités, mais pas dans le sens
direct. En réalité, le régime installé par
les staliniens dans tous les pays éclate de ses propres
contradictions, suscitées par lui-même, mais on ne peut
pas parler de mouvement ouvrier, c'est une illusion pernicieuse. Ce
qu'il fallait, c'est profiter de l'affaire de
Tito pour attaquer le mouvement stalinien, mais non pas en se mettant
du
côté de Tito. La résolution du Bureau d'information essaie de donner un aspect idéologique au conflit. D'un côté le P.C. yougoslave nierait la lutte de classes, d'un autre côté il porterait la lutte de classes à la campagne. Les affirmations les plus contradictoires pour discréditer les dirigeants du P.C. yougoslave et les traiter de trotskystes, nous avons un document type du G.P.U. Jusqu'à maintenant, c'était une démocratie populaire. Il ne suffit pas de la mauvaise volonté d'un individu pour tout changer. Comment le régime a-t-il pu sans coup d'Etat se transformer en régime policier ? C'était un régime policier. Tant qu'il marchait avec les staliniens, c'était bien, maintenant qu'il y a retournement, ça va mal.
L'affaire de
Tito
peut aussi affaiblir le camp impérialiste. Si des mouvements
pareils se répétaient, cela enlève aux
impérialistes l'argument
principal pour faire la guerre : celui du Rideau de fer, alors qu'il y
a
résistance...
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