retour accueil retour chronologie retour chronologie 1948
 
Document 8 Septembre 1948
 

La 2ème édition du gouvernement Schuman n'a pu mettre fin à la crise gouvernementale qui dure depuis 6 semaines. Ses réalisations se sont réduites à la mesure d'urgence qu'a été l'indemnité de 2.500 frs. aux salariés.

En réalité, une crise grave s'est ouverte dans le pays avec la constitution et la chute du gouvernement Reynaud.

L'impuissance des Partis de la "3ème force" à résoudre les difficultés politiques et économiques croissantes avait déjà été définitivement confirmée par la démission du gouvernement Schuman. L'équilibre précaire qu'à travers différentes mesures financières, le gouvernement Schuman avait établi, après l'échec de la grève de Décembre, au détriment des masses travail­leuses, ne fut que de courte durée. La grève des fonctionnaires en Juillet ne laissait pas de doute que la classe ouvrière, devant le renchérissement de la vie, allait, dans de nouveaux mouvements revendicatifs, poser la question de la revalorisation de son pouvoir d'achat.

Le patronat allait-il lâcher du lest, et continuer la politique du "cycle infernal", ou répondre par une politique de force s'opposant désormais à toute concession ?

C'est pour appliquer cette dernière variante que fut constitué le gouvernement Marie-Reynaud.

QUE VOULAIT REYNAUD ?

Bloquer les salaires, prolonger la durée du travail, augmenter les impôts, anéantir les droits ouvriers, par une politique de force appuyée sur les "pleins pouvoirs", débarrassée du contrôle parlemen­taire.

Mais l'homme de 1938-40 n'eut pas le temps d'exercer à nouveau ses talents. L'agitation ouvrière jeta la panique parmi les ministres socialistes qui, ayant à peine voté les pleins pouvoirs à Reynaud, lui retirèrent leur appui sur la question du blocage des salaires.

LE GOUVERNEMENT SCHUMAN Nº 2 A ETE OBLIGE D'OUVRIR LA SOUPAPE DE SURETÉ.

La menace d'une action de la classe ouvrière a déterminé la bourgeoisie à revenir à des concessions. Mais celles-ci sont dérisoires, comme ont été dérisoires et sans effet toutes les augmentations de salaires que le patronat n'a consenties que pour les reprendre par la hausse des prix et l'in­flation.

La politique de la bourgeoisie de préparation à la guerre (crédits militaires monstrueux), de lutte pour les marchés internationaux (produire pour exporter) l'oblige à rejeter sur les masses un fardeau de plus en plus lourd. C'est ce qui explique qu'à mesure que la production s'accroît, le niveau de vie des travailleurs baisse. Et c'est pourquoi aucun gouvernement bourgeois ne peut et ne pourra faire d'autre politique vis-à-vis des travailleurs que celle d’une misère accrue.

QU'ONT FAIT JUSQU'A PRESENT LES ORGANISATIONS OUVRIERES ?

Les organisations ouvrières ont d'abord défendu avec acharnement la politique du "produire". Sous la pression des luttes ouvrières, notamment après Mai 47, elles ont ensuite "soutenu" les revendications des travailleurs, mais pour mieux les saboter. Ce fut la C.G.T. qui sabota la grève de Mai 47 et qui rejeta la revendication du Comité de Grève Renault pour l'échelle mobile des salaires comme étant de la "démagogie".

C'est grâce à leur complicité que la bourgeoisie a pu faire sa politique de "soupape de sûreté" : apaiser la lutte revendicative ouvrière par des concessions sans lendemain.

OU EST LA SOLUTION ?

"L'indemnité de vie chère" aux salariés, maintient la politique de blocage des salaires. Mais le gouvernement ne manque jamais de rendre les "revendications ouvrières" responsables de la hausse des prix et de l'anarchie économique. C'est l'anarchie provoquée par sa propre politique qui sert à la bourgeoisie pour opposer à "l'impuissance des partis" le pouvoir dictatorial, dont de Gaulle est devenu le candidat favori.

Contre ce pouvoir de la trique, les parti "démocratiques" ne sont d'aucune garantie pour les travailleurs.

Les ex-ministres P.C.F., dont les lois anti-ouvrières (Croizat et au­tres), ont si bien servi le patronat, sont pour un gouvernement "d'union démocratique". Mais de quels démocrates s'agit-il ? Pour les ministres P.C.F. de Gaulle lui-même était un démocrate au moment où ils collaboraient dans un même gouvernement de "produire d'abord". Tous ces "démocrates", M.R.P., radicaux, "socialistes", n'ont-ils pas voté les pleins pouvoirs à Reynaud ?

C'est pourquoi de Gaulle, devant le Parlement envisageant sa propre dissolution, pouvait affirmer qu'il n'avait désormais pas besoin de recourir aux méthodes "anti-constitutionnelles" pour arriver à ses fins.

Le retour temporaire d'un nouveau gouvernement de la "3ème force" ne fait, de cette dernière solution, que partie remise.

La classe ouvrière se trouve à la croisée des chemins : ou elle impose ses propres solutions ou elle laisse la voie ouverte au "pouvoir fort".

La classe ouvrière n'a pas, à l'heure actuelle, de Parti révolution­naire capable de donner une solution ouvrière à la question du pouvoir, en constituant un GOUVERNEMENT OUVRIER ET PAYSAN au service des travailleurs et appuyé sur eux.

Cependant, en imposant aux capitalistes des concessions au moment où ils s'apprêtaient à mener une politique forte, la classe ouvrière a démontré l'efficacité de son action. Mais pour empêcher les capitalistes de la tromper pour mieux l'asservir, elle doit opposer à leur politique de vie chère et de chômage, un programme revendicatif efficace.

Contre la politique de hausse des prix :

UN SALAIRE MINIMUM VITAL garanti par L'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES. ATTAQUER LA VIE CHERE DES DEUX COTES A LA FOIS, par la revalorisation des salaires et la baisse des prix imposée dans chaque entreprise, par le CONTROLE OUVRIER SUR LES LIVRES DE COMPTE DES CAPITALISTES. Si le patronat n'est pas en mesure de garantir à l'ouvrier un salaire décent pour un travail décent, qu'il livre aux travailleurs et à l'opinion publique les secrets de sa gestion !

Contre le chômage, ECHELLE MOBILE DES HEURES DE TRAVAIL avec maintien des salaires.

Pour arriver à imposer une politique économique favorable à tous, il faut que la classe ouvrière S'ELEVE A UNE CONSCIENCE DE CLASSE et arrive agir en face du patronat et du gouvernement capitaliste, comme une force unie capable non seulement d'arracher des concessions, mais aussi d'imposer sa propre volonté et ses solutions à elle.

La classe ouvrière ne doit pas remettre sa destinée à d'autres qu'à elle-même, fonder des espoirs insensés en des sauveurs, mais vaincre la résistance des capitalistes : ELLE N'AURA QUE CE QU'ELLE SAURA IMPOSER.

Aucun gouvernement appuyé sur la police et la bureaucratie de l'État bourgeois ne peut faire autrement que de protéger les intérêts des capitalistes contre les travailleurs. SEULE LA DICTATURE DES PAUVRES CONTRE LA MINORITE D'EXPLOITEURS PEUT AMENER UN GOUVERNEMENT AU SERVICE DES PAUVRES !

8 sept. 1948

NOTE : La chute du gouvernement Schuman est annoncée au moment où nous mettons sous presse. La droite, une partie importante des radicaux et même, du M.R.P. lui ont refusé leur vote de confiance. La perspective d'une dissolution du Parlement qui, dans sa composition actuelle, ne peut amener la formation de ce gouvernement fort que veut la bourgeoisie, apparaît ainsi , devant la crise gouvernementale insoluble, comme inévita­ble. L'heure pour la classe ouvrière est à la plus grande vigilance !