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N° 53
Prix : 2 F. 
10 Décembre 1948

PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS ! LA VOIX des TRAVAILLEURS
 
LA VOIX des TRAVAILLEURS
ORGANE DE LUTTE DE CLASSE
Adr. corresp., abonnem. et mandats à Jean Bois, 65 rue Carnot, Suresnes (S.)




A COUPS DE FOUET !
    Un malheur ne vient jamais seul. En même temps qu'il prépare une hausse des loyers, qui sera ressentie de plus en plus durement par la population, le gouvernement vient d'avouer un nouveau et formidable déficit budgétaire : plus de 200 milliards de francs. Contribuables, à vos poches !

     Bien que les mesures destinées à combler ce déficit ne soient pas encore définitivement arrêtées à ce jour, elles ne différeront cependant de celles qui les ont précédées que par les chiffres et par les noms. Au fond, il s'agit une fois de plus de faire payer aux classes laborieuses et moyennes les frais inouïs des dépenses gouvernementales au profit des magnats de la finance et des grosses industries.

    Le gouvernement essaie, naturellement, de camoufler le caractère de classe du budget et du déficit. Voici comment il présente les choses :

    En limitant les dépenses d'équipement (électrification, etc.) et avec "l'aide américaine", le budget "ordinaire et extraordinaire" serait équilibré aux environs de 1300 milliards ; les dépenses de "reconstruction et dommages de guerre" s'élevant à environ 270 milliards, dont seulement 60 seraient couverts par des "titres d'annuité", il s'ensuit un déficit de 210 milliards.

Les nouveaux sacrifices seraient exigés par la reconstruction ! C'est ce qu'on appelle dorer la pilule, car en même temps qu'on met en vedette la reconstruction, on tâche de faire passer inaperçus, en les fourrant dans le "budget ordinaire et extraordinaire", les quelque 400 ou 600 milliards (on ne sait pas exactement le chiffre) des dépenses militaires. Or, le chiffre de ces dépenses est d'autant plus scandaleux que le "plan d'équipement" lui-même n'est pas destiné à faire baisser le prix du kilowatt (au contraire il l'a fait monter), mais à assurer une base indispensable au potentiel de guerre français, et fait donc, indirectement, lui aussi, partie des dépenses de guerre !

    Voilà pourquoi il faut payer : pas pour la reconstruction mais pour la guerre --pas pour permettre aux sinistrés de se loger, mais pour assurer les profits, les surprofits et les rapines des capitalistes en Europe, en Afrique, en Asie...

    Il n'est donc pas étonnant que ce soient les classes laborieuses et moyennes qui doivent payer, tandis que les riches seront épargnés ou même assurés de nouveaux profits : tels les emprunts à pouvoir d'achat garanti --qu'on refuse aux travailleurs.

    Car, tandis que par la hausse des prix les gros et les moyens capitalistes rejetteront sur les consommateurs les majorations d'impôts qu'ils vont être obligés de payer, les salariés subiront, en plus, les conséquences de l'inflation à laquelle le gouvernement ne peut pas ne pas avoir recours, bien qu'il s'en défende.

    En effet, le gouffre des armements et autres dépenses parasitaires de l'Etat est tellement grand, que les dernières mesures ne suffiront pas plus que les précédentes à assurer "l'équilibre".

    Quand, au début de 1948, le plan Mayer, avec son prélèvement "exceptionnel" (sic) et la dévaluation, fut présenté comme le "coup de fouet" devant ranimer l'économie, nous avertissions les travailleurs : "Quand l'expédient de la dévaluation sera épuisé, ce "coup de fouet" (pour les masses) en nécessitera bien d'autres" (Voix du 28 Janvier).

    Et effectivement, au cours de l'année écoulée, nous avons subi pas moins de deux dévaluations, trois prélèvements exceptionnels (5° quart de l'impôt de solidarité, prélèvement Mayer, doubles décimes Queuille) et un "emprunt" à la circulation sous la forme du retrait des billets de 5.000 frs !!

    Voilà quel prix fait payer aux masses laborieuses le capitalisme pour maintenir son existence. Mais par ses crises et les fardeaux qu'il fait impitoyablement retomber sur les masses, par ses coups de fouet répétés, le capitalisme leur rappelle qu'il y a longtemps qu'elles auraient pu le renverser et le remplacer par le socialisme.


 Autour de Garry Davis et ses amis
LES PACIFISTES A L'EAU DE ROSE AUX PRISES AVEC LES REALITES
    A quel sentiment obéissaient les milliers de gens de toutes les classes qui se pressaient en grand nombre aux portes du Vel' d'Hiv' pour entendre la réponse de M. Evatt au "citoyen du monde" Garry Davis au sujet de la paix ? Et que voulaient-ils ?

    Devant les dangers de plus en plus évidents d'une nouvelle guerre mondiale, un nombre tous les jours croissant de gens dans tous les pays, entendent ne pas se faire les complices de sa préparation sous aucun prétexte : "défense de la démocratie", "défense du socialisme", lutte contre l'agresseur, etc... Voilà pourquoi le geste de Garry Davis, répudiant la tutelle de son Etat (américain) et interpellant les délégués de l'ONU sur la question de la paix, a eu un grand écho dans la population française.

    Mais il est certain qu'en allant au Vel' d'Hiv' ces masses voulaient bien davantage que ce que les organisateurs du meeting n'ont pu leur offrir. En effet, les questions "que faire" ? "comment lutter contre la guerre" ? sont restées sans aucune réponse. Les organisateurs du meeting n'ont pu proposer autre chose que le soutien de Davis, menacé d'expulsion.

    Or, les masses populaires sont réalistes. Elles se rendent bien compte qu'avec cela on ne va pas bien loin dans la lutte pour la paix. Si pour une simple lutte de salaires, ou contre une injustice quelconque, il faut mener une dure lutte organisée, pour réaliser la paix mondiale il faut déployer mille fois plus d'esprit de sacrifice et d'organisation.

    S'il faut, comme certains orateurs l'ont dit, que les peuples eux-mêmes entrent en action, pourquoi aucun d'eux n'a-t-il dit mot sur la guerre d'Indochine ? N'y a-t-il pas là un foyer de guerre qu'il appartient à nous, travailleurs français, de détruire ? C'est en éteignant un foyer de guerre que nous seuls nous pouvons éteindre, c'est en arrêtant une guerre que notre propre gouvernement mène contre un peuple opprimé et désarmé, que nous mènerons une lutte efficace pour la paix et que nous donnerons un exemple aux peuples du monde entier. Ce n'est pas par des paroles vides.

Mais la dure réalité ne manquera pas d'instruire rapidement les masses à ce sujet. Et en démontrant l'inconsistance des pacifistes à l'eau de rose, elle leur montrera en même temps la véritable voie pour aboutir à la paix mondiale.