IL
FAUT EN FINIR AVEC LA SALE GUERRE ET
SES SALES AFFAIRES
L'affaire
des généraux Revers-Mast
révèle une fois de plus le vrai visage de la guerre
d'Indochine.
Sur le dos des masses, à qui on impose peines et misères
pour obtenir les centaines de milliards qu'elle nécessite, une
minorité,
celle qui dirige et qui occupe les plus hautes places, fait des
affaires,
trafique, conspire et s'enrichit. Si l'opposition de la classe
ouvrière
française à la guerre impérialiste n'avait pas
déjà
été dans ses meilleures traditions, à elle seule
cette
nouvelle preuve de la pourriture capitaliste suffirait à donner
raison aux ouvriers qui, en ce moment, associent à leur lutte
économique
la revendication de la cessation des fabrications de guerre, et qui
s'opposent
au transport de matériel et de troupes pour l'Indochine. |
Plus que jamais
les masses travailleuses veulent la paix, la paix dans le monde entier,
la paix en Indochine pour commencer ; réaliser celle-ci, quel
meilleur
moyen d'assurer l'autre ?
Cependant, malgré
le désir de paix des travailleurs, les mouvements de lutte
contre
la guerre sont dispersés et partiels. L'opposition
organisée
par le P.C.F. et la C.G.T. à Marseille n'a réussi
qu'à
retarder d'un jour le départ d'un navire ; et même si les
journaux n'avaient pas pu faire état du manque
d'unanimité
entre les ouvriers de Cherbourg pour une action du même ordre, il
ne fait pas de doute que le rythme de la préparation à la
guerre est plus intense que celui de l'opposition à la guerre, que
dans la lutte des forces de guerre contre les forces de paix, ces
dernières
ont provisoirement le désavantage.
Pourquoi la paix semble-t-elle
plus éloignée que jamais dans cette guerre d'Indochine
qui
dure depuis 1945 ? Pourquoi menace-t-elle d'être un simple
prélude
à la 3° guerre impérialiste mondiale ? Pourquoi cette
faiblesse des forces de la paix, alors que plus que jamais les masses
travailleuses
sont remplies de haine contre le sang versé inutilement et
contre
les forbans capitalistes qui en profitent ?
C'est parce que les organisations
ouvrières P.C.F. et C.G.T., qui appellent aujourd'hui les
travailleurs
à empêcher le transport d'armes et de troupes en
Indochine,
n'ont pris cette position que TRES RECEMMENT, il y a à peine
quelques
mois. Et cela ne suffit pas pour faire oublier aux travailleurs que
pendant de longues années ils ont été les
complices
de cette guerre, au déclenchement de laquelle ils ont
aidé.
N'est-ce pas le "camarade" Billoux, ministre de la
Production, qui
poussait à la fabrication d'armements ; n'est-ce pas le
"camarade"
Tillon qui déployait son zèle en tant que ministre de
l'Aviation,
quand les dirigeants P.C.F. collaboraient au gouvernement De Gaulle ?
N'est-ce
pas les chefs de la C.G.T. qui, malgré cette guerre, poussaient
à la production et s'opposaient aux revendications ? N'est-ce
pas
les députés staliniens qui votaient à
l'unanimité,
avec les autres députés du Parlement, les
crédits
de guerre, en trahison ouverte de tous les principes et de toutes
les
traditions de l'opposition parlementaire révolutionnaire
à la guerre ? N'est-ce pas les dirigeants P.C.F. et C.G.T. qui
prétendaient
que l'Indochine devait rester dans "l'Union française" (sic),
pour
que d'autres - les U.S.A. - ne s'en emparent pas ?
C'est cette longue complicité
dans la guerre d'Indochine des dirigeants P.C.F. et C.G.T. qui fait que
l'écrasante majorité des travailleurs accueille avec une
profonde méfiance leurs appels à une action pratique
contre
cette guerre. Or, la lutte pratique contre la guerre, autrement dure
que
la lutte revendicative, ne peut réussir que si les masses
travailleuses
ont pleine confiance dans les organisations qui les dirigent.
Cependant, malgré
les trahisons des dirigeants P.C.F., C.G.T. et socialistes, les
travailleurs
ne peuvent pas rester passifs devant la guerre d'Indochine et les
préparatifs
d'une nouvelle guerre mondiale. Ils ne peuvent pas ne pas s'opposer
à
la guerre, car une nouvelle guerre serait la destruction de
l'humanité.
Ils doivent s'opposer toujours davantage au transport et à la
fabrication
d'armes de tout genre et à la poursuite de la guerre d'Indochine.
Mais pour que leur lutte
ne soit pas inutile ou détournée de ses buts, il faut
aussi
que les travailleurs conscients rompent avec les dirigeants staliniens
et socialistes, qui les ont trahis, et s'unissent dans un Parti
révolutionnaire
honnête, complètement indépendant de tous les
Etats
policiers qui dominent le monde aujourd'hui.
Ce Parti ne peut être
qu'un Parti trotskyste, car le trotskisme c'est la seule doctrine
fidèle
à l'internationalisme prolétarien et la seule capable de
mener victorieusement les masses à la conquête du Pain,
de la Liberté et de la Paix.
INTENSIFIONS
LA LUTTE POUR LES
3.000 FR. POUR TOUS !
La lutte pour "les 3.000
fr." ne cesse de s'intensifier. Toujours plus nombreuses sont les
catégories
d'ouvriers qui montrent leur volonté de lutte soit par des
grèves,
soit par des débrayages, comme, par exemple, dans les transports
parisiens. Car le coût de la vie continue à monter. La
hausse
des tarifs du chemin de fer et bientôt celle du métro (qui
intéresse le 1/5° de la population parisienne) sont de
nouvelles
charges pour les masses travailleuses. Les loyers, la vague de froid et
la cherté de certaines denrées essentielles comme la
viande,
les condamnent à de plus grandes privations en ces mois d'hiver.
Mais Bidault, aux ordres
de la droite, pose à "l'homme fort" et dit toujours "non"
à
cette revendication essentielle, avec l'appui des ministres et des
députés
socialistes qui se livrent au petit jeu parlementaire pour tromper les
salariés.
Sous quel prétexte
? La liberté des salaires, paraît-il, sera votée
à
la fin du mois. C'est seulement dans le cas contraire que M. Bidault
envisage
de "reconsidérer" la question. Accorder les 3.000 fr. dès
maintenant ce serait "préjuger" des conventions collectives dans
le sens de la hausse", explique-t-il.
M. Bidault montre ainsi le bout de son
oreille
d'exploiteur. Mais pourquoi donc les travailleurs ont-ils
réclamé
le retour aux conventions collectives sinon pour obtenir une hausse des
salaires ? Supprimer le blocage des salaires sans les augmenter et
même
en les abaissant sous l'effet du chômage ou du lock-out
(chômage
artificiellement provoqué) ce n'est pas un avantage qu'on offre
aux travailleurs. C'est une attaque contre eux.
Les travailleurs exigent
les 3.000 fr. par mois et pour tous avec effet rétroactif
à
partir du 1er décembre parce qu'ils veulent que leurs salaires
soient
augmentés. Non seulement en raison de la hausse incessante des
prix,
mais aussi et surtout parce que leur force de travail leur est
payée
à moins de la moitié par rapport au premier trimestre de
1939.
L'argument du vote rapide
des conventions collectives n'est qu'une tromperie. Même si
celles-ci
étaient votées à la fin du mois, les
négociations
entre patrons et ouvriers ne peuvent aboutir ni rapidement, ni partout
à la fois. Elles dureront, selon les branches d'industries, de
longs
mois. Comment les travailleurs arriveront-ils à tenir avec leurs
salaires actuels sinon au dépens de leur santé et de
celle
de leur famille ? Partout, à l'exemple du métro, il faut,
par des meetings et des débrayages, renforcer la bataille des
3.000
fr. pour tous et des conventions collectives pour un salaire meilleur.
L A L U T T E
LE
PLAT DE LENTILLES DES
SOCIAL-DEMOCRATES
Les dirigeants F.O. se souviennent-ils
d'avoir appelé les travailleurs à la grève du 25
novembre
dernier ? Se souviennent-ils d'avoir exhorté les salariés
à montrer au gouvernement et aux capitalistes que la classe
ouvrière
était résolue à se battre pour
l'amélioration
des salaires toujours davantage rognés par la hausse des prix ?
Se souviennent-ils que l'empressement des travailleurs à lutter
ensemble a obligé toutes les organisations syndicales
à
se mettre d'accord pour cette journée ? Ces questions
s'imposent,
aujourd'hui que le gouvernement continue à refuser les 3.000
fr.,
qu'il réduit le minimum vital de 12.500 à 9.500 fr., que
les patrons lock-outent les travailleurs - aujourd'hui que la classe
ouvrière
a donc bien plus de raisons qu'avant le 25 novembre de s'unir
dans
la lutte.
Car les dirigeants F.O.
se taisent maintenant sur cette question et sur leurs appels d'avant le
25 novembre. Et leur silence les accuse d'autant plus que le
succès
de ce mouvement d'avertissement est une garantie de
réussite
pour la préparation d'une véritable grève
générale.
Quelle est l'explication
de ces attitudes différentes de F.O., avant et après
le 25 novembre ? Elle n'est pas difficile à trouver. Il y avait
évidemment, d'un côté, le fait que le
mécontentement
grandissant des salariés menaçait alors d'éclater
en un mouvement revendicatif d'envergure, dont seule la C.G.T. aurait
bénéficié
si F.O. n'avait pas pris une initiative dans ce sens. Mais
l'empressement
que mit le comité directeur du P.S. (S.F.I.O.), dont les
principaux
dirigeants étaient au gouvernement, à approuver cette
grève,
une grève dirigée contre le gouvernement dont
ils faisaient
partie, et dans laquelle la C.G.T. devait inévitablement
jouer
le principal rôle, prouve que l'initiative prise par F.O.
débordait
le cadre syndical et était intimement liée à
la
situation politique d'alors.
Quelle était la
situation politique dans les semaines qui
précédèrent
le 25 novembre ? Les radicaux, principaux porte-parole actuels du grand
capital et centre de toutes les combinaisons gouvernementales depuis le
succès du R.P.F. aux élections municipales et au Conseil
de la République, croyaient que la bourgeoisie était
suffisamment
forte pour en finir avec la politique de petites concessions et de
marchandages
vis-à-vis de la classe ouvrière, ils croyaient le moment
venu d'en finir avec le droit de grève, et par voie de
conséquence,
il leur fallait se débarrasser des socialistes, dont la
collaboration
et l'influence sur certaines couches ouvrières étaient
à
ce prix. Ils découvrirent donc brusquement que "rien de bon" ne
pouvait être fait avec les dirigeants S.F.I.O. Par une
série
de crises gouvernementales (Queuille, Moch, Mayer), ils étaient
prêts à provoquer la dissolution du Parlement et les
élections
au scrutin majoritaire ; celles-ci auraient réduit la
représentation
légale du P.C.F. à peu de chose, sans rapport avec le
nombre
de voix recueillies ; en même temps, du fait de
désistements
réciproques, la collaboration avec De Gaulle devenait
inévitable.
Les radicaux "de droite" auraient ainsi fait d'une pierre deux coups :
en même temps qu'ils se débarrassaient des socialistes,
ils
amenaient De Gaulle au pouvoir non pas comme leur maître, mais
"domestiqué".
C'est cette menace de
voir perdre leurs postes qui a poussé les leaders S.F.I.O. et
F.O.,
pour se montrer indispensables à la bourgeoisie, à
s'appuyer
sur les ouvriers et à aider au déclenchement de la
grève
générale du 25 novembre. Et la bourgeoisie en a compris
la
leçon.
Elle a compris qu'elle
ne liquiderait pas sans une résistance ouvrière acharnée
les droits démocratiques des travailleurs et leur lutte pour un
meilleur salaire. Elle a compris que la classe ouvrière unie
dans
la lutte est trop forte pour qu'on en vienne à bout simplement
au
moyen des C.R.S. et de la police. Elle a compris qu'il fallait encore
manoeuvrer
et diviser les travailleurs de France. Voilà pourquoi la
collaboration
avec les socialistes a été maintenue et pourquoi Bidault,
qui devait subir le sort de ses prédécesseurs
immédiats,
a obtenu un vote de confiance sur le budget. Car, en échange de
leurs portefeuilles - autrement dit pour un plat de lentilles - les
ministres
socialistes et leurs frères jumeaux de la direction de Force
Ouvrière
restent plus sages que des chiens dans leurs niches, se taisant
malgré
l'offensive que continuent à subir les ouvriers !
Mais la bourgeoisie n'en
poursuit pas moins, par d'autres moyens, l'exécution de son
plan.
Puisque les ouvriers sont encore capables de se battre, et même
de
bien se battre, il lui faut les vaincre sur leur propre terrain. Pour
cela,
elle dispose d'un instrument tout prêt ; les bandes de De Gaulle
qu'on a lâchées, avec la complicité de la police,
contre
Ivry, le 15 janvier, et qui viennent de renouveler leur petite
"incursion
dominicale" à Aubervilliers. Si les fascistes arrivent
à
se rendre maîtres de la rue, à briser le moral et la
combativité
des travailleurs, alors la bourgeoisie pourra suspendre
légalement
leurs droits démocratiques.
La gravité de l'attitude
des leaders socialistes et F.O. ne doit pas échapper aux
militants
honnêtes du Parti socialiste et de Force Ouvrière. La
grève
du 25 novembre n'a été possible que parce que l'appel a
été
lancé et par F.O. et par la C.G.T. Sans une entente entre
ces
deux organisations pour une lutte commune, aucun mouvement ne peut
réussir.
Car la C.G.T., elle non plus, n'a pas la confiance de la
majorité
décisive de la classe ouvrière. Tous les mouvements que
celle-ci
a essayé de déclencher depuis novembre-décembre
1947
l'ont amplement prouvé.
Nous tirons le signal
d'alarme. Seule l'intervention immédiate des ouvriers
socialistes
et communistes, C.G.T. et F.O., inorganisés et de toutes
tendances,
peut faire changer d'attitude les directions politiques et syndicales
ouvrières.
En les obligeant à mener une politique conforme aux
intérêts
des travailleurs, la classe ouvrière de France gagnera la
bataille
que les capitalistes sont en train de lui livrer.
A. MATHIEU.
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