POUR
GAGNER LA BATAILLE DES
CONVENTIONS COLLECTIVES
Avec le vote des conventions
collectives qu'ils ont imposé par leur pression de plus en plus
forte, les salariés ont enfin réussi à s'arracher
la camisole de force du blocage des salaires, institué par le
P.C.F.-C.G.T.
Ambroise Croizat quand il était ministre. Désormais les
patrons
ne peuvent plus se retrancher derrière cette loi pour refuser de
discuter de l'augmentation des salaires.
Patronat et gouvernement
se trouvent aujourd'hui devant un front ouvrier renforcé. Car
ces
conventions votées au moment où le gouvernement le
voulait
le moins, par une coalition P.C.F.-P.S.-M.R.P., sont de beaucoup
améliorées
par rapport au premier projet que l'Assemblée avait
envoyé
au Conseil de la République. Voilà qui augure bien de
l'efficacité
de la pression que la classe ouvrière aura à exercer sur
le patronat dans les discussions à venir.
Mais si la classe ouvrière
a emporté les barrages légaux dressés par le
gouvernement
autour des coffres-forts capitalistes, l'augmentation des salaires n'a
pas encore été obtenue. La prime de 3.000 fr.,
payée
au mois de novembre aux salariés gagnant moins de 12.000 francs
et celle accordée la semaine dernière aux salariés
gagnant moins de 14.000 fr., n'ont été qu'une
aumône
par laquelle les capitalistes ont voulu, en face de l'extrême
détresse
et du mécontentement général, prouver à bon
marché leurs bonnes intentions et leur bon coeur.
Les 3.000 francs par mois
et pour tous avec effet rétroactif du 1er décembre
restent
donc la principale revendication immédiate des travailleurs. Les
discussions entre patrons et ouvriers sur la base des nouvelles
conventions
collectives dureront encore longtemps, selon les entreprises et les
branches
d'industrie, et la nécessité d'augmenter les salaires est
urgente, car elle se pose depuis de longs mois. C'est le succès
ou l'insuccès de cette revendication qui décidera
finalement
si les conventions collectives se traduiront par une hausse ou par une
baisse des salaires.
Mais l'unanimité
faite autour de cette revendication qui, par son aspect
démocratique
(3.000 fr. pour tous) a suscité la confiance et renforcé
l'unité des ouvriers, est une garantie que de très
nombreuses
entreprises seront obligées d'accorder cette augmentation.
Il n'en est pas de même
pour les revendications inscrites dans les projets de conventions
collectives
établis par les centrales syndicales.
Si la revendication du
minimum vital que la C.G.T., par exemple, fixe à 20.000 fr. sur
la base de la semaine de 40 heures, est elle aussi de nature à
obtenir
l'appui unanime des ouvriers, les coefficients de salaires
prévus
par ses projets de conventions divisent les ouvriers et affaiblissent
par
conséquent leur capacité d'action. En effet, ces
coefficients
non seulement reconnaissent et consacrent la hiérarchie des
salaires,
mais l'élargissent considérablement par rapport à
celle qui existe. Or, celle-ci déjà ne correspond
nullement
à des différences de qualification. Les multiples
catégories
et sous-catégories dans l'échelle des salaires ont
été
créées par le patronat dans le seul but de diviser les
exploités
et de servir de justification aux privilèges des "gros". Les
nouveaux
coefficients hiérarchiques établis par les projets de
conventions
sont donc archi-réactionnaires, ils ne peuvent pas susciter
l'unité
et l'enthousiasme de la grosse majorité des travailleurs. C'est
pour ceux qui peinent le plus et pour ceux qui ont le plus de
sacrifices
à faire dans la lutte, qu'on réclame le moins. Ce qui
serait
démocratique et juste, c'est, au contraire, que les sommes
arrachées
au patronat bénéficient avant tout à ceux qui sont
au bas de l'échelle hiérarchique et qui sont
l'écrasante
majorité.
Les conventions collectives
basées sur l'aggravation de la hiérarchie actuelle ne
sont
pas la cause de la grande majorité des travailleurs. Elles ne
sont
donc pas justes. Or, la bataille ne peut pas être gagnée
si
la cause n'est pas juste. Pour gagner la bataille des conventions
collectives
il faut que les centrales syndicales proposent aux ouvriers des
revendications
démocratiques. Si elles persistent à maintenir leurs
projets
réactionnaires, les travailleurs doivent les repousser et leurs
militants de base doivent les obliger à les changer. Cela est
possible,
car cela est déjà arrivé à propos des 3.000
francs. En effet, jusqu'à il y a peu de temps, la C.G.T. qui, la
première, a mis en avant cette revendication, réclamait
3.000
francs hiérarchisés. Mais elle a dû y renoncer, et
il est même arrivé chez Renault, par exemple, que la
C.G.C.,
pour qui l'écartement de la hiérarchie est la raison
d'être,
accepte elle aussi cette revendication sous forme de 3.000 francs pour
tous.
Les travailleurs doivent
donc, dans chaque usine, exiger un vote pour repousser les conventions
collectives proposées par les centrales syndicales et pour
demander
que les augmentations les plus substantielles concernent les plus mal
payés,
et non l'inverse.
C'est à cette condition
que la classe ouvrière gagnera la bataille des conventions
collectives.
L a L u
t t e
L'OCCIDENT
SACRIFIE
"L'Europe occidentale
se trouve être militairement le point le plus exposé du
globe...".
"Aux Etats-Unis on a toujours été tenté de
sacrifier
l'Europe en cas de conflit..." Le Pacte Atlantique n'assure pas la
sécurité
de l'Europe. Qui tient ce langage ? Ce n'est pas L'Humanité,
organe du bloc russe, mais le journal officieux du Quai d'Orsay, Le
Monde, organe du bloc occidental, dans son bulletin de
l'étranger
du 10 février. Voilà où ils en sont, les
champions,
avec Franco, de "la guerre démocratique contre la dictature
de
l'Est", les promoteurs du Pacte Atlantique "pour la
défense
de la civilisation occidentale", les stratèges du "Si tu
veux la paix, prépare la guerre" ! Eux, qui
n'hésitent
pas et ne reculent devant rien quand il s'agit de maintenir un peuple
dans
la sujétion, eux qui demandent aux travailleurs toujours plus de
sacrifices matériels, toujours plus d'hommes pour la guerre
d'Indochine,
ils voudraient maintenant échapper d'une façon ou d'une
autre
au prochain conflit mondial, se soustraire au Pacte Atlantique, - car
depuis que les Russes possèdent la bombe atomique, la
destruction
de l'Europe occidentale dans un prochain conflit est certaine.
Destruction
non seulement des quartiers pauvres, des usines où travaillent
les
prolétaires, des objectifs militaires où se trouvent les
paysans et ouvriers-soldats, mais de la classe capitaliste aussi.
Lancées
par les Américains pour en déloger les Russes ou par les
Russes pour en déloger les Américains, les bombes
atomiques
anéantiraient toute trace de vie dans les villes occidentales et
c'est le désert qui prendrait la place de ce qu'on appelle "la
civilisation
occidentale".
On comprend que la perspective
d'une telle catastrophe effraie nos dirigeants capitalistes, à
tel
point qu'elle les oblige coûte que coûte à chercher
quelque chose pour l'éviter. Mais qu'ont-ils trouvé ? Ils
voudraient convaincre les Américains que la politique la plus
sage
serait "de laisser à l'Europe occidentale une certaine
autonomie
qui réduirait ses chances d'être entraînée
dans
la mêlée". Si l'Europe occidentale, "tout en restant
liée
à l'Amérique qui viendrait à son aide en cas
d'agression",
proclamait sa neutralité, cela empêcherait les Russes de
l'attaquer
pour ne pas se créer un ennemi de plus ! En substance, le
raisonnement
que nos dirigeants capitalistes tiennent aux Américains est le
suivant
: "L'aide que nous pourrions vous apporter en rentrant dès le
début
dans le conflit n'a pas de commune mesure avec les sacrifices que cela
implique. Nous avons signé le Pacte Atlantique quand vous
étiez
seuls à posséder la bombe atomique, quand vous
étiez
donc en mesure d'assurer notre victoire commune dans des conditions
acceptables
pour nous. La situation a complètement changé depuis que
les Russes possèdent la bombe : en cas de conflit, nous serions
les premières et les principales victimes ; pour éviter
ce
sort, nous voudrions que vous vous passiez au début de notre
aide,
nous voudrions proclamer notre neutralité".
Comme on le pense, les
dirigeants américains n'ont eu cure de telles propositions. Si
les
Truman étaient capables de penser à la
sécurité
de tous les peuples avant de penser à leurs
intérêts
impérialistes, ce n'est pas la troisième guerre mondiale
qui serait à l'ordre du jour, mais la paix universelle. Aussi
ont-ils
fait savoir qu'ils s'élevaient contre l'idée d'une Europe
occidentale "neutralisée", car cette neutralité ne serait
que tout bénéfice pour les Russes. Seulement, pour
rassurer
quelque peu les dirigeants européens, ils promettent de ne pas
utiliser
les bombes atomiques dans les territoires occidentaux, même si
ceux-ci
venaient à être occupés par les Russes.
On sait ce que valent
de telles promesses. Jusqu'à présent, seule la crainte de
représailles a empêché un belligérant
d'utiliser
une certaine arme contre son adversaire ; cela a été le
cas,
par exemple, dans la guerre de 1939-45, pour les gaz. S'il est donc
possible
que la crainte réciproque empêche Moscou et Washington
d'utiliser
l'un contre l'autre les armes atomiques, l'Europe occidentale ne
possédant
pas la bombe atomique est la seule à ne pas avoir de
garantie
dans ce domaine.
Mais quels que soient
les risques qu'ils courent, les dirigeants de l'Europe occidentale ne
peuvent
que s'incliner devant les exigences américaines. Ils sont
complètement
sous la dépendance économique et politique des
capitalistes
américains, sans lesquels le système capitaliste
occidental
s'effondrerait ; ils dépendent d'eux militairement, car c'est
avec
leur aide qu'ils essaient de sauver leurs possessions coloniales.
Quoi qu'il arrive, ils
sont obligés de se soumettre sans conditions.
C'est pourquoi le monde
occidental ne peut nullement être sauvé par les
rêves
de neutralité de ses dirigeants corrompus. Pour obtenir cette
neutralité,
il faudrait pouvoir l'imposer aux adversaires en présence. Mais
cela exige une force que ne possède point le monde occidental en
proie à la décadence capitaliste. Les essais de
certains
hommes politiques de lutter contre cette décadence en
réalisant,
sur des bases capitalistes, l'unification économique et
politique
de l'Europe occidentale - "l'Union Occidentale" - n'ont-ils pas, comme
il fallait s'y attendre, complètement échoué ?
L'Europe
ne se débat-elle pas plus que jamais dans une situation sans
issue
?
Pour unifier l'Occident,
il faut d'abord éliminer les capitalistes qui le maintiennent
dans
le morcellement et dans l'impuissance. La tâche historique
d'unifier
l'Europe économiquement et politiquement ne peut par
conséquent
être accomplie que par la classe ouvrière. L'Occident
sacrifié par le capital ne peut être sauvé que par
ses classes ouvrières unies pour la réalisation des Etats-Unis
socialistes d'Europe et du Monde.
A. MATHIEU.
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