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chronologie 1950 |
Nouvelle série -- N°7 |
23 février 1950
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Prolétaires
de tous
les pays, unissez-vous !
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Le
refus du patronat de la
métallurgie d'accorder les 3.000 francs a aussitôt
trouvé
la réponse qu'il méritait. Renouant avec leurs traditions
d'avant-garde d'avril-mai 1947, les travailleurs de chez Renault ont
empêché
leurs directions syndicales de tergiverser et se sont mis en
grève.
En agissant ainsi, en acceptant les risques d'une lutte longue et dure,
les travailleurs de chez Renault ont montré qu'ils se rendent
parfaitement
compte de la situation.
Les travailleurs de chez Renault ont compris que les 5% n'étaient qu'une aumône pour diviser et endormir le front ouvrier renforcé par la grève générale unie du 25 novembre 49 ; ils ont compris que l'acceptation de "l'offre" patronale, en fournissant à ceux-ci la preuve de leur faiblesse, serait en réalité le point de départ d'une contre-offensive capitaliste pour réduire les salaires au moyen de l'augmentation des "cadences", en faisant suer encore plus l'ouvrier ; ils ont compris que malgré la fin du blocage des salaires, les capitalistes sont plus que jamais décidés à leur imposer des salaires de misère. Ils se sont également rendu compte que l'Etat capitaliste, pour continuer à imposer aux ouvriers des salaires qui sont à la moitié et même au tiers de leur niveau d'avant-guerre, veut abolir tous les droits démocratiques des ouvriers et instaurer la dictature totalitaire. Ils savent qu'ils n'ont rien à attendre qu'une misère croissante et la guerre du régime capitaliste, régime de corruption et de scandales. Ils ont compris que la résignation est pire que la lutte. Mais les travailleurs de chez Renault ne sont pas seuls à avoir compris cela. La grande majorité de toute la classe ouvrière l'a également compris. Si à l'heure où nous écrivons, trois jours après le début de la grève Renault, précédée de la grève Ford et suivie par celle de Rosengart, il n'y a pas encore une grande extension du mouvement gréviste, ce n'est pas parce que la classe ouvrière refuse de se battre. La faute en incombe uniquement aux rivalités et à la peur des responsabilités des directions syndicales. La direction C.G.T., discréditée à juste raison par son action passée, est incapable de prendre seule l'initiative d'une action générale, la direction F.O. fait passer ses rivalités avec la C.G.T. avant toute autre considération et la direction C.F.T.C. n'est nullement empressée de se battre sous le règne de Bidault. C'est ainsi que chez Renault, pour que la grève devienne générale et soit approuvée par toutes les directions syndicales y compris la C.G.C., il a fallu que la 4 CV et l'Ile se mettent d'abord en grève, grâce à l'initiative de militants de base C.G.T. et S.D.R. et à un appel du S.D.R. Il en sera de même, malgré un comportement identique de la part des directions fédérales des organisations syndicales, dans toute la métallurgie et dans toutes les branches d'industries, partout où les travailleurs suent des profits pour les capitalistes. L'action d'en bas obligera tous les dirigeants d'aller de l'avant. C'est pourquoi la grève Renault ne peut pas rester isolée comme en mai 1947, quand elle fut réprimée par les dirigeants C.G.T.-P.C.F., ou sabotée, comme en novembre-décembre 1947, par les diviseurs F.O.-socialistes. Depuis, la situation a complètement changé. Ils ne sont plus au pouvoir, les ministres "communistes" et "socialistes" qui, pour conserver leurs portefeuilles capitalistes, s'opposaient aux revendications et à la lutte des travailleurs. La lutte menée, depuis trois ans, par la classe ouvrière les a obligés de quitter le gouvernement capitaliste et de rallier, de gré ou de force, le camp des ouvriers. Ils sont, de ce fait, obligés de lancer des appels communs allant dans un sens progressif, et cela permet aux militants honnêtes de toutes les organisations politiques et syndicales de s'unir fraternellement dans la lutte. Les travailleurs de chez Renault, de chez Ford et de chez Rosengart ne resteront pas seuls. Chaque jour qui passera verra, au contraire, s'étendre et se renforcer la lutte gréviste des ouvriers : LA GREVE GENERALE, COMME EN JUIN 36, DOIT ECLATER, car les travailleurs n'ont plus maintenant d'autre alternative que d'imposer aux capitalistes leur loi ouvrière, s'ils ne veulent pas être complètement écrasés par le Talon de fer du Capital. "Vive la grève générale", voilà quel doit être le cri de ralliement des travailleurs. La bataille est décisive et elle doit être gagnée ! Et elle sera gagnée, car dans le coude à coude de lutte des meilleurs militants ouvriers, et quelles que soient leurs tendances, surgira une nouvelle direction ouvrière, qui saura non seulement faire reculer momentanément les capitalistes, comme cela est déjà souvent arrivé, mais sera capable de les battre définitivement. Les
militants conscients ne doivent pas un
instant perdre de vue que si le mouvement ouvrier en entier se trouve
à
nouveau en péril, ce n'est pas parce que les travailleurs n'ont
pas combattu et fait d'innombrables sacrifices dans la lutte, mais
faute
d'une véritable direction.
L A L U
T T E
Devant le renforcement de
la lutte déclenchée par les travailleurs pour arracher au
patronat des conditions de vie plus décentes, les valets de
plume
de la bourgeoisie poussent à nouveau les hauts cris :
"Grèves
C.G.T. !", "Grèves politiques !", "La main de Moscou !".
Leur but, c'est non seulement d'égarer la masse de la population laborieuse, de la dresser contre les grévistes, mais surtout de fournir au gouvernement un motif légal pour la répression des grèves. Car c'est seulement en faisant passer pour un camouflage les revendications qui justifient les grèves, c'est seulement en prétendant que derrière elles il n'y a qu'un complot d'une puissance étrangère, que le gouvernement pourrait donner une apparence légale à ses agissements contre le mouvement gréviste. Sous ce prétexte, il peut faire jouer tout un arsenal de lois répressives contre les travailleurs. Il y a quelques jours n'a-t-on pas menacé les cheminots qui voulaient faire grève du bagne à perpétuité et de la peine de mort ? C'est ainsi que par un moyen détourné la bourgeoisie, qui a dû reconnaître aux travailleurs le droit de grève, veut le supprimer en fait. C'est sous couleur de soustraire les travailleurs à ce danger que de bons apôtres, comme ceux de Franc-Tireur , insistent pour que les travailleurs veillent à ce que rien ne les détourne de leurs revendications, pour que leur grève garde un caractère purement revendicatif et pour qu'elle ne soit pas détournée par des buts politiques. Il est difficile de trouver une manière plus hypocrite de voler à la rescousse de la réaction et du gouvernement, que les "conseils" de Franc-Tireur. Oui, tout ce que veulent les travailleurs c'est améliorer leur situation, en finir avec leur misère noire ; maintenant que la production est à 120% pourquoi continueraient-ils à gagner moins que la moitié et souvent le tiers de leur salaire d'avant guerre ? Oui, dans les grèves actuelles l'écrasante majorité des travailleurs n'a d'autre but que d'améliorer son niveau de vie. Ils ne se laisseront pas détourner de ce but. Seulement, les capitalistes et leur gouvernement peuvent-ils accorder satisfaction aux travailleurs tout en continuant la guerre au Viêt-nam ? Peuvent-ils élever le niveau de vie réel des travailleurs avec un budget de guerre de 600 milliards par an ? Pour que la situation des travailleurs soit allégée, pour que leurs revendications soient satisfaites, il est évident que les capitalistes et le gouvernement devraient arrêter la guerre au Viêt-nam, devraient mettre fin à leurs préparatifs de guerre. Voilà pourquoi ces messieurs entrent en fureur : c'est que les revendications ouvrières font obstacle à leur politique de pillage des masses en France et à l'étranger. Voilà pourquoi ils ont besoin d'utiliser l'épouvantail de la "main de Moscou". Voilà pourquoi ils ont besoin de crier aux "grèves politiques". Incapables de donner satisfaction aux travailleurs, alors que fleurissent les scandales, ils voudraient leur donner du plomb à la place du pain.
Mais les mineurs d'Amérique,
eux, sont-ils menés par la main de Moscou, poursuivent-ils un
but
politique ? Nullement. Leurs objectifs sont purement économiques
(les conventions collectives). Cependant la bourgeoisie a
déclaré
leur grève illégale et voudrait l'étrangler par la
force. Les travailleurs ne sont nullement intimidés par les
menaces
des capitalistes qui, de toute façon, les conduisent à
vive
allure vers la troisième guerre impérialiste mondiale.
Mais
il y a loin de la coupe aux lèvres. Cette misérable
campagne
contre les grèves et la volonté de répression de
la
bourgeoisie se heurtera à l'unité inébranlable de
la population laborieuse, devant laquelle le gouvernement se trouvera
impuissant.
Faut-il rappeler qu'en juin 1947 la grève unanime des cheminots
s'est déroulée sans que Ramadier ait osé prendre
contre
eux quelque mesure que ce soit ? Pour ne pas ouvrir la voie à la
répression, pour vaincre la bourgeoisie, les travailleurs
doivent
plus que jamais s'unir dans la lutte.
En mettant fin aux privilèges
de grande puissance que la Russie s'assurait en Chine par sa possession
de la Mandchourie et de Port-Arthur, le pacte signé le 14
février
à Moscou entre Staline et Mao Tse Toung marque une nouvelle
étape,
décisive, dans la marche des peuples coloniaux vers leur
complète
émancipation. Cette nouvelle victoire d'un peuple de 400
millions
d'hommes, jusque là réduit à l'état de
semi-colonie,
vient en effet à la suite de nombreuses autres victoires des
peuples
d'Asie sur l'impérialisme. Avant que Mao Tse Toung, par ses
victoires
sur Tchang
Kaï Check, ne s'émancipe à la fois des
Américains
et des Russes, 350 millions d'Hindous avaient secoué le joug
anglais,
70 millions d'Indonésiens ont amené les Hollandais
à
composition, et 25 millions d'Indochinois ont réduit leurs
conquérants
français à une maigre portion du territoire.
Mais Moscou s'est naturellement empressé de présenter ce traité sous un tout autre aspect. Faisant de nécessité vertu, la presse stalinienne prétend qu'en "renonçant en Mandchourie et à Port-Arthur à certains droits qui lui avaient été conférés... l'Union Soviétique fait preuve d'un esprit de collaboration dont seul un pays socialiste est capable". Si telle était vraiment la raison de la conclusion de ce traité, on comprend mal ce qui a empêché Staline de faire ce geste plus tôt. Est-ce parce que Tchang Kaï Check était l'oppresseur du peuple chinois et l'asservissait aux Américains ? Dans ce cas, on ne s'explique pas pourquoi il l'avait proclamé son allié et maintenu avec lui les contacts diplomatiques jusqu'à la dernière minute, tandis qu'il refusait toute aide à Mao Tse Toung. Mais point n'est besoin d'entrer dans un examen détaillé de la politique internationale de Staline pour se rendre compte de son imposture. L'Angleterre n'a-t-elle pas, elle aussi, dû renoncer à "certains droits qui lui avaient été conférés" en Chine et n'a-t-elle pas reconnu Mao Tse Toung ? Si les Russes rendent aux Chinois ce qui appartient aux Chinois, au même moment où les Anglais et les Américains en font autant, c'est que les Chinois sont assez forts pour les y obliger.
Mais la victoire du peuple
chinois sur ses exploiteurs séculaires ne sonne pas seulement le
glas du colonialisme, elle sonne aussi le glas du capitalisme. Car
c'est
uniquement par l'exploitation et le pillage des peuples d'Asie et
d'Afrique
que le capitalisme occidental arrivait encore à se maintenir.
C'est
des pays dits arriérés qu'il tirait les richesses qui
assuraient
à la métropole un niveau de vie supérieur, c'est
de
là qu'il tirait la main-d'oeuvre à bon marché, les
troupes pour la répression intérieure, la chair à
canon en cas de guerre, ce sont ces pays qui lui fournissaient les
marchés
en même temps que les bases stratégiques de guerre.
Maintenant,
au fur et à mesure que ces pays échappent à
l'exploitation
impérialiste, la crise du système capitaliste s'aggrave
toujours
davantage et pousse inexorablement la classe ouvrière vers la
révolution
socialiste.
A.M.
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