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N°6 - 15 janvier 1957
LA LUTTE DE CLASSE
(titre illisible)
Il a suffi d'une centaine d'hommes de main d'extrême droite pour qu'un meeting de plusieurs milliers de personnes - celui de Mendès France au Vel d'Hiv' -ne pût avoir lieu. Ceux-ci, en groupes, lancèrent des grenades lacrymogènes sur l'estrade dès le début du meeting et, la panique s'étant déclenchée, la police entra en scène et fit évacuer la salle. Voilà comment des énergumènes organisés peuvent réduire à néant des droits fondamentaux arrachés de haute lutte par le peuple aux classes dominantes, le droit de réunion inscrit dans la Constitution. Le fait est important parce qu'il survient à la suite de nombreux autres coups de main fascistes dont la presse s'est largement fait l'écho et qui démontrent que nous sommes en présence d'une action concertée et organisée visant ni plus ni moins qu'à profiter du pourrissement du régime parlementaire pour instaurer un régime totalitaire.
    Cela nous ramène aux beaux jours de 1933 qui, comme on le sait, ont abouti au coup fasciste du 6 février 34 que les ligues avaient monté pour instaurer un gouvernement fort.
    Qu'on ne nous accuse pas d'exagérer ! A l'époque aussi, le chef du gouvernement était un républicain d'aussi bon teint que Guy Mollet, M. Daladier en personne, un des chefs du parti radical qui devait devenir, peu de temps après, le 3ème leader du Front Populaire avec Thorez et Blum. Et cependant il a suffi de quelques milliers de fascistes armés mobilisés Place de la Concorde, pour que ce "grand républicain" -qui disposait en tant que chef du gouvernement, de toute la force de l'Etat soi-disant républicain et démocratique- capitulât devant les fascistes et s'en allât, laissant la place au réactionnaire Doumergue.
Si donc aujourd'hui les droits démocratiques élémentaires (de réunion, de presse, d'association) n'étaient défendus que par Guy Mollet et ses semblables à l'aide de la police "républicaine", nul doute que le résultat serait le même ; s'enhardissant de plus en plus à la suite de coups répétés comme l'incendie du local du P.C., les sabotages des réunions à la Mutualité et au Vel d'Hiv', les bandes fascistes finiraient par descendre dans la rue et obligeraient Guy Mollet, ou un de ses successeurs de même acabit, à s'en aller pour laisser la place aux Poujade, Biaggi, Tixier-Vignancourt et autres généraux du genre Faure.
    Voilà comment les choses se passeraient s'il n'y avait, pour défendre les droits démocratiques, que des Mollet ou des Mendès France. Heureusement il n'y a pas qu'eux. Pour défendre ces droits, il y a surtout ceux qui sont le plus intéressés à leur conservation : les masses populaires, la classe ouvrière à leur tête.
    Et c'est bien ainsi que les choses se passèrent en 34 : malgré les divergences et les rivalités profondes -encore plus profondes qu'aujourd'hui- entre les organisations se réclamant de la classe ouvrière (PS, PC, CGT, CGTU) la GREVE GENERALE fut déclenchée AVEC LEUR PARTICIPATION par une classe ouvrière unanime, 6 jours après le coup fasciste, c'est-à-dire le 12 février 1934. Des centaines de milliers de travailleurs et de petites gens défilèrent ce jour-là dans les rues de Paris ; et cette écrasante démonstration de force prolétarienne renversa la vapeur et inaugura une série de luttes ouvrières qui aboutirent à Juin 36.
    Dans la période qui vient, les travailleurs conscients du danger que représente le fascisme pour leur liberté, se montreront vigilants et prêts à se défendre comme il y a 23 ans. Ils ne doivent pas ignorer que, dans la mesure où un regroupement fasciste comme celui de Poujade (UDCA) a réussi à obtenir une certaine base de masse en se camouflant en défenseurs des intérêts professionnels et dans la mesure où la guerre en Afrique du Nord accroît le pouvoir de la caste des officiers, le danger de voir s'installer un "pouvoir fort" en France est même plus grand qu'il y a 23 ans.