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chronologie 1957 |
19
février 1957
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LA LUTTE DE CLASSE | |
LE PROJET GAZIER
Le projet
Gazier, qui doit être discuté à l'Assemblée
Nationale cette semaine, a déjà fait couler beaucoup
d'encre. Les antennes de
Radio Luxembourg, se sont même prêtés à un
match spectaculaire pour
"l'information" de ses "10 millions d'auditeurs" ! Qu'est-ce que
ce projet ? : Permettre à tous les assurés
sociaux d'être effectivement remboursés à 80% au
lieu de 55,50 et même moins
aujourd'hui. Pour cela M. Gazier a un moyen : unifier et limiter le
montant des
honoraires médicaux. Que pensent les
médecins de ce projet ? En général ils
sont contre car, disent-ils, cela porterait atteinte à l'aspect
libéral de leur
profession. Les
organisations syndicales CGT C.F.T.C. et CGT-FO se
sont prononcées pour le projet Gazier. Bien sûr
il serait ridicule de s'apitoyer sur le sort des
médecins qui touchent en moyenne de 5 à 6 millions
d'honoraires par an d'après
la Sécurité Sociale. Nais à qui fera-ton croire
que le gouvernement ait la
possibilité d'imposer un blocage des prix sur un poste
malgré tout assez réduit
de l'activité économique, quand il nous a maintes fois
prouvé qu'il était
incapable de limiter les hausses dans tous les domaines, sauf celui des
salaires. Car nous voilà au fond du problème. Pourquoi M.
Gazier, ministre socialiste, a-t-il besoin de
réclamer la limitation du prix des actes médicaux. C'est que le
prix des actes médicaux, comme tous les
prix, augmentent souvent. Comme les remboursements sont bloqués
à un plafond,
l'écart entre le prix remboursé et le prix payé au
médecin grandit de plus en
plus. Le moyen pour que cet écart se réduise est
cependant très simple. C'est
d'adapter les salaires aussi bien au prix des honoraires
médicaux qu'à tous les
prix de consommation courante. En augmentant
les salaires il serait possible de relever
le plafond de la Sécurité Sociale et ainsi ses
ressources. Cela permettrait de
rembourser effectivement les 80% de frais de médecin, quand nous
sommes malades
mais aussi de payer la hausse du beefsteack, des loyers et tout le
reste. Au lieu de cela
le gouvernement laisse filer les prix et
bloque les salaires par la falsification officielle des 213 articles.
Il a même
augmenté le plafond de la Sécurité Sociale de
456.000 frs. 528.000 frs. le
1/10/55 sans qu'il y ait d'augmentation officielle des salaires. Alors de temps
en temps il donne le change en baissant de
quelques francs le prix du cinéma de quartier, le prix du litre
de lait en
essayant de temps à autre de détourner l'attention sur un
bouc émissaire : au
début de 1956 c'était le petit commerçant, en 1957
c'est le médecin qu'il faut
remettre à la raison. Une fois de
plus le gouvernement avec l'appui des
bureaucraties dites ouvrières voudraient au travers du projet
Gazier nous faire
prendre l'ombre pour la proie. Au lieu de discuter sur le "projet
Gazier" nos ministres socialistes pourraient sortir l'Echelle Mobile
des
Salaires de l'oubliette où ils l'ont enfouie. Ainsi le
problème des tarifs médicaux sera résolu avec
les autres. Il n'y a pas
à faire payer ou le malade ou le médecin
pour éviter aux patrons de le faire. LES PEUPLES A
L'ENCAN L'O.N.U. que la
grande presse nous a présenté comme un
tribunal des peuples jugeant impartialement au nom d'une Charte
internationale
a montré une fois de plus jusqu'où son
indépendance allait. Après
bien des efforts et bien des démarches il est vrai,
la diplomatie française a obtenu de l'assemblée de
l'O.N.U. le rejet de la
motion afro-asiatique condamnant la guerre d' Algérie. Les
marchandages, pas
seulement de couloir, qui ont précédé ce vote ont
eu, étant quasi-publics, l'
avantage certain d'illustrer une fois de plus le caractère de ce
digne
successeur de la société des Nations. Comme dans notre
Parlement, absolument
tous les intérêts sont respectés , sauf ceux des
classes exploitées. De toutes
façons la condamnation par l'O.N.U. de la
répression en Algérie n'aurait eu qu'une valeur
symbolique, le Gouvernement
ayant à l'avance déclaré qu'il ne reconnaissait
pas à l'O.N.U. le droit de
juger de ses actes et par ailleurs l'O.N.U. ayant prouvé, avec
l'affaire hongroise
et celle de Suez que ses "condamnations" n'étaient guère
suivies
d'effet. Mais même
cela le Gouvernement français voulut l'éviter
et ce fut l'origine du marchandage qui "gagna" ce vote favorable.
Où
étaient les droits et les besoins du fellah algérien qui
se bat pour son
indépendance ? Sûrement pas à l'O.N.U. ce jour
là. La France obtint du
Gouvernement des U.S.A. son appui dans l'affaire algérienne
moyennant quoi ses
représentants à l'O.N.U. soutiendraient les U.S.A. contre
Israël sur la
question de Suez où pourtant ils étaient alliés. C'est ainsi
donc que ces juges impartiaux affirmèrent
solennellement que la France n'était pas coupable. Mais le
véritable tribunal où se tranchera la question
est bien plus impartial. Il est souvent trompé mais les parodies
comme celle
qui vient de se dérouler feront tomber les voiles et aux yeux de
tous les
opprimés du monde le rôle de leurs dirigeants
apparaîtra sous un jour
véritable. Ceux qui
libéreront l'Algérie ne siègent pas à
l'O.N.U.,
ce sont les Algériens eux-mêmes. Si l'O.N.U. s'est
seulement posé la question,
c'est uniquement parce que les Algériens ont déjà
les armes à la main. Dans les
années qui ont suivi la guerre, l'O.N.U. était
une agence impérialiste entièrement aux mains des
puissances occidentales. Maintenant
les occidentaux sont pris à leur propre piège et les
représentants des pays
coloniaux qui y siégeaient plus corme otages que comme
délégués, se font,
malgré eux sans doute, de plus en plus l'écho de la
révolte qui gronde de
l'Asie à 1' Afrique. Et les impérialistes au lieu de
parler en martres en sont
réduits à marchander. Cette soupape qu'est l'O.N.U.
cédera bien un jour. La
somme de rancoeur accumulée par des années de servitude
économique et politique
se traduira par une lutte ouverte, partout dans le monde ennuie en
Algérie, et
alors même les marchandages de l'O.N.U. seront inutiles. ET IL N'EN
ROUGIT PAS ! M.Pineau
a déclaré à l'O.N.U, qu'il n'a pas à rougir
de son action en Algérie. Cependant
même en France où l'information est censurée des
témoignages prouvent le
contraire. Dans
le Monde du 21/2/57, E.Mannoni rapporte comment dans la région
de Tizi Ouzou la
famine fut organisée en interdisant la circulation de personnes
et de biens
contre une population de plus de 200.000 habitants accusés "de
prêter main
forte aux rebelles ou de ne pas s'opposer à leur action, et par
conséquent de
s'être exclus de la "communauté française". Les
plus riches ont mangé des figues, "d'autres ont subsisté
comme ils l'ont
pu... et certains se contentèrent de glands". "...
Quelques mesures de tolérance destinées de toute
évidence à conserver des
administrés aux administrateurs, atténuent parfois la
rigueur de ces
mesures." [a]
Cette série de La Lutte de Classe, bulletin
ronéotypé, a été éditée par
le groupe Voix Ouvrière. |