retour accueil retour chronologie retour chronologie 1943

 


Document dactylographié, 3 pages
 
 

ITALIE - DEBUT AOUT 1943,

(Août 1943)

    Sur les évènements il faut d'abord établir la chose suivante- le parti travaille dans des situations qui se caractérisent en gros: 1° comme étant contre le courant. Le parti révolutionnaire du fait qu'il représente les intérêts permanents de la classe ouvrière est obligé, pendant la plus longue période de son existence peut-être, de lutter contre le courant, contre les conceptions petite-bourgeoises. Il y a des moments plus courts dans l'existence du parti où le groupement qui a su lutter contre le courant va avec le courant-, les évènements viennent donner une confirmation éclatante à ses conceptions antérieures. Il y a quelque temps nous luttions dans le mouvement pour une conception. Notre situation politique était défavorable, nous devions lutter avec énergie pour faire prévaloir une certaine conception des évènements, la pensée politique parait détachée des évènements, parce que la pensée politique cherche ce qu'il y a de caché dans les évènements. La pensée marxiste avait pour tâche de saisir ce qu'il y avait de profond dans les évènements, les montrer comme une conséquence inévitable de la marche antérieure des évènements. Quelle pensée a le droit de triompher dans les évènements? Ce n'est pas n'importe quelle pensée dite révolutionnaire. Nous devons lire soit dans le camp ouvrier, soit dans le camp de la bourgeoisie (pour les bourgeois éclairés les choses n'étaient pas cachées). Il s'agit d'une chose plus précise, est-ce que l'analyse que nous avons faite pas-à-pas de la situation a su expliquer les causes de ce changement, et le point où le changement aurait lieu. Rappelons nous le n' [de La Lutte de Classes] où nous avons analysé l'influence de l'avance soviétique sur l'Europe. Nous prenions les événements militaires comme ayant une influence de désagrégation sur le régime bourgeois en Europe. Quelles sont les forces cachées en Europe qui attendent de se manifester. Nous avons esquissé un tableau de l'Europe et sur la base du passé nous avons établi les points sur lesquels les évènements peuvent se produire. Relire les journaux pour voir comment avec l'application d'une méthode scientifique de pensée nous avons pu prévoir la marche des évènements.

    Le prolétariat italien était allé beaucoup plus loin que le prolétariat français dans la lutte de classes. Le prolétariat français a eu la Commune. Depuis les conditions objectives ont changé qui ont déterminé une autre marche des choses pour le prolétariat français. Le régime pourri de Mussolini qui n'a subsisté que par la victoire réactionnaire dans d'autres pays, en tombant raccourcit les jours du régime hitlérien lui-même. Il est indéniable que les évènements qui ont lieu en Italie ne sont pas la révolution prolétarienne, mais c'est le début de la révolution. Depuis quelques mois la radio anglaise se faisait l'écho de grèves qui avaient lieu en Italie. La radio anglaise présente tout ce qui se passe en Italie comme des actions en faveur des alliés. Quelle que soit les illusions de la foule, il reste que pour la première fois depuis 20 ans les masses ont fait irruption dans la sphère politique, là où se décide effectivement leur vie. La caractéristique principale de la révolution c'est l'irruption des masses dans la sphère politique. C'est cette irruption qui a provoqué non seulement la chute de Mussolini, mais la chute du régime fasciste lui-même. Les masses ont fait irruption dans la lutte avec des moyens de lutte plébéiens. Le gouvernement Badoglio a été obligé de prendre des mesures qui dépassent des combinaisons diplomatiques (libération des prisonniers). Les masses ont attaqué les prisons. Cessation temporaire des grèves par le décret de la peine de mort pour les grévistes, moment d'hésitation, mais les masses reprendront la lutte dans les jours qui viennent. Les soldats auraient refusé de tirer sur la foule à Milan. Preuve évidente pour ceux qui réfléchissent: conséquence des évènements d'Italie, mouvement révolutionnaire gréviste au Portugal, inféodé non pas à l'Axe, mais aux alliés. Au Portugal les grèves sont interdites, les soldats doivent remplacer les grévistes. Si on a conscience de ce qui a été le passé du mouvement ouvrier avant la guerre, on se rend compte que nous sommes en présence de l'écroulement des régimes politiques établis en Europe sur le dos du mouvement ouvrier, sous les coups des masses. L'essentiel était de savoir si sous les coups de la guerre il y aurait un effondrement comme en France, ou si les masses entreraient en action. En France aussi ce n'était pas uniquement la lâcheté ou la trahison. Il y a eu une série de trahisons et de défaites. Mais cette fuite avait aussi un aspect révolutionnaire, non confiance dans le régime, mais non l'aspect positif  (1)

    Les masses sont entrées en action sous les coups des évènements. Quelles sont les perspectives de ce mouvement, et c'est cela qui est important. Quelle est l'attitude des impérialistes? L'Allemagne commence à faire le chantage habituel: bolchévisme ou fascisme. Il faut trouver le moyen de s'entendre (entre capitalistes) sans quoi nous aurons le bolchévisme. Ce n'est pas dénué d'intérêt, la preuve que chaque fois que le gouvernement italien se raidit, Churchill a dit qu'il n'est pas de leur intérêt de faire capituler l'Italie par étapes, mais d'un seul coup pour maintenir en Italie un gouvernement bourgeois. Les contradictions sont multiples: entre l'URSS et les Alliés, etc. La lutte des masses introduit des inconnues. La principale préoccupation des alliés ce n'est pas seulement de gagner la guerre, mais de la gagner réellement, en pouvant établir leur propre suprématie impérialiste. Actuellement nous sommes en présence d'une guerre impérialiste et d'une guerre civile (Lénine). L'Italie est encore un pays impérialiste, demain par la lutte des masses il pourrait se soustraire à l'impérialisme. Le marxisme est obligé de prendre position en fonction de la nature des forces qui se manifestent. La force révolutionnaire est entrée en lutte, nous ne pouvons pas prévoir le déroulement. Il faut se tourner même vers les ouvriers les plus arriérés en leur expliquant que notre analyse se confirme, qu'ils se trouveront forcément dans la lutte, qu'il faut s'y préparer. Porter au maximum notre propre énergie révolutionnaire et la faire stimuler autour de nous.

    La classe ouvrière italienne nous montre la voie, malgré tout la solidarité de classe est beaucoup plus puissante que la solidarité nationale. En Italie (maintenant) (2) les intérêts de la bourgeoisie et ceux des masses sont en contradiction. La bourgeoisie veut sacrifier encore les masses italiennes. Les impérialistes rasent les villes, il faut laisser les Italiens cuire dans leur jus. Délibérément la bourgeoisie italienne sacrifie les intérêts des masses pour sauver ce qu'elle peut de ses intérêts impérialistes. L'Italie comme dit Churchill lui-même représente 1/10 des forces de l'Axe. Mais ils ont besoin de la bourgeoisie italienne, voir les collaborationnistes français, qui ont conservé des privilèges en Europe parallèlement à la domination de l'Axe. La bourgeoisie italienne sachant quels sont les intérêts des alliés veut gagner du temps, obtenir des meilleures conditions. Pour nous ce sont les masses qui peuvent par leur intervention balayer les plans de la bourgeoisie. La lutte des masses dans un pays a eu un effet électrique en Europe. Cette vague surgit dans une situation difficile, les années de guerre ont cloisonné les peuples. Avec les crimes des bourgeoisies, les haines entre les peuples se sont réveillées en l'absence d'autres possibilités. Mais le réveil des masses peut réveiller la solidarité de classe du prolétariat. Elle peut avoir ses effets dans d'autres pays, sur d'autres continents. La vague de 36 n'a pas été propre à l'Europe. De toute façon il faut tenir compte qu'en Europe le régime capitaliste est pourri et essoufflé. Le programme militaire des alliés est un pro-gramme de domination du monde et d'écrasement des évènements révolutionnaires. Les masses se trouvent désemparées, sans parti, mais avec des objectifs très précis: chute du régime fasciste, retour aux libertés démocratiques, récupération des prisonniers. Notre programme de transition pour les pays fascistes est juste. Dans toute l'Europe les masses entreront en action pour ces objectifs-là. Dans notre agitation nous devons donner, par des exemples, des objectifs précis. Quel que soit le chauvinisme, la masse a des revendications et des besoins précis. Les masses qui étouffent sous la dalle totalitaire voudront récupérer leurs libertés dès que la pression du fascisme sera moins forte. Il y a des facteurs qui pourront accélérer ou ralentir la marche des choses. Mais la première étape du mouvement ce sont les revendications transitoires. Nous devons appuyer ce mouvement à fond, tirer toutes les conclusions organisationnelles, tâcher de jouer un rôle.

    Pour jouer un rôle nous avons une base de travail qui nous est propre, renforcer notre propre action au sein des masses. Révolution russe de Février, pas de mouvement élémentaire, les militants instruits bolcheviks ont participé à la lutte des masses. Examiner de près les perspectives de regroupement, mais de toute façon avant tout tabler sur notre propre action.




1/ Sic

2/ Mot biffé dans l’original