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chronologie 1946 |
L'Emancipation
des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes (Marx)
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Numéro
5 |
BULLETIN INTERIEUR |
5 Janv. 1946
Prix
: 2 franc
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Ainsi, le travail d'arrache-pied des masses, leurs souffrances et leurs
misères, cela n'est qu'une CARTE dans la partie que nos
dirigeants
ont engagée avec les capitalistes des autres pays.
Ainsi, tandis que le Ministre du Ravitaillement déclare que si la carte de pain est rétablie, la faute en est aux Etats-Unis qui n'ont pas envoyé le blé promis, le Service américain d'information de Paris déclare de son côté qu'au lieu de 125 000 tonnes mensuelles promises, la France en aurait reçu plus de 150 000 (Combat, 1er janvier 1946) ! Qui ment ? Les gros trafiquants savent à quoi s'en tenir, mais il est impossible aux travailleurs d'y voir clair. Produire, produire, produire... pour que la bourgeoisie s'approprie le fruit de leur travail, voilà le seul "droit" des ouvriers ! Ceux qui produisent toutes richesses, les travailleurs manuels et techniciens, eux seuls peuvent, parce que c'est leur intérêt le plus profond, assurer une répartition équitable et rationnelle de ces richesses. C'est cela que nous voulons réaliser par le CONTROLE OUVRIER sur la production et sur la consommation, au moyen de Comités d'usine et de Comités de ménagères. En fait, l'économie du pays est complètement désorganisée par la concurrence acharnée entre les capitalistes, concurrence dans laquelle les usines et la main d'oeuvre jouent le rôle de soldats sacrifiés au gain des capitaines d'industrie. Nous sommes d'autre part écrasés par la charge parasitaire et anti-ouvrière de l'Etat capitaliste : sur environ 500 milliards de dépenses pour 1946, il est avoué 27 milliards pour l'Intérieur (police et l'ex-D.G.E.R.) et 160 milliards pour la guerre ! La ruine et la dépendance de l'économie française vis-à-vis de l'économie mondiale (capitaliste) sont clairement manifestées par la dévaluation, précédée et accompagnée de l'émission accrue de papier-monnaie. La presse gouvernementale nous rassure sur les "intentions" du gouvernement et Le Peuple (29-12) nous apprend que Croizat espère que "si les dispositions prises par le gouvernement sont respectées... il n'y a pas de raison de s'inquiéter particulièrement..." Doit-on considérer comme "mesure prise par le Gouvernement" la baisse des prix de tâches dans les Houillères Nationales, qui atteint jusqu'à 50% et fait perdre dans certains puits de 200 à 500 tonnes par jour ? Et si le Gouvernement n'est pas responsable de cette surexploitation et de ce sabotage qui se produit dans les entreprises "nationalisées", comment pourrions-nous lui accorder le moindre crédit pour l'ensemble du pays ? En fait, malgré toutes les déclarations sur la "stabilisation", les capitalistes font monter les prix en flèche, tandis que les salaires ne bougent pas. Cependant, les "stratèges" syndicaux passés du côté de la bourgeoisie s'opposent à L'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES parce que cela ferait monter les prix ! La position de la C.G.T. -stabilisation des prix- montre combien elle a abandonné le point de vue ouvrier pour s'intégrer à la machine gouvernementale bourgeoise. En essayant de justifier la politique catastrophique de notre classe "dirigeante", elle en prend la responsabilité aux yeux des masses, et ce ne sont pas ses 5 000 000 d'"adhésions" qui empêcheront son isolement. Les dirigeants actuels ont vécu sur la confiance que leur accordaient les travailleurs. Ce capital est maintenant bien prêt d'être épuisé. La crise est telle qu'il n'est plus possible aux "grands camarades" de jouer double jeu : il faut être avec les travailleurs ou avec le gouvernement bourgeois. Nos "chefs" ont eu le temps d'agir au Gouvernement. C'est sur ses actes que, dès maintenant, les travailleurs le jugent.
Un
ouvrier de l'usine Alsthom-Lecourbe nous écrit :
S'il n'y a pas de devises, pourquoi ont-ils voté le budget de la guerre, de la D.G.E.R., etc. ? Dans Combat du 19-12 nous lisons : "Les navires (venant d'Amérique chargés de blé) font route vers la France par le détroit de Magellan et la Terre de feu, car le gouvernement français ne dispose pas d'assez de devises pour solder leur passage par le Canal de Panama. Le voyage jusqu'aux ports français dure, dans ces conditions, 40 jours". Si cette affirmation est vraie, où passent les devises, sinon pour les nombreuses commandes de matériel d'armement ? Entre l'alimentation des riches et des pauvres, il y a un fossé. Les premiers disposent d'une alimentation de luxe et vivent du marché noir. On devrait donc recenser les riches et les éliminer du ravitaillement en leur retirant les cartes d'alimentation. Le marché noir prospère par le trafic et les stocks cachés chez les grossistes. On devrait donc inventorier les stocks et établir un contrôle par en bas de la répartition. Les dirigeants syndicaux ont-ils un boeuf sur la langue qu'ils ne parlent pas du contrôle indispensable des ouvriers, des ménagères, des paysans sur la production et la répartition ? Si dans toutes usines les ouvriers faisaient montre d'autant d'énergie que ceux de chez Alsthom, au lieu de frapper à la porte des "responsables", ils pourraient d'ailleurs organiser directement ce contrôle en commençant par aller dépister et inventorier les stocks et les dépôts. Travailleurs, revendiquez le contrôle ouvrier sur la production et la répartition ! TOUTE LA POPULATION LABORIEUSE EST AVEC VOUS DANS CETTE VOIE. De même chez Renault. "De nombreuses manifestations ont eu lieu, hier, en province, contre le rétablissement de la carte de pain. Des grèves de protestation contre la carte ont éclaté dans les usines d'Armentières, d'Halluin et de Fourmies. Les ouvriers protestent aussi contre l'insuffisance de la ration. A Fourmies et à Wigneries, les manifestants exigent des boulangers qu'ils vendent le pain sans tickets. A Rennes, dans la Somme, à La Rochelle-La Pallice des incidents analogues se sont produits". (Le Monde, 4-1-46)
Depuis
octobre 1945, les ouvriers sont autorisés à organiser des
syndicats libres, mais seulement sur le plan local. Les contacts
régionaux
restent interdits, ce qui a pour premier effet d'empêcher toute
résistance
efficace des ouvriers à l'exploitation capitaliste qui, elle,
n'est
pas locale.
Malgré ces entraves et les effets démoralisants d'une occupation sur le mouvement ouvrier, l'esprit de classe des travailleurs s'est manifesté par le nombre de demandes d'adhésion : 45 300 au début de novembre 1945 pour le Palatinat et le Wurtemberg-Hessen. Les nouveaux syndicats se sont chargé de toutes sortes de questions d'administration générale, de transport, de ravitaillement, etc... Ainsi, partout, la bourgeoisie "refile" aux organisations ouvrières toutes les difficultés causées par sa propre gestion. Bien que les syndicats allemands soient plus occupés d'administration que de lutte de classe (tout comme la C.G.T.), la reconstitution d'une classe ouvrière allemande organisée est un appui dans la lutte que mènent tous les travailleurs.
Le
manque de courant vient ajouter une pression supplémentaire au
fardeau
déjà bien lourd que la bourgeoisie fait supporter aux
masses
travailleuses sous divers prétextes.
Les usines de la région parisienne ne tournent que quelques jours par semaine et nombre d'ouvriers voient leur paye considérablement réduite. Sous le prétexte du manque de courant on impose d'abord aux ouvriers le travail du samedi et du dimanche : le dimanche, repos traditionnel des travailleurs depuis des siècles, et le samedi, repos traditionnel depuis 1936. Cela ne se passe pas sans résistance et sans mauvaise humeur de la part des ouvriers. Pour faire respecter la semaine des deux dimanches des milliers de militants ont lutté d'abord contre les décrets de Paul Reynaud . Sous l'occupation, jamais la répression vichyssoise n'a réussi à imposer aux ouvriers l'abandon des deux dimanches.
Mais aujourd'hui, le prétexte du manque de courant permet
à
la bourgeoisie d'imposer sa volonté aux ouvriers. Ainsi ils
travaillent
à des heures irrégulières, ce qui a pour
conséquence
de compromettre leur unité : ils ne peuvent assister aux
réunions
syndicales, leurs contacts sont limités, la presse circule mal.
Mais pour l'ouvrier la paye est considérablement réduite et il devient absolument impossible de faire bouillir la marmite. Déjà avec les salaires qui ne sont pas rajustés, les ouvriers, en faisant 48 heures, n'arrivent pas à vivre. Les indemnisations pour heures perdues sont basées sur la semaine de 40 heures (là on se souvient qu'il y a une loi des 40 heures). Mais la façon d'attribuer ces indemnités les réduit à presque rien pour la plupart des ouvriers. La majorité est classée dans la 2e catégorie d'O.S. ; les heures perdues sont réglées à 25 fr 40 sur lesquelles on prélève malgré tout les A.S. et les impôts, ce qui se solde par une diminution de plus de 2 000 francs par quinzaine. De plus, ces indemnisations ne sont pas payées par les patrons, mais par l'Etat ; ce qui a pour conséquence d'augmenter le déficit du budget, donc d'augmenter l'inflation et en dernier lieu se retourne contre l'ensemble des masses laborieuses sous forme d'impôts et de hausse des prix. Là où les ouvriers réclament une compensation pécuniaire à leurs sacrifices, le patronat ne voit plus que ses seuls intérêts et ne se soucie nullement de 'l'intérêt général". C'est ainsi que chez Thomson (C.G.C.T.) la direction s'étant fait passer en prioritaire a obtenu du courant pour 40 heures de travail; ; mais elle a posé comme condition aux ouvriers qu'ils ne revendiquent pas l'indemnisation du travail du dimanche ! Un arrêté du 13 mars 1944 du gouvernement de Pétain, prévoyait dans de pareils cas une indemnisation des heures de travail du dimanche de 50%. Mais le ministre du Travail n'ayant pas "encore régularisé" cette situation, on ne peut plus considérer cet arrêté comme une "obligation". Ce qui, pratiquement, signifie que la C.G.C.T. a la possibilité légale d'imposer ses conditions aux ouvriers. Tous les motifs imposés par la bourgeoisie pour écraser les ouvriers doivent être repoussés par la classe ouvrière. Il n'y a pas de charbon ? Que le gouvernement (bourgeois) en achète à l'Amérique au lieu de lui acheter du matériel de guerre pour aller combattre les Indochinois. Ce que les ouvriers veulent, c'est 40 heures de travail avec une paye leur permettant de vivre. C'est pourquoi ils doivent engager la lutte pour l'échelle mobile des heures de travail dans le cas où le patronat est incapable de leur assurer les 40 heures, ou dans le cas où il veut exiger d'eux des heures supplémentaires, et l'échelle mobile des salaires pour se garantir un salaire minimum vital. VAUQUELIN
-Il ne faut pas leur en vouloir : une heure supplémentaire tous
les jours, c'est la seule façon d'améliorer l'ordinaire.
Ce qu'il faut, c'est que les ouvriers puissent manger sans faire
d'heures
supplémentaires. Ce qu'il faut, c'est l'échelle mobile
des
heures de travail. En accord avec les délégués français, les travailleurs indochinois s'organisèrent rapidement et solidement sur le plan départemental, apportant ainsi un appui sérieux à la lutte des ouvriers français. Mais nos "dirigeants" et le bureaucrate Tollet , freinèrent la constitution du Comité National, en posant des conditions : --participation à la direction d'"élites" qui offrent toutes "garanties" aux dirigeants de la C.G.T., mais connues des travailleurs comme des bureaucrates pourris et dociles comme on en trouve trop dans les syndicats aujourd'hui. --un mandat de vote pour chaque corporation, qu'elle ait 50 ou 50 000 adhérents.
Les travailleurs indochinois n'ont pas accepté ces conditions.
Au
cours d'une réunion de délégués
départementaux,
ils décidèrent, eux aussi, de poser leurs conditions : élection
démocratique de leurs représentants et attribution de
mandats
de vote suivant une représentation proportionnelle.
Camarades ouvriers, produisez ! Les margoulins s'engraissent ! Gnome et
Rhône
(S.N.E.C.M.A.) -Le secrétaire Delteil expliquait, il y a
une quinzaine, que la section syndicale n'était pour rien dans
les
mauvaises directives de travail de ces derniers temps. Nous devions
faire
5 jours, puis total nous avons travaillé le lundi, mardi, avec
arrêt
le mercredi pour reprendre le jeudi. La semaine qui a suivi, certains
ouvriers
ont dû se renseigner sur les jours de travail auprès du
gardien,
qui, aimablement, les envoyait "balader".
Le rôle d'une section syndicale n'est pas de s'excuser des provocations patronales en disant qu'elle n'y est pour rien (c'est heureux !), mais d'imposer aux exploiteurs de traiter les ouvriers autrement que du bétail. Dans les ascenseurs. La maison la plus réactionnaire de la corporation, les ascenseurs Roux-Combaluzier, a trouvé le moyen de réduire à 30 heures par semaine le travail de ses ouvriers en prétextant les pannes d'électricité. Or, toutes les autres maisons de la place de Paris assurent le même nombre d'heures de travail hebdomadaire en fournissant un éclairage de fortune : lampes à essence, à carbure, piles, etc. Ainsi, Roux-Combaluzier, dont les directeurs Vernes et Guinet sont liés à la fameuse banque Vernes, fait payer par le gouvernement les heures de la 30e à la 40e, soit dix heures, mais à un taux réduit : mais le patron, lui, continuera à toucher intégralement ses contrats d'entretien qui viennent d'être majorés récemment. Bâtiment.
-La différence journalière entre la paye d'un
garçon
maçon et celle d'un compagnon est de 40 à 50 francs, le
travail
est aussi pénible pour l'un que pour l'autre. En 1936, le prix
de
l'heure était sensiblement le même pour les deux
catégories. Chantiers de
la Loire. Des ouvriers se plaignent de la différence de
salaire horaire de 15 francs qui existe entre les compagnons et les
manoeuvres. A la Radiotechnique
(Suresnes).
-Après avoir pendant de longs mois demandé aux ouvriers
et
ouvrières de "produire", la direction vient de fermer l'usine en
laissant aux travailleurs la somme de 600 francs pour 10 jours (y
compris
Noël et jour de l'An). Prétextant ne pas connaître le
tarifs de la récupération des heures improductives, elle
oblige le personnel à attendre ses décisions. Les
travailleurs
de la Radio, qui se souviennent de leur semaine impayée, lors du
manque de charbon il y a des mois, n'accordent aucun crédit aux
promesses de la direction. Renault.
-Les ouvriers qui manquent un jour dans les journées de travail
(même dans des cas indépendants de leur volonté) se
voient retirer l'intégrité du salaire chômé
de la semaine. Devant les protestations d'un ouvrier qui voulait aller
au bureau de son service, le délégué lui
répond
: "Cela est un ordre du ministre du Travail, on ne peut rien faire !".
Par suite des méthodes d'exploitation Boulanger, beaucoup d'ouvriers prennent leur compte au bout de quelque temps. Or, pour être candidat au titre de titulaire, les conventions actuelles exigent un an de présence dans l'établissement et 21 ans d'âge. Ces mesures anti-démocratiques servent les intérêts des patrons, beaucoup des délégués élus sont des ouvriers ayant de petites "planques", ou des résignés depuis longtemps dans l'usine. Nous devons lutter pour le droit d'éligibilité et de vote dès notre entrée dans l'usine, et cela sans limite d'âge aucune. Mais dès maintenant, dans toute action, à chaque fois qu'un délégué ne veut pas appliquer nos décisions, nous devons élire pour nous représenter les camarades les plus combatifs, sans nous soucier de toutes les formules bureaucratiques dans lesquelles patauge maintenant la C.G.T. |