retour accueil retour chronologie retour chronologie 1946
      
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous
La Lutte de Classes
Organe de l'Union Communiste (IVe Internationale)
 
N°60
  QUATRIEME ANNEE
 30 AVRIL 1946 
 
 QUE SIGNIFIE LE BOYCOTT DU REFERENDUM ?
    Aux élections du mois d'octobre dernier, le Parti Communiste Français avait mené une "grande bataille démocratique" contre le projet de loi proposé par De Gaulle qui, approuvé par une majorité de "oui-oui", sanctionnait une nouvelle fois le système de gouvernement incontrôlé et irresponsable que nous connaissons depuis Daladier, Reynaud et Pétain.

    Mais dans la nouvelle Constitution élaborée par le P.C.F. et le P.S. (avec le concours du M.R.P.) et présentée par le P.C.F. et le P.S. aux électeurs  TOUJOURS AU NOM DE LA DEMOCRATIE, se trouve incorporée précisément, telle que l'avait conçue De Gaulle, l'émancipation juridique du gouvernement vis-à-vis de l'Assemblée (articles 73 à 85 : dissolution automatique de la Chambre lors d'une deuxième crise ministérielle, etc.).

    Ce seul fait suffit à ouvrir les yeux à tout travailleur qui réfléchit sur le véritable sens de la lutte que se livrent les différents Partis qui se disputent le pouvoir actuel.

    Quand P.R.L. et M.R.P. crient qu'il faut voter "non", sans quoi nous nous exposons à la "dictature" DE L'ASSEMBLEE, ils se moquent du peuple, puisque la nouvelle Constitution rend le gouvernement indépendant de l'Assemblée : il LA DOMINE par la menace de dissolution. Etant eux-mêmes partisans de ce système, leur "non" ne tend qu'à pêcher en eau trouble, à exploiter en leur faveur le mécontentement qui règne dans le pays. Il s'agit encore moins pour eux, qui même dans une Assemblée croupion voient une menace de dictature, de démocratiser, de rapprocher le pouvoir du peuple.

    En réalité, la machine gouvernementale actuelle, qui défend les privilèges des capitalistes, s'est totalement éloignée du peuple. Comme on le voit par le nouvel exemple du P.C.F. lui-même, TOUS les partis qui prétendent gérer l'Etat actuel sont OBLIGES d'accepter (si on leur fait l'honneur de leur supposer des scrupules) la bonapartisation du gouvernement qui, en imposant sa volonté aux Assemblées par la menace de dissolution, gouverne uniquement au moyen de la police et de la bureaucratie.

    Les plébiscites servent précisément au gouvernement à MASQUER son émancipation de tout contrôle, à l'aide d'un prétendu vote populaire organisé autour de telle ou telle question juridique embrouillée : mais le résultat du vote n'influe en aucune façon sur le fait que le peuple aura toujours en face de lui un pouvoir oppresseur. Le fait qu'après le départ de De Gaulle, Gouin ait déclaré "nous revenons à la légalité républicaine", cela a-t-il entraîné quelque modification dans le système de gou-vernement ?
Plus l'Etat bourgeois devient totalitaire, c'est-à-dire soumettant la nation à une vaste oppression bureaucratique et policière, plus il a besoin de se camoufler derrière des "manifestations de la volonté populaire". C'est précisément dans les pays totalitaires et fascistes qu'avaient lieu le plus fréquemment des "referendum".

    C'est pourquoi, c'est en boycottant le referendum qu'on démasque le caractère anti-démocratique du régime actuel.

    Le retour à la démocratie véritable ne peut se faire qu'à travers la lutte directe des masses, qui     créeront au fur et à mesure les instruments et les organismes démocratiques nécessaires à leur action -tels les Comités d'usine, les organismes ouvriers de contrôle à tous les échelons- pour aboutir à la destruction et au remplacement de l'Etat totalitaire actuel par l'Etat démocratique des Comités ouvriers et paysans.


LE  O U I  DES CAPITULARDS
    Nous avions le "oui" de la fin du provisoire, de la stabilité, le "oui" d'un meilleur ravitaillement, le "oui" qui fait échec à la réaction, le "oui" de l'amitié entre les alliés -et ainsi de suite, suivant la tête du client. A ces "oui" de basse démagogie électorale des Thorez et des Duclos, vient, au dernier moment, s'ajouter le "oui" pour les véritables nationalisations, contre le patronat, pour la défense des revendications ouvrières, etc. Cette nouvelle variante, la pire de toutes, c'est le "oui" des capitulards, le "oui" que vient de prononcer la majorité du C.C. du P.C.I., parti soi-disant révolutionnaire.

    Bien que dans le n° 119 de La Vérité en date du 19 avril on ait pu lire sous la signature de J. Marcoux  : "Il est absurde et honteux d'inviter le 5 mai les masses laborieuses à lutter contre la réaction en leur demandant de voter une Constitution faite en collaboration avec les agents de la réaction même", dans le N°120 de la même Vérité (sic), le même Marcoux nous dit tout le contraire : "Le M.R.P. ayant fait bloc avec les partis bourgeois contre les partis "ouvriers" en faisant voter "non" au "référendum", il faut faire bloc avec ces derniers en faisant voter "oui", pour empêcher que le plébiscite pour ou contre le P.C.F.-P.S. tourne à leur désavantage".

    Sa tâche ainsi définie, Marcoux n'a plus qu'à psalmodier d'après Duclos : "ce qu'il y a dans la Constitution ("pourrie") importe peu, il faut voter avec les partis ouvriers contre la réaction". Mais pourquoi les chefs de ces partis ont-ils engendré une Constitution pourrie, gaulliste, et quelle est sa portée ? Peu importe à nos stratèges. Le "oui" que Thorez justifie par des phrases démocratiques, eux, le justifient par des phrases "révolutionnaires".

    Mais pourquoi capituler et se livrer à une basse démagogie de crainte que la réaction ait une majorité de "non" ? En octobre, De Gaulle et ses partisans, du P.S. au M.R.P. et futurs P.R.L. n'avaient-ils pas gagné une majorité plébiscitaire consacrée alors par le "oui-oui", ce qui n'a pas empêché De Gaulle d'être obligé de s'en aller quelques mois après ? Capituler devant le chantage stalinien, "bénir nos chaînes", voter une Constitution gaulliste sous prétexte d'empêcher la droite d'avoir une majorité de "non", cela n'empêchera nullement la réaction de se grouper, de se mobiliser. Tout au contraire, si elle peut ouvertement faire bloc et au nom de la "liberté", c'est précisément parce que la Constitution est pourrie. Dire oui à une telle Constitution, c'est vous en rendre responsables devant les millions de petites gens écrasées par l'Etat collecteur d'impôts et des travailleurs qui, livrés à la pire exploitation patronale dans les usines, voient que les "meilleurs défenseurs des profiteurs" actuellement, ce sont les Staliniens. Vos bonnes intentions ne sont que des trésors au fond des Océans. Vous ne pourrez pas, sous prétexte qu'un gouvernement P.C.F.-P.S.-C.G.T. représente un moindre mal, réconcilier les couches travailleuses exaspérées avec le régime actuel d'étouffement et de misère croissante. En faisant plébisciter le P.C.F. et le P.S., vous ne luttez pas contre le fascisme, vous ne faites que renforcer les partis qui, par leur action, sont les fourriers du fascisme.

    "Le parti du prolétariat ne peut s'emparer du pouvoir que si, en régime de propriété privée, c'est-à-dire d'oppression capitaliste, la majorité de la population se prononce en sa faveur", -ainsi s'expriment les démocrates petits bourgeois, larbins véritables de la bourgeoisie, mais qui s'intitulent encore "Socialistes".

    "Que le prolétariat révolutionnaire renverse d'abord la bourgeoisie, se libère du joug du capital, détruise le mécanisme gouvernemental de la bourgeoisie et il saura s'attirer le concours et la sympathie des masses laborieuses non prolétariennes, en satisfaisant leurs besoins au détriment des exploiteurs" -ainsi nous exprimons-nous". (Lénine).

    Ce ne sont que des petits-bourgeois "démocrates", tous ces dirigeants qui au lieu de guider les masses pratiquement dans leur lutte, les enchaînent à la domination de la bourgeoisie, à ses méthodes de propagande, à sa démagogie électorale et au crétinisme parlementaire. La majorité du C.C. du P.C.I. déguise sa capitulation devant la politique pourrie des staliniens au sujet du référendum en un "bloc avec les masses travailleuses". C'est pourquoi celles-ci auront mille fois raison en ne distinguant pas du bloc pourri que constitue la direction des Thorez et des Duclos, la partie qui s'appelle "majorité du C.C. du P.C.I." !

A. MATHIEU


L'ANTI-MARXISME  CONTRE LA CULTURE
    Les organes syndicaux appellent la jeunesse à s'éduquer et à participer activement au mouvement ouvrier : ce sont les paroles. Les "responsables syndicaux; non seulement ne les y aident pas, mais encore bien souvent font tout pour faire échouer les tentatives des jeunes d'intervenir dans le mouvement ouvrier autrement que par des bals et des mascarades : ce sont les faits.

    Ainsi, à la C.G.C.T. (Thomson-Favorites) la commission de jeunes décide de monter une bibliothèque, et un camarade met à sa disposition des livres propres à développer, en même temps que la conscience de classe des jeunes travailleurs, leur combativité (ouvrages de Jaurès , Engels, Silone , Gorki , etc...). Le délégué du comité d'entreprise s'y oppose, parce qu'il les trouve "trop tendancieux". "Noyés dans 500 autres livres plus classiques tels que Zola, Rabelais, France, Hugo, Balzac et nos grands classiques de la grande époque, ils pourraient à la rigueur être acceptés..." déclara-t-il. En effet, pour ces messieurs, c'est être "tendancieux" que d'être marxiste, et du côté des ouvriers. Peut-être pourrait-on même demander au curé de mettre sa bibliothèque à la disposition du syndicat ?

    Nous devons ajouter que nous ne voyons aucun inconvénient que les auteurs classiques figurent dans la bibliothèque, si on peut les y mettre. Mais empêcher sa constitution en attendant de les avoir, c'est un mauvais prétexte qui en dit long.

    En effet, si les jeunes sont trop "jeunes", au gré de ces messieurs, pour réfléchir aux problèmes sociaux, que reste-t-il à leur activité ? En dehors du travail abrutissant, la préparation militaire (qu'on les oblige à faire en dehors des heures de travail), le sport, les bals. C'est avec ces méthodes que Hitler a "éduqué" les jeunes prolétaires allemands...

    L'antimarxisme des bureaucrates de la C.G.T. apparaît ainsi dans toute sa signification antiouvrière, puisque la base même de tous les mouvements fascistes et réactionnaires a été, avec le travail abrutissant et la militarisation, l'antimarxisme.

    Sans rien faire contre l'état de choses qui les engendre, on reproche à la jeunesse de se dévoyer, de rechercher le marché noir, de perdre le goût du travail, etc... Et ce sont ces mêmes moralisateurs qui ferment aux jeunes l'accès à la culture. Jeunes travailleurs, montrez votre indignation à ces soi-disant dirigeants, passez outre à leur interdiction, avec ou sans leur consentement constituez votre bibliothèque d'usine !

LUCIEN
QUE VAUT LA CONSTITUTION ...
    Sous le titre "Les agents des trusts", L'Etincelle, journal de la section du P.C.F. de Billancourt, écrit : "Un certain Barrière qui travaillait à l'atelier 323 aux cylindres, se permettait pendant l'heure du déjeuner de distribuer des tracts et journaux antisyndicaux et trotskystes et en même temps inciter, par des paroles démagogiques, les ouvriers à la grève".

    Les mouchards avouent le motif pour lequel ils ont fait renvoyer le camarade en allant le dénoncer à la direction ; ce n'est pas celui qu'ils avaient invoqué, à savoir que "le règlement interdit la diffusion d'imprimés dans l'usine". Le véritable motif, c'est que le camarade "incitait les ouvriers à la grève"...

    A la Chambre, on vient de voter le texte d'une Constitution "démocratique" où il est dit notamment : "Le droit de grève est reconnu à tous dans le cadre des lois qui le réglementent" (Art. 32). La C.G.T. vient d'inviter les syndiqués à répondre "oui" à cette Constitution. Le droit de grève reconnu à tous suppose pour tous le droit de faire de la propagande en faveur de la grève. Et ce sont ceux-là même qui se prétendent les meilleurs défenseurs de la "Constitution", qui la violent en désignant à la répression patronale les ouvriers qui font de la propagande en faveur d'un droit reconnu par la Constitution...

    Que ces individus se défendent en attaquant les militants ouvriers, c'est leur rôle de chiens de garde du ca-pital. Qu'ils les calomnient, c'est leur affaire ; les ouvriers sauront bien tôt ou tard faire justice aux méthodes employées. Mais qu'ils les fassent mettre à la porte, ceci est bien une preuve et un aveu que la Constitution démocratique n'est qu'un chiffon de papier quand il s'agit du sort des travailleurs...
 


LA DEMAGOGIE ELECTORALE
ET LE RAVITAILLEMENT DE LA CLASSE OUVRIERE
    Plus que tout autre, L'Humanité fait couler beaucoup d'encre autour des scandales sans cesse répétés du ravitaillement. Cachin écrivait le 19 avril dans un article "Le Ministre a parlé" : "Il faut le répéter à satiété pour qu'on l'entende enfin, le problème du ravitaillement du peuple de France est un des plus importants à l'heure actuelle, c'est à lui qu'il faut d'urgence accorder l'attention la plus vigilante..." "Le mal essentiel est l'opposition croissante, criante et cynique, entre la surabondance pour les uns et la plus sévère restriction pour les autres..." "Dans sa déclaration à la radio, le Ministre du Ravitaillement nous informe que pour la plupart les denrées alimentaires même les plus indispensables échappent au marché régulier, viande, beurre oeufs, à peine dans leur ensemble 10 à 20% des denrées entrent dans le circuit du ravitaillement général..."
    "Sus aux affameurs" font afficher P.C.F., C.G.T. et les syndicats des métallurgistes du XVe, XIVe et XIIe arrt. : "Boulanger, directeur du trust Citroën-Michelin, un des plus grands saboteurs de l'économie française, qui possède deux fermes de 1 800 hectares laisse à ses travailleurs une nourriture de famine".
    Le P.C.F. fait ainsi figure de défenseur des intérêts ouvriers. Mais Boulanger, le réactionnaire et l'affameur siège avec le "communiste" Waldeck-Rochet et d'autres dans la Commission du "Plan Monnet" chargée de la "modernisation de la France".
    Quand les ouvriers de chez Citroën veulent défendre leur nourriture devant Boulanger l'affameur, les staliniens prennent position contre par leur mot d'ordre "produire" et Boulanger récolte les fruits.
    La production échappe au contrôle des ministres et les préfets, les hauts-fonctionnaires, les répartiteurs sont corrompus et entre les mains de la haute finance. Mais le P.C.F. n'arrête pas pour cela sa démagogie, et sous le titre : "Le scandale des pommes de terre", il déclare : "Nous, communistes, avons toujours lutté contre le marché noir et les affameurs... mais pour assurer le ravitaillement des travailleurs devant la vente libre de ces précieuses tubercules, nous vous disons : pas une cantine, pas un ménage, pas une école ne doit rester sans passer ses commandes à la campagne ; pour la prochaine récolte, il faut gagner la bataille du ravitaillement, il faut produire, il faut ensemencer, pas un pouce de terrain ne doit rester inculte".
    Dans le Seine-et-Oise, dans les Ardennes, les fermiers producteurs attendent encore le passage du ravitaillement général. Cachin pense-t-il que les travailleurs sans famille peuvent remplacer l'administration impuissante, et se ravitailler, sans un organisme véritablement entre leurs mains, d'où seront exclus, par un contrôle ouvrier, tous les trafiquants et les spéculateurs ?
    Quand les staliniens disent  : il faut ensemencer, les ouvriers sont en droit de demander : avons-nous travaillé moins, avons-nous ensemencé moins ? Nous disons non ! Les ouvriers travaillent plus avec un salaire 10 fois inférieur, minés et malades, mais puisque les spéculateurs, les grossistes, les affameurs profitent de nos efforts, comme le dit Cachin, n'avons-nous pas raison, nous producteurs ouvriers, de vouloir obtenir le droit de regard dans les affaires du capital, les prolétaires n'ont-ils pas raison de poser la question : nous voulons savoir ce que vous faites de notre production, nous voulons également le droit de regard sur la répartition, ce que justement ne veulent pas les Boulanger, les Frachon et les Cachin.
    Mais les travailleurs ne sont pas dupes d'une habile propagande, ils savent que la production et la répartition sont les deux bouts du même bâton. Les chefs staliniens, incapables de les défendre devant les capitalistes par crainte de perdre leurs privilèges, utilisent les scandales du ravitaillement pour accomplir leur campagne électorale, ils "spéculent" ainsi sur ce qu'il y a de plus précieux pour l'avenir de l'humanité, mais comme dit le proverbe : "Qui joue avec le feu se brûle" ; les travailleurs leur disent : "Vous faites de la démagogie, mais cela tout le monde le sait, notre vie à nous, c'est l'avenir de nos foyers, et cela dure plus longtemps qu'une campagne électorale ; c'est pour cela que nous n'accordons aucune confiance aux affameurs, à ces gens-là, nous leur disons : SANS NOURRITURE, PAS DE TRAVAIL !
RENARD

Le salaire au rendement contre les ouvriers
Chez Renault
Le boni est collectif. Les ouvriers doivent suivre la chaîne et ils savent le nombre de pièces qu'ils doivent faire par ce que leur en dit le chef d'équipe ; le règlement prévoit bien que chaque ouvrier doit connaître le temps qui lui est alloué pour faire ses pièces, mais pour le vérifier il faudrait de vraies aptitudes comptables.
Par le système du travail au rendement, la direction crée la division entre les ouvriers d'une même chaîne : certains ont des temps relativement bons qui leur permettent d'augmenter la cadence, tandis que d'autres déjà crevés ne peuvent tenir le coup. Par le salaire au rendement, que les organisations syndicales ont combattu de tout temps et qui est maintenant posé comme une "revendication" par la section syndicale, la direction permet à quelques ouvriers dont les temps sont "bons" d'augmenter un peu leur paye en travaillant beaucoup plus, et oblige les ouvriers dont les temps sont mauvais à se crever au travail pour quelques francs de plus par jour, au grand détriment de leur santé.
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Chez Carnaud
Dans un atelier, les ouvriers, en travaillant péniblement, arrivent à une production telle qu'il est pratiquement impossible de l'augmenter ; donc impossible d'augmenter le salaire au rendement.
Dans la mesure où certaines ouvrières plus agiles arrivent à augmenter leur production, la direction diminue au fur et à mesure le prix des pièces. Ainsi il s'avère que non seulement le salaire au rendement ne permet pas aux ouvrières d'augmenter leur paye, mais encore il est une source de diminution. En effet, dans la mesure où une ouvrière a crevé le plafond avec l'espoir d'augmenter sa paye, la quinzaine suivante c'est toutes les ouvrières qui sont diminuées puisque les prix ont été diminués.
Fidèles à leurs traditions, les ouvriers doivent combattre le salaire au rendement qui use et divise la classe ouvrière. Surtout aujourd'hui, où par l'emploi du boni, du système bedeau, du système schuller ou autre, le mode d'exploitation des ouvriers est devenu une véritable science que les économistes bourgeois désignent sous le nom de O.S.T. (organisation scientifique du travail) et que l'on pourrait traduire par : art d'exploiter au maximum les ouvriers avec le minimum de frais. A bas le salaire au rendement !
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Ne touchons pas a la part des bourgeois
Dans un article de La Vie ouvrière, intitulé "Les salaires ne sont pas bloqués", André Lunet, secrétaire de l'Union des Syndicats ouvriers de la R.P., écrit :
"En effet, actuellement une augmentation nominale des salaires, sans une augmentation proportionnelle du volume des marchandises mises sur le marché, aboutirait inexorablement à l'augmentation des prix, au développement du marché noir, à l'inflation ruineuse pour le pays et pour les salaires."
En termes clairs, la part des ressources qui passe au marché noir et qui est l'apanage des bourgeois et trafiquants doit rester intacte : si les ouvriers veulent la possibilité, par l'échelle mobile des salaires, d'y toucher, nos bonzes syndicaux ne l'admettent pas. Il ne faut pas que les ouvriers puissent concurrencer, devant les marchandises existantes, les bourgeois qui, eux, peuvent les acheter.
La solution proposée par André Lunet aux ouvriers est toute simple : "Vous voulez manger ? Augmentez votre rendement !" De cette façon, les ouvriers doivent produire beaucoup plus (et par suite, dans la même proportion, augmenter les produits offerts aux repus), pour avoir un rien de plus, de l'ombre de cette valeur surproduite.
La bourgeoisie, pour maintenir ses privilèges sacrés, a un appareil étatique monstrueux à sa disposition. Comme si cela ne suffisait pas, les renégats de la classe ouvrière viennent lui donner leur appui. Mais de toutes les "explications" de Lunet, nous, producteurs, ne voulons pas tenir compte. Nous leur répondrons par notre action de classe indépendante et en appliquant nos mots d'ordre : "Echelle mobile des salaires, comme garantie de notre pouvoir d'achat."
Robert Denis. 
L'Armée du peuple
Le mardi 3O avril, alors que nous collions des journaux sur le parcours du défilé du 1er Mai, des militaires de l'hôpital situé à l'angle du faubourg Saint-Antoine et de la rue Picpus, nous prirent à partie :
"Vous allez voir, les communistes, on va vous casser la gueule... Thorez au poteau ! Bande de dégueulasses..."
C'est cette armée domestiquée et anti-communiste des engagés de Leclerc et de Delattre de Tassigny que Maurice Thorez appelle "l'armée du peuple". C'est pour renforcer cette armée, qu'il y a environ un an, en même temps qu'il désarmait les "milices patriotiques", Thorez lançait le mot d'ordre : "Nous voulons la mobilisation des jeunes classes". Les jeunes que Thorez engageait à rentrer dans l'armée, "éduqués" par les culottes de peau de la bourgeoisie, sont devenus les soldats de l'anti-communisme...

COMMENT L'ON EDUQUE LES OUVRIERS
Chez Renault, les collecteurs syndicaux ont présenté aux ouvriers des cartes des "amis du P.O.F." (parti ouvrier français). Voici à ce sujet une conversation entendue entre un collecteur et un ouvrier :
--Tu veux ta carte du P.O.F. (parti ouvrier français) ?
--Qu'est-ce que c'est ? Le parti communiste ?
--Non, c'est un nouveau parti  pour grouper tous les ouvriers de toutes les tendances.
--Mais pour cela, il y a la C.G.T.
--Ce sera au-dessus de la C.G.T.
--Pour quoi faire ?
--Pour grouper tous les ouvriers.
--Sur quelle base, il y a un programme, des statuts ?
--Pas pour l'instant, nous devons d'abord regrouper les ouvriers, ensuite il y aura un programme et des statuts.
--Je ne comprends pas ; qui fera ces statuts, sur quelles bases ?
Un autre ouvrier intervient : "Mais si mon vieux, c'est une mutuelle quoi ! Tu donnes 5 francs ; quand tu es malade, on te donne de l'argent".
--C'est un peu ça, mais c'est pas tout-à-fait ça. C'est pour grouper les ouvriers, tu es d'accord pour grouper les ouvriers ?
--Oui, mais il y a la C.G.T. Enfin, donne ta carte, on verra bien.
*   *   *
Ces gens du P.C.F. et autres P.O.F. prétendent réaliser l'unité de la classe ouvrière. Pour eux cette unité consiste à acquérir des clients, à placer des cartes. Pour cela, pas besoin de s'embarrasser d'explications ni d'éclairer les ouvriers. Mais les véritables représentants de la classe ouvrière ne sont pas ceux qui lui demandent de suivre les "guides éclairés", mais ceux qui arment le prolétariat d'une théorie révolutionnaire, ceux qui lui donnent la possibilité d'étudier et de comprendre pour qu'il puisse agir par lui-même. Ce n'est pas pour se laisser guider par des slogans et des méthodes démagogiques, dignes des fascistes, que les meilleurs éléments prolétariens et socialistes ont lutté pendant des dizaines d'années pour armer le prolétariat de la doctrine scientifique du marxisme et lui donner conscience de son rôle d'avant-garde éclairée de la société.
E C H O S . . .
Assemblée générale chez Carnaud
Les réunions ont eu lieu par atelier au lieu de se tenir pour toute l'usine. Il a été question surtout de l'augmentation du boni, qui est très faible. Les anciennes réclament une augmentation du taux du boni, ne comprenant pas que c'est un moyen pour le patron d'empocher des superbénéfices. Les jeunes sont partisans de la suppression du boni et d'une augmentation sur le salaire de base, car très peu arrivent à faire du boni. Mais leur conscience de classe n'est pas suffisante pour envisager une action, car aucune n'était présente à la réunion. Une ouvrière a posé la question : "Et les conventions collectives ?" Ce à quoi une déléguée a répondu : "Maintenant que c'est le "non" qui est passé, nous ne les présenterons qu'après le 2 juin."
Tous les prétextes sont bons : d'abord il ne fallait rien faire pour ne pas gêner "l'action" de "notre" gouvernement, maintenant il faut attendre voir ce que sera le prochain. Mais une défaite électorale peut-elle être un motif valable pour abandonner la lutte revendicative ?  C'est au contraire l'action directe de la classe ouvrière qui est plus importante et plus décisive que tous les bulletins de vote.
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CITROEN
Citroën (Grenelle)
Devant le mécontentement des travailleurs qui réclamaient une juste augmentation, la section syndicale, qui réclamait le salaire au rendement, avait soumis à la direction une liste de 21 revendications, la principale étant le paiement des taux minutes dépassant la 60° aux taux minutes de base. La direction a donné une réponse négative, invitant en même temps les ouvriers à produire. Un nouveau règlement vient d'être apposé : ne pas siffler, ne pas causer... Comment notre section syndicale compte-t-elle augmenter notre niveau de vie qui ne fait que baisser, puisqu'elle nous prive de notre seule arme devant une direction si rapace, l'action directe ?
La direction patronale réactionnaire des Usines Citroën renforce son offensive anti-ouvrière, en instituant à nouveau le règlement de l'usine.
Ce règlement de bagne interdit aux ouvriers de bouger de leur place, de parler ou de siffler et les met à la discrétion totale de la maîtrise ; en un mot, il ne fait que renforcer l'oppression des ouvriers en les abrutissant davantage et en faisant peser sur eux, à chaque instant, la menace d'un renvoi immédiat.
Ce règlement, la direction l'avait supprimé durant l'occupation, pensant ainsi distraire l'attention des ouvriers de l'exploitation féroce à laquelle elle les soumettait depuis la déportation de nombreux travailleurs en Allemagne. Sa réapparition consacre ce fait que, devant une C.G.T. désarmée parce que ne s'appuyant pas sur la force des ouvriers prêts à la lutte, la direction patronale ne craint plus rien. Elle l'a d'ailleurs bien montré il y a quelque temps, lorsqu'elle renvoya de l'usine de Grenelle, un jeune O.S. militant du P.C.F., alors qu'il vendait l'Avant-Garde , et la section syndicale ne put alors intervenir.
Cette section syndicale, partisan de la parlotte lorsqu'il s'agit de défendre les revendications ouvrières, sait pourtant agir lorsqu'il faut empêcher la presse révolutionnaire de se répandre dans les masses prolétariennes. Témoin l'attaque dont furent l'objet les vendeurs de la Lutte de Classes devant cette même usine de Grenelle. Et ils n'ont pas hésité ensuite à s'attaquer à un sympathisant dans l'usine, mettant en contradiction flagrante les paroles de Thorez prononcées le 1er Mai sur le droit des minorités à s'exprimer librement.
Est-ce de cette manière, c'est-à-dire en excluant toute démocratie prolétarienne réelle du mouvement ouvrier et en émoussant la combativité des masses qui s'habituent à ne plus compter sur leurs propres forces, mais sur des délégations de bureaucrates, que l'on compte conjurer le péril fasciste ?
Lisé.
A Clichy, au Bronze-Alu
La Commission syndicale avait promis de défendre les intérêts des ébarbeurs devant la direction. C'est dans ces conditions que ceux-ci avaient repris le travail après plusieurs heures d'arrêt. Mais après plusieurs jours d'attente, ils ont dû de nouveau débrayer. "Encore de vaines promesses - disent les ouvriers - avant l'augmentation générale de 1 fr.5O de l'heure ; nous travaillons 160 pièces pour 13 fr.8O ; aujourd'hui il faut en faire 200 pour 13 francs." Voilà où mène le mot d'ordre "produire" dans une société capitaliste. Ce qui n'empêche pas un responsable du bronze-alu de déclarer : "Ce n'est pas parce que cela va mal et que tout le monde dit que le Syndicat ne fait rien, qu'il faut que l'opposition crée la scission entre les travailleurs."
Si les responsables syndicaux demandaient aux travailleurs de faire cesser les agissements dégoûtants de la direction par une action véritable, tous les ouvriers seraient derrière eux, et à ce moment-là il n'y aurait plus d'opposition.
Pierre.
A la Radiotechnique (Suresnes)A la Radiotechnique (Suresnes)
La direction patronale vient d'accorder généreusement 1 franc de l'heure à son personnel, ce qui ne suffit pas aux travailleurs devant la cherté de la vie. Après plusieurs protestations du Syndicat, les ouvriers ont décidé de faire un débrayage de 15 minutes ; aussi le Syndicat devient plus combatif, car voici la réponse qu'il fait à la direction : "On ne trouve pas de lampes dans le commerce, elles se vendent au noir à 500 ou 600 francs, sont-elles bloquées ? Si oui, que le patron les vende et l'argent viendra rétribuer honnêtement ceux et celles qui les font."
Gil.
A la C.G.C.T. "Thomson-Favorites";
Par manque de peinture et de vernis cellulosique, l'atelier 22 (peinture) ne fera plus que 32 heures par semaine (4x8). L'atelier 10, par contre (outillage), travaille 48 heures par semaine ; les autres ateliers 45 heures ; les employés 40 heures. Incapable d'alimenter régulièrement les usines en matières premières, le patronat fait supporter à la classe ouvrière, par le chômage partiel ou les heures supplémentaires, les variations d'approvisionnement qu'entraîne son incurie.
Dans les services publics
Les balayeurs du 13° qui, périodiquement, sont au travail du ramassage des poubelles, n'ayant pas de douches installées dans leurs vestiaires, doivent, s'ils veulent se laver, s'habiller et aller souvent assez loin, par le métro, pour user des bons de douche qu'ils reçoivent. Et comme un homme, qui pendant des heures a travaillé dur, n'a souvent pas le courage de se déshabiller et de s'habiller deux fois, cela permettra à un inspecteur quelconque, un jour prochain, de dire : "Inutile l'installation de douches, vous ne vous servez même pas des bons."
GNOME &  RHONE
Election de la C.E. Centrale chez Gnome-Kellermann
La réunion pour l'élection de la C.E. Centrale, du 27 avril, a été on ne peut mieux orchestrée par les cégétistes staliniens. Systématiquement, certains camarades qui ont fait montre d'opposition à la ligne actuelle de la C.G.T. ont été écartés.
Donc, le reflet de cette C.E. Centrale est faux, ne représente pas du tout l'esprit des travailleurs. Le mal vient de ce que les ouvriers se désintéressent des élections de base. Les quelques camarades qui combattent pour une véritable politique ouvrière, se trouvent ainsi sans point d'appui, les ouvriers étant lassés et s'abandonnant à leur sort.
Un camarade a présenté une critique intéressante. Celle des catégories actuelles, les différences de salaires existantes, la division qui en résulte parmi les ouvriers et a demandé le retour aux classifications d'après 1936. Il a montré que beaucoup d'ouvriers au lieu de lutter collectivement pour une amélioration des salaires tentent après examen, à monter de catégorie (faisant souvent dans une catégorie inférieure le même travail) et ainsi améliorer leur situation individuellement.
Mais ce genre de "solution" ne peut pas nous mener loin.
André.
Gnome-Kellermann
A la suite de l'éclatement d'un compresseur aux essais, un ouvrier a eu un bras arraché et, ayant été blessé également à la tête, est mort pendant l'opération. Les camarades de l'atelier des compresseurs (essais), à la suite déjà de plusieurs accidents mortels au printemps dernier en d'autres endroits, avaient demandé une prime d'insécurité qui, depuis six mois, leur est refusée par la direction, avec comme réponse qu'il n'y a aucun danger.
Camarades, en régime capitaliste, notre force de travail est notre seul bien pour gagner notre pain, nous devons lutter avec
ensemble devant les malheurs qui nous touchent individuellement.
CORRESPONDANCE
Camarades de l'opposition Lutte de classes, ayant lu votre journal, je vous envoie ces quelques lignes qui pourront éclairer vos lecteurs sur les procédés dégoûtants employés par les patronat vis-à-vis du personnel.
J'ai quitté l'usine Citroën-Clichy où j'étais employé à la RMO ; après avoir perdu presque une journée pour me faire régler, la direction m'a présenté une facture qui s'élevait à plusieurs centaines de francs pour rembourser cinq limes aiguilles, un tournevis et plusieurs petits outils qui non seulement ont été fabriqués par la maison, mais encore avant la guerre, ce qui n'empêche pas que je les ai payés au prix commercial.
En quittant cette usine, j'ai été pour me faire embaucher chez Renault ; c'est alors qu'après présentation de mon certificat, la direction m'a dit : ici on n'embauche pas les gens qui font la navette, d'ailleurs nous payons le même prix ; et de ce fait je n'ai pas été embauché. Je ne pensais pas qu'une société "nationalisée" aurait tant d'égards pour le trust Citroën-Michelin.
 


 
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