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chronologie 1946 |
N°74 Hebdomadaire (B.I.) |
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8 Novembre
1946
Le N°: 3 francs |
La variante italienne, c'est celle qui est en train de se développer sous nos yeux. La bourgeoisie a besoin d'un Etat fort, d'un Etat totalitaire, pour être libre, dans toutes ses entreprises, de toute résistance ou opposition populaire ; mais il lui faut D'ABORD sauvegarder son ordre social ébranlé par la guerre. Pour cela, elle a précisément besoin du parti qu'elle voudrait en même temps éliminer LE PREMIER à l'aide de son pouvoir fort : le Parti Communiste Français. "Pas de désordre en France depuis deux ans, et en tout cas moins qu'aux Etats-Unis", grâce au Parti Communiste, constate Le Monde. L'organe des deux cents familles trouve qu'il n'y a pas de désordres, qu'il n'y a pas d'incidents sociaux : les travailleurs qui n'ont pas où se loger, les ménagères qui ne trouvent pas de quoi nourrir leurs familles, les ouvriers qui voient le pouvoir d'achat de leurs salaires miné quotidiennement par la montée des prix et l'inflation, les paysans, dont la richesse agricole est gaspillée, tout ceci c'est dans "l'ordre", du moment que, grâce aux Ministres du P.C.F., la population laborieuse l'a supporté sans avoir mis en danger leur richesse, leur bien-être, leur vie de parasites. Mais c'est précisément la sauvegarde de cet "ordre", par la collaboration des Partis bourgeois avec le Parti communiste sous prétexte de sauver la démocratie, qui a abouti en Italie au désespoir des masses travailleuses, à un chômage inouï, à l'exode des populations hors des frontières, à des révoltes momentanées sanglantes et sans aboutissement. Tout travailleur, tout élément conscient, à quelque classe sociale qu'il appartienne, doit avoir présent à l'esprit ce qui se passe en Italie, quand il veut comprendre ce que signifie pour la France le maintien du tripartisme, la collaboration de classe avec la bourgeoisie. Que les sceptiques se rappellent comment, en 39-40, pendant la "drôle de guerre", la bourgeoisie a mené une guerre civile intérieure, emprisonnant et mettant dans les camps des dizaines de milliers de chefs staliniens et d'ouvriers du rang, pour briser la force du Parti communiste opposé à sa politique extérieure. Il reste cependant à souligner la faiblesse de sa propre position. D'un côté, elle veut débarrasser son pouvoir du Parti communiste, mais d'autre part, elle est obligée de collaborer avec lui ; elle gouverne "à l'italienne", mais est obligée de préparer la variante grecque : où cela la mènera-t-il ? Et en Grèce même, malgré le sang répandu et les forces militaires anglaises qui l'appuient, la bourgeoisie grecque est incapable de s'assurer un répit durable : les grèves se succèdent et les conflits du gouvernement avec la population s'accroissent tous les jours. Devant une telle situation, les maîtres anglais du gouvernement grec ne trouvent en fin de compte d'autre issue que de lui recommander le retour à la collaboration avec ceux contre lesquels il lutte depuis deux ans ! Ceci nous prouve que si grande soit la faiblesse de la classe ouvrière, par suite des trahisons de ses partis officiels, LA BOURGEOISIE N'EST PAS DAVANTAGE FORTE. Le prolétariat ne pourra pas la renverser tant qu'il n'aura pas une nouvelle direction révolutionnaire ; mais la bourgeoisie n'est pas non plus capable de consolider durablement sa domination ébranlée constamment par la situation intérieure et internationale. C'est pourquoi il suffira à la classe ouvrière internationale d'une seule victoire, d'un seul succès sérieux dans un pays quelconque, OU SEULEMENT SUR UN POINT QUELCONQUE, pour que l'exemple vivant d'une lutte ouvrière, menée à bien, réveille toute son énergie historique. La classe bourgeoise peut vaincre dix fois sans pouvoir se sauver mieux que par le passé. Tandis que le premier succès prolétarien sera le commencement de la fin de la domination capitaliste. C'est pourquoi, quelles que soient les trahisons de leurs dirigeants et même les succès occasionnels de la bourgeoisie, les travailleurs de France lutteront obstinément pour créer leur propre pouvoir, LE GOUVERNEMENT OUVRIER ET PAYSAN, qui assurera leur victoire définitive et le triomphe du socialisme. Que se proposait-il ? M. Bidault prétendait, à la radio, ne pouvoir admettre "la dictature de l'argent" ; car il fallait assurer aux "économiquement faibles", c'est-à-dire aux travailleurs, sur la base de leurs salaires actuels, un minimum nécessaire pour vivre. Aussi le Gouvernement demandait-il aux producteurs de livrer certaines quantités à des prix réglementés, adaptés au pouvoir d'achat du consommateur pauvre. Mais les "appels aux paysans" n'ont servi à rien. Tous les journaux s'étonnent ou même s'indignent de l'impuissance du Gouvernement, tel Le Monde qui écrit (25-10) : "A l"égard du vin, le Gouvernement a toutes les armes à sa disposition. Il lui est loisible de manifester la fermeté qu'il affecte." Mais sur cette même question, le même journal dévoile par ailleurs (31-10), que sur une bouteille de vin qui est vendue 123 fr. 85 chez un commerçant, 32% seulement reviennent au producteur, 38% aux intermédiaires et 30% à l'Etat. Ces exemples pouvant être multipliés à l'infini, c'est donc avec raison que nous écrivions la semaine dernière : "Ensemble l'Etat et les capitalistes pillent la nation, mais essayent de faire croire aux ouvriers que c'est la faute aux paysans, de même qu'ils essayent de faire croire aux paysans que ce qui ne va pas, c'est la faute aux ouvriers..." L'Etat agit comme un gendarme qui participe, avec les bandits qu'il doit en principe empêcher de nuire, au partage du butin. Loin de pouvoir se montrer "ferme" vis-à-vis des capitalistes et des spéculateurs, il prélève lui-même de lourds impôts indirects sur le dos du consommateur, dont la masse est constituée par les couches pauvres. Il en est de même pour les impôts directs : une statistique officielle indique que sur 45 milliards d'impôts directs, 30 milliards proviennent des salaires, et 15 milliards seulement des bénéfices industriels et commerciaux. Comme tous ces prélèvements n'arrivent encore pas à couvrir ses besoins, l'Etat exproprie directement les masses ouvrières et paysannes à l'aide d'opérations monétaires, comme l'inflation (la planche à billets). Et alors même que M. Bidault parle contre la "dictature de l'argent", le Gouvernement n'envisage rien d'autre en fait de "mesures courageuses", qu'une nouvelle dévaluation, c'est-à-dire une autre forme de pillage. Bien que, depuis des mois, tout le monde parle de la nécessité de restreindre les dépenses de l'Etat et de réduire l'inflation, qui sape la monnaie et constitue la source de tous les maux, dans la réalité c'est l'inverse qui se produit. L'Etat soutient les capitalistes et les capitalistes soutiennent leur Etat. Il est, dans ces conditions, inévitable qu'ayant à supporter la soif insatiable de bénéfices des gros capitalistes et en plus les prélèvements exorbitants de l'Etat sur le revenu national, le peuple travailleur sombre dans la misère. Car à quoi sert la masse énorme de revenus que l'Etat s'assure ainsi ? Ni à la reconstruction des régions dévastées, ni à l'amélioration de la santé et de l'instruction publique, ni au financement d'aucune entreprise de progrès social et technique à la ville ou à la campagne. Le plus clair et le plus gros de ses dépenses (qui élargissent constamment le gouffre du déficit budgétaire) sont des dépenses improductives, destinées à financer la fabrication d'armements. A lui seul, le budget de guerre avoué se monte annuellement à 200 milliards. Tant que le budget continuera à exister, l'Etat continuera à gaspiller le plus clair des revenus des masses travailleuses. Aussi longtemps que les moyens de production réduits du pays serviront uniquement à cette production de guerre et aux fabrications destinées à l'exportation, pour permettre à nos capitalistes d'élargir leur place sur le marché mondial, aussi longtemps les efforts de production des masses travailleuses seront vains. La course aux armements qui a engendré dans tous les pays une situation économique catastrophique, pousse les hommes d'Etat à faire des déclarations sur la nécessité de désarmer. Mais en pratique ils ne peuvent que continuer à armer, et personne ne se fait d'illusions à ce sujet. C'est seulement la classe ouvrière qui peut s'opposer aux agissements des gouvernants, en se faisant le défenseur de toutes les petites gens ruinées et spoliées par l'Etat. La classe ouvrière organisée a, sur le terrain de son travail, de grands moyens de pression. Elle seule, par son action, peut imposer des mesures que tout le monde reconnaît justes, mais que personne d'autre ne peut réaliser : Un plan de production des biens de consommation sous contrôle ouvrier. Une liaison directe entre la ville et la campagne. La confiscation des bénéfices de guerre et des profits illicites. A bas le budget d'armements ! Le discours du Ministre américain Byrnes, il y a quelques semaines, à Stuttgart, plaidant pour l'unification et le relèvement de l'Allemagne, et la révision des accords de Potsdam, a été le premier aveu public de l'absurdité et du peu de valeur de cette résolution. Hitler, qui avait promis lui aussi de transformer la France en jardin, ne fût-il pas le premier à faire appel à son industrie, qu'il aurait voulu détruire ? Le discours de Byrnes avait suscité en France la réprobation de la presse "patriotique" ; L'Humanité s'indignait que Byrnes "veuille le relèvement de l'Allemagne avant celui de la France". Cependant, après Byrnes, Staline aussi s'est prononcé, dans sa dernière interview, pour l'unification économique et politique de l'Allemagne, et le relèvement rapide de son industrie. Qu'est-ce qui pousse Staline à rejoindre les déclarations de Byrnes et à abandonner ses projets de transformer l'Allemagne en "jardin" ? Ce sont les propres besoins de reconstruction de l'U.R.S.S. Les dirigeants russes se sont aperçus que cela ne suffisait pas et qu'ils ne pouvaient pas transporter les usines et les machines en U.R.S.S. pour les y utiliser, mais qu'il fallait relever l'industrie allemande si on voulait réparer les dégâts causés par les destructions de la guerre. Ceux-là même qui prêchaient la destruction de l'Allemagne, sont obligés de faire appel au peuple allemand et à son industrie pour aider le monde à sortir du chaos. Ainsi donc, il n'y a pas de bien-être possible pour un peuple dans la destruction et l'appauvrissement d'un autre ; à chaque pas les faits montrent au contraire qu'en dehors d'une collaboration de tous les peuples le relèvement d'aucun n'est possible. Malgré son besoin d'évincer ses concurrents, même l'économie capitaliste d'un pays ne peut se passer de l'industrie d'un autre pays avancé. Sans l'économie allemande on ne peut pas reconstruire. La solidarité économique des peuples s'avère donc un fait puissant, et non pas quelque phrase sentimentale. Seulement, les capitalistes organisent cette collaboration, à la manière dont Hitler avait "unifié" l'Europe : pour une nouvelle guerre. Les "Alliés" veulent cependant cacher le fait qu'ils reviennent ainsi à la formule de Versailles, en expliquant que le relèvement de l'Allemagne se fera maintenant sous le signe de la "dénazification" et de la "démocratisation". Mais si le peuple allemand est indispensable à tous les peuples pour sortir du chaos, si la condition en est la dénazification, alors il n'y a qu'une voie publique pour que le relèvement ne donne pas de nouvelles bases au nationalisme et au militarisme : c'est l'évacuation de son territoire par les puissances occupantes. Le relèvement de l'Allemagne sans son évacuation, ce n'est pas la dénazification et son intégration pacifique à l'économie mondiale : c'est son utilisation dans un but d'exploitation, pour que le peuple allemand sue sous la trique des occupants et de ses propres capitalistes, des nazis et des militaristes allemands que les occupants ont à leur service comme des auxiliaires indispensables dans leur travail.
Sans son
évacuation,
la politique du relèvement de l'Allemagne conduira à un
résultat
que nous avons déjà connu : celui du traité de
Ver-sailles,
qui a produit Hitler. A la première occasion favorable,
l'Allemagne
ne pourra que s'intégrer dans un "bloc" contre l'autre, pour
obtenir
sa "libération". En effet, la deuxième Constituante devait être une réédition de la première qui, loin de jeter les bases d'un régime démocratique, avait au contraire foulé aux pieds la démocratie la plus élémentaire. Par son impuissance et par le système électoral bonapartiste (cens électoral, primes aux "grands" partis au détriment des "petits") d'où elle devait sortir, la deuxième Constituante ne devait être qu'une nouvelle Assemblée-croupion, dominée par un Gouvernement, instrument de l'Etat bourgeois. Pouvions-nous manifester une opposition à un tel régime sur les listes du P.C.I. ? Non. Car en compagnie du P.C.F. et du P.S., le P.C.I. avait soutenu un tel régime au référendum du 5 mai en appelant les travailleurs à répondre oui à la Constitution anti-démocratique, élaborée dans la première Constituante par les deux premiers Partis avec le concours du M.R.P. Qu'y a-t-il de changé aujourd'hui ? Au référendum du 13 octobre, le P.C.I. a été obligé de renoncer au mensonge stalinien : une mauvaise Constitution nous fera éviter une pire. Car quelles que soient les justifications de la direction du P.C.I., ce ne sont pas elles qui nous intéressent du point de vue de la lutte des travailleurs, dans les présentes élections. Ce qui nous importe, c'est qu'elle est, de fait, en opposition non seulement avec De Gaulle et les partis fascistes, mais aussi avec la direction stalinienne, elle-même au service de la bourgeoisie. Notre attitude vis-à-vis du P.C.I. n'a pas changé d'un iota, en tant que Parti : dans l'appel aux travailleurs du numéro précédent, nous ne leur avons pas dit que ce parti était révolutionnaire. Au contraire, nous les avertissions que la direction de ce parti "capitule à demi" devant les chefs qui les trahissent. Si la direction du P.C.I. suivait en toutes circonstances Thorez et Cie (comme aux référendums du 21 octobre 1945 et du 5 mai 1946), nous ne pourrions les distinguer en rien dans la lutte des travailleurs, des partis social-traîtres. De même que nous ne pouvons faire aucune distinction pratique pour une notable fraction socialiste de gauche de la S.F.I.O. qui, en dépit de ses quelques phrases révolutionnaires, est toujours derrière les ministres socialistes de trahison. Le P.C.I., malgré ses capitulations et son langage, la plupart du temps opportuniste, se trouve souvent en opposition pratique avec les directions social-traîtres. Et les travailleurs qui se détachent des partis social-traîtres doivent avant tout pouvoir exprimer leur opposition, que ce soit dans l'action directe ou de simples élections. Par exemple, dans le conflit des postiers, leur lutte et leur opposition étaient représentées par un Comité de grève central qui était loin d'être révolutionnaire. Cependant, au travers de ce Comité non révolutionnaire, et pour une courte durée, s'est exprimée une opposition à la bourgeoisie et à la politique stalinienne, opposition qui est un pas en avant de la lutte de classes. De même, dans les présentes élections, les travailleurs peuvent exprimer également une opposition de classe devant la bourgeoisie, par le truchement du P.C.I. Pouvons-nous renoncer à cette manifestation d'opposition que représente en ce moment le P.C.I., sous prétexte qu'il ne serait pas le parti qui fera la révolution ? Une chose est de lutter pour créer un Parti révolutionnaire au moyen de la critique marxiste intégrale et de la séparation d'avec les opportunistes. C'en est une autre que d'aider les travailleurs à trouver un point d'appui pour chacun de leurs actes et chacune de leurs manifestations. C'est pourquoi, d'un côté, nous appelons les travailleurs à voter P.C.I. dans les présentes élections et, de l'autre, nous rappelons les dangers de l'attitude P.C.Iste au sujet du parlementarisme (article : Les Paroles et les Actes). Mais, quels que soient les dangers de demain, nous ne devons pas empêcher les ouvriers de faire un pas en avant aujourd'hui. Et c'est un grand pas en avant pour les travailleurs que de voter "trotskyste" contre la bourgeoisie et le stalinisme. Car si les masses laborieuses prenaient la voie "trotskyste" sur tous les terrains et avant tout celui de l'action directe, ce ne serait pas l'influence néfaste du Parlement bourgeois sur des députés P.C.I. qui pourrait nuire à la Révolution -il faudrait pour cela que le parlementarisme pourrissant ait encore droit à des années d'existence- mais ce serait la révolution prolétarienne qui nettoierait la société de cette gangrène pestilentielle qu'est le Parlement bourgeois. Malgré l'augmentation de salaires, la vie est de plus en plus difficile, les prix augmentent, il est grand temps d'y mettre fin. C'est pourquoi les bureaucrates cégétistes ont décidé d'organiser un meeting au Vel' d'Hiv'. Qu'allons-nous aller faire au Vel' d'Hiv' ? C'est la question qu'un grand nombre d'ouvriers s'est posée. Chez Renault beaucoup disaient : "Ce n'est pas en suivant dans la rue derrière des pancartes, à user nos chaussures pour aller écouter des discours que ça changera quelque chose." "Ce qu'il faudrait, c'est arrêter une journée, disaient les autres. Il faudrait une grève générale qui paralyse tout, que rien ne marche ; là ils comprendraient." Les responsables syndicaux ont diffusé un tract chez Renault qui accuse principalement de Menthon et qui a suscité certaines réactions de la part des ouvriers. "Je connais cette dégueulasserie, elle a failli m'étouffer à midi à la cantine", puis lisant une phrase : "Nous exigeons notre ration de vin de septembre et le litre d'octobre avant le 31, évidemment, sinon il sera périmé." Dans un autre secteur, un ouvrier s'écrie : "Au Vel' d'Hiv' ? Ce n'est pas au Vel' d'Hiv' qu'il est de Menthon. On veut encore nous mener en bateau." Certains ironisaient : "Ils ont raison, faut être calme ; descendre dans la rue ? On ferait passer Hénaff et Frachon pour des voyous. Non, non, du calme." En résumé, les ouvriers n'ont pas été dupes de cette mascarade, comme disait l'un d'eux : "Voilà les élections qui approchent, les "Communistes" veulent montrer qu'ils font de l'action. S'ils avaient donné l'ordre de grève générale, on aurait compris ; mais là, ils se fichent de nous." La vie qui augmente sans cesse provoque un très grand mécontentement. Toute la colère dont les travailleurs débordent, ils leur ont permis de venir la crier dans le vase clos du Vel' d'Hiv'. C'est moins dangereux que de les voir descendre dans la rue. Mais cette colère n'est pas assouvie, car nous ne sommes plus dupes, et si nous devons la ravaler pour quelque temps encore, elle n'éclatera que plus violemment. Comme des ouvriers lui reprochaient ses méthodes de gangstérisme, il n'eut d'autre réponse que de "leur voler dans la gueule". Après une courte bagarre, ils furent séparés par des ouvriers. Quelques ouvriers staliniens qui désapprouvaient ces méthodes, concluaient néanmoins : "Après tout, c'est bien fait pour les hitléro-trotskystes". La grosse majorité des ouvriers est restée indifférente. "C'est dégueulasse de taper sur une femme, mais après tout, elles n'ont qu'à pas faire de politique", disaient certains. Si de nombreux ouvriers "ne veulent pas s'occuper de toutes ces histoires", il en est certains qui ont carrément désapprouvé les gestes du provocateur stalinien : "C'est dégoûtant, ils disent combattre le fascisme et ils emploient les méthodes fascistes", "ils veulent faire l'unité, et tous ceux qui ne sont pas d'accord sont des fascistes et on leur casse la gueule." Bien qu'un petit groupe de Staliniens aient aboyé autour du provocateur, ceux-ci ne poussèrent pas la hardiesse jusqu'à prendre la responsabilité de ses actes, car ils sentaient bien que l'atmosphère n'était pas favorable pour eux. D'ailleurs, le Stalinien l'a bien compris, lui, puisqu'en s'en allant, il disait : "Ca ne fait rien, vous m'avez laissé tomber. Vous laissez les fascistes vendre leur canard et vous ne dites rien." Dans certains secteurs de l'usine où les Staliniens sont en nombre, une partie des ouvriers désapprouvait, tandis que l'autre restait indifférente. Dans d'autres, ils désapprouvaient et même les Staliniens disaient que le provocateur était un fou : "Ils en veulent aux Trotskystes, mais ce sont eux qui sont dans la véritable ligne de Lénine. Moi, je ne suis pas trotskyste, je suis communiste depuis 1925, mais il y a environ un mois que je ne vais plus aux réunions. Comme je discutais au sujet de la religion, et que je leur montrais le changement de politique, puisque Lénine disait : "La religion, c'est l'opium du peuple", et que maintenant on tend la main aux catholiques, ils m'ont traité d'hitléro-trotskyste ; alors, je n'ai plus remis les pieds à la cellule.
"Mais, faut pas s'en
faire,
les ouvriers sont plus révolutionnaires qu'on le croit. Et si
c'est
pas les Communistes qui dirigent, ce sera les Trotskystes ou d'autres,
mais on fera quand même la révolution."
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