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Prolétaires de tous les pays, unissez-vous
La Lutte de Classes
Organe de l'Union Communiste (Trotskyste)
 
N°86      Prov. Bimensuel (B.I.)
  CINQUIEME ANNEE
15 MARS 1947
Le N°: 4 francs

 
 
LE DANGER APPROCHE
    En transformant leurs interventions sur l'Indochine en attaques personnelles contre les leaders staliniens, les porte-parole du P.R.L. savaient devoir provoquer les violents incidents qu'ils ont effectivement déclenchés à la Chambre. L'extrême-droite parlementaire, représentant les bandes fascistes armées des réactionnaires du gaullisme et du pétainisme, en un mot, tout ce qui, depuis 1934, lutte contre la classe ouvrière par l'action directe, passe donc à l'attaque. Le danger fasciste est plus pressant qu'il ne l'avait été avant la constitution du Gouvernement Ramadier.

    La question de l'Indochine sous son aspect PRATIQUE : le vote ou le rejet des crédits de guerre, avait été déjà entièrement tranchée à la Chambre ; Ramette , porte-parole de la fraction stalinienne, tout en faisant des réserves verbales, A VOTE AVEC TOUT SON GROUPE, COMME LE P.R.L., LES CREDITS QUI DOIVENT SERVIR A L'ETOUFFEMENT DE LA LIBERTE DU VIET-NAM.
Pour certains commentateurs "démocratiques" de la radio, l'intervention du P.R.L. aurait donc eu pour but, en provoquant des incidents, de renverser le Gouvernement Ramadier et de "modifier la position de la France à la Conférence de Moscou" . Mais le débat sur la politique extérieure de la France a récemment (le 27-2) été conclu par un vote unanime des députés -593 contre 0- y compris le P.R.L. qui a voté pour le Gouvernement, "bien que nous soyons l'opposition" (sic), a dit l'un de leurs orateurs. --Car de même que Billoux au ministère de la Défense Nationale est le porte-parole des Thierry d'Argenlieu et des Banques, et non des travailleurs, de même Bidault représente à Moscou les mêmes Banques et leurs agents, le P.R.L., et non pas les dirigeants staliniens.

    Les phraseurs "démocrates" ne peuvent pas nous expliquer ce qui a RENDU POSSIBLE ces attaques de la droite. Car il leur faudrait condamner leur propre activité dans un Gouvernement qui, loin d'être démocratique comme ils veulent l'appeler, est en réalité le fourrier du fascisme.

    Alors ils vont chercher leur explication très loin : à New-York. Ce serait le discours de Truman contre l'U.R.S.S., prononcé le jeudi 13, qui serait la cause de ces incidents ; seulement, ceux-ci avaient commencé le 11, c'est-à-dire avant ce discours. Et même si Truman y était pour quelque chose, son encouragement ne servirait à rien si nos pseudo-démocrates avaient coupé l'herbe sous les pieds de la réaction en France, s'ils l'avaient extirpée par une politique démocratique dans les faits et non dans les paroles. Mais le Gouvernement Ramadier, comme tous les Gouvernements qui se sont succédé depuis la chute de Pétain, et qui ont soi-disant inauguré, par la participation des chefs socialistes et communistes, une ère démocratique, n'ont fait que préserver les bases de la réaction contre la lutte démocratique des masses.

    Aujourd'hui, toutes les catégories sociales populaires sont exaspérées. Elles avaient mis leur dernier espoir dans le Gouvernement Ramadier qui devait représenter "la fin du provisoire" et inaugurer "l'ère constitutionnelle". Mais aux travailleurs, le Gouvernement Ramadier a refusé le MINIMUM VITAL et leur demande de travailler et de souffrir sans bouger "comme sous la servitude" ; les petits commerçants, les petites gens sont soit écrasés par les impôts, soit victimes de l'inflation croissante, malgré le "décret" sur la baisse ; le mécontentement des paysans qui voient l'Etat s'attaquer à eux et non aux gros propriétaires et aux trusts qui les exploitent, n'est pas moins grand. C'EST POUR ESSAYER DE CANALISER DANS LA VOIE FASCISTE LE MECONTENTEMENT DES CLASSES LABORIEUSES qui étouffent sous le régime soi-disant démocratique, que le P.R.L., qui vote pour la politique gouvernementale, se proclame "opposition" et provoque des incidents contre les staliniens.

    C'est ainsi qu'en Belgique, les anciens combattants, que les dirigeants pourris du P.S. et du P.C. avaient abandonnés à leur sort, au lieu de les organiser et de défendre leurs revendications vis-à-vis des capitalistes, ont été conduits par des députés de droite à manifester "contre le Parlement". Or, détruire le Parlement en laissant intacte la domination capitaliste et de l'Etat bourgeois, c'est instaurer le pouvoir fort à la Pétain.

    La seule force qui peut s'opposer aux fascistes, à la réaction, c'est la classe ouvrière organisée qui, par sa lutte anti-capitaliste, offre seule une issue réelle aux autres couches victimes du régime capitaliste : les classes moyennes prolétarisées, les petits rentiers, les anciens combattants, etc.
Mais l'arme ESSENTIELLE de la classe ouvrière, LA GREVE, les chefs staliniens, en tant que ministres des capitalistes, la dénoncent comme faisant "le jeu de la réaction". Ainsi ils ligotent et déroutent les ouvriers, leur enlèvent toute confiance en eux-mêmes, confiance qu'ils ne peuvent acquérir que dans la lutte gréviste d'usine, en s'opposant à la surexploitation patronale. Ils abandonnent le minimum vital, ils condamnent les formes de lutte ouvrière, et c'est seulement une fois ce travail fait pour les capitalistes au moment où ceux-ci veulent s'en débarrasser pour imposer un "régime fort", qu'ils appellent la classe ouvrière à leur secours.

    Mais en Allemagne aussi , à la dernière minute, les chefs staliniens et socialistes ont appelé les masses qu'ils avaient réduites au désespoir par leur politique, à les sauver du fascisme. Les travailleurs, démoralisés et ligotés, ne furent pas en état de répondre aux appels d'en haut, ne fut-ce que pour se défendre eux-mêmes.

    Les travailleurs ne peuvent d'aucune façon compter sur leurs chefs pour les guider dans la lutte contre le fascisme. Les militants socialistes et communistes ont, par conséquent, pour premier devoir d'appuyer de toutes leurs forces la lutte ouvrière contre le patronat, renoncer à suivre leurs chefs dans leur travail de jaunes, souder les ouvriers dans un seul bloc par la lutte pour le MINIMUM VITAL ; ils créeront SUR CETTE BASE des organisations de défense des travailleurs contre le fascisme. De cette manière ils dresseront un obstacle infranchissable aux menées fascistes de la bourgeoisie et ouvriront la lutte victorieuse pour un GOUVERNEMENT OUVRIER ET PAYSAN.


 LES MILLIONNAIRES CONTRE LES PRIVILEGES
    Depuis le 14 février, le Gouvernement, par son refus de satisfaire aux revendications des grévistes de la Presse, empêche la parution des journaux. Le ministre de l'Information, M. Bourdan , après M. Ramadier, nous en donne la raison : "A propos de cette grève, je voudrais précisément attirer l'attention du public sur le fait que nous sommes en présence de revendications qui sont présentées par un Syndicat, par une corporation qui compte parmi les Syndicats privilégiés... Nous ne considérons pas comme justifiées, dans les circonstances actuelles, des demandes qui nous sont présentées par un Syndicat qui compte, je le répète, parmi les privilégiés..."

    M. Croizat, ayant remplacé la solidarité avec la classe ouvrière par la solidarité ministérielle avec les bourgeois, déclare lui aussi "que les revendications des employés et spécialistes de la Presse sont absolument inadmissibles".

    Qui sont ces gens qui mènent campagne contre les privilèges, qui ont cette attitude énergique devant des "demandes injustifiées", qui s'indignent de l'égoïsme des ouvriers et de leurs salaires élevés ? Ce sont des hauts fonctionnaires, des députés, des ministres, dont les traitements et revenus se chiffrent par centaines de milliers et par millions de francs.

    "Comment pourrions-nous, nous dit M. Bourdan, rejeter les revendications de travailleurs dont les res-sources sont très inférieures à celles des travailleurs en cause, si, par avance, nous acceptions d'être les complices d'une hausse des salaires ?"

    Comment se fait-il, alors, que le Gouvernement n'ait pas hésité, il y a quelques semaines, à se faire le complice d'une autre hausse de salaires, bien plus importante, en portant l'indemnité des parlementaires à 640.000 francs et en accordant un acompte provisionnel de 180.000 francs à des hauts fonctionnaires déjà rémunérés à 500.000 francs. Ni M. Bourdan, ni M. Ramadier n'ont élevé de protestation : car ils font eux-mêmes, précisément, partie de cette catégorie qui reçoit des traitements fantastiques. Les parlementaires, qui ont une clientèle électorale à ménager, ont renoncé à toucher l'acompte provisionnel. Mais les conseillers d'Etat, auxquels ils sont assimilés, n'en ont pas fait autant. Les 600 députés, les quelques ministres, ne sont qu'une minorité d'une armée de milliers de hauts fonctionnaires, secrétaires d'Etat, chefs de cabinets, officiers, préfets, magistrats, ambassadeurs, conseillers d'Etat, etc., etc..., pour la plupart desquels le train de vie d'une journée représente plus que le revenu d'un mois de nos travailleurs "privilégiés".

    Notre ouvrier "privilégié", le typo, avec son sa-laire brut de 10.000 à 12.000 francs par mois, a un pouvoir d'achat inférieur à celui du manoeuvre d'avant-guerre. Mais quel que soit le traitement nominal de tout ce grand personnel parasitaire de la bourgeoisie, il a conservé et même renforcé son niveau de vie antérieur. Ces hauts fonctionnaires, ceux-là mêmes que le bourgeoisie charge de crier contre les privilèges des ouvriers (pour mieux protéger ses profits), reçoivent en échange des avantages de toutes sortes qui confèrent à leurs traitements une tout autre valeur : chemin de fer gratuit, voiture à leur disposition, frais de représentation, dîners, réceptions, personnel domestique, etc., tout cela aux frais de l'Etat.

    "Je me suis laissé dire, s'est exclamé un Conseiller de la République dans un récent débat parlementaire, que ces grévistes touchaient un salaire journalier de 500 francs" (!) Il s'est "laissé dire" que par rapport à d'autres catégories de salariés, qui se trouvent à un niveau inférieur, et dont il ne connaît le train de vie misérable que par ouï-dire aussi, c'est là un salaire exorbitant. Il s'agit, en effet, de chiffres dans lesquels M. le Conseiller de la République se perd : 300, 500 et même 1.000 francs ce n'est guère pour ce personnage important que le prix d'un taxi ou d'un repas.

    Appliqués à l'appréciation du train de vie d'un ouvrier, ces chiffres n'ont plus aucun sens pour lui : qu'une famille ouvrière vive avec 200, 250, 300 ou 500 francs par jour, qu'avec ce revenu elle se nourrisse, se vêtisse, se loge, et subvienne à tous ses besoins, comment M. le Conseiller de la République pourrait-il avoir la notion d'un pareil budget ? Il s'est "laissé dire" que pour ces gens, qui ne sont que de simples travailleurs, 500 francs c'était bien de trop, quand il y en a d'autres qui acceptent de trimer pour encore moins...

    Mais si l'on s'en remet à l'appréciation des parasites millionnaires, les gains les plus misérables de ceux qui entretiennent de leur labeur la vie et le fonctionnement de toute la société, ne tardent pas à devenir des privilèges... Nous en avons la preuve : dans une allocution à la radio, M. Bénazet  vitupère (qui l'eut cru !) contre... les hauts salaires des métallurgistes (40 fr. de l'heure). Car, il s'est, lui aussi, laissé dire qu'il règne dans les usines nationalisées une politique de hauts salaires et de primes qui sont la cause du déficit...

    Les énormes revenus de tous les hauts serviteurs spécialisés de la bourgeoisie sont le prix de leur métier d'aboyeurs contre les ouvriers, dont la misère est la condition nécessaire de leurs privilèges et de ceux de leurs maîtres. Ayant perçu leurs lourdes enveloppes, ils viennent ensuite vitupérer contre les travailleurs privilégiés...


 LA CLASSE OUVRIERE PEUT-ELLE FAIRE LA GREVE GENERALE ?
    La nécessité d'une grève générale est une question qui préoccupe tous les travailleurs. Mais pourrons-nous tenir le coup ? se demandent-ils. Tout le monde est contre nous, le Gouvernement, le patronat et même la C.G.T., qui nous tire dans le dos.

    Mais si les travailleurs se trouvent devant la nécessité de lutter, c'est justement parce que tous les privilégiés de ce monde sont contre eux, et que seule leur propre action peut les défendre. D'autre part, pour que la direction des Syndicats marche droit, ce sont aussi les ouvriers du rang qui ont toujours dû intervenir, à chaque occasion importante. En 1934, il y avait même la scission syndicale, et c'est justement grâce au magnifique mouvement ouvrier, à partir de février 34, que l'unification a été réalisée et la victoire de 36 préparée ; pour la grève générale de juin 36, ce ne sont pas non plus les dirigeants syndicaux qui en ont donné l'ordre. En réalité donc, quand les ouvriers veulent lutter, ils peuvent passer et passent outre les dirigeants pourris, parce qu'ils savent bien qu'en dehors de leur propre action, personne n'a jamais fait quoi que ce soit pour eux.

    La véritable raison des hésitations actuelles des travailleurs est ailleurs. C'est que, alors qu'avant guerre ils étaient relativement forts au point de vue économique, maintenant ils sont beaucoup plus faibles ; c'est pourquoi se pose la question : comment ferons-nous, comment nourrirons-nous nos femmes et nos enfants ?

    Les dirigeants pourris, qui s'opposent à l'action ouvrière, insistent justement beaucoup en ce moment sur ce point. Ils oublient d'abord de nous dire à quoi sert alors la caisse de secours des Syndicats ; ils oublient aussi que tout mouvement a parmi ses revendications le paiement des journées de grève, et, chose plus importante encore, ils oublient de nous dire que ce sont les travailleurs qui font marcher tous les rouages de la société, que ceux-ci pourraient fort bien se passer des parasites capitalistes, et que la lutte contre le patronat n'est pas forcément la grève des bras croisés. La classe ouvrière organisée ne peut-elle pas, mille fois mieux que l'anarchie capitaliste, nourrir et faire vivre toute la société ?

    Mais quelles que soient les souffrances et les privations que peut nous imposer momentanément la lutte pour des objectifs ouvriers, elles ne pourront jamais atteindre le niveau de celles que nous impose, et que tend à nous imposer de plus en plus, la bourgeoisie.

    Sous la férule de celle-ci, nous avons, pendant la guerre, souffert les bombardements et les privations ; des familles entières ont été dispersées ; nous avons vu les nôtres continuellement exposés à la mort ; la maladie s'est installée dans tous les foyers ; tout cela en échange de promesses (démocratie, bien-être, une vie plus digne, la fin des privations), qui ne se sont jamais réalisées.
Aujourd'hui, après deux ans de désillusion et de misère accrue, le Gouvernement nous dit, par la bouche de Ramadier, qu'il faut continuer à souffrir et à peiner comme sous l'occupation. Ainsi, plus on peine pour les capitalistes, plus ceux-ci nous demandent de peiner.

    Quels que soient les souffrances et les sacrifices que nous impose une lutte pour notre vie, ils ne sauraient jamais être aussi grands et aussi longs que ceux que la bourgeoisie nous impose pour son bénéfice exclusif.

    La grève générale n'est donc pas une solution de désespoir. Les travailleurs qui se sentent faibles individuellement devant toutes les forces liguées contre eux doivent se persuader que cette faiblesse n'est pas celle de leur classe ; c'est dans la force de la classe ouvrière unie dans l'action et dans la compréhension des buts à atteindre qu'ils puiseront le pouvoir de vaincre les obstacles.


LUTTES OUVRIERES EN ANGLETERRE.
    L'agitation ouvrière qui s'est accrue par la grève des transports, commencée en janvier dernier sur de simples revendications économiques, s'est transformée en épreuve de force entre le Gouvernement "socialiste" et les ouvriers, ceux-ci ne pouvant frapper les patrons qu'à travers le Gouvernement qui en prenait la défense. Bien que la grève fut "officielle", c'est-à-dire décidée régulièrement par le Syndicat, les grands responsables syndicaux qui ont toujours "l'unité" à la bouche n'hésitèrent pas à rompre la discipline et refusèrent de la soutenir. Si bien que le Secrétaire général du Syndicat, Deakin , dut recourir un jour à une escorte de policiers pour se protéger contre les ouvriers et, dans un meeting, des milliers de délégués exigèrent son départ. "Allez-vous vous laisser influencer par des trotskystes irresponsables ?" rétorqua Deakin. Dans la lutte de classes et les exigences des ouvriers pour des responsables honnêtes, ces gens-là reconnaissent la voix du trotskisme.

    Pourtant, le Comité central de grève n'était pas "trotskyste" ; formé des responsables locaux, il était plein de modération et d'inexpérience, effrayé par la vigueur du mouvement qu'il avait à diriger. Aussi s'est-il laissé influencer par les tours de passe-passe des leaders syndicaux et travaillistes, comme nos "syndicalistes purs" de la Presse se sont laissés impressionner par Hénaff et ses pareils.

    Ainsi, le Comité de grève lança un appel aux corpo-rations voisines pour leur demander... de ne pas faire grève ! Si cet appel avait été entendu, le Gouvernement serait facilement venu à bout des grévistes. Mais les travailleurs passèrent outre : les dockers et ceux des marchés cessèrent le travail, et le Gouvernement se vit devant la menace d'une grève plus générale encore.

    Il tenta d'utiliser les troupes contre les grévistes : cela ne fit qu'aggraver la situation. La solidarité des ouvriers se resserra, d'autres grèves se préparèrent (cheminots, gaz, etc...). D'autre part, bien qu'il eût été fait appel à des contingents sélectionnés, le contact des ouvriers agit sur les soldats qui manifestèrent leur sympathie par de nombreuses collectes, si bien que le Gouvernement fut obligé de retirer la plupart des troupes pour éviter une démoralisation complète : face à l'armée, les grévistes ont vérifié l'efficacité des armes politiques.

    Cette solidarité et cette fermeté ouvrières ont battu à la fois les patrons et le Gouvernement. "Que manque l'outil des travailleurs, l'industrie et le pays entier peuvent être paralysés rapidement. La société entière repose sur les épaules des ouvriers. Dès qu'ils cessent le travail, leur véritable place dans la société apparaît." (Socialist Appeal, fév. 47.)

    D'autres grèves ont suivi celle des transports (à Glasgow notamment), "officielles" ou "non-officielles", selon que les bureaucrates syndicaux les torpillaient de l'intérieur ou s'y opposaient ouvertement. Mais toutes ont montré le renforcement de la solidarité et de la combativité des travailleurs. La classe ouvrière anglaise se prépare à livrer combat avant que le chômage ne vienne en aide aux patrons et au Gouvernement.


...ECHOS...
AGITATION & GREVES CHEZ RENAULT
    Les ouvriers de l'entretien ont débrayé pour demander un réajustement de la prime et leur classification au même niveau que les ouvriers de la production. Les pourparlers duraient depuis le 1er janvier entre la direction et une délégation de la C.G.T. qui faisait "patienter" les ouvriers. Une délégation des grévistes se rendit auprès de M. Lefaucheux qui refusa toute augmentation sous prétexte que la Régie est en déficit : 20.000 francs de perte par Juva dans l'exportation. De plus, dit-il, les 5% nous grugent... A la réflexion d'un ouvrier, disant : "Si vous perdez 5%, vous payez aussi 5% moins cher vos matières pre-mières", il rétorqua : "Ce n'est pas vrai, la baisse ne nous est pas ap-pliquée." Dans ces conditions, comment M. Lefaucheux veut-il nous faire croire que, lui, il applique la baisse quand les autres grosses industries ne le font pas ?

    Cette délégation n'ayant rien obtenu, une deuxième délégation est formée. Celle-ci obtient le règlement du conflit pour un mois sur la base de 1 fr.28 de l'heure !

*   *   *
    Au modelage-fonderie, les ouvriers ont fait une semaine de grève. Le délégué, sous la pression des ouvriers, s'était solidarisé avec le mouvement. Le chef du personnel, M. Legarrec, accompagné d'un bonze syndical, est venu tenir un discours aux ouvriers, dans lequel il disait notamment : "Pensez à vos femmes et vos enfants, rendez-vous compte de tout le salaire que vous perdez. Vous avez tort, après tout, d'être mécontents. Les Italiens sont plus malheureux que vous."

    Les ouvriers n'ont malheureusement rien fait pour faire connaître leur mouvement, parce qu'ils espéraient que "tout seuls, ils avaient plus de chances d'aboutir". Voilà où mène la politique de division de la direction syndicale.

    Au bout d'une semaine de grève, ils ont obtenu une augmentation de 4 francs de l'heure, sauf pour les P1.

*   *   *
    A l'Artillerie aussi, il y a eu une grève. Ce sont les tourneurs qui ont débrayé les premiers, le jeudi 27 février, à la suite d'une descente des chronos.

    Les autres ouvriers du secteur se sont solidarisés avec le mouvement et une revendication générale d'augmentation de 10 francs de l'heure, ainsi que le réglage à 100%, ont été mis en avant.
Ceci équivalait à la suppression du travail au rendement.

    Sous la pression de la C.G.T., le travail a repris, tandis qu'une délégation montait à la direction.
M. Lefaucheux avait fait des promesses pour le lundi suivant, mais il s'est retranché derrière le Conseil des ministres qui se tenait ce jour-là. Finalement, les ouvriers n'ont rien obtenu, si ce n'est qu'un réajustement du taux de la prime qui leur fait 40 centimes de l'heure.