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chronologie 1947 |
N°88 Prov. Bimensuel (B.I.) |
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12 AVRIL 1947
Le N°: 4 francs |
Depuis la
manifestation
gaulliste
de Strasbourg et la création du R.P.F.
, le Gouvernement, en la personne de son chef, et toute une partie de
la
troupe de politiciens dont hier encore De Gaulle était le
drapeau,
condamnent ou se désolidarisent de son action actuelle.
Les uns, les
"démocrates",
découvrent que De Gaulle est anti-démocratique, seulement
maintenant que celui-ci, en voulant supprimer les partis, met en danger
leurs places et leurs avantages. D'autres, comme le M.R.P. ou Le Monde,
parce qu'ils craignent que la guerre civile qui doit en résulter
pourrait tourner au désavantage de la bourgeoisie.
Cependant, l'action anti-démocratique de De Gaulle a commencé déjà quand, en 1945, il réussit à écarter l'élection d'une Assemblée Constituante Souveraine au moyen d'un pseudo-référendum, et à la remplacer par la série des Parlements-croupions que nous connaissons depuis 18 mois. Mais tous les partis, soit directement, soit en capitulant, ont soutenu De Gaulle dans son premier travail anti-démocratique : écarter les formes politiques d'une véritable démocratie, que seule la lutte pour une Assemblée Constituante Souveraine aurait pu élaborer. Mais quand De Gaulle dirigeait son action anti-démocratique contre le peuple, ils ne l'ont pas vue, parce qu'ils étaient eux-mêmes associés à ce travail; parce que, comme De Gaulle, ils se sentaient menacés par les véritables aspirations démocratiques du peuple. AUSSI, LEUR ACTION AU GOUVERNEMENT DEPUIS LE DEPART DE DE GAULLE NE SE DISTINGUE-T-ELLE EN RIEN DE CELLE QU'IL Y MENAIT LUI-MEME. C'est cela qui explique aussi que, devant l'action pétainiste actuelle de De Gaulle, le Gouvernement, tout en reconnaissant en paroles De Gaulle pour ce qu'il est, un candidat dictateur, dans la pratique, il collabore avec lui. En effet, réunis en Conseil des ministres restreint, spécialement pour décider de l'attitude à prendre, ces défenseurs de la démocratie, après de mûres réflexions, ont décidé de couper De Gaulle en deux... moralement, en distinguant "le premier résistant" de "l'homme politique". Mais comme "le premier résistant de France" a droit aux honneurs officiels, à l'utilisation de la radio, des chemins de fer, de tous les moyens étatiques qui sont d'habitude réservés uniquement aux représentants du Gouvernement, EN LA PERSONNE DU "PREMIER RESISTANT DE FRANCE", LES "DEMOCRATES" DU GOUVERNEMENT COLLABORENT AVEC LE CANDIDAT DICTATEUR, LE PETAIN N° 2. Strasbourg commence la deuxième étape : en effet, il ne s'agit pas là de discours et de propagande, mais de véritable mobilisation et de revue de forces groupées autour de De Gaulle. LE RYTHME DE SES DISCOURS, C'EST LE RYTHME DE LA MOBILISATION FASCISTE. Si les pseudo-démocrates, qui ont collaboré à la première étape, sont en fait les complices de la deuxième, en laissant tranquillement De Gaulle rassembler les forces nécessaires à l'étranglement de ce qui reste encore de libertés démocratiques, s'en remettre encore à eux, cela signifie que De Gaulle pourra, sans obstacle, passer à la troisième étape, qui est celle de L'ATTAQUE DIRECTE CONTRE LES ORGANISATIONS OUVRIERES, et de l'activité ouverte des bandes fascistes. Le seul moyen d'étouffer dans l'oeuf le développement du mouvement fasciste, c'est d'organiser SUR PLACE des contre-manifestations. Si De Gaulle peut, comme à Strasbourg, continuer tranquillement à mobiliser ses troupes dans les villes de France, la troisième étape ne saurait tarder.
La chose la plus
grave,
c'est qu'à Strasbourg il n'y ait pas eu de contre-manifestation
ouvrière. (extraits)[...] Nous faisons ici la même expérience que les ouvriers des autres pays capitalistes. En Amérique actuellement, alors que le pays n'a pas souffert des destructions de la guerre, la productivité est arrivée à un degré de développement extraordinaire. Mais les ouvriers américains ont vu leur pouvoir d'achat baisser à un tel point qu'ils sont obligés de soutenir une violente lutte gréviste pour défendre leurs salaires. Avant la guerre, le capitalisme japonais était arrivé à un développement considérable de la production. Son industrialisation lui permettait de battre, dans certaines branches, même la concurrence capitaliste américaine. Or, nous savons dans quel état de dénuement vivait l'ouvrier japonais. L'augmentation de la production en régime capitaliste n'augmente pas automatiquement le niveau de vie des travailleurs. La conquête d'un meilleur niveau de vie pour les ouvriers est toujours le résultat de leurs luttes. Il en était de même avant la guerre : le niveau de vie plus élevé des ouvriers était le résultat de leur action, dans une situation où les capitalistes pouvaient leur faire des concessions. On voudrait bien faire croire à l'ouvrier que ce sont les lois économiques compliquées qui règlent son salaire et son pouvoir d'achat, alors que la réalité confirme que c'est la résistance qu'il oppose au patronat qui en décide. Le salaire devient forcément une question de rapport de forces entre le patronat et les salariés dans une économie qui, comme l'économie capitaliste, n'est pas régie par des lois générales ayant en vue l'équilibre de la production, de la distribution, etc..., mais uniquement par le profit du capitaliste. Et c'est ainsi que, sur la question du minimum vital, les ouvriers n'ayant pas attaqué et ne se défendant pas, le patronat passe, lui, à l'attaque, emporte des positions et continuera à en emporter, jusqu'à ce que les ouvriers contre-attaquent.
Si les travailleurs ne
peuvent pas cesser la lutte, c'est parce que celle-ci leur est
constamment
imposée par le patronat : il faut vaincre pour ne pas être
condamné à la misère la plus noire. [extraits]L'extrême dénuement et la faim, dans une région où l'effort des ouvriers doit produire ce charbon tant sollicité de lui, ce sont là les raisons reconnues des "marches de la faim", des grèves de protestation, englobant des dizaines de milliers d'ouvriers, et de la grève générale des mineurs, qui ont eu lieu au début de ce mois dans la Ruhr. Le manque de logement, le manque de vivres, 750 calories de nourriture au lieu du minimum de 1.500 reconnu et alloué en principe, des localités qui restent des jours entiers sans pain, la gabegie et le marché noir organisé par l'occupant et les "collaborateurs" allemands, les capitalistes et les anciennes sphères dirigeantes, c'est cela, l'occupation : un paradis pour les trafiquants, les capitalistes, les Etats-majors, les "collaborateurs" ; un enfer pour le peuple travailleur. Pour le comprendre, il n'y a qu'à se rappeler la manière dont Hitler, qui devait punir, selon ses dires, les responsables de la guerre, s'est entendu avec tous les dirigeants et n'a puni, en vérité, que les classes travailleuses.
[...] Par l'avènement du fascisme, la réaction capitaliste avait écrasé le mouvement ouvrier allemand et l'avait éliminé de la scène pour de longues années. Par l'occupation militaire, le morcellement du territoire, leurs buts réactionnaires, en plongeant le pays dans la ruine et dans la prostration, les Alliés n'ont fait qu'aggraver la situation. Le sort du prolétariat allemand ou européen, un avenir de paix et de démocratie réelle, étaient bien les derniers des soucis de ces maîtres absolus du pays. Derrière leurs phrases de paix et de démocratie, ils ont caché leurs rivalités réelles, cherchant chacun à utiliser l'Allemagne comme un point d'appui contre ses rivaux. Mais tandis que, par leurs rivalités, ils travaillent ainsi chacun pour mettre l'Allemagne dans le jeu, ces rivalités et les contradictions impérialistes donnent aussi au mouvement ouvrier la possibilité de renaître. Car si les Alliés n'étaient pas obligés d'essayer de se concilier telle ou telle partie de l'Allemagne contre leurs adversaires, ils auraient, comme Hitler, utilisé sans hésitation la mitraille contre les mouvements ouvriers. Mais le mouvement ouvrier allemand renaît non seulement dans le cadre de ces rivalités, mais aussi grâce au déferlement des luttes ouvrières dans tous les pays. Partout, le mouvement reprend ; malgré toutes les défaites passées et les coups portés par la guerre, les contradictions internes du capitalisme recréent constamment des conditions de lutte favorables. Dans la renaissance du mouvement ouvrier allemand se reconstitue un des chaînons indispensables à la chaîne de la lutte ouvrière dans le monde. Si la classe ouvrière allemande renoue avec ses traditions, le prolétariat français a, lui aussi, des traditions à reprendre, que les renégats de la classe ouvrière s'efforcent de lui faire oublier. Ce sont celles de la solidarité ouvrière, des manifestations et des luttes qu'il a soutenues en 1923 pour l'évacuation de la Ruhr, dirigées par le Parti qui ne s'intitulait pas encore Parti Communiste Français --au service des capitalistes-- mais tout simplement Parti Communiste (section française de la IIIe Internationale) au service des travailleurs. Aujourd'hui, il n'y a pas de meilleur écho à renvoyer à l'effort de lutte ouvrière du prolétariat voisin que de s'opposer à l'action impérialiste de notre propre bourgeoisie, et d'exiger la cessation de l'occupation, source de misère et fardeau écrasant pour les deux peuples. Sur un prétendu Comité de lutteLes travailleurs de chez Renault auraient été bien étonnés d'apprendre, en lisant La Vérité du 4-4-47, qu'il existerait dans l'usine un Comité de lutte, né de la nécessité "de passer par-dessus la tête des organisations traditionnelles et de leurs représentants". En dehors des publications de la C.G.T. et du P.C.F., diverses tendances se manifestent dans l'usine. Dans certains secteurs, les ouvriers voient circuler des tracts du M.F.A., dans d'autres, ceux de la C.N.T., ailleurs circule un bulletin, La Voix des Travailleurs de chez Renault. Dans plusieurs mouvements de grève, se sont manifestés des ouvriers combatifs, connus pour appartenir à ces tendances ou étant isolés, quant à la soi-disant activité du Comité de lutte, les travailleurs de chez Renault n'en connaissent pas l'existence et pour cause. Là où une activité quelconque s'est manifestée, soit par la circulation de tracts ou de journaux, soit par l'intervention de camarades combatifs, dans bien des cas les ouvriers l'ont appuyée de leur sympathie, mettant bien souvent en difficulté les bonzes de la C.G.T. ou du P.C.F. Malheureusement, les ouvriers sont loin d'être passés à la lutte ouverte pour la défense de leurs revendications et là où des mouvements isolés ont eu lieu, malgré l'activité de certains éléments combatifs, le plus souvent ils ont laissé canaliser leur mouvement par les bureaucrates cégétistes. Si les ouvriers ont donné leur appui à diverses actions dans certains cas précis tels que : signature de pétition de protestation contre la mauvaise répartition de la prime ou pour la revendication des 10 francs, diffusion de tracts, etc..., ils ne sont pas encore arrivés à se donner la nouvelle forme d'organisation que sont les Comités de lutte. Et dans bien des cas, ce sont encore les organisations officielles, malgré la désapprobation des travailleurs envers leur mauvaise politique, que ceux-ci utilisent pour leur lutte quotidienne. C'est au délégué cégétiste qu'ils s'adressent quand ils ont un litige à régler avec la direction ; bien souvent également ils se laissent prendre aux combines et aux "tactiques" des bureaucrates qui leur font signer des pétitions pour le charbon de la Ruhr ou qui organisent des souscriptions pour une couronne à Jean-Richard Bloch. Par ailleurs, depuis des mois, des ouvriers avancés ont commencé à se réunir pour discuter des problèmes de l'usine. C'est une telle réunion, à laquelle il a participé par le hasard des liaisons, que le correspondant de La Vérité a pris pour un "Comité de lutte". Transformer cette prise de contact entre éléments avancés de l'usine en un "Comité de lutte", cela contient autant de vérité que l'information donnée par un tract du même journal pendant la grève des rotativistes, affirmant que "chez Renault, dans plusieurs départements de l'usine.... les ouvriers réussissent à décrocher les 10 fr. supplémentaires de l'heure", quand ceux-ci ont seulement débrayé pour des augmentations de salaires qu'ils n'ont pas eues. C'est ce qu'on appelle prendre ses désirs pour des réalités. PIERRE.
Le journal de la
section
syndicale, L'Unité, nous "apprend que la section syndicale a
protesté
contre le fait qu'aux "automotrices" on ne fait plus que 96 heures par
quinzaine au lieu de 108".
Voilà comment la C.G.T. défend la journée de travail. Comme disait un ouvrier : "Et dire que je suis allé en prison pour défendre les 40 heures !"
C'est encore
L'Unité
qui rappelle à l'ordre des ouvriers qui se sont
"harponnés"
avec des gardiens :
Réflexion d'un ouvrier : "On a compris, ils payent leurs timbres, ces sont des clients sérieux".
Le B.P. affirme
d'autre
part que "malgré ces précisions... la
délégation
de l'"Union Communiste" n'a pas cru devoir apporter une réponse
positive et constructive aux suggestions du P.C.I.".
La Lutte de Classes avait depuis fort longtemps fait, elle aussi, des propositions en vue de la réalisation de l'unité révolutionnaire (voir L. de Cl. n°53). La réponse que nous avons reçue à l'époque, "Les poissons pilotes", est une preuve suffisante que les conceptions du P.C.I. et les nôtres, sur la construction du parti révolutionnaire, étaient loin de se rapprocher (l'expérience a prouvé qu'une référence abstraite au même programme n'implique pas la même pratique et politique). Cependant si, en l'absence de conceptions communes vérifiées par la pratique, une séparation organisationnelle est préférable à une unité de pure forme, il reste néanmoins que l'existence indépendante, justifiée ou non, de multiples petites organisations qui veulent toutes la révolution prolétarienne, est le signe infaillible de la faiblesse du mouvement ouvrier ; et si, en dernier lieu, l'unification révolutionnaire n'est possible que sur la base de la croissance du mouvement ouvrier dans son ensemble et de l'activité consciente de la classe ouvrière, on peut faire un grand pas en avant dans cette direction par le maximum d'unification du travail des révolutionnaires en direction de la classe ouvrière. Par conséquent, nous sommes prêts, au moyen d'un bulletin intérieur commun, à vérifier jusqu'à quel point il s'est créé ou peuvent se créer, parmi les militants révolutionnaires, des conceptions communes organisationnelles et politiques de travail. |