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chronologie 1947 |
N° 10 |
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18 JUIN 1947
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La fin de la grève
des cheminots nous permet de faire un premier bilan des luttes
ouvrières.
Le mouvement d'ensemble auquel avait fait appel le Comité de grève Renault ne s'est pas réalisé, du fait du sabotage de la bureaucratie syndicale. Ainsi, la première poussée d'ensemble de la classe ouvrière depuis 1938 s'est trouvée freinée ou fractionnée en grèves séparées. Il ne faut pas s'étonner si les résultats matériels immédiats obtenus sont incomplets : ils correspondent au caractère incomplet de la Lutte. La grève de Renault et de quelques autres usines à Paris et en province a arraché pour la métallurgie des augmentations de salaires très variables ; pour l'ensemble de la métallurgie, les ouvriers sont loin du compte, c'est-à-dire des 10 francs. Le patronat qui, lui, est uni parce qu'il forme économiquement un tout monopoleur, a lâché aux ouvriers là où il a été obligé de lâcher, en défavorisant les secteurs ouvriers qui n'ont pas pu se défendre par leurs propres forces.
Or, les ouvriers de
partout
voulaient un minimum vital, garanti pour toute la classe
ouvrière,
et non pas des concessions pour les contenter quelques semaines et que
les capitalistes et le gouvernement reprennent par la hausse des prix
et
l'inflation au détriment de toute la population laborieuse.
D'un côté, les grèves ont obligé le gouvernement à capituler ; au lieu du ton totalitaire du début de la réquisition, il a dû finalement se montrer en "conciliateur". Le blocage des salaires, c'est-à-dire l'obligation pour les travailleurs d'accepter sans rechigner des salaires de famine, pour le "bien général", c'est-à-dire pour les capitalistes, a été mis en échec. D'un autre côté, pour faire capituler le gouvernement, les ouvriers se sont montrés capables de passer outre leur propre bureaucratie syndicale (Renault, Gaz et Electricité, Cheminots, etc.). Ils ont commencé, dans une grande mesure, à s'émanciper de sa tutelle, émancipation qui est la première condition de nos luttes ultérieures. Les arguments cégétistes aussi se sont trouvés démasqués dans la lutte. Ils disaient aux ouvriers de ne pas faire grève, de ne pas entrer en lutte ouverte, parce que ce sera la réaction le gagnant. Mais c'est Ramadier et la réaction qui ont capitulé devant les travailleurs. Rappelons ce que nous disions dans La Voix, n° 8, le 3 juin, avant la grève des cheminots : "Seule une grève générale peut faire capituler les capitalistes et le gouvernement". Les dirigeants de la C.G.T. proclamaient la grève générale "une idiotie", au profit de la réaction, mais la grève des cheminots a donné raison aux ouvriers contre eux. Entre les différents moyens de lutte proposés, les travailleurs savent maintenant que c'est la grève générale qui reste le moyen pour obtenir, non pas quelques aumônes ou quelque allègement temporaire que les capitalistes reprennent de l'autre main, mais les revendications fondamentales. Car, au point de vue des moyens à utiliser, est-ce un hasard que la seule grève qui, par son caractère total et généralisé, a menacé de paralysie le gouvernement bourgeois, ait obtenu presque toutes ses revendications ? Mais ce bilan, décisif pour de nouvelles luttes, ne sera converti en avantage réel pour la classe ouvrière que dans la mesure où les travailleurs, émancipés de la bureaucratie qui paralyse nos luttes, seront capables de se regrouper DIRECTEMENT ENTRE EUX, c'est-à-dire de s'unir à l'intérieur des usines, et d'usine à usine. La première forme de ce regroupement, c'est de s'organiser syndicalement en dehors des dirigeants cégétistes, partout où l'appareil a démasqué son caractère de jaune à la masse des ouvriers. Ce qui n'a pas été obtenu dans une lutte morcelée et séparée sera obtenu demain par l'organisation dans une lutte unie et d'ensemble. Ainsi, cinq jours de grève nous ont permis de remporter une victoire, sinon éclatante, du moins satisfaisante. Nous n'avons dû céder que sur deux points ; celui concernant le reclassement dans les échelles, qui est prévu pour le 1° Janvier 1948, et l'étude de la mise en harmonie de nos salaires avec ceux de l'industrie nationalisée (houillères notamment) et pour laquelle aucune date n'a été retenue. Enfin, la Fédération n'a pu obtenir du gouvernement et de la S.N.C.F. l'assurance formelle que les tarifs voyageurs et marchandises ne seraient pas modifiés. Comment a-t-on obtenu de tels avantages ? Quelles circonstances favorables nous ont permis d'arracher en cinq jours plus que vous en trois semaines ? Ce n'est certes pas le gouvernement qui, soudain "raisonnable" et paternaliste, trouva nos salaires vraiment dérisoires, nos "revendications modestes et légitimes". Ce n'est pas non plus notre Fédération qui fut plus combative, moins bureaucratique (C.G.T. ou C.F.T.C.). Dès le début, la C.G.T. tenta même de briser la grève dans l'oeuf et de donner au gouvernement une porte de sortie, en stoppant la grève des "pétroliers". Quant à la Fédération elle-même, elle se dépensa beaucoup avant le conflit total pour essayer d'appeler au calme les futurs grévistes, comme elle le fit à maintes reprises dans les gares parisiennes. C'est notre unité dans l'action, notre cohésion qui contribua pour beaucoup à ce résultat. C'est surtout parce que, né d'un mécontentement général, le mouvement fut général ; c'est parce que, né dans la masse des syndiqués de base, il poussa les syndicats à entrer en action, ces derniers agissant eux-mêmes sur la fédération. De plus, tous les cheminots étaient décidés à aller jusqu'au bout, à gagner la bataille et à ne pas perdre une seule journée de notre salaire. Nous avions presque un mois devant nous jusqu'à la prochaine paye. Nous savions, notre grève étant totale, que le gouvernement ne saurait tenir aussi longtemps que nous, les mesures qu'il prenait pour nous contrecarrer étant plus spectaculaires qu'efficaces. La Fédération, aussi bien que le gouvernement, a senti cette ferme volonté. Elle n'osa pas l'attaquer de front. Elle essaya de gagner du temps en "oubliant" de lancer de suite l'ordre de grève à la province, en manoeuvrant les comités de grève pour leur enlever toute initiative et toute puissance, chose qu'elle réussit dans maint endroits. Mais, bientôt, elle fut obligée de prendre position : ou briser froidement la grève en faisant "accepter des promesses" par les cheminots (c'était perdre la confiance de la majorité de ces derniers) ; ou bien heurter de front le gouvernement. Le gouvernement, de son côté, essaye de lasser les grévistes, de les provoquer par la division ou des appels démagogiques, ou bien même en organisant ses fameux services routiers. La Fédération, prise entre deux feux, ménagea les deux parties. Mais le temps pressait. Il fallait agir très vite. Un fait nouveau précipita les événements. Le conflit du gaz et de l'électricité rebondissait. Tout le monde sait dans quelles conditions. Dès lors, il n'était plus possible de donner aux cheminots, instruits par l'expérience des gaziers et des électriciens, de vagues promesses. Ils réclamaient des résultats concrets. Désormais, le gouvernement se sait battu. Il fera semblant de résister encore un peu pour la forme, mais il s'attachera surtout à limiter les dégâts tout en donnant assez pour pouvoir classer l'affaire pour longtemps.
Mais demain, si les
ouvriers
de toutes les usines, à l'instar des cheminots de toutes les
gares,
Confiance et courage, camarades ouvriers de la R.N.U.R. Par notre grève, nous avons démontré aux saboteurs de grève de tout horizon que, lorsqu'elle est complète et générale, la grève paie toujours. Il suffit, par la lutte quotidienne, de lui en donner la possibilité. Mais le gouvernement, conscient du danger devant la grève générale résolue des cheminots, a cédé plus vite qu'on ne pouvait s'y attendre et leur a donné satisfaction. Cependant la métallurgie n'ayant pas été en grève, la liquidation du conflit des cheminots s'est faite indépendamment des autres catégories. Et, aujourd'hui, le gouvernement prend la décision de "permettre" à chaque patron de se débrouiller avec ses ouvriers pour leur accorder des primes qui ne doivent pas dépasser le maximum de 7 francs dans les entreprises les plus favorisées ! Comme tout le monde peut le comprendre, cela signifie, en fin de compte, qu'on n'obtiendra que ce qu'on aura arraché par la lutte ! Dans son communiqué du 13, la C.G.T. est obligée de reconnaître que "pratiquement, en somme, rien n'est changé" ! Ainsi, les dirigeants cégétistes, qui nous ont fait reprendre le travail sur la base des 3 francs avec la promesse d'obtenir pacifiquement les 10 francs, sont maintenant loin du compte. La décision gouvernementale laisse les patrons se débattre dans chaque cas avec les ouvriers, tout en fixant un plafond de 7 francs, compte tenu de toutes les augmentations déjà obtenues ! Chaque patron essayant de donner le moins possible, c'est encore par la lutte qu'il faudra lui arracher des concessions. En cas de conflit, la décision gouvernementale prévoit un arbitrage, mais nous avons déjà eu à ce sujet l'exemple du gaz et de l'électricité où, malgré l'arbitrage, il a fallu que les ouvriers commencent effectivement la grève pour obtenir une augmentation. La preuve est encore une fois faite : l'attentisme ne paie pas, sele la lutte paie. Notre première lutte pour les 10 francs a été sabotée par les dirigeants cégétistes. Aussi, ne devons-nous pas maintenant laisser les choses aller ; il faut empêcher que l'action que nous aurons à mener rencontre les mêmes difficultés que la première, c'est-à-dire qu'elle soit sabotée. Il n'y a pour cela qu'un seul moyen, que nous avons déjà proposé dans notre numéro 8 : c'est que des représentants, quelle que soit leur appartenance, à condition qu'ils soient dûment mandatés dans des assemblées de base par les ouvriers, se réunissent ensemble pour envisager en commun les moyens d'action. La section syndicale qui parlemente avec le patron ne représente pas l'ensemble des ouvriers, ni même la majorité. Pour réaliser l'unité et trouver les meilleurs modes d'action, il faut que TOUS LES OUVRIERS soient représentés dans un organisme démocratique de l'usine, où les délégués, élus par les ouvriers de chaque département et révocables par eux, décident de l'action à mener. Si les responsables syndicaux acceptent nos propositions, qui sont les plus démocratiques possibles et que les ouvriers approuvent, il n'y aura pas de heurt ; sinon, ils auront démontré qu'ils veulent continuer à saboter la volonté des ouvriers, et ceux-ci doivent se détourner d'eux. Avec eux ou contre eux, l'unité et la victoire seront acquises ! A L'ACTION POUR NOS 10 FRANCS, SUR LE TAUX DE BASE ! par
Pierre BOIS
Dans notre dernier
numéro,
nous avons répondu aux camarades qui, ne voulant plus se
soumettre
à une direction syndicale complice du patronat, ont pensé
résoudre le problème en "adhérant" à
d'autres
centrales syndicales existantes, c'est-à-dire en collant des
timbres
sur de nouvelles cartes. A notre avis, les ouvriers ne peuvent
retrouver
une nouvelle centrale, dévouée à leurs
intérêts
et sous leur propre contrôle, avant d'avoir créé,
dans
chaque usine et chaque secteur, une nouvelle organisation
appuyée
sur la masse des ouvriers, c'est-à-dire avant d'avoir
reconstruit
par la base.
Mais il est d'autres camarades qui, tout aussi convaincus de la malfaisance de la direction cégétiste, ont cette autre attitude : quelque pourris que soient les bonzes, il ne faut pas "briser l'unité" : il faut rester dans la C.G.T. pour l'"épurer". Ces camarades semblent ne pas se rappeler qu'en fait, depuis de longs mois, la politique patronale et bureaucratique des dirigeants avait épuré, elle, les ouvriers de la C.G.T. Les réunions syndicales étaient des lieux déserts, rien ne se faisait autrement que derrière le dos des ouvriers et contre eux. Il y avait bien un appareil bureaucratique, mais pas de syndicat.
C'est l'appareil
bureaucratique
qui a provoqué la scission entre les ouvriers et le syndicat
cégétiste.
Maintenant que les ouvriers se sont émancipés en grande partie de l'appareil bureaucratique et que celui-ci, effrayé par son isolement, essaie de se donner quelques apparences démocratiques, les bonnes âmes qui prêchent la lutte à l'intérieur de la C.G.T. veulent nous ramener, en fait, sous la houlette d'un Delame qui, comme un Plaisance, n'est que l'instrument aveugle des Frachon et Jouhaux. Avant de nous inviter à rester dans la C.G.T., nous qui représentons dans l'usine bien plus que la bureaucratie syndicale, ces bonnes âmes devraient d'abord nous prouver, par leur exemple, qu'on peut lutter dans la C.G.T. Mais nous trouvons déjà la réponse à cette question dans L'Acier, qui consacre trois colonnes à quatre "diviseurs" qui ont osé critiquer les dirigeants cégétistes ! Mais, en fait, ce qui intéresse les ouvriers surtout, ce ne sont pas les bonnes âmes dont toute l'action consiste à parler dans des organisations toutes prêtes parce qu'elles ne sont pas capables de construire une nouvelle organisation démocratique. Ce qui préoccupe beaucoup d'ouvriers, et c'est cela qui est important, c'est la question suivante : est-ce que l'existence de plusieurs organisations syndicales dans l'usine n'affaiblira pas, par la force des choses, notre lutte ? L'expérience a DEJA prouvé que NON. Nous nous sommes rendus à la manifestation du mercredi 4 juin, bien que ce fut non seulement une initiative de la C.G.T., mais une manifestation que nous estimions fausse. Mais, si nous y avons participé, précisément pour réaliser l'unité des travailleurs et leur permettre de faire leur expérience, à plus forte raison serions-nous présents dans n'importe quelle action où la C.G.T., ou n'importe quelle autre organisation, prendrait une initiative tant soit peu favorable aux ouvriers ! Notre syndicat est non seulement une arme contre la trahison de l'appareil bureaucratique, un moyen d'organisation des ouvriers de l'usine contre lui, mais d'un autre côté c'est la seule organisation qui, dans son activité, n'a tenu compte que des intérêts de tous les ouvriers. Si nous confiions à nouveau notre sort à la bureaucratie syndicale, on ne tarderait pas à revenir à la situation que nous avons connue avant la grève. Notre syndicat est la seule garantie contre le retour à l'ancien état de choses. Si les dirigeants cégétistes font semblant aujourd'hui de se mettre un peut du côté des ouvriers, c'est seulement sous l'influence de la lutte et sous la pression de notre existence autonome. Mais ils ne font, pour ainsi dire, qu'attendre les ouvriers au tournant, pour rétablir leur dictature si notre lutte n'est pas menée jusqu'au bout. Et puis, puisque tout le monde est d'accord qu'il faut détruire la bureaucratie syndicale, il faut bien se dire qu'on ne détruit que ce qu'on remplace. Si on veut détruire la bureaucratie parasitaire qui étouffe la vie syndicale (première forme d'organisation indispensable aux travailleurs), on doit créer un véritable syndicat groupant la masse des ouvriers et constituant, par ses cadres, un exemple vivant pour les autres. Nous avons pensé que les conditions nécessaires se trouvaient réunies dans notre usine et les travailleurs nous ont donné raison. Les bonnes âmes n'auront le choix, en définitive, que de se rallier à la majorité des ouvriers, sinon elles se retrouveront finalement en famille avec les bureaucrates syndicaux. Maintenant, également, au point de vue syndical, la tâche que se donne l'ancien comité de grève, devenu la commission exécutive du syndicat démocratique Renault, c'est de défendre les intérêts des ouvriers à tout moment, avec eux et pour eux, et non pas sans eux et contre eux. Avec ses moyens habituels de calomnie, L'Acier tente de nous discréditer, en nous accusant de "collusion" avec toutes sortes d'organisations, surtout de droite. En fait, de quel côté était la collusion ? En ce qui nous concerne, la direction réactionnaire de la Régie n'a jamais voulu nous recevoir, et, même lorsque M. Lefaucheux a reçu les membres du comité de grève, il s'est empressé de démentir cette entrevue en prétendant qu'il avait reçu des "ouvriers" accompagnés de leurs délégués (cégétistes). De même, lorsque le comité de grève a entrepris des démarches au ministère du travail, on lui a fermé les portes. Par contre, ceux qui nous accusent, eux, discutaient à longueur de journée avec les représentants de la direction et dans les antichambres ministérielles. Tandis que la C.G.T., suivant les instructions de la direction, retirait ses piquets de grève, seul le comité de grève maintenait les siens. Et quand Hénaff et Coste vinrent faire leur discours dans l'usine pour inviter les ouvriers à reprendre avec 3 francs, c'est avec l'autorisation de la direction que leurs voitures pénétrèrent dans l'usine. Où est la collusion du comité de grève avec la réaction ? Et n'y a-t-il pas eu plutôt collusion de la direction, du gouvernement et de la C.G.T. contre notre grève ? Jean
BOIS.
Quand un camarade quitte l'usine, qu'il veuille bien nous le signaler ! Rendez-vous mercredi et vendredi au café-tabac "Le Terminus", angle rue Collas et avenue Edouard-Vaillant. Métro Pont-de-Sèvres, de 18 heures à 20 heures. Solidarité. - Une collecte, faite par les ouvriers du secteur Collas, en faveur des grévistes de "L'Air Liquide", a rapporté la somme de 9.502 fr.50. Le fruit de cette collecte a été remis au comité de grève de "L'Air Liquide", qui nous a assuré que le produit des souscriptions était réparti en argent liquide à tous les grévistes syndiqués et non syndiqués. - Dans notre n° 8 de La Voix, nous avons signalé que des bouteilles d'air liquide sortaient de notre usine, ce qui sabotait le mouvement des camarades de "L'Air Liquide". Lorsque nous sommes allés porter notre collecte, le comité de grève a manifesté son mécontentement de voir que les ouvriers d'une usine comme Renault toléraient des méthodes de briseurs de grève. Aussitôt nous avons fait une enquête sur place. Il y a quelque temps, un délégué, que nous avions interrogé à ce sujet, nous avait assuré que les bouteilles qui sortaient étaient destinées à ravitailler les usines satellites de Renault. Or il s'avère que 50 à 60 bouteilles sortent journellement de nos usines pour ravitailler Citroën, Panhard, Alsthom (Saint-Ouen), Talbot, Decauville, etc. etc. Le délégué de la C.G.T. est, paraît-il, intervenu auprès de la direction pour faire cesser la sortie de ces bouteilles. Nous demandons aux ouvriers de ce secteur de prendre eux-mêmes leurs responsabilités pour faire cesser l'expédition de bouteilles à l'extérieur. Nous n'avons pas à attendre les ordres de la direction pour faire jouer la solidarité ouvrière.
Sur ma réponse affirmative, ils
me
menacèrent
:
Le dialogue se poursuivit, et voyant
que je
n'étais pas décidé à me laisser faire, ils
partirent en promettant de revenir.
J'ai
appartenu au P.C.F., mais la
grève
m'a ouvert les yeux et j'ai compris où était mon devoir.
Ce fut 50%, puis 25%. Après différentes délégations, une manifestation eut lieu. La direction refusait toujours. Les 500 francs d'acompte qu'elle nous proposait furent rejetés. "Nous irons jusqu'au bout", disaient les délégués. C'était bien aussi notre avis à tous. Enfin, vendredi dernier, assemblée générale en vue de la reprise du travail. La direction propose une prime d'après le rendement, plus un acompte de 900 fr. aux O.S. et 1.200 fr. pour les autres catégories, et 600 fr. à retenir sur le futur minimum vital.
L'atmosphère
générale
était à la lutte. Mais les délégués,
qui estimaient avoir assez fait pour nous, voulurent la reprise du
travail
normal. Or les ouvriers ne veulent pas d'acomptes qu'ils devront
Par trois fois, un responsable essaie de nous persuader et, au vote, les voix sont à peu près à égalité pour et contre la reprise. C'est alors que les délégués, sous prétexte de ne pouvoir nous compter, profitent du désarroi pour faire une besogne de jaunes, menaçant les ouvriers des pires catastrophes, du lock-out, de mois de lutte, etc. ; démoralisant les uns, couvrant les protestations des autres, ils couronnent leur succès par un nouveau vote où ils obtiennent la majorité. Des dizaines d'ouvriers, écoeurés mais fermes, s'opposent à la lâcheté des saboteurs cégétistes et quittent l'assemblée. La grève perlée, mauvaise méthode de lutte, nous a conduits à la défaite, mais elle a permis de démasquer les bureaucrates cégétistes. Les ouvriers du L.M.T. qui l'ont compris se rappellent que les ouvriers de chez Renault ont fait la même expérience, et ils s'engageront dans la même voie.
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