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 L’EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L’OEUVRE DES TRAVAILLEURS EUX-MÊMES
 
N° 8
 
3 JUIN 1947
 
La Voix des Travailleurs
                  de chez Renault
PERMANENCE Café-Tabac «Le Terminus», angle r. Collas, av. Edouerd-Vaillant Métro : Pont-de-Sèvres

 
 
 
 REPARTIR DU PIED GAUCHE
    D'après les chiffres officiels, la production a doublé depuis un an, et cependant la situation des travailleurs n'a fait qu'empirer. En haut lieu on essaie d'embrouiller les ouvriers avec des explications "techniques" et des discours sur la "course entre les salaires et les prix".

    Mais si la situation est catastrophique pour les masses, elle ne l'est pas pour tout le monde. On peut être sûr que les riches, malgré le manque de pain, ont mangé comme d'habitude, le lundi comme le dimanche, aujourd'hui comme hier, et comme demain... si les travailleurs ne réagissent pas. Car l'explication de toute la situation et de toutes les difficultés pour les masses, c'est l'action de tous les gouvernements jusqu'à maintenant, qui ont tous fait une politique en faveur des riches et contre les pauvres. Avec un gouvernement des travailleurs, l'accroissement de la production n'aurait-elle pas tout naturellement amélioré la vie des masses ? Ceci est tellement évident et le mécontentement est tellement grand, que toute la classe ouvrière, en province et à Paris, toute la population, est indignée et veut entrer en lutte. Il a fallu tout l'effort non seulement officiel, mais surtout celui des organisations qui se prétendent encore ouvrières pour que ce mécontentement ne se transforme pas en une grande vague de fond.

    Mais le flot grandit. Lundi matin, plusieurs centaines d'ouvriers et d'employés ont manifesté devant l'Hôtel Matignon. Dans notre usine, le secteur Collas et le Bas-Meudon ont fait une demi-journée de grève, pour riposter sur-le-champ contre les manoeuvres du gouvernement. En effet, celui-ci n'a acculé à la grève les ouvriers boulangers (dont le travail pénible est très mal payé) qu'avec l'arrière pensée que cette grève, frappant toute la population, pourrait dresser celle-ci contre les grèves en général.
Par ailleurs, si l'on regarde tout ce qui se passe dans les usines en province et à Paris, le mouvement de grève générale, auquel le comité de grève Collas avait fait appel, tend tous les jours à devenir une réalité.

    La nécessité de cette lutte fait tant de progrès dans la conscience des ouvriers, que les dirigeants cégétistes, qui avaient d'abord présenté la grève générale comme une idiotie, essaient maintenant de la présenter comme une chose prématurée, qu'"on ne sait pas où cela peut nous mener", que ce serait une grève insurrectionnelle, que "la réaction n'attend que ça"...

    Pourquoi les dirigeants cégétistes nous menacent-ils de la réaction ?

    La classe ouvrière a l'expérience de deux grèves générales : celle de février 1934 et celle de juin 1936. Dans le premier cas, la grève générale était destinée précisément à écraser la réaction, qu'avaient nourri la passivité et les scandales parlementaires. Et malgré la constitution de gouvernements comme celui de Doumergue ou Laval, qui étaient des gouvernements réactionnaires, la classe ouvrière, dans la lutte, a constamment amélioré ses positions et c'est finalement par la grève générale de juin 1936, que pour la première fois elle a arraché les revendications les plus immédiates et les plus indispensables à sa vie, les congés payés, les quarante heures, l'amélioration des salaires... C'est parce que la lutte ultérieure en 1937 et 1938 a été sabotée par les directions officielles, que la classe ouvrière a reculé ensuite.
Du reste le gouvernement s'appuie déjà sur la réaction, sur les capitalistes et leur haute bureaucratie, le corps des généraux pour étouffer les luttes ouvrières (réquisition, etc.). Et c'est seulement parce que les forces réactionnaires ne se sentent pas en mesure de s'opposer de front à la classe ouvrière, qu'elles se cachent derrière un gouvernement qui n'a de socialiste que le nom.

    Il ne s'agit pas d'insurrection.

    Il ne s'agit, aujourd'hui comme en juin 1936, que de défendre.

    La politique des cégétistes, c'est le chacun pour soi, alors que c'est seulement une grève générale, ne comprenant pas les services indispensables à la population, qui peut seule faire capituler les capitalistes et le gouvernement. Dans une grève générale des industries non indispensables à la vie de tous les jours, les ouvriers boulangers, par exemple, auraient vu leur salaire augmenté comme tous les autres, sans se mettre en grève.

    Les grèves perlées et dispersées nous font gaspiller un temps précieux ; elles énerveront, à la longue, les ouvriers et la population. C'est cela qu'attend la réaction et si les représentants, prétendument ouvriers, sont partisans de ces méthodes, c'est parce que leur but c'est surtout d'utiliser la lutte ouvrière pour la réalisation de leurs desseins ministériels, et non de défendre le pain des travailleurs.
 
Comme en juin 1936, la classe ouvrière, tout ensemble, doit repartir du pied gauche !

LA VOIX DES TRAVAILLEURS.


UNITE POUR LES 10 Fr.
    La direction cégétiste n'a pas répondu à notre question sur les moyens qu'elle entendait mettre en oeuvre pour obtenir les 10 francs à partir du 1° mai.

    Cette question devait recevoir une réponse même si elle n'était posée que par une minorité d'ouvriers, à plus forte raison quand elle intéresse, comme c'est le cas, tous les ouvriers de chez Renault.

    Une telle attitude est intolérable, car ce que veulent les travailleurs c'est que chaque tendance ou fraction, quels que soient les postes occupés, répondent nettement et sans détour aux questions posées par les ouvriers.

    Il est un moyen pour mettre fin à cette attitude arrogante de la direction cégétiste vis-à-vis des ouvriers, et qui nuit à la lutte d'ensemble.

    Pour nous, le pain des travailleurs n'est pas une question de rivalité. Ce que nous voulons, c'est l'unité de lutte. Nous proposons, par conséquent, que les représentants, quelle que soit leur appartenance, à condition qu'ils soient dûment mandatés dans des assemblées de base par les ouvriers, se réunissent ensemble pour envisager en commun les moyens d'action dans une situation qui exige qu'on trouve les moyens de défense contre les attaques patronales toujours renouvelées.

    La section syndicale n'a envisagé qu'une délégation dans les ministères pour protester contre la diminution de la ration de pain décrétée par le gouvernement. Le secteur Collas et le Bas-Meudon ont, par contre, fait une grève de protestation, le lundi, au nom des ouvriers de chez Renault.

    Plusieurs milliers d'ouvriers représentés par la nouvelle C.E. Collas, le 88, et les délégués d'autres départements, sont prêts à l'unité d'action avec les représentants officiels du syndicat dans la mesure où ceux-ci s'engagent à suivre réellement les désirs des ouvriers de base et proposent des moyens de lutte réellement efficaces.

    Assemblées générales dans chaque département pour mandater des responsables nouveaux ou anciens et réaliser, dans les faits et non dans les paroles, l'unité de lutte de tous les travailleurs de chez Renault !


COMMENT S'ORGANISER par PIERRE BOIS
    Comment conserver l'unité qui s'est réalisée pendant la grève ? Pour mener la grève nous avons eu un comité de grève. Mais l'activité d'un comité de grève cesse avec la grève.

    Certains camarades pensent qu'il faut transformer le comité de grève en comité d'action.

    Or un comité c'est un organisme qui a une tâche bien définie à accomplir. Il ne peut exister que pour une action bien déterminée. On peut former un comité pour le contrôle des cantines, qui, groupant des ouvriers de toute tendance, s'occuperait du contrôle des cantines.

    On a pu former un comité d'épuration qui avait la tâche bien précise d'épurer (qu'il l'ait mal fait, c'est autre chose); on peut former un comité de défense ouvrière qui serait chargé de la défense des réunions, des locaux et de la presse ouvrière.

    Mais il y a les tâches quotidiennes et permanentes du mouvement ouvrier. Il faut percevoir des cotisations, avoir un siège pour tenir des réunions, faire de l'agitation et de la propagande, établir une liaison constante entre les ouvriers des différents ateliers et des différentes usines; en un mot il faut organiser les ouvriers les plus combatifs : cela, c'est la tâche du syndicat. Et si nous sommes en désaccord avec le syndicat C.G.T., c'est justement parce qu'il ne remplit pas ses tâches. Il perçoit des cotisations ? C'est pour éditer des tracts de calomnies contre les grévistes ! Des réunions syndicales ? On n'en fait pas ou bien on y empêche de parler les ouvriers ! Etablir une liaison ? Des ateliers limitrophes sont en grève et les ouvriers n'en sont même pas informés par leur syndicat !
 

    Le syndicat C.G.T. n'organise pas les ouvriers, il groupe des cotisants.

    Il nous faut un véritable syndicat, c'est-à-dire un syndicat qui ne soit pas la propriété des bonzes, mais qui soit contrôlé par tous les syndiqués.

    Ce qu'il faut, c'est d'abord imposer la démocratie. Or, cela on ne peut pas le faire dans la C.G.T. actuelle. Tous ceux qui émettent des opinions contraires à ceux des dirigeants sont évincés. Et même là où une petite opposition peut subsister, elle est toujours prisonnière de la "majorité".

    C'est ainsi que les camarades de Collas, après avoir élu une commission exécutive à eux, se sont heurtés à l'opposition de la bureaucratie syndicale qui a refusé de les reconnaître. C'est pourquoi cette C.E., provisoirement transformée en comité d'action, a décidé de constituer un syndicat.

    Certains camarades pensent que la tâche est trop difficile pour l'entreprendre. C'est sous-estimer notre force et surestimer cella de la fraction dirigeante de la C.G.T.

    En fait, les syndicats n'ont pas toujours groupé des millions de syndiqués. Le syndicat doit grouper et organiser les ouvriers les plus conscients et les plus combatifs. Si aujourd'hui les syndiqués sont nombreux c'est que le syndicat n'exige rien d'eux que 40 fr. par mois. Or, il vaut mieux cinquante syndiqués actifs que deux mille cotisants.

    Le problème que nous posons n'est pas de faire un syndicat opposé à la C.G.T. Ce que nous voulons c'est RECONSTRUIRE LE SYNDICAT A LA BASE. Nous ne construisons pas non plus un syndicat autonome, ce qui supposerait que nous voulons limiter notre action à la R.N.U.R. : nous sommes partisans d'une seule centrale syndicale, c'est-à-dire de syndicats groupés en fédérations, elles-mêmes groupées en Confédération (C.G.T.).

    Mais nous considérons qu'actuellement il n'y a pas de C.G.T., il y a seulement une bureaucratie syndicale qui encaisse des cotisations.

    Nous ne voulons plus payer des cotisations à des gens qui nous trahissent. Pour reformer la C.G.T. sans les bureaucrates, il faut d'abord reconstruire les syndicats de base qui se grouperont ensuite en fédérations, lesquelles s'uniront en confédération. Le travail peut paraître difficile, mais il n'y a pas le choix, car il n'y a pas d'autre voie. Ce qu'il faut, c'est reformer notre syndicat à la base pour établir une démocratie réelle, par un contrôle permanent de la base sur le syndicat. C'est pourquoi les ouvriers du secteur Collas créent le "syndicat démocratique de chez Renault" dont les statuts seront déposés prochainement et portés à la connaissance des travailleurs de la Régie.

    Ils invitent dès maintenant les ouvriers à se joindre à eux.
 
 


STRATEGIE... OU TRAHISON ?
    Tous ceux qui ont des profits à perdre ont tremblé et tremblent encore. Les conflits sociaux et la crainte de la grève générale troublent leur sommeil. Les coffres-forts sont alarmés. Les journaux reproduisent les discours de Ramadier contre les "provocateurs" : "la greve générale est une provocation". Dans ce concert alarmé des intérêts sordides, les dirigeants de la C.G.T. figurent en bonne place.

    Qui sont les provocateurs ? Partout, comme chez Renault, la volonté de grève surgit d'en bas. Le communiqué de la Fédération de l'Eclairage dit textuellement :

    "Les délégués fédéraux... se sont réunis le samedi 24 mai 1947 porteurs de mandats pour la greve immédiate et sans limite donnes dans des assemblées d'organisations de base" (Humanité, 25-5).
C'est sans doute pour ne pas se laisser provoquer... par les ouvriers que les dirigeants cégétistes ont décidé de ne pas tenir compte de la volonté de la base "pour une grève immédiate et sans limite". "Le comité national, poursuit le communiqué, calme, maitre de ses décisions, ne s'est pas laissé entrainer sur ce plan."

    Pour ne pas respecter la démocratie, les dirigeants de la C.G.T. traitent les ouvriers en enfants, tout en mettant en avant leur sagesse et leur "calme".

    Mais c'est leur "calme" devant les souffrances des ouvriers qui a permis au gouvernement d'ajourner la révision des salaires au mois de décembre et d'utiliser, contre les grèves isolées, des méthodes totalitaires, comme la réquisition militaire. Les capitalistes, eux, ne prêchent pas du tout le calme : par leur porte-parole, le gouvernement, ils opposent aux ouvriers leur volonté et leur force unies.

    Sans se concerter, d'un bout à l'autre du pays, les travailleurs ont eu recours à la même méthode de lutte : la grève et, en même temps, à la suite de la grève Renault.

    Tous les efforts des capitalistes, c'est de passer sans trop de dommages à travers cette situation et avec le moins de concessions possible.

    Si les dirigeants cégétistes s'opposent à la lutte ouvrière gréviste, ce n'est pas par stratégie, c'est parce qu'ils ne savent plus lutter avec les ouvriers. Tout ce qu'ils savent, c'est se déplacer en auto pour se rencontrer avec les potentats de l'industrie ou des ministres, négocier confortablement autour du tapis vert. Ils prêchent le calme, parce qu'ils haïssent la lutte de ceux qui troublent leurs bons rapports avec les capitalistes. Et parce que dans la lutte ouverte, ce ne sont pas eux, mais d'autres qui font le travail de dirigeants. Que deviendraient dans une grève générale leurs grands et petits postes ? Dieu nous en préserve !

    Ce sont les travailleurs qui veulent un mouvement d'ensemble, qui ferait capituler rapidement les capitalistes. Ce sont les bureaucrates qui n'en veulent pas.

    Mais l'attitude des bureaucrates n'a pas nom "stratégie", mais "trahison".

    Les mois qui viennent décideront du sort de la classe ouvrière pour longtemps. Car ce n'est pas tous les ans que la classe ouvrière se trouve prête, dans son ensemble, à mener la lutte. La trahison de quelques milliers de bureaucrates sera-t-elle plus forte que la volonté de millions et de millions d'exploités ?

    La Voix des Travailleurs.

COMMENT S'ORGANISER
    De nombreux ouvriers nous font savoir leur répugnance à continuer de payer des cotisations pour engraisser des bureaucrates qui sabotent leur action. Le prochain numéro de La Voix sera consacré à l'étude des moyens et des formes d'organisation que nous pourrons envisager pour continuer notre lutte.
Nos 10 francs !
    La fraction dirigeante de la C.G.T. nous avait dit : "Reprenons le travail sur la base des 3 francs et nous aurons ensuite les 10 francs par des négociations." Le résultat, c'est que le gouvernement prétend maintenant ajourner la révision des salaires à décembre.

    La fraction dirigeante du syndicat a "soutenu" nos revendications comme la corde soutient le pendu. Les 3 francs n'étaient pas un acompte sur les 10 francs, à partir du 1er mai, comme elle l'a prétendu, mais un appât pour nous faire capituler.

    Il faut que la direction syndicale qui nous a forcés à la reprise du travail s'explique immédiatement sur les moyens d'obtenir les 10 francs ! Nous examinerons ce qu'elle en dit et nous verrons ensemble ce qu'il faut faire devant la nouvelle situation. Et si la direction cégétiste continue à saboter, comme par le passé, nous envisagerons nous-mêmes les moyens de lutte. Car, depuis notre mouvement, nous nous sommes enrichis d'une grande expérience et nous ne voulons plus nous laisser mener avec des promesses trompeuses. Nous sommes entrés en lutte pour que ça change et ça doit changer.

    Nos 10 francs à partir du 1er mai !

    Minimum vital calculé sur l'indice des prix (Echelle mobile des salaires) !


BOYCOTT DES ELECTIONS DE
DELEGUES AUX 1er ET 2e TOURS
    Nous allons être appelés à voter pour les délégués du personnel. En juin 1936, l'action de la classe ouvrière a imposé au patronat la reconnaissance officielle des délégués. Mais si les conventions collectives prévoient la possibilité pour les ouvriers d'élire des délégués de leur choix, la bourgeoisie, fidèle à sa tradition de reprendre de la main gauche ce qu'elle a dû céder de la main droite, a modifié cette loi par plusieurs décrets, dont le dernier en date est celui de l'ex-ministre Croizat.
 
    Que dit cette loi du 16 avril 1946 ?
    D'abord que les candidats doivent être présentés sur les listes des organisations syndicales les plus "représentatives". Or nous savons comment sont établies ces listes. Les futurs délégués, choisis par la C.E., sont présentés à l'assemblée générale du syndicat (une trentaine d'ouvriers, bien souvent moins). Un exemple nous suffira pour montrer toute l'iniquité de cette "représentation".

    Au secteur Collas, la grosse majorité des ouvriers, écoeurés par les méthodes bureaucratiques et policières des dirigeants syndicaux, ont cessé de payer leurs cotisations.

    Après la grève, ils se sont réunis pour former une nouvelle C.E., qui a été élue à l'unanimité des ouvriers syndiqués et non syndiqués, à l'exception des dirigeants qui avaient jugé plus sage de ne pas se présenter à la réunion. La section syndicale de la R.N.U.R. a refusé de reconnaître cette C.E. parce qu'elle avait été élue par des ouvriers non à jour de leurs cotisations.

    Or tous les ouvriers sont des syndiqués, et s'ils refusent actuellement de payer des cotisations c'est qu'ils en ont assez de confier leur argent à des gens qui l'utilisent pour les combattre et les calomnier (voir la série de tracts de la C.G.T. pendant la grève).

    Mais, pour les dirigeants actuels du syndicat, la volonté d'un millier d'ouvriers mécontents est moins précieuse que celle d'une trentaine de "syndiqués" (lire : cochons de payants).

    D'après la loi en vigueur, plus de mille ouvriers qui ont prouvé leur combativité pendant la grève ne peuvent pas élire légalement leur représentant, tandis qu'une poignée de jaunes a la possibilité d'élire les siens.

    En somme, on nous offre une illusion de démocratie. C'est pourquoi, dans ces conditions, il est préférable de ne pas avoir de délégués que d'en avoir de mauvais (ceux qui se substituent au contremaître pour pousser à la production et faire la police dans l'usine).

    Certains camarades ont pensé, après l'attitude répugnante des dirigeants cégétistes dans notre grève, qu'il fallait faire bloc contre eux aux élections. Certains sont même allés jusqu'à envisager favorablement la proposition de la C.F.T.C. de faire une liste d'union contre les bureaucrates de la C.G.T.

    Or, il ne peut être question pour nous de faire bloc avec des organisations réactionnaires contre des organisations bureaucratisées.

    Le problème n'est pas pour nous d'avoir des délégués à tout prix et d'envisager toutes les combines possibles pour faire élire nos représentants. Le problème, c'est d'imposer au patronat et au gouvernement la libre élection des délégués. Hors de cela, nos délégués ne sont que des représentants imposés bureaucratiquement.

    C'est pourquoi nous devons avant tout engager la lutte pour avoir la possibilité d'élire des représentants de notre choix.
 

    1° Chaque ouvrier doit avoir la possibilité de présenter sa candidature sans avoir à passer par la censure d'une organisation bureaucratique ;

    2° Nous devons avoir la possibilité d'élire nos représentants par département, car il est absolument anormal que nous soyons appelés à nous prononcer sur des noms que nous ne connaissons pas et qu'on veut nous faire élire bureaucratiquement.

    C'est ainsi qu'au secteur Collas, les délégués cégétistes "dans la ligne" seraient élus par les voix du restant de l'usine contre la volonté des ouvriers de ce secteur.

    Pour faire échec aux manoeuvres bureaucratiques des "dirigeants" syndicaux qui veulent nous imposer leur candidature,

    Pour imposer des élections démocratiques de délégués,

    Vous vous abstiendrez tous au premier et deuxième tours des élections de délégués pour pouvoir présenter au troisième tour des délégués :

De votre choix,
Par département.
Pierre Bois.

 
LOI SUR LES ELECTIONS
DE DELEGUES DU PERSONNEL
    Premier tour. - Les candidats sont élus à la majorité absolue des inscrits (pour 20.000 inscrits, il faut 10.001 voix). 

    Deuxième tour. - Les candidats sont élus à la majorité relative à condition qu'il y ait au moins la moitié de votants que d'inscrits (sur 20.000 inscrits s'il n'y a pas 10.001 suffrages exprimés, les élections sont nulles). 

    Troisième tour. - Les électeurs pourront voter pour des candidats autres que ceux présentés par les organisations syndicales. 


LE TRAVAIL N'EST PAS LA LIBERTE
    Les premiers "bienfaits" du plan Monnet se font sentir chez Renault. Pour augmenter la production selon le "plan", la semaine passe de 45 à 48 heures. A cela, la C.G.T. n'a vu aucun inconvénient. Pendant la grève, elle nous affirmait que sa prime à la production devait être basée sur la production actuelle. Seulement, pour accroître la production, on n'a rien trouvé de mieux que de nous faire faire des heures en plus. Il n'a pas été un seul instant question de machines neuves, de rationalisation de la production pour alléger notre peine. On a tout simplement cherché à augmenter la durée de notre effort : comme il est difficile d'accélérer notre cadence, on nous fait travailler trois heures de plus par semaine.

    Est-ce que pour cela notre niveau de vie sera plus élevé ? Non. Au fur et à mesure que la durée de notre présence à l'usine s'accroît, notre standard de vie baisse. 45 heures, 48 heures... Sans compter que la presque totalité du salaire des "heures supplémentaires" passe dans les caisses de l'Etat (impôt cédulaire), notamment pour les P1, P2 et P3.

    Ce qui est plus grave, c'est que c'est une atteinte à notre santé, car le séjour prolongé dans l'atmosphère empoisonnée de la régie ne peut que miner un peu plus notre organisme.

    C'est, de plus, une atteinte à notre droit le plus élémentaire, mais aussi le plus sacré : la liberté de réunion. Il n'est pas facile de nous réunir après 9 et 10 heures de travail abrutissant. Et dans ces conditions, il nous est encore bien plus pénible de réfléchir aux moyens de défendre nos intérêts.

    Et ne parlons pas des réunions sportives. Car faire une séance de culture physique après 9 heures et demie de travail à la régie devient non plus un moyen d'entretenir notre santé, mais un surmenage de plus pour notre corps.

    En allongeant notre journée de travail, c'est le souci de nous abrutir, qui guide le patronat, plutôt que celui de la production.

DURIEUX.

Où en est la démocratie au département 49 ?
    Mercredi 14 mai, les délégués ont tenté de m'emmener de force à la direction pour avoir diffusé un tract du Comité de grève de Collas. Devant l'hostilité des ouvriers, outrés de ces méthodes, ils sont allés voir le contremaître, puis le chef d'atelier, enfin le comité d'entreprise. N'ayant certainement pas obtenu ce qu'ils désiraient, un responsable est venu me trouver, me menaçant de me briser les reins.
Le soir, une équipe de matraqueurs m'attendaient. Mais ils se tinrent tranquilles quand ils virent que j'avais eu la précaution de me faire accompagner par des camarades.

    Ces "responsables", qui sont les fervents défenseurs de la production, passent beaucoup plus de temps à discuter qu'à leur boulot.

    Ils diffusent journellement des tracts et des journaux pendant le travail, et ce sont eux qui veulent, par la force, nous empêcher d'émettre nos opinions.

    Il faut qu'eux-mêmes ne soient pas très convaincus de la justesse de leur position pour user de telles méthodes.

    Au 49, comme ailleurs, nous saurons imposer la démocratie.

    Les ouvriers sont assez grands pour juger où sont les diviseurs.

Jean BOIS.

DANS L'USINE ...
    Sous prétexte de mécaniser la paye, la direction a décrété qu'elle aurait lieu à dates fixes (tous les 7 et 15 par exemple), c'est-à-dire toutes les quinzaines au lieu de toutes les quatorzaines.

    Le système de la paye à jours fixes (par exemple tous les deux mardis) était une conquête de 1936. De cette manière, la paye tombait au bout d'un temps toujours le même ; tandis que maintenant, sans compter le jour supplémentaire d'attente, lorsque l'arrêt des comptes tombera sur un dimanche ou un samedi, ce sera autant de jours reportés à la quinzaine suivante. Certaines quinzaines seront de dix jours, d'autres de onze ou douze jours, et le prélèvement des impôts en sera augmenté dans ce dernier cas.

    Nous ne voulons pas de ces combines. Toutes les payes doivent être les mêmes et avoir lieu à jour fixe. Notre salaire n'est pas tellement grand que nous puissions attendre après.

* * *
    De nombreux ouvriers du secteur 88, qui travaillaient en équipe, ont refusé de continuer et reviennent à la journée normale. "Lorsque nous faisons équipe, expliquent-ils, il faut manger le matin, à midi, à 6 heures, le soir, et ensuite, quand nous rentrons au milieu de la nuit, il faut manger encore. Il est impossible de diviser nos 250 grammes de pain en quatre. Par conséquent, nous ne faisons plus équipe".
* * *
    Au département 49, les "responsables" syndicaux staliniens essaient toujours de maintenir leur "autorité" par des méthodes de gangstérisme. Deux ouvriers ont été menacés "de se voir démolir" ; étant nouveaux dans l'usine et ne sachant pas comment réagir devant de pareilles méthodes, ils ont pris leur compte.

    Camarades, si de pareils faits se reproduisent, ne cédez pas à la violence, alertez vos camarades d'atelier, et, surtout, signalez le fait à La Voix.


LES TRAVAILLEURS EN LUTTE
A LYON
    Aussitôt après la grève générale et la manifestation des ouvriers pour un meilleur ravitaillement, "des commissions paritaires ont siégé TARD DANS LA NUIT pour examiner la question des salaires". Chez Peugeot, augmentation de 7 à 13 francs ; chez Bronzavia, de 4 à 19 francs plus un acompte de 1.000 francs à valoir sur la prime générale de 10 francs ; au garage Thiers, 5 francs et 2 fr.50 pour les apprentis ; dans les entreprises textiles, le salaire moyen maximum sera appliqué partout où il ne l'était pas encore. Le paiement de la journée de grève générale a été accordé. "Les pourparlers continuent entre les représentants des syndicats ouvriers et des chambres patronales", les patrons "ne sont pas hostiles à l'établissement des primes de rendement dans le cadre des accords nationaux".
A L'AIR LIQUIDE, BOULOGNE
    Les ouvriers refusent la prime de 3 francs qui leur a été proposée et ont voté à l'unanimité (400 voix moins 12) la continuation de la grève. Ils demandent également le paiement des heures de grève. Malgré ce vote, les responsables cégétistes organisent un nouveau vote le mardi 27 "pour ou contre la continuation de la grève".

    Il faut boycotter de tels votes qui, n'ayant d'autre objet que de faire revenir les ouvriers sur leur décision, visent tout simplement à les démoraliser et à les faire capituler. Nous en savons quelque chose... A l'exemple de notre revendication, les ouvriers de la Polymécanique à Pantin, ont exigé et obtenu le paiement des heures de grève.

PROFITS ET SALAIRES ...
    Les profits des capitalistes présentent des augmentations considérables.

    Alors que la part des salaires dans l'industrie et le commerce a diminué depuis un an de 31 à 28 p.100, la part des capitalistes dans le revenu national a augmenté de 65 p.100. Dur avec les ouvriers, le gouvernement est tendre pour les capitalistes. C'est ainsi, qu'entre autres, l'indemnité allouée aux actionnaires de la Banque de France est portée de 28.000 à 44.500 francs.

    Cependant de nouvelles hausses de prix se préparent sous prétexte de hausse des salaires. Seul un salaire minimum vital garanti par l'échelle mobile peut défendre la classe ouvrière contre les atteintes continuelles du patronat à notre pouvoir d'achat.



 
 
CAMARADES, 
Comme pour le numéro 6, la parution du présent numéro de La Voix des Travailleurs est assurée au moyen des listes de souscription. Mais à partir du numéro prochain, notre journal sera vendu au prix de 2 francs. Cela assurera une meilleure répartition des efforts de chacun. 
Envoyez des camarades à notre permanence, aux heures indiquées, pour passer vos commandes, afin que nous puissions fixer avec certitude notre tirage. 
Aider à la diffusion de notre Voix des Travailleurs, c'est une des conditions de notre victoire. C'est une tâche minime, mais c'est par les petites choses qu'on arrive aux grandes.

ATTENTION AU CHANGEMENT DE PERMANENCE 
Tous les mercredis et vendredis de 18 h. à 20 h. au café-tabac  "Le Terminus" angle rue Collas-avenue Ed.-Vaillant Métro : Pont de Sèvres.


SOUSCRIPTIONS POUR LA PARUTION DE LA VOIX
Département 18
2.186 fr.
Département 49
295 fr
Département  6  
9.800 fr.
Département  88 
1.300 fr
Département A.O.C.(atelier 136)
422 fr.50
Département A.O.C.(affûtage) 
615 fr.

14.617 fr.50


CAMARADES ,
    De tous côtés des camarades nous posent des questions, nous suggèrent des sujets à traiter, etc... Nous ne demandons pas mieux que de leur répondre à tous. Mais cela nous est impossible par suite des dimensions réduites de notre journal. 

    Il est donc indispensable que nous agrandissions le format de La Voix des Travailleurs. Mais, pour cela, il nous faut de plus grandes ressources pécuniaires. C'est pour nous les procurer que nous demandons à chaque camarade de diffuser La Voix partout autour de lui (en particulier auprès des ouvriers des autres usines), de recueillir des abonnements et des souscriptions, que nous recevrons les mercredi et vendredi à la permanence. 

    Camarades, soutenez La Voix des Travailleurs de chez Renault pour qu'elle puisse devenir le journal DE TOUS LES TRAVAILLEURS !

 
LES TRAVAILLEURS EN LUTTE
    Les ouvriers du camp indochinois d'Eysines (Gironde) ont adressé aux journaux ouvriers une mise au point contre la campagne réactionnaire d'une certaine presse qui essaie de faire croire que les travailleurs indochinois "mangent la nourriture des Français sans rien faire". Ils rappellent que c'est de force qu'on les a transportés en France en 1939, pour être envoyés sur les champs de bataille, qu'ils sont donc d'anciens combattants, et qu'ils ne demandent pas mieux que de rentrer chez eux. Mais laissons leur la parole :
 
        "Les travailleurs indochinois ne sont pas des paresseux : ils sont en chômage forcé et seuls encore une fois les intérêts des trusts motivent le refus que l'on a fait à toutes leurs demandes de travail : on ne peut pas mettre les travailleurs indochinois en contact avec les travailleurs français, pour pouvoir mieux tromper ces derniers et les entraîner dans une guerre contre leurs frères d'Indochine, alors que les travailleurs indochinois et français ont toutes les raisons de s'entendre pour mener ensemble la lutte contre leur ennemi commun, le capitalisme qui les exploite indifféremment, sans souci de race ou de couleur."
Cette solidarité dont parlent les travailleurs indochinois n'est pas un vain mot. Pendant notre grève, ils nous ont appuyés matériellement, en nous envoyant de l'argent malgré leur solde misérable.
***
    Un camarade de l'usine nous communique :
Citroën, Panhard, Talbot font remplir les bouteilles d'air liquide chez nous pendant que nos camarades font la grève.
A quand la fin !
Quai Stalingrad, bascule de la Seine.


D A N S  L ' U S I N E . . .
POUR L'ELECTION LIBRE DES DELEGUES
    Il est incontestable que la direction de la R.N.U.R. a compté sur la section syndicale pour maintenir le personnel en tutelle. Les bonzes syndicaux se retranchent derrière des slogans comme celui de sauver à tout prix le principe des nationalisations, les ouvriers de la Régie dussent-ils en périr. Mais ceux qui nous rabâchent cela à longueur de journée émargent de vingt à quatre-vingt-cinq mille francs par mois. Pour eux, évidemment, le principe des nationalisations, qui permet cela, doit être sauvegardé à tout prix, de même qu'ils seraient tout à fait heureux s'ils pouvaient se rendre inamovibles.

    Les élections approchent, il faut que chacun prenne conscience qu'il ne peut être défendu auprès de la direction et des pouvoirs publics que par des gens qui ne se laissent pas acheter.

    Ceci posé, comment opérer pour les élections ? Les lois en vigueur empêchent toute candidature (au premier et au deuxième tour) n'émanant pas des syndicats les plus représentatifs, mais au troisième tour, toutes les candidatures peuvent se manifester. Abstenez-vous donc de voter au premier et au deuxième tour, ainsi le quorum ne sera pas atteint et au troisième tour votez tous en masse pour les candidats que vous aurez choisis parmi les meilleurs.

Camarades, ouvriers, employés et techniciens de la R.N.U.R., en avant ! pour une section syndicale propre, indépendante et démocratique.

SIBIET (Collège techniciens).

EXTRAITS
DU JOURNAL MURAL DU DEPARTEMENT 88
    Il y a déjà plus d'une semaine que nous avons demandé à la C.G.T. de nous présenter les dossiers concernant sa campagne de dénigrement. Elle ne l'a pas fait. Il est donc clair qu'elle accuse gratuitement les ouvriers les plus actifs, qu'elle les calomnie.

    M. Graterie, délégué du 309, se contente de salir les ouvriers sous le manteau, de bouche à oreille. La tactique consiste à faire croire que la grève a été le fait d'une minorité d'énergumènes. De même que le refus quasi collectif du timbre serait l'oeuvre de quelques-uns qui terrorisent l'ensemble des ouvriers. Par exemple, la seule ouvrière qui travaille au montage des essieux aurait à elle seule terrorisé le reste de l'atelier !...

    La C.E. du département a envoyé une délégation au chef du département au sujet du nouveau système de paie, le 7 et le 22.

    Le chef du département s'est étonné de ce mécontentement car, a-t-il dit, au moment où cette décision a été prise, il avait consulté les délégués qui avaient assuré qu'il n'y avait aucune objection de la part des ouvriers. Nous lui avons répondu que le délégué n'avait pas daigné consulter les ouvriers à ce sujet, ce qui est un cas flagrant du sans-gêne de ce dernier.

    Le chef du département s'est refusé à prendre position, mais étudiera lui-même la question. Nous lui avons répondu : "Du côté ouvrier, la question est tout étudiée. Nous ne voulons pas attendre un jour de plus après la paie. Nous voulons des quinzaines régulières. Les arguments concernant les économies qu'apporterait à la Régie le nouveau système ne nous concernent pas, puisque c'est encore nous qui en faisons les frais."

***
    Au cours de cette discussion, M. le chef du département a beaucoup insisté sur le fait que nous n'étions pas reconnus légalement. Nous lui avons fait remarquer que le souci de la légalité ne fonctionnait que dans un sens, que par exemple au 8830 (affûtage), les ouvriers travaillaient sans aspirateurs, avec un cube d'air insignifiant, sans bouche d'aération et toute la journée à la lumière. De telles conditions de travail sont pourtant interdites par la loi. Ce qui n'empêche pas que cette situation subsiste. "Il paraîtrait, a répondu M. le chef du département, que les aspirateurs seraient à l'étude... qu'il ne faut pas trois mois pour contracter la silicose..." Or il y a plus de deux ans qu'on étudie la question !

    Hier, nous avons demandé aux ouvriers du département de débrayer à l'exemple des 6 et 18 pour protester contre la diminution, pendant deux jours, de notre ration de pain.

    Certains camarades ont cru que notre grève serait mal interprétée, que nous ferions du tort aux ouvriers boulangers. Mais y avait-il une autre manière de manifester notre solidarité avec eux, de prouver que nous n'étions pas dupes de la manoeuvre ?


MISE AU POINT NECESSAIRE
    Le numéro 3 de L'Acier, journal du P.C.F., m'attaque particulièrement en me traitant d'arriviste. C'est devenu traditionnel dans les rangs du P.C.F. de calomnier ceux qui sont en désaccord avec leur politique.

    En quoi s'est manifesté mon arrivisme ? J'ai appartenu aux Jeunesses communistes à partir de 1934. En 1935-36, j'ai été secrétaire des J.C. de Vanves. Mobilisé en 1937, j'ai été prisonnier en mai 1940 et me suis évadé en août 40. J'ai milité clandestinement à l'usine, chez Renault, dans les rangs du P.C.F., à partir de 1941. A la libération je fus désigné par la C.E. du syndicat au Comité de Libération, où j'assumai la tâche de secrétaire-adjoint et je fus mandaté pour assumer la tâche de responsable des M.P. dans l'usine.

    J'ai abandonné le parti parce que j'étais en désaccord sur la question de rendre les armes que les "M.P." avaient eu tant de mal à conquérir et pour ne pas faire un travail de mouchardage imposé par le parti. Est-ce là une carrière d'arriviste, quand on sait par quels bons postes sont récompensés ceux qui restent fidèles à "la ligne" ? Que le courageux anonyme qui a écrit cet article se fasse connaître. Sinon  est la boîte aux lettres des calomniateurs anonymes.
 

        P.S. - Au lieu de se livrer à des attaques personnelles contre des ouvriers, L'Acier ferait mieux de se préoccuper des sommes collectées par les différentes usines et chantiers, pour tous les grévistes, et de leur répartition par la C.G.T. Voilà ce qui satisferait davantage les ouvriers.
Fiquet
(Bas-Meudon)

PROCEDES DU P.C.F.
    Une camarade du département 32 (Ile), qui avait mené une certaine activité pendant la grève, avait dû recourir, à plusieurs reprises, à la protection d'un ouvrier. L'Acier, journal du P.C.F., en a fait une idylle amoureuse et des militants du P.C.F. ont fait parvenir un journal à la femme de l'ouvrier, ce qui a failli provoquer une rupture dans le ménage.

    A la suite de cet incident, la camarade a dû quitter l'usine pour éviter des complications dans le ménage de cet ouvrier. Voilà avec quelle bassesse agissent ceux pour qui tous les moyens sont bons lorsqu'il s'agit de discréditer une ouvrière.


MISE EN GARDE
    Des camarades nous font savoir que, dans certains départements, notamment au 38 et au 31, des ouvriers prétendant agir en liaison avec nous, invitent les ouvriers à voter au premier tour pour les listes C.G.T. sur lesquelles se présentent des éléments soi-disant "oppositionnels". Notre position reste inchangée : abstention au premier et au deuxième tours.

    Si ces "camarades" sont avec nous, ils pourront aussi bien se faire élire au troisième tour.


DEMOCRATIE SYNDICALE
    La section syndicale de Boulogne a refusé de reconnaître la C.E. du secteur Collas, élue par plus d'un millier d'ouvriers, à la suite de la grève.

    L'assemblée générale C.G.T. des départements 6 et 18 a eu lieu la semaine dernière : sur 1.100 à 1.200 ouvriers (1.600 à 1.800 avec les collaborateurs), il y avait 19 présents.
 
 

 Ne trouvant personne pour constituer la C.E., on en désigna les membres d'office. Comme les candidats ne peuvent être en même temps électeurs il y avait 7 votants. En somme, la "C.E." C.G.T. de Collas ne se représente même pas elle-même, puisque certains candidats ont été "élus" contre leur propre volonté !
 

 

 PAS DE PAIN, PAS DE TRAVAIL
    Le mécontentement des ouvriers était très grand lundi, lorsque le matin on leur annonça 150 grammes de pain.

    A Collas, de nombreux ouvriers vinrent, dès le matin, trouver les camarades qui avaient dirigé la grève et leur demandèrent : Que fait-on ? Une délégation du Comité d'action provisoire se rendit immédiatement auprès de la section syndicale pour lui demander ce qu'elle pensait faire. Une fois de plus nos camarades montraient leur volonté d'agir avec l'ensemble des ouvriers. La réponse de Delame, secrétaire syndical, fut très vague : "Pour l'instant il n'y a rien de prévu. On ne peut rien prévoir à l'avance, car les événements se déroulent à une vitesse vertigineuse (?)". Et il concluait en nous invitant à assister à la délégation qui se rendait à l'Hôtel Matignon. Toutefois, il nous faisait savoir que le car était plein et qu'il nous faudrait nous y rendre en métro (ce qui ne nous gêne  nullement, mais montre que ces gens ne veulent pas se mélanger avec des énervés). A L'Hôtel Matignon, on ne voulut pas recevoir la délégation entière qui comprenait une cinquantaine de délégués, mais seulement une demi-douzaine de cégétistes. Quand ils ressortirent un ordre laconique fut donné : "Tous dans les cars" sans rien dire où l'on allait. Les camarades de Collas ne furent pas admis à cette "promenade". C'est alors qu'ils revinrent rendre compte de leur démarche aux ouvriers à midi et demi et que la grève fut votée de 1 h. à 6 h. 30 en signe de protestation.

    Résoudre le problème du pain, les ouvriers de Collas sont très conscients que ce n'est pas une grève de 5 h. par 1.500 ouvriers qui peut le faire. Ils savent que seule une action de grande envergure peut leur donner satisfaction. La grève de lundi n'avait qu'un caractère de protestation. Les ouvriers de Collas ont protesté non pas d'une manière platonique par un défilé après le travail, mais sur le lieu du travail auprès des machines arrêtées.

    Il faut que le patronat et le gouvernement sachent qu'aussitôt qu'ils emploieront une brimade contre les ouvriers, ils auront la réplique immédiate.

    A chacun de leur coup de trique, ils répondront par un coup de trique.
 

    P.S. - Les ouvriers du Bas-Meudon ont suivi l'exemple de Collas et sont venus les rejoindre à leur département. Malheureusement, les ouvriers de Collas venaient de prendre la décision de se disperser puisque d'autres secteurs ne s'étaient pas joints au mouvement. Néanmoins une petite manifestation se déroula dans les ateliers.
     

 
MISE AU POINT
 
        Ayant appris par des ouvriers des "Camions Bernard" à Arcueil qu'un nommé Lambert se présente "au nom de Bois, du comité de grève Collas", j'informe les camarades que je n'ai aucune relation avec le nommé Lambert.       
     
      PIERRE BOIS.