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chronologie 1948 |
N° 34 |
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11 FEVRIER 1948
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Rendez-vous de 18h à 20h :
café-tabac «Le
Terminus» angle r. Collas av. Edouard Vaillant. M° Pont-de Sèvres |
La politique du
pire, que
mène la bourgeoisie, ce n'est pas seulement nous, au nom des
ouvriers,
qui la dénonçons. Il se trouve de bons prophètes,
au sein de la bourgeoisie elle-même, pour se rendre compte de ses
conséquences catastrophiques.
M. Rémy Roure, dans Le Monde des 200 familles, parle des "salaires qui ne correspondent plus au coût de la vie", des "gouvernants qui ne parviennent pas à stabiliser les prix", de "l'éternel cri de misère qui s'élève encore en février 1948", comme en février 1848. Alors, M. Rémy Roure demande à la bourgeoisie de ne pas aller trop loin, de tenir compte des "leçons de l'Histoire". Cela fait bien dans un article de journal. Mais que sont, en réalité, ces bourgeois dont fait partie M. Roure, et jusqu'où peuvent-ils aller ? Ecoutez plutôt cette petite histoire, une entre tant d'autres, qui se passait tout récemment un jour en fin de quinzaine chez Renault (Dép.6, Atelier 30) : Deux ouvriers, n'ayant plus un sou en poche, même pas de quoi payer la nourriture qui doit leur permettre de faire leur journée, demandèrent de manger à la cantine, à crédit. Ils s'offraient à payer le lendemain, puisqu'ils devaient toucher la paye dans l'après-midi.
Tout ce qu'ils
obtinrent,
après une discussion un peu vive avec la gérante, qui ne
voulait pas "marcher dans cette affaire", c'est que les gardiens furent
appelés et, comme il se doit, firent leur rapport. Un des ouvriers convoqués n'était pas présent. Pour quel motif ? Cause de maladie. Eh bien, il fera sa mise à pied quand il reviendra ! Hélas ! la sanction ne sera pas appliquée, l'ouvrier, entre-temps, étant mort d'une congestion cérébrale : mort d'épuisement, mort d'inanition.
Ce n'était
pourtant
pas un mendiant. Ce n'était pas un vagabond, dont la
misère
hideuse s'étale "normalement" en société
capitaliste
; ni même un chômeur. C'était un ouvrier qui
travaillait,
jusqu'à dix heures par jour, pour fabriquer les voitures pour
l'exportation.
Mais, parce que son salaire était un salaire de misère,
il
n'avait même pas le droit de bénéficier, pour un
jour,
de crédit à la cantine. Les bons prophètes du genre de M. Roure ont beau prêcher aux capitalistes. Cela ne changera rien à leurs actes. Comme les requins se nourrissent de chair vivante, le Capital, lui, s'accroît de la substance vitale du travailleur. Les requins du Capital, on ne leur tient pas de prêche. C'est en oeuvrant à leur renversement que les travailleurs éviteront la mort lente d'une rosse abrutie, épuisée et servile, au service du Capital. LA
VOIX DES TRAVAILLEURS.
Mais, en ce qui concerne les prix, quelles que soient leurs "doctrines", le résultat a toujours été le même : la hausse continuelle. De même que leur doctrine commune est toujours restée la même sur un seul point : le blocage des salaires. Malgré cela, devant la hausse accélérée des prix, les bourgeois, pour décourager les ouvriers de nouvelles revendications, n'hésitent pas à prendre les devants et à ressortir la vieille rengaine déjà presque abandonnée : la hausse des salaires provoque la hausse des prix. En effet, expliquent-ils, pendant novembre et décembre, quand, par suite de la grève, les ouvriers n'avaient pas de quoi acheter, les prix n'ont pas augmenté. Aussitôt que les salaires ont été relevés, la demande a augmenté et les prix ont monté. En réalité, donc, si les ouvriers ne mangeaient pas, les prix n'augmenteraient pas. Si les ouvriers ne mangeaient pas... Mais les ouvriers en sont, effectivement, presque arrivés à ce point. Même avec leurs 30% théoriques d'augmentation, ils pourront acheter moins qu'ils ne le pouvaient avant. Comment la demande ouvrière, qui est à quelque 47% de ce qu'elle était en 1938, face à une production qui dépasse celle de 1938, pourrait-elle provoquer la hausse ? La vérité, c'est que les capitalistes exportent le plus clair de la production. Et les ouvriers peuvent se serrer la ceinture tant et plus, les prix n'en augmenteront que davantage. Avec leurs faux prétextes, ces messieurs veulent jeter de la poudre aux yeux des ouvriers, alors que, par ailleurs, les mesures qu'ils avaient soi-disant prises contre la hausse des prix devaient automatiquement entraîner celle-ci. ILS DISCUTENT MAINTENANT A PERTE DE TEMPS SUR DE NOUVEAUX ETAIS A DRESSER, APRES AVOIR, D'UN AUTRE COTE, OUVERT LARGEMENT LES DIGUES : HAUSSE DES PRIX INDUSTRIELS DECRETEE PAR LE GOUVERNEMENT, DEVALUATION. Malgré les préjugés répandus par les capitalistes et leurs agents, à la politique de hausse de la bourgeoisie, il n'y a qu'une réponse : imposer l'échelle mobile des salaires, c'est-à-dire l'adaptation automatique, à chaque paye, de l'indice des salaires à celui des prix. Cette revendication est si bien justifiée par la réalité que les dirigeants de la C.G.T., après l'avoir combattue pendant des années, ont été obligés d'en admettre le principe, estropié d'abord sous forme de revalorisation trimestrielle. Mais bientôt, devant les faits, c'est tous les mois qu'ils ont été obligés de réclamer la revalorisation du salaire.
Sans ce minimum de
garantie
du pouvoir d'achat, les capitalistes pousseront effectivement les
ouvriers
à la "solution économique" de ne plus manger. SOLIDARITE avec les TRAVAILLEURS INDOCHINOIS !
La riposte du
gouvernement
Schuman ne s'est évidemment pas fait attendre : aussitôt,
perquisitions et rafles ont été effectuées, par la
police, dans tous les camps. Ce que la presse bourgeoise, fondant alors
en un seul choeur de louanges émues autour du cadavre de
"l'apôtre
de la non-violence", Gandhi, s'est empressée de démentir
et de qualifier, honteusement, d'opérations de recensement (Le
Monde). Chaque fois que les soldats vietnamiens, à bout de forces, ont réclamé leur démobilisation et leur rapatriement, le gouvernement français a répondu par la provocation, la torture, les attaques aux grenades lacrymogènes, les emprisonnements en masse et les travaux forcés.
De terribles
conditions
de vie, la répression incessante la plus féroce n'ont
cependant
pas réussi, pas plus en France qu'en Indochine, à briser
le courage et la volonté de lutte acharnée des
Vietnamiens. P.S. -
Au défilé du 8
février,
organisé par la C.G.T., la police a attaqué les
Vietnamiens
qui avaient osé porter une pancarte contre Bao Daï,
ex-empereur
d'Indochine et protégé de la finance parisienne. De sorte que ces élections, loin de permettre aux travailleurs d'élire des délégués de leur choix, n'ont d'autre but que de permettre à la direction de "lancer" ses nouveaux favoris. A ces derniers, le vin est bien vite monté à la tête. Ils vendent déjà la peau de l'ours à qui veut l'acheter et n'ont pas hésité à proposer au S.D.R. le marché suivant : "Soumettez-vous à la discipline et vous figurerez sur nos listes." Donnant, donnant : Faites suivant notre volonté (celle de M. Lefaucheux) et il n'y aura plus d'obstacles à votre action dans l'usine...
Sans le savoir, ces
petits
messieurs de Force Ouvrière répétaient la
proposition
honteuse que les représentants frachonistes de la C.G.T. avaient
déjà faite fin mai 1947 aux dirigeants de
l'ex-Comité
de grève, venus leur demander de nouvelles élections
syndicales
: "Soumettez-vous à la discipline : faites rentrer l'argent et
NOUS
vous reconnaîtrons comme Commission exécutive." Autrement
dit, monnayez la confiance, que vous venez de gagner auprès des
ouvriers par votre action, contre des places dans la HIERARCHIE
syndicale
! Les dirigeants de Force Ouvrière démontrent ainsi qu'en
quittant la C.G.T., soi-disant pour faire respecter la
démocratie,
ils n'ont pas dépouillé la défroque du bureaucrate.
Certes, il n'y a pas de quoi s'étonner que ces bureaucrates aient fait des propositions aussi honteuses et aussi anti-démocratiques. Pour ces petits bonshommes, c'est le soleil qui tourne autour de la terre et tous les efforts humains n'ont qu'un but : "une bonne petite place" ! L'arrêt de la chute catastrophique du niveau de vie des travailleurs et le relèvement du pays, la sauvegarde des droits démocratiques de la classe ouvrière et la lutte révolutionnaire pour le socialisme, tout cela, c'est le moindre de leurs soucis, eu regard à leur "place au soleil"... capitaliste.
Mais les dirigeants du
Comité de grève n'ont pas déclenché le
mouvement
dans toute l'usine Renault et lutté pour la grève
générale,
pour finir au service du patronat. Ils n'ont pas soulevé des
montagnes
pour accoucher d'une souris. Ils savaient que si, au lieu de capituler
devant les exigences des bonzes frachonistes, ils créaient un
syndicat
de base indépendant - ce syndicat serait en butte à
toutes
les difficultés que peuvent susciter, ensemble et
séparément,
l'Etat et la bureaucratie syndicale. A.
MATHIEU.
POUR LES ELECTIONS PARTIELLES DES DELEGUES DU 24 FEVRIER ABSTENTION MASSIVE AU 1er TOUR pour faire triompher la démocratie
Dans des conciliabules
secrets, comme il se doit quand on prépare un mauvais coup, la
direction
de la R.N.U.R. a enfin fixé des élections partielles pour
le remplacement des délégués du personnel
manquants. Ces élections vont donc avoir lieu le 24 février. Peuvent se présenter au premier tour, seulement les organisations reconnues "représentatives". Or, "Force Ouvrière", qui n'est même pas encore organisée et constituée légalement en syndicat d'usine, a été d'emblée reconnue organisation représentative. Elle a été, en conséquence, convoquée avec la C.G.T. et la C.F.T.C., à la signature du protocole qui détermine les modalités du vote. Ce protocole, Force Ouvrière l'a signé des deux mains, sans même l'avoir discuté. La seule organisation qui n'ait pas été convoquée à la signature du protocole, c'est le S.D.R. Or :
2° le S.D.R. légalement reconnu depuis juillet 1947, dont les responsables sont ceux du Comité de grève de mai, est, par son activité syndicale comme par la sympathie qu'il rencontre auprès des ouvriers, la DEUXIEME FORCE SYNDICALE DE L'USINE.
TOUTES les
organisations
syndicales auraient dû participer à la discussion du
protocole
déterminant le mode d'élection des
délégués.
Il n'y a pas l'ombre d'un motif qui ait pu permettre légalement
l'exclusion du S.D.R. Le motif véritable : c'est la
complicité
de la direction avec les bureaucrates syndicaux pour imposer aux
ouvriers
le choix entre des organisations agréées par elle. C'est
pour cela qu'on refuse au syndicat issu du Comité de
grève
de mai, ce qu'on accorde à Force Ouvrière, qui n'existe
même
pas en tant que syndicat !
Si la C.G.T. représente une politique de faillite ; son opposition au mouvement de mai et l'échec de novembre ; si Force Ouvrière représente la fidélité à Jouhaux et la servilité envers le patronat, le S.D.R. représente l'action du mois de mai et l'opposition continuelle à la politique patronale antiouvrière. C'est pour cela que la direction, avec la complicité des bureaucrates syndicaux, s'essaie à lui contester sa "représentativité". Le S.D.R. avait reçu d'un représentant de la direction la promesse verbale d'être convoqué à la signature du protocole. Promesse de mauvaise foi ! Le comportement malhonnête de la direction et des bureaucrates syndicaux, vis-à-vis du S.D.R., prouve assez que ce qu'ils lui reprochent, ce n'est que... son attachement aux intérêts ouvriers. Mais les élections de délégués du personnel ne sont pas des élections de valets du patronat, mais de représentants chargés de défendre les intérêts des ouvriers et responsables envers eux. Les ouvriers doivent donc manifester fermement leur volonté de s'opposer aux mesures antidémocratiques perpétrées contre eux. Si le S.D.R., qui lutte pour la libre candidature de tous les ouvriers, pour la proportionnelle intégrale et la révocabilité par les ouvriers des délégués ne donnant pas satisfaction, n'est pas admis à présenter ses candidats, BOYCOTT AU PREMIER TOUR. En s'abstenant de voter au premier tour, les travailleurs gagneront quand même la partie, car la loi bourgeoise prévoit, si 50% des votants s'abstiennent, un DEUXIEME TOUR où toutes les organisations peuvent se présenter. En ajoutant les 10 francs de vie chère, 5 fr.10 de prime à la production, le nouveau salaire horaire pour un coefficient de production de 130 devrait être de 77 fr.90, alors qu'il sera de 71 fr.52. Nous serons de 6 fr.40 au-dessous du minimum légal autorisé, alors qu'à la suite de nos luttes, nous étions de 4 fr.30 au-dessus. La loi prévoit que les avantages acquis seront conservés, mais la circulaire est muette à ce sujet. Elle justifie le taux de base inférieur en déclarant que cela permettra aux ouvriers de réaliser jusqu'à 152% de boni, sans dépasser le salaire maximum, prévu par la loi. En d'autres termes : "Si nous vous donnions ce à quoi vous avez droit (48 fr.30 de salaire de base), vous n'auriez pas besoin de produire plus pour avoir votre minimum vital, tandis que, de cette manière, il vous faudra travailler plus fort", pour le plus grand bien des actionnaires évidemment. Nous disions, dans un précédent article, que cette loi était conçue et rédigée en termes volontairement vagues, afin d'en permettre une application au mieux des intérêts patronaux. C'est ce qui est arrivé. A la R.N.U.R., aucun rajustement ne peut se faire sans circulaire ministérielle en prescrivant les modalités ; c'est donc du gouvernement qu'émane ce "sabotage" de la loi. Le fait n'est pas isolé. Chez Morane, les ouvriers ont débrayé une heure pour réclamer l'application de l'augmentation. A la S.N.C.A.C., à Billancourt, il y a eu un mouvement pour la même cause. Or, ces usines sont toutes deux "nationalisées" et soumises en conséquence aux circulaires ministérielles. Le fait se produit également dans l'industrie privée : grève perlée en Lorraine chez les mineurs du fer, à Fécamp chez les métallos... Partout les patrons reprennent, avant de l'avoir donné, ce que le gouvernement a fait semblant d'accorder. Les dirigeants de la C.G.T. protestent aujourd'hui, mais rappelons leur attitude en mai dernier, lors de la grève Renault : aux 10 francs sur le taux de base que réclamait le Comité de grève, ils opposaient une prime de production : c'est ce que les patrons font aujourd'hui. S'ils veulent protester efficacement, qu'ils envisagent avec tous les ouvriers, toutes les organisations syndicales, une action concentrée comme le demande le tract du S.D.R. du 9 février.
Comment le directeur
calcule
la paye
C'est ainsi que chez Halftermeyer, maison d'appareillage électrique, à Montreuil, le patron paye ses ouvriers au-dessous du minimum légal. Une ouvrière de dix-sept ans qui devrait toucher au minimum 80 pour cent du salaire minimum vital, soit 52,50 x 80 : 100 = 42 francs, est, en fait, réglée à 30 francs de l'heure.
Du 24 novembre 1947 au
15 janvier 1948, le patron a escroqué aux ouvrières plus
de 3.900 francs. "...
Des défilés imposants
de troupes ont lieu très souvent dans les villes
indigènes... Selon lui, "dans les circonstances actuelles, rien ne justifie un accroissement général des revenus personnels en espèces" ; ce qui signifie, une fois traduit, que les besoins des travailleurs et rien, c'est tout comme aux yeux des ministres anglais. Si cela ne ressortait clairement, il suffirait pour s'en convaincre de lire Le Monde, qui, lui, explique tout crûment que ce qui a amené le gouvernement anglais à bloquer les salaires, c'est tout simplement la "nécessité de réduire les prix des produits manufacturés destinés à l'exportation". On ne saurait être plus clair : que crèvent les ouvriers, pourvu que les bourgeois puissent exporter ! D'ailleurs, Le Monde ne cultive pas du tout la politesse anglaise : c'est un spécialiste de la franchise. Ne préconise-t-il pas, dans le cadre des mesures destinées à "encourager les exportateurs" --genre dévaluation et retrait des billets de 5.000-- le chômage comme moyen de faire baisser les prix ? Le raisonnement est très simple : les chômeurs n'ayant pour ainsi dire pas de pouvoir d'achat, il y a moins de demande, les prix baissent et les exportateurs sont avantagés par rapport à leurs concurrents étrangers. Quant aux chômeurs, qu'ils se débrouillent. C'est vraiment génial. Mais une chose à laquelle ne semblent pas avoir pensé les gouvernants français, anglais et autres, c'est qu'à force d'encourager l'exportation au détriment des "populations intérieures", il ne reste de par le monde que des populations affamées et appauvries.
En Angleterre, les
mesures
prises par le gouvernement ont déjà entraîné
la protestation des Trade-Unions et, étant donné que
plusieurs
millions de travailleurs avaient depuis quelque temps
déposé
des demandes d'augmentation de salaires, il faut s'attendre à
une
recrudescence des mouvements revendicatifs dans ce pays.
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