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N° 38
 PRIX : 4 francs
10 MARS 1948 
 
L’EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L’OEUVRE DES TRAVAILLEURS EUX-MÊMES
La Voix des Travailleurs
 
Adresser toute correspondance, abonnements et mandats par poste à JEAN BOIS, 65, rue Carnot, Suresnes (Seine) 
  ORGANE DE LUTTE DE CLASSE
Rendez-vous de 18h à 20h : café-tabac «Le Terminus» 
angle r. Collas av. Edouard Vaillant. M° Pont-de Sèvres

 
UNE GRANDEUR POURRIE
      M. De Gaulle se déclare maintenant fin prêt pour sauver la France. Et il réclame la dissolution du parlement et de nouvelles élections.
      Cependant, malgré la facile démagogie à laquelle il s'est livré jusqu'à maintenant contre un gouvernement dont la malfaisance est visible aux yeux de tous, le "Rassemblement du peuple français" (sic !) ne groupe qu'une minorité. Les résultats de toutes les élections partielles ont montré que le R.P.F. n'est pas capable de réunir, à lui seul, plus de 30% des voix en moyenne ; et le chiffre des abstentions, variant entre 30 et 50% des inscrits, rend tout à fait incertaine l'issue d'une éventuelle bataille électorale.
      C'est pourquoi, M. De Gaulle, las d'attendre que la montagne vienne à lui, a décidé finalement, comme c'est du reste la tradition, que ce serait le prophète qui irait à la montagne. Dans son discours de Compiègne, il en appelle donc "à tous".
      Quels sont ces "tous" dont dépend le sort politique de De Gaulle ? Un simple coup d'oeil sur son discours le révèle.
Parlant des récentes mesures gouvernementales, De Gaulle déclare :
      "Ces artifices d'ordre mécanique... pourraient sans doute AVOIR LEUR PART D'EFFICACITE dans un cadre tout différent..." Autrement dit, la liberté des trafiquants de devises et de l'or et le prélèvement Mayer, qui écrasent les classes travailleuses et moyennes, n'auront une véritable efficacité pour la bourgeoisie que complétés par le pouvoir personnel du général, érigé en "cadre nouveau" !
      Quant à la politique extérieure de la France, l'homme de Radio-Londres renchérit sur Bidault. D'après lui, l'inféodation de l'économie française au capitalisme américain ne suffit pas. Il faut que l'oncle Sam s'occupe entièrement de nous, en nous offrant sa protection militaire dès maintenant.
      Comme c'est cette partie du discours qui est la plus longue et comme, au lieu de combattre le gouvernement Schuman, il lui tend, au contraire, une perche, c'est l'appel à la croisade occidentale qui sert de drapeau de ralliement à M. De Gaulle. Mais, c'est ce qui fait également mouvoir MM. Schuman, Blum, Herriot, Daladier, Paul Reynaud, etc. Son appel "à tous" est donc un appel à tous les partis opposés au "bloc oriental". De Gaulle fait "don de sa personne" aux partis du bloc américain, pour mieux préparer la guerre !
      Que deviennent, dans tout cela, ses prétentions à un ordre nouveau, sain, débarrassé du vieil appareil de politiciens qui étouffe depuis si longtemps les classes travailleuses ? En réalité, à l'instar de Pétain qui a construit son "Etat français" à l'aide des pires politiciens de la III° République, De Gaulle reprend lui aussi les mêmes pour bâtir son "cadre" personnel.
      Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à regarder ce qui se passe aux élections partielles. Là, De Gaulle pratique en petit ce qu'il se propose de réaliser en grand. Partout où il y a eu ballottage, partout les blumistes, les M.R.P.istes, les radicaux et autres vieilles barbes se sont désistés en faveur du candidat R.P.F.
      Et ce n'est qu'avec leur aide que De Gaulle pourrait obtenir la dissolution immédiate d'un parlement où ses partisans ne se comptent que par dizaines, ce n'est qu'en s'unissant à eux qu'il pourrait ensuite grouper une majorité électorale.
     C'est pourquoi il leur tend la main.
      Paris valait bien une messe, et le "Pouvoir" vaut bien n'importe quelle cuisine pourrie pour les "sauveurs" de profession.
      Après cela, De Gaulle peut promettre de mener la France "vers la grandeur" ; le pouvoir pris et la dictature instaurée, s'il ne tient pas ses promesses, qui pourra encore protester ?
 
SEULS LES TRAVAILLEURS PEUVENT REALISER L'UNITE
      Il a suffi que ces derniers jours quelques grèves éclatent par-ci par-là, pour que les capitalistes tremblent à nouveau pour la "paix sociale".
      Mais qu'ont-ils fait, eux, pour sauvegarder cette paix ? Aussitôt après la grève de novembre, le gouvernement disait : "Maintenant que les ouvriers ont eu la sagesse de finir la grève, c'est au gouvernement de montrer qu'il saura donner du pain à tous".
      Dans un "esprit de justice", patronat et gouvernement ont acheté la "paix sociale" à bon compte, pour quelque 2.000 fr. par ouvrier (augmentation de décembre). Mais à peine hors de danger, les capitalistes ont interprété l'arrêté sur l'augmentation à leur profit (la diminuant de moitié), ont traîné en longueur les versements dus aux ouvriers pour garder cet argent dans leur trésorerie. Bien mieux, ils ont procédé dans certains cas à des diminutions pures et simples, comme dans les grands magasins, chez Bronzavia, ou dans certaines usines de province.
      Ils ont profité de la "paix sociale" pour procéder à une nouvelle dévaluation et, pour réduire en trois mois, par la hausse des prix, la pouvoir d'achat du quart.
      Pendant les trois mois où ils ont profité de la "paix sociale", ils ont tout fait pour ramener les ouvriers à une condition encore pire que celle d'avant. Maintenant que leur politique pousse à nouveau les ouvriers à bout, ils crient d'avance contre les grèves et la "paix sociale menacée".
      A nouveau, la politique patronale pose, après une trêve, la lutte à l'ordre du jour. Mais, en dépit de l'expérience de novembre, les dirigeants de la C.G.T., allant au devant de la lutte ouvrière inévitable, émettent la prétention de diriger le mouvement et de "mener les ouvriers à la victoire".
      Mais pas plus qu'en novembre, les dirigeants de la C.G.T. ne disent et ne peuvent dire où ils entendent mener les ouvriers, quels sont leurs buts, comment, par quels moyens, ils obtiendraient cette fois la victoire.
Or, ce que les ouvriers ont appris dans la grève de novembre, c'est que la direction faillie de la C.G.T., avec sa prétention au monopole du mouvement ouvrier, n'est pas capable de faire l'unité de la classe ouvrière et de mener ses luttes à la victoire.
      Les ouvriers ne sont pas disposés à recommencer la même expérience. Les directions syndicales bureaucratiques, qui ne représentent chacune qu'une minorité, ont divisé la classe ouvrière.
      Seuls les travailleurs eux-mêmes, par leur attitude active, peuvent réaliser l'unité de la classe ouvrière, et éviter ainsi dans les événements à venir les pires situations.
      Il faut soumettre au contrôle de la base les directions syndicales quelles qu'elles soient.
      Il faut exiger des dirigeants syndicaux des réponses précises sur les buts et les moyens de leur activité.
      Il faut obliger les organisations syndicales dans les usines à prendre contact entre elles pour faire l'unité de lutte dans la défense des revendications ouvrières vis-à-vis du patronat.
 
CE QUI SE CACHE DERRIERE LA "LOI SUR LA REPRESENTATIVITE"
La Vie ouvrière du 4 mars, en invoquant les lois et circulaires ministérielles en vigueur, conteste le droit de "Force ouvrière" à la "représentativité".
Mais, pour les élections partielles de délégués du 24 février, chez Renault, c'est ensemble que direction, C.F.T.C., F.O. et C.G.T. ont signé le protocole reconnaissant la représentativité de F.O., et son droit de présenter des candidats au premier tour.
Aucune considération "légale" n'a embarrassé la C.G.T. Et pour cause.
Elle savait que, dans de nombreux départements, elle ne pourrait à elle seule faire voter 51% des inscrits, comme l'exige la loi en vigueur. Effectivement, le résultat des élections lui donne 47% des voix en moyenne. Comme son but était d'éliminer à tout prix le S.D.R., il fallait qu'un appoint de votants F.O., si minime soit-il, donne un caractère légal aux élections antidémocratiques du premier tour.
C'est ainsi que les deux larrons se sont entendus avec la direction : l'un, "Force ouvrière", pour être consacrée représentative et essayer de se lancer avec l'appui patronal ; l'autre, la C.G.T., pour éliminer, avec la complicité de F.O., toute candidature libre d'ouvriers du rang et du S.D.R.
Mais l'article de La Vie ouvrière n'est pas seulement un témoignage de duplicité. Il démontre encore autre chose.
Pour contester la représentativité de "Force ouvrière", la V.O. invoque les lois de 1945 et 1946 (notamment la fameuse loi Croizat), qui assuraient à la C.G.T. le monopole de la représentativité. Elle proteste contre le fait que Daniel Mayer, par ses circulaires, modifie ces lois dans le but de "gonfler à tout prix Force ouvrière".
Ainsi La Vie ouvrière avoue que pendant les années de la collaboration sans éclipse entre patronat et C.G.T., c'est avec l'appui gouvernemental que cette dernière avait éliminé toute opposition. Elle proteste maintenant contre le fait que "Force ouvrière" jouisse de ce même appui gouvernemental !
La C.G.T. défend les lois antidémocratiques de 1945 et 1946 ; elle ne réclame pas le retour à la loi de 1936, où tout ouvrier jouissant de la confiance de ses camarades pouvait être candidat au poste de délégué. Qu'aurait-elle à craindre, si ses candidats sont, comme elle le dit, les meilleurs défenseurs des intérêts ouvriers ?
Les ouvriers, eux, revendiquent le droit d'élire librement leurs représentants, et l'abrogation des lois actuelles qui, en permettant l'ingérence patronale et gouvernementale, facilitent aux bureaucrates syndicaux les tripotages et les alliances pourries contre eux. Pierre BOIS.
Résultats des élections au département 6, à la RNUR
S.D.R. ET C.G.T. A EGALITE
296 voix (35%) pour le S.D.R. et 296 voix à la C.G.T., voilà le résultat inattendu du deuxième tour au département 6. Et le candidat de la C.G.T. est proclamé élu, au bénéfice de l'âge. Ce sont les 255 abstentions et nuls (30%), qui ont décidé de l'issue de la lutte.
Ce résultat appelle quelques commentaires.
Avec le département 18, le département 6 a été le noyau actif de la grève Renault d'avril 1947. Le succès du boycott au premier tour (70%) pouvait d'autant plus laisser croire qu'il était resté le même, qu'au département 18 la presque totalité des abstentionnistes, en signant une pétition en faveur du S.D.R., ont prouvé que leur abstention n'était pas de l'indifférence.
Les résultats de mardi viennent d'infirmer cette supposition quant au dép. 6. Là, une grande partie des ouvriers est atteinte d'une maladie qui n'a pas fini de causer le plus grand mal à la classe ouvrière : le scepticisme. "Qu'ils se débrouillent entre eux", voilà la "philosophie" de ces ouvriers en présence d'une lutte entre deux organisations, quelles qu'elles soient.
Cette attitude s'explique bien entendu par les déceptions sans nombre que les organisations ouvrières ont infligé aux travailleurs, les reniements répétés d'un grand nombre de leurs représentants et les échecs renouvelés subis par le mouvement ouvrier.
Ainsi, le S.D.R., en tant qu'organisation nouvelle, doit non seulement tenir tête à ses adversaires, mais supporter aussi, en partie, le discrédit que les vieilles organisations se sont attiré parmi les ouvriers.
Il faut, bien entendu, tenir compte également du fait que, dans la période qui a suivi la grève de mai, un grand nombre d'ouvriers du département 6 ont quitté l'usine et qu'un certain nombre de "nouveaux venus" n'en ont pas la tradition.
Néanmoins, cet échec dans la lutte contre les vieilles bureaucraties dans un secteur de la classe ouvrière qui est des plus avancés, prouve qu'il reste encore aux travailleurs beaucoup de chemin à parcourir pour se débarrasser des préjugés qui les rendent toujours prisonniers de ces organisations.
Mais les 296 travailleurs qui ont voté pour le S.D.R. constituent dans cette voie une base qui ne saurait être sous-estimée que par les amateurs de sensationnel. En votant pour le S.D.R., c'est, selon son appel, la lutte pour la défense des travailleurs contre l'exploitation patronale, la lutte pour l'émancipation définitive de la classe ouvrière et la lutte pour l'instauration de la paix et de la fraternité entre tous les peuples qu'ils ont servi. Et pour les luttes prochaines, c'est cela qui compte. Le droit d'aînesse n'a donné qu'un délai de grâce à la bureaucratie frachoniste, car de même que le vieillard ne peut plus redevenir jeune homme, le passé ne saurait l'emporter indéfiniment sur l'avenir.
A. MATHIEU.
 
RESULTATS COMPLETS DU DEUXIEME TOUR
 

Inscrits Abstentions Votants Nuls CGT SDR 
Titulaires 847  237  610  18 296 296
Suppléants 847  254  593  16  289  288
 

 

Propos de l'ouvrier : LES VRAIS VOLEURS
Dans le crissement des machines, perçant l'air épais de poussière et de vapeurs d'huile, la lumière des ampoules électriques de la Régie Renault laisse lire sur leur verre ces mots : "Ampoule volée à la Régie Renault". De même, à la cantine, aux "Hélices Ratier", les timbales sont toutes frappées : "Volée aux Hélices Ratier". Ainsi sont stigmatisés à l'avance les ouvriers qui triment dans ces bagnes capitalistes.
...Mais quand ils se pavanent dans leurs palais, quand ils roulent dans de somptueuses autos, quand ils voguent dans leurs yachts de plaisir, quand ils volent à travers les continents en avions particuliers, ces moralistes n'ont garde d'apposer sur ces objets de luxe : "Volé aux travailleurs qui ont été férocement exploités pour les produire !"
Car, les vrais voleurs, les voilà !  Ceux pour qui : "oisiveté égale richesse et travail égale misère", ces âmes délicates qui font la charité, ces hommes et ces femmes pleins de bassesse, mais qui sont le "grand monde", uniquement parce qu'ils sont couverts de fourrures rares et de bijoux, et qu'ils promènent des millions sur leur dos !
Mais sur toutes ces richesses produites contre une pitance qui suffit à peine à rendre l'ouvrier capable de recommencer le lendemain, on ne voit jamais inscrit : "Volé aux travailleurs qui croient que tout leur travail leur a été payé".
Car ceux qui vivent du vol, ceux dont le vol du travail ouvrier est la condition préalable et permanente de leur richesse : les capitalistes, ne se content pas, maîtres de l'Etat, de faire marquer au fer rouge "le vilain" et de faire protéger par la police ces richesses volées ; par leurs prêtres, ils ont même réussi à sanctifier le vol des vols qu'est la propriété capitaliste !
Mais les travailleurs s'organiseront pour reprendre aux capitalistes le fruit de leur travail. Ils n'ont pas oublié ce que l'Internationale dit dans un couplet :
Hideux dans leur apothéose
Les rois de la mine et du rail
Ont-ils jamais fait autre chose
Que dévaliser le travail ?
Dans les coffres-forts de la bande,
Ce qu'il a créé s'est fondu.
En exigeant qu'on le lui rende,
Le peuple ne veut que son dû.
Michel LABBE.
 
Que se passe-t-il  dans les camps de travailleurs indochinois ? 
Dans les camps de travailleurs indochinois, une féroce campagne de répression est en cours pour briser la résistance des travailleurs.
Les délégués sont, depuis quelque temps, systématiquement arrêtés. Les détenus sont concentrés au camp de Blas (Lot-et-Garonne), en vue de leur "rapatriement" en Indochine.
Or le "rapatriement", c'est la mort pour 90% d'entre eux : ceux qui ont été "rapatriés" depuis 1946 ont été maintenus dans les camps de concentration de Tourane et Cap-Saint-Jacques, et soumis aux travaux forcés.
Pour s'opposer à un premier départ de cent trente de leurs camarades, les travailleurs indochinois ont fait appel aux dockers et marins de Bordeaux et de Marseille. Mais, tandis que les travailleurs français de base étaient prêts à agir, la direction de la C.G.T. et le citoyen Tollet se contentèrent de bonnes paroles : les cent trente déportés sont partis en chantant l'"Internationale".
Déjà, une seconde fournée se prépare. Pour s'opposer à son envoi au camp de Blas, la 49° compagnie, à Mont-de-Marsan, mène depuis des jours la grève de la faim.
Les délégués parlant français étant arrêtés, les uns après les autres, la direction des camps refuse de reconnaître de nouveaux délégués sous prétexte, comme à Remiremont (Est), "qu'ils ne parlent pas français". Cela revient à interdire les délégués, c'est-à-dire briser l'organisation des travailleurs.
Mais quelle est la vie de ceux que l'Etat français veut bien laisser en liberté surveillée ?
Le Syndicat du textile de Roanne signale qu'à l'usine France-Rayonne, des travailleurs indochinois sont utilisés dans les ateliers les plus malsains, où beaucoup sont devenus aveugles. Pour les chômeurs, le système des corvées gratuites est de nouveau en vigueur : balayage de la chambre du commandant, etc.
Les appels à la solidarité des travailleurs indochinois se heurtent au silence des Tollet et compères, qui, sous prétexte que "trop d'ouvriers français restaient encore en prison", ont refusé d'organiser un meeting à Paris.
Mais justement, en défendant les travailleurs indochinois, ce sont eux-mêmes que défendent les travailleurs français, alors qu'en les abandonnant à leurs bourreaux, ce sont leurs propres chaînes qu'ils forgent.
J. RAMBOZ.
UN NOUVEAU TEMOIGNAGE CONTRE LA CANTINE RENAULT
A la suite de notre enquête, dans le numéro 36, sur le fonctionnement des cantines (particulièrement mauvais chez Renault, notamment), un camarade nous signale que chez Morane (grosse maison d'aviation), à Puteaux :
"Les ouvriers paient 42 francs à la cantine. La maison verserait, de son côté, 35 francs par repas. Les ouvriers ont droit à : un potage à volonté, des légumes (et il en reste), une vraie portion de viande et, en plus, un quart de vin servi en carafon.
Il faut amener son quart ou son verre, ainsi que son couvert. Mais la maison fournit et fait nettoyer les plats et les assiettes (de faïence)."
Pourquoi ce qui est possible chez Morane, chez Simca ou chez Alsthom-Lecourbe, ne l'est-il pas chez Renault ?
Pourquoi la subvention de la direction de la Régie n'est-elle que de 20 francs ?
Pourquoi les ouvriers de chez Renault doivent-ils payer 65 francs pour un repas insuffisant et mal préparé ?
 
"LE MENSONGE EST L'ARME DES FAIBLES" (Thorez)
Nous avons écrit, dans le dernier numéro, que L'Humanité et L'Acier avaient passé sous silence les résultats des élections de délégués chez Renault.
Il a fallu huit jours à L'Humanité et trois jours à L'Acier pour refaire les calculs et publier les résultats... à leur manière. C'est ainsi que le pourcentage de 47% recueilli par la C.G.T. est devenu 74% (simple inversion de chiffres). Et alors qu'aux départements 6 et 18 elle était battue à plate couture, selon L'Humanité elle gagnait 168 voix au département 6, par rapport aux élections de juin 1947. Sur tous les chiffres des élections, c'est le seul qu'a donné L'Humanité (L'Acier, organe local, n'en donnait pas un) et, comme par hasard, il était faux ! En réalité, avec 50 inscrits de plus, la C.G.T. avait 82 voix de plus qu'en juin. Mais ce que L'Humanité n'a pas dit, c'est que sur 844 inscrits, au département 6, elle avait 243 voix en tout.
"Le mensonge est l'arme des faibles", rappelait Thorez, il y a quelque temps, à l'usage de ses adversaires...
 
LE FRUIT D'UNE POLITIQUE
Une liste de pétition, lancée par le parti communiste pour la mise en liberté de Moser, responsable cégétiste de chez Citroën, a circulé, au début de la semaine dernière, à l'Imprimerie nationale.
Beaucoup d'ouvriers se sont abstenus de signer.
Comment expliquer cette attitude ?
1° Ce n'est pas que les ouvriers se désintéressent du sort de leurs représentants syndicaux. Mais ce genre de protestation leur paraissait inefficace dans ce cas ; ce qui n'empêche qu'il puisse avoir force dans d'autres occasions ;
2° Le fait que, pendant les dernières grèves, ces délégués se sont alignés sur la bureaucratie syndicale sans tenir compte de la volonté des ouvriers n'a eu pour effet que de renforcer la direction de chez Citroën. En effet, s'il n'en était pas ainsi, et si la C.G.T., comme elle le prétend, avait la majorité, cette pétition n'aurait pas vu le jour à l'extérieur de l'usine. Les ouvriers de chez Citroën se seraient chargés de régler cette histoire eux-mêmes.
Voilà où les a conduit leur "réalisme", ces délégués qui suivent les "consignes" des bureaucrates au lieu d'accomplir la volonté des ouvriers !
ESPIONNAGE PATRONAL
A sa raison sociale, la direction de Radiotechnique, à Suresnes, pourrait ajouter "Filatures en tous genres". Car, non seulement, elle se renseigne avant d'embaucher qui que ce soit, dans les usines qui l'ont employé, mais elle va même jusqu'à enquêter, à son domicile personnel, auprès de la concierge. Ces procédés de basse police n'ont d'autre  but que de filtrer les "éléments indésirables" (lire les ouvriers combatifs).
Le cas s'est produit récemment : une ouvrière qui avait été licenciée du L.M.T., parmi les premières, lors des "compressions de personnel", parce qu'elle s'était fait remarquer par sa combativité, s'est présentée à Radiotechnique, qui est une des rares usines de cette branche qui embauche actuellement. On prit ses références, et elle reçut, quelques jours après (le temps de se renseigner un peu), une lettre l'avisant qu'elle "ne faisait pas l'affaire". A quand le rétablissement du livret et du certificat d'"honorabilité" ?
 
LA FEUILLE DE PAYE, "UN CASSE-TETE"
Voici que Le Monde, porte parole des capitalistes et des banquiers, se lamente dans son numéro du 7 mars, sur "le véritable casse-tête" qu'est devenu le calcul des salaires :
- Casse-tête pour "les travailleurs qui renoncent souvent à comprendre leur feuille de paye : celle du mineur est un grimoire à quatre-vingt deux colonnes. Elle mesure 0 m.90 de long".
- Casse-tête pour les comptables : "Il paraît qu'un comptable exercé peur arriver à calculer la paye en un quart d'heure", rapporte avec ironie Le Monde.
- Casse-tête aussi, d'après Le Monde, pour les employeurs (l'eussiez-vous crû !)... "lorsqu'ils veulent, en bons citoyens et en honnêtes patrons, appliquer scrupuleusement les règlements !"
Il y a de quoi rire pour "les bons citoyens" et encore mieux pour "les honnêtes patrons", quand on sait que ce système de paye indéchiffrable et incontrôlable est précisément fait pour permettre aux patrons de "tromper les ouvriers, de les exploiter, de les voler au sens littéral du mot, leur soustraire quelques francs par ci, par là, sur ce qu'ils ont gagné"." ( La Voix des Travailleurs, n° 20).
Ce ne sont pas les lamentations des patrons sur les excès d'un système dont ils ne peuvent pas se passer qui y changeront quelque chose. Seuls les ouvriers, pour se défendre contre l'exploitation patronale, ont intérêt à ce que la paye soit claire et compréhensible pour tout le monde et peuvent y parvenir.
C'est pourquoi le S.D.R. a inscrit dans son programme la revendication de la simplification et de l'unification du calcul des salaires.
 
LE TRAVAIL RECOMPENSE
En principe, les primes à la production sont des miettes que le patron donne aux ouvriers qui ont fourni, en plus du travail normal, un effort supplémentaire pénible.
A l'A.O.C. où, depuis plus d'un an, les ouvriers "font un effort" pour sortir la 4 CV, la direction vient de distribuer une prime de "récompense". Tous les chefs, du chef de département au contre-maître, ont touché la prime en rapport naturellement, avec leurs traitements : celui qui gagne le plus touchant la plus forte prime. Mais les ouvriers, eux, n'ont rien touché. La satisfaction morale d'avoir travaillé à la réussite de la 4 CV doit leur suffire. Il faut bien que les ouvriers soient désintéressés, sinon où irait la Régie Renault ?