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chronologie 1948 |
N° 39 |
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17 MARS 1948
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Rendez-vous de 18h à 20h :
café-tabac «Le
Terminus» angle r. Collas av. Edouard Vaillant. M° Pont-de Sèvres |
Quelle aubaine, pour les fauteurs de
guerre
"occidentaux", que le cadavre de Masaryk
! Quel bon prétexte, pour eux, que le suicide de l'ancien
ministre
des Affaires étrangères tchécoslovaque, pour
déchaîner
à fond la campagne d'excitation à la guerre !
Dresser les peuples de la sphère américaine contre ceux de la zone russe, au nom des rites parlementaires, c'est très difficile de la part des soutiens du régime de Franco et du roi de Grèce, de la part de ceux qui mènent une guerre d'asservissement contre l'Indochine, de la part des requins qui exploitent les peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique. Mais en appeler à la défense des "valeurs éternelles" de la civilisation occidentale, en faisant de la mort de Masaryk le symbole de "l'homme libre" aux prises avec le despotisme, cela rend mieux. Enhardi, Truman envisage ouvertement la guerre : "Ma confiance dans la paix a été QUELQUE PEU ébranlée", déclare-t-il. Ils avaient tellement besoin de ce cadavre, les fauteurs de guerre, que, sous le ton officiellement affligé des nécrologues, on devine le contentement retenu des gens qui tiennent leur affaire. Mais toutes ces tirades sur la "liberté de l'homme", toute cette vertueuse indignation contre la répression stalinienne n'est qu'une misérable hypocrisie de la part des représentants des capitalistes occidentaux. Quand, à partir de 1935, par des procès "en sorcellerie", Staline assassina les Zinoviev, les Kamenev, les Smirnov et condamna à mort Trotsky que la police secrète du potentat moscoutaire supprima au Mexique en août 194O, l'Occident "civilisé" ne s'indigna point contre cette résurrection du moyen âge. Leur suppression, par les fameux "procès de Moscou", dans lesquels les seules preuves légales furent les aveux des "accusés", fut accomplie par Staline avec l'approbation de la presque totalité de la presse et des "hommes d'Etat" occidentaux ! Ces condamnations, en dépit de toute forme juridique et sur des aveux PROUVES matériellement faux, ne choquèrent le moins du monde ces "fervents" des libertés de l'homme - car il s'agissait d'hommes qui avaient, sous la direction de Lénine, conduit la Révolution ouvrière d'octobre 1917 et qui combattaient Staline non pas au profit des requins capitalistes de Wall Street, mais au nom des travailleurs, au nom de la fraternité entre tous les peuples, au nom de la démocratie OUVRIERE, au nom de la Révolution sociale mondiale. Les défenseurs des "valeurs éternelles" se turent alors, comme ils se taisent maintenant quand Franco, bien que la guerre civile ait cessé depuis longtemps en Espagne, supprime, sans même respecter ses propres lois en vigueur, des représentants de la classe ouvrière espagnole qui sont loin d'être tous des partisans de Moscou ! Le "monde civilisé" n'a pas un mot pour protester contre ce mépris total de la "liberté de l'homme". Et pour cause. Quelle est la véritable liberté de l'homme occidental lui-même, sinon celle d'avoir faim ? A l'Est comme à l'Ouest, les hommes étouffent sous le joug de l'exploitation économique et de l'oppression politique. Mais ce n'est point à la pointe des baïonnettes, comme le font croire les Truman et les Staline, que les exploités arracheront leurs libertés économiques et politiques. Le despotisme s'écroulera à Moscou et à Prague, seulement quand à Paris, Londres et Washington, les mots liberté et civilisation deviendront une réalité pour les dizaines de millions de "crève-la-faim" que le capitalisme voue au chômage, et pour les centaines de millions de travailleurs, dont la seule "récompense" est maintenant une maigre pitance, tout juste de quoi ne pas mourir de faim. LA
VOIX DES TRAVAILLEURS.
Rien n'a été résolu depuis. Des grèves ont éclaté : grève générale d'avertissement de 30.000 mineurs du Nord, grèves dans l'alimentation, l'hôtellerie, etc. Les cheminots du Maroc ont obtenu une hausse de salaires ; ailleurs, comme dans l'hôtellerie, les grèves visent à obtenir simplement l'augmentation votée en novembre dernier. Ce n'est pas le chiffre des revendications qui est en jeu, mais les moyens d'obtenir celles-ci, les moyens de lutter et d'unifier la classe ouvrière pour ces luttes. De quoi demain sera-t-il fait ? La C.G.T., qui appuie actuellement les mouvements grévistes, a démenti ses intentions de "lancer de nouveaux mouvements ou de nouveaux mots d'ordre" pour la mi-mars. Mais si elle dément devant des journalistes des intentions qu'on lui prêtait, les ouvriers ne connaissent pas davantage celles qui sont siennes. Par quels moyens entend-elle lutter ? Entend-elle se contenter de palabres ? Entend-elle seulement appuyer les mouvements qui éclatent pour demander le retour du P.C.F. au pouvoir ? ou, comme au mois de novembre, déclencher un mouvement à l'improviste ? En ce qui la concerne, les ouvriers ne savent pas plus s'ils vont au-devant de grandes luttes qu'au-devant d'une capitulation. De même que, pendant longtemps, la C.G.T. a présenté la grève comme l'arme des trusts et la grève générale comme une idiotie, pour déclencher ensuite une grève générale antidémocratique, de même aujourd'hui, les ouvriers ne savent pas à quoi s'en tenir quant à la C.G.T. De telles méthodes ne peuvent que conduire à la défaite. C'est, avec les mêmes données, répéter l'expérience de novembre : manque de confiance des ouvriers dans ceux qui les représentent, manque de démocratie, manque de contrôle sur la marche du mouvement, division de la classe ouvrière. C'est pour cela qu'est, plus que jamais, valable ce que disait un tract du S.D.R. déjà avant la grève de novembre : "La lutte, qu'on le veuille ou pas, reste à l'ordre du jour. Pour la mener à bien, il faut que nous, ouvriers de base, nous nous serrions les coudes et ne nous laissions pas diviser par des gens qui, depuis longtemps, ne savent plus ce qu'est un outil. La situation est loin d'être perdue si les ouvriers arrivent, sur le terrain de l'usine, à parler librement, déterminer une attitude commune et décider de moyens de lutte voulus par tous. Ce que nous avons à faire, c'est souder nos rangs pour pouvoir, dans une action déterminée par tous, aller de l'avant sans aucune crainte." Ce n'est pas en se cachant la tête sous le sable, que les travailleurs empêcheront les vieilles bureaucraties syndicales, qui défendent la "3° force" ou le retour de ministres P.C.F. au gouvernement, de se servir de leurs luttes pour des buts qui n'ont rien d'ouvrier. Nous n'avons pas encore reçu de réponse à notre demande. En attendant, nous ne devons pas laisser passer l'occasion de tirer de ces faits l'enseignement qu'ils comportent. Il est évident que si nous avons été battus électoralement, toute la faute nous en incombe. En effet, les "morues" ne l'ont emporté que pour la seule raison de notre inexpérience et imprévoyance. Nous nous sommes aperçus trop tard que même un simple vote est une lutte dans laquelle il faut déployer toute l'énergie et toute l'activité dont nous sommes capables. Nous avons considéré le résultat acquis d'avance et, de ce fait, nous n'avons pas su mobiliser certains camarades dont l'abstentionnisme n'était qu'occasionnel ; certains camarades étaient absents le jour du vote ; et nous avons laissé l'urne, sans surveillance, pendant une heure et demie ! Dans ces conditions, il est clair que les 296 voix obtenues par la C.G.T., par un effort intense (et aussi, peut-être, par des moyens déloyaux), représentent un maximum, tandis que les 296 voix que nous avons eues auraient pu facilement être dépassées de plusieurs dizaines. Nous avons reçu là une bonne leçon, qui nous apprend qu'il ne faut jamais rien considérer comme gagné d'avance ; qu'il faut travailler de toutes ses forces et faire tout ce qui doit être fait pour obtenir le résultat voulu, et qu'il ne faut rien négliger, si insignifiant que cela paraisse. De toute façon, des résultats obtenus par une différence minime n'auraient pu changer notre situation. Nous sommes en minorité au département 6, et c'est cela qui doit déterminer notre activité. Nous devons, dans les semaines à venir, gagner patiemment les camarades "abstentionnistes" à la lutte active et aussi ouvrir les yeux aux camarades qui, en votant pour la C.G.T., ont prouvé qu'ils avaient la mémoire courte. L'avenir appartiendra aux travailleurs seulement, si nous savons apprendre de chaque expérience et faire honnêtement notre propre critique. Pierre
BOIS.
Ceux des ouvriers qui ont compris ce que leur ont valu pendant des années des délégués cégétistes, ne peuvent pas admettre que, grâce à des machinations favorisées par la direction, la C.G.T. garde la représentativité des deux départements 6 et 18, alors qu'elle n'y a pas la majorité. En effet, au département 18, sur les 141 abstentions du premier tour, le S.D.R. a recueilli 123 signatures pour l'annulation du vote, alors que le délégué cégétiste n'a recueilli que 46 voix. Au département 6, c'est au bénéfice de l'âge que le délégué cégétiste a été élu, le nombre de voix recueilli par le candidat du S.D.R. et celui de la C.G.T. étant le même, sans compter les irrégularités constatées dans le scrutin au détriment du S.D.R. L'Humanité peut ensuite se vanter, en escamotant la vérité et en tronquant les chiffres, que la C.G.T. l'a emporté dans le "fief des autonomistes-scissionnistes", comme elle s'exprime. Peut-être les ouvriers s'illusionnent-ils sur la somme qui leur est due ? Car, tout compte fait, après l'acompte de 5 francs de l'heure pour les O.S.2 il ne doit pas rester grand' chose à toucher. Mais la direction est astucieuse. Au mois de janvier, elle a arrangé son affaire pour réduire l'augmentation à presque rien. Mais, pour ne pas nous décevoir de trop (les déceptions nuisent à la production), elle nous a gratifiés d'un acompte. Le reste viendrait ensuite. Et maintenant, puisque avec notre paie nous ne sommes pas encore morts de faim, elle peut bien nous avouer ce qui nous reste à toucher : c'est rien ou presque rien. Néanmoins, cette astuce n'est pas sans profit pour la direction. Les quelques billets de 100 francs qu'on nous doit, multipliés par 30.000, cela fait une somme appréciable qui travaille au bénéfice du patron. De plus, depuis des semaines que traîne cette affaire, de nombreux ouvriers, en quittant l'usine, perdront plusieurs centaines de francs. Quant aux ouvriers qui étaient absents le jour où l'acompte a été distribué, ils attendent toujours que la direction s'y retrouve dans ses comptes. "Il faut augmenter les cadences", dit M. Lefaucheux dans son bulletin de janvier-février. Et la cadence de la paye ? Un ouvrier de ce département, las d'attendre en vain, obligea, il y a quelques mois, le délégué Cheridy, aujourd'hui parti de l'usine, à l'accompagner à la Sécurité sociale, chargée de l'attribution de ces chaussons et guêtres. L'ouvrier ayant d'abord obtenu gain de cause, vit sa demande rejetée aussitôt d'une façon tout à fait inattendue. Le délégue fit, en effet, remarquer que : "s'il travaillait en chaussons, des étincelles pouvaient brûler ses pieds et cela obligerait à "se mettre aux assurances sociales". Est-ce l'attitude que doit avoir un délégué ouvrier ? Et M. Cheridy fut-il chargé, alors, de défendre les revendications posées par les ouvriers ou bien les intérêts du patron ? Alors que la Sécurité sociale elle-même accordait ces chaussons, avait-il besoin de se faire son avocat malgré elle ? Mais ces messieurs les cégétistes ont professé, il y a peu de temps, un tel zèle pro-patronal qu'ils en sont devenus plus royalistes que le roi. Les chauffeurs du département ont besoin dans leur travail de chaussons et de guêtres. Il faut que notre nouveau délégué pose cette revendication et que nous l'obligions à le faire, car nous l'avons élu pour nous servir et non pour servir le patron. Et s'il ne le fait pas, nous saurons obtenir satisfaction nous-mêmes. Tous les prétextes sont bons pour les obliger à travailler toujours davantage. Mais ce sur quoi les ouvriers sont parfaitement fixés : c'est sur l'impôt sur le "revenu" dont les feuilles commencent à tomber chez plusieurs d'entr'eux. Sur un salaire annuel d'O.S. de 100.000 francs environ (c'est-à-dire à peu près 9.000 fr. par mois), 4.000 francs ont déjà été retenus. Et le gouvernement considère encore que ce n'est pas suffisant. Il classe le salaire d'un O.S. dans la catégorie des "revenus" imposables. En fait de "revenu", l'ouvrier n'arrive même pas à vivre avec son salaire. Où prendra-t-il l'argent pour payer les impôts ? C'est ainsi que chez Renault aucun ouvrier ne gagne la même chose. La seule catégorie de P1 a sept sous-catégories. Aux fonderies, à l'atelier 19, les ouvriers qui font un roulement de jour et de nuit comme chauffeurs de fours-réverbères et comme fondeurs au cubilot ont touché, à la dernière paye, 94 fr.34 de l'heure. A l'atelier 82, par contre, où les ouvriers, comme au 19, sont des P1, mais ne font que le travail de fondeurs au cubilot, et travaillent toujours de jour, ils ont touché, la même quinzaine, 110 fr.90 de l'heure. Au département 6, à l'atelier 31, les O.S.2 sont payés en moyenne 78 francs de l'heure. Certains descendent jusqu'à 72 francs, tandis qu'à l'atelier 317 les ouvriers arrivent à un salaire de 82 et 83 francs. La maîtrise explique ceci par le fait que certains ateliers sont plus "riches" que d'autres. En effet, les départements, et même les ateliers, ont un budget séparé et jouissent d'une certaine autonomie. Les ouvriers qui n'arrivent pas à faire leur cadence, du fait du mauvais fonctionnement des machines, sont payés par bons jaunes. Or, les bons jaunes sont imputables au budget de l'atelier. Si bien que dans un atelier où il y a de nombreuses vieilles machines, tombant toujours en panne, le contremaître qui aura de nombreux bons jaunes, ne pourra pas payer les ouvriers à un taux élevé puisqu'il ne doit pas dépasser son budget. Au contraire, dans un atelier où les machines sont neuves, le contremaître pourra payer davantage ses ouvriers, puisque son budget ne sera pas grevé par les bons jaunes. Ce système permet, en fait, à la direction de retenir sur la paye des ouvriers le déficit causé par le mauvais outillage. Les catégories (et les sous-catégories) ainsi que le chronométrage, ne sont que des systèmes pour justifier la liberté que prend le patron de payer les ouvriers ce qui lui plaît et de leur faire payer les frais du mauvais outillage, et du manque d'organisation. A travail égal, salaire égal ! Mais aussi unification des salaires !
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