retour accueil retour chronologie retour chronologie 1976
    
Fév.76

Cher camarade,
    1) Laisse de côté toute appréciation sur le rôle de tel ou tel camarade, car il n'est pas possible d'en avoir une idée sans connaître l'ensemble des actions et surtout sans comprendre ce que c'est qu'un mouvement de masses (à moins de l'avoir vécu on tombe dans l'imagination pure et simple). Il faut parler de l'organisation et de ses idées politiques suivies des actions de masse 47-49.
    2) L'axe obligatoire de ton travail (s'il s'agit d'un travail d'historien) c'est de comparer les idées de base de Trotsky avant 39 (ou 40) et leurs implications, avec celles que les trotskystes (ceux qui s'en réclamaient) ont effectivement mises en avant pendant les événements qui ont suivi (URSS -nature transitoire du bonapartisme bureaucratique- guerre, signification des luttes des peuples coloniaux, Etats-Unis socialistes d'Europe, etc... et souligner : socialisme ou barbarie, comme perspective historique réelle résultant de la 2e guerre mondiale). Laisse donc de côté les trotskystes d'avant-guerre ! Il s'agit avant tout d'idées, hélas, car aucun événement révolutionnaire (prise de conscience des masses) ne s'est produit qui eût permis une action réelle.
    3) Ne fais pas de nous des héros à part ! J'ai bien insisté là-dessus et il me semble que tu n'en tiens pas assez compte : Marcel Hic (1) était un vrai socialiste et son attitude fut réellement combative (plus que la nôtre). Son attitude était tactique (dans le bon sens du mot). Je m'explique : l'effondrement militaire de la France en juin 1940 a provoqué un grand désarroi (Hitler proclamait l'existence de son régime pour mille ans) qu'il est très facile de prendre de haut après coup. Mais à l'époque il fallait avoir de très solides raisons militaires et politiques (voir brochure 40 (2)) pour penser que la défaite de Hitler était inscrite dans le développement de la guerre en guerre mondiale (URSS et E.U.) pour adopter notre politique. Sinon il eût fallu adopter les conclusions de Marcel Hic !
4) Il ne faut pas confondre les paroles (même imprimées avec les plus grands risques) avec l'action réelle au niveau historique. Tu écris : "L. de C. soutient à fond la lutte des peuples coloniaux etc..." !!! Seul un parti ayant un poids appréciable dans la vie nationale peut soutenir "à fond", mais alors il s'agit de toute une gamme de moyens, y compris militaires... Il faut que tu réalises la distance astronomique qu'il y a entre les intentions et les actions réelles au niveau historique, encore une fois. L'histoire se fait, elle ne se proclame pas ! Nous n'avons pu la faire qu'en 47, quand il s'est agi de donner une impulsion à la rupture inévitable et sur laquelle nous comptions (voir la Mise au point que tu n'as pas assimilé encore) entre les travailleurs et leurs organisations devenues l'obstacle principal à leurs revendications élémentaires !
5) Pour toute une série d'inexactitudes (mais tu ne peux pas les éviter) il vaut mieux t'adresser à Louise, qui seule est en mesure de t'aider directement et qui seule (en dehors de moi) a une idée d'ensemble de ce que nous avons fait.
6) Exemples : "La situation de la classe ouvrière n'a cessé d'empirer depuis la libération. Le peuple (?!) a faim". Pure imagination;. La situation s'était grandement améliorée et c'est parce qu'ils n'avaient pas faim que les ouvriers redeviennent combatifs ! Quand tu parles de l'entrée de Bois chez Renault comme d'un événement qui conditionne la suite, là aussi erreur profonde. Les mérites que j'ai soulignés chez Bois dans ma lettre sont une chose, l'histoire une autre. Toute l'organisation (ou l'essentiel) avait concentré son travail chez Renault (après Citroën), et avant Bois un autre camarade, "Goupi" était l'élément principal parmi quelque 6 militants (très dévoués et actifs) entrés dans l'usine;. Bois s'est révélé par le travail de toute l'organisation qui faisait corps avec lui !
Les ouvriers n'étaient pas en "rupture de stalinisme" et n'avaient aucune idée de notre trotskysme, pas plus que du stalinisme de la C.G.T. !
Bien à toi,
Barta