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chronologie 1946 |
Numéro 7 | BULLETIN INTERIEUR | 18
Février
1946 Prix : 2 francs |
Pourquoi, DANS LA BOUCHE D'AUTHENTIQUES TRAVAILLEURS, cette réflexion hostile à des grévistes ? Contre cette grève, ce sont les chefs du P.C.F. qui se sont montrés les plus acharnés, n'hésitant pas à calomnier les rotativistes ("collaborateurs", agents de la réaction, etc.). Les grèves ne menacent-elles pas, en effet, leur tranquillité de parvenus aux postes ministériels que la bourgeoisie leur a confiés, ne troublent-elles pas leur COLLABORATION avec le M.R.P., c'est-à-dire avec la réaction clérico-fasciste ? Et pour masquer leur propre rôle, ils accusent de leurs propres actes les ouvriers : le voleur criant "au voleur" !... Ne jugeant pas la calomnie suffisante, les chefs du P.C.F. eurent recours à ce vieux procédé bourgeois qui consiste à dresser l'une contre l'autre deux couches de salariés, en faisant naître entre elles des rivalités "d'intérêt". "Ils gagnent plus que vous autres et ce sont eux qui sont les plus mécontents ! Ils sont donc INSATIABLES ?" feignait de s'indigner l'exploiteur, avant la guerre, en s'adressant aux plus mal payés, pour briser les revendications des "privilégiés"... Il a fallu que cette manoeuvre capitaliste soit reprise aujourd'hui par de soi-disant chefs "ouvriers", pour qu'une différence de 10 grammes de beefsteak, entre le rotativistes et certaines autres catégories, puisse faire oublier à de trop nombreux ouvriers qu'aucune couche de la classe ouvrière, si "privilégiée" qu'elle soit, n'arrive à manger à sa faim, tandis que quelques richissimes exploiteurs gagnent des MILLIARDS et NOUS PRENNENT TOUT, pour eux et pour leurs laquais. Qui ne voit maintenant que l'échec de la grève des rotativistes, le blocage de LEURS salaires "privilégiés" (!!), c'est un échec pour toute la classe ouvrière : le blocage de TOUS les salaires, y compris les plus misérables ? Par contre, si nos camarades rotativistes avaient obtenu satisfaction, leur victoire aurait servi, à la fois, d'exemple et de TREMPLIN pour la lutte revendicative des autres catégories. En réalité, il est tout-à-fait naturel que dans la situation économique actuelle, quand la majorité des travailleurs vit dans l'angoisse, non du lendemain, mais DU PAIN QUOTIDIEN, que ce soient les travailleurs dont LA POSITION, contre les capitalistes, est plus forte que celle des autres (irremplaçables de par leur spécialité) qui puissent avoir des chances de succès dans la lutte revendicative. En criant à "l'insatiabilité" des rotativistes "bien payés", les chefs du P.C.F. ne font-ils pas le jeu des fascistes, qui dressent les petits rentiers et les petites gens à revenus fixes contre les travailleurs "qui font monter le coût de la vie" par leurs exigences ? Des vieux clichés bourgeois utilisés contre les travailleurs, voilà leurs véritables "manoeuvres". Mais les travailleurs apprendront à ne plus s'y laisser prendre. Ils soutiendront, par tous les moyens en leur pouvoir et surtout par la solidarité gréviste, les revendications de n'importe quelle catégorie de salariés contre les capitalistes. Les travailleurs se souviendront à temps que seule l'action directe de la classe ouvrière peut vaincre la misère capitaliste et le fascisme qu'elle engendre. Les moyens utilisés par nos guides, qui se qualifient eux-mêmes de "géniaux", n'ont-ils pas fait faillite ? Opposons donc à l'action des capitalistes et des fascistes le front commun de tous les exploités. Contre eux, forgeons l'unité de combat ! Car ils voient qu'en définitive, c'est toujours l'ancienne politique qui continue : blocage des salaires "pour éviter l'inflation", et hausse des prix. Où cela mè-nera-t-il ? De la part de ceux qui ne travaillent pas, on n'entend qu'un cri : il faut produire, car c'est la reprise économique qui est le seul remède. Cependant, le paysan, qui en temps de sécheresse, compte sur la pluie qu'il ne peut prévoir, est bien plus dans le vrai que le gouvernement qui compte sur la "reprise" capitaliste ! Depuis six mois, tous les problèmes de la politique gouvernementale se réduisent à trouver le meilleur moyen de rejeter sur la population travailleuse les charges d'une politique de brigandage : inflation directe, déflation, alternativement tous les systèmes sont utilisés qui visent au même but de spoliation. La preuve en est que, loin de se relever progressivement, le pays a continué à s'enfoncer dans la misère. Le nouveau gouvernement a commencé par promettre monts et merveilles : l'arrêt de l'inflation, la réduction des dépenses militaires ruineuses, des indemnités (subventions) accordées aux capitalistes. Il s'avère que la réduction des dépenses militaires ne peut pas se faire sérieusement, parce qu'on a décidé de maintenir une armée permanente, l'occupation en Allemagne et aux colonies, la guerre en Indochine, la fabrication des armements. Quant à la réduction des subventions, elle se transforme en hausse des prix (facteur d'inflation) et retombe toujours sur les mêmes : les consommateurs. Une seule mesure a été maintenue fermement : le blocage des salaires. Depuis des mois, sous Pleven aussi bien que maintenant, les dirigeants de la C.G.T. essaient de faire patienter les ouvriers en "réclamant" une politique de "stabilisation des prix". Cependant, ni l'ancien, ni le nouveau gouvernement ne se sont avérés capables de l'imposer. Mais du moment que le gouvernement n'est pas capable d'imposer aux capitalistes le maintien des prix, pourquoi impose-t-il aux ouvriers des salaires de famine ? S'il veut réellement mettre fin à leurs manoeuvres de vie chère, qu'il dise plutôt aux capitalistes : vous ne voulez pas maintenir vos prix, nous décrètons en conséquence l'échelle mobile des salaires pour les travailleurs et c'est VOUS qui en paierez les frais. C'est de cette façon, à l'aide de cette mesure, que les chefs prétendus ouvriers qui sont au gouvernement lut-eraient contre les capitalistes, s'ils étaient réellement socialistes et communistes. Il va de soi que l'échelle mobile des salaires n'est pas la solution de la crise, mais seulement un premier et indispensable moyen de défense des travailleurs en présence des manoeuvres patronales. Les ouvriers ne sont pas contre le blocage des prix. Au contraire, c'est à cela qu'ils veulent ABOUTIR. Mais cette solution s'avère impossible pour un gouvernement qui dépend de l'Etat et de l'administration des capitalistes. Le blocage des prix ne peut devenir une réalité que quand, à l'intérieur des usines, les ouvriers pourront faire ouvrir aux capitalistes leurs livres de comptes pour constater comment ils calculent leurs prix, quelle est la part des salaires et celle des profits, pour révéler leurs spéculations sur la misère publique, pour quelles fabrications ils utilisent leurs stocks, quelle est la répartition des produits fabriqués, etc... Le blocage des prix ne deviendrait donc une réalité qu'au moment où les ouvriers arriveront à IMPOSER leur contrôle sur la production et la répartition. Ne perdant pas de vue que seule la lutte pour le contrôle ouvrier peut amener le blocage des prix et un fonctionnement normal de l'économie, face à la vie chère organisée par le patronat, les travailleurs revendiquent l'échelle mobile des salaires COMME LA MESURE LA PLUS URGENTE de défense contre la misère capitaliste. Dans d'autres défilés qui avaient eu lieu dans la première partie de 1945, on voyait qu'une relative initiative avait été laissée à la classe ouvrière pour la rédaction des mots d'ordres sur les banderoles : "Suppression de la carte de pain", "A travail égal, salaire égal", "Faire payer les riches", etc... Cette fois rien de cela, les banderoles exaltaient la production, l'unité, etc. Cela se comprend, les ministres communistes, "socialistes" et cégétistes du gouvernement actuel étant aussi incapables que leurs prédécesseurs d'amener des solutions pour améliorer le sort des classes opprimées. Seules, les banderoles des socialistes exposaient une certaine démagogie de mots, complètement en contradiction avec la politique que mène le P.S. Et le long du parcours, sauf aux points principaux, il n'y avait aucune affluence. Pourquoi cela ? La classe ouvrière se rend très bien compte que ce n'est pas seulement avec des banderoles, des drapeaux tricolores et des phrases que quelque chose changera dans le pays. Après avoir fait échec, en 1934, par l'action directe, aux manoeuvres réactionnaires, après avoir eu un gouvernement "du peuple" en 1936, l'expérience nous a appris que cela n'était pas suffisant, que dans notre lutte, ce qui était acquis ne pouvait être maintenu qu'en allant plus loin. De plus, la classe ouvrière se sent handicapée par l'absence d'organisations résolues et capables d'appliquer, autrement qu'en paroles, sa politique. Il y eut quand même des réactions ouvrières au passage de Thorez aux côtés du préfet de police Luizet, et surtout au passage des gradés et agents de police, avec banderoles "au service du peuple" et drapeaux tricolores. Il est clair pour un ouvrier conscient que le patriotisme, en particulier celui des agents de police, n'a rien de commun avec 1934 et la lutte ouvrière contre l'oppression bourgeoise. Il est certain que si au lieu de faire de la manifestation de dimanche une manifestation patriotique, ceux qui se réclament de la classe ouvrière en avaient fait ce qu'elle aurait dû être vraiment, une manifestation intransigeante de classe, que si au lieu de prêcher en paroles ou sur des banderoles une unité ouvrière... de dirigeants, les partis ouvriers et la C.G.T. lançaient l'appel de lutte contre l'actuelle menace fasciste, dans un front unique de la classe ouvrière sur le terrain de l'usine, il est certain que la manifestation aurait eu un tout autre aspect. A ce sujet le Times du 25 janvier écrivait que "le type grec d'inflation ne peut être guéri que par les vieilles méthodes d'économies rigoureuses, de blocage des salaires et des traitements", alors que près de la moitié de la population, classée comme indigente, ne peut acheter les vêtements et les aliments auxquels elle a droit !
Arrachard se prononce contre le tâcheronnat, cette forme de travail "sous traité" qui fut la perte de l'industrie du bâtiment après la guerre de 14-18, mais il reste des partisans du travail à la tâche (aux pièces).
"Une tâche, c'est un ouvrage qui doit être fait dans un
temps
fixé. Travailler à la tâche, c'est travailler
à
un prix convenu, pour un travail réglé d'avance. Il ne
faut
donc pas confondre travail à la tâche et
tâcheronnat,
bien que les deux termes soient d'apparence synonymes et peuvent par
là
même prêter à confusion. Dans le tâcheronnat,
il y a toujours du travail à la tâche..." "Le blocage des prix serait illusoire si la quantité de produits ne rattrapait pas rapidement la masse de monnaie en "circulation", autrement dit il faut "produire", mais que produira-t-on ? "La parfumerie française est de renommée mondiale. Aussi Marcel Paul, ministre de la Production industrielle, a décidé d'accorder un premier crédit de 300 millions de francs pour l'importation d'essence". Marcel Paul a ouvert un crédit de 300 millions pour l'importation d'essence. Or, la Tribune Economique du 4 janvier nous disait : "Pour équilibrer nos besoins (en pain), il nous faudrait 25 millions de quintaux, soit une dépense de 250 millions". On a préféré dépenser 300 millions pour fabriquer des parfums. Pourquoi alors, n'en entend-on plus parler ? Ne faudrait-il pas plutôt les mettre à l'ordre du jour de nos Assemblées syndicales ? DENIS
La récolte terminée, les cultivateurs attendirent en vain le ramassage du Ravitaillement. Comme rien ne venait, ils décidèrent de se rendre eux-même, avec leur pommes de terre à Morlaix. Arrivés là, on leur répondit qu'il était "trop tard", qu'on n'en avait pas besoin et qu'ils n'avaient qu'à les remporter avec eux ! C'est ainsi que, tandis que le Limousin n'a pas une pomme de terre et que les travailleurs des villes se serrent la ceinture, les cultivateurs de Réunion -et de bien d'autres villages, probablement- ont été contraints de nourrir leurs cochons avec des pommes de terre. Le 14 janvier, une paysanne de Réunion donna 6 sacs de patates à expédier sur Paris. Mais à la gare, nouveau refus : interdiction d'envoyer des patates, sauf en colis agricole : 100 francs pour 20 kg. C'est ainsi que le Ravitaillement ne permet qu'aux riches de se nourrir, [et] affame les pauvres ! Seuls les paysans et les ouvriers pourraient trouver une solution avantageuse, en organisant l'échange direct par des associations de consommateurs et de producteurs. LUCIEN
Camarade, le mal que tu ressens, beaucoup le ressentent comme toi, mais il faut coordonner nos efforts et lutter contre. Le désespoir dans notre lutte ne guérirait pas le découragement, mais préparerait la servitude. CLAIRE
Après la reprise du travail, les ouvriers de la Presse ont fait pendant plusieurs jours la grève perlée dans presque tous les journaux. Maintenant, elle a cessé presque partout, sauf à Ce Soir . Les ouvriers en veulent particulièrement à ce journal parce qu'il a été le premier briseur de grève et a eu une attitude particulièrement révoltante. La grève perlée a pour résultat de faire perdre une partie de son profit au journal qui sort bien plus tard que ses concurrents. Et c'est une possibilité pour les ouvriers d'augmenter leur paye, car quand les services sont prolongés au-delà de leur durée normale, les heures supplémentaires leur sont payées. -D'après l'indice des prix, les directeurs et gros manitous des usines Gnome viennent de porter leurs traitements à un taux supérieur. Pour les ouvriers... pas besoin. Nous allons avoir les "prix stabilisés". Le gouvernement à majorité de gauche qui, puisqu'il y a "nationalisation", aurait la possibilité de bloquer et même de diminuer ceux qui touchent de trop, afin de relever ceux qui ne touchent pas assez, s'il est implacable pour le salaire des opprimés, accepte avec beaucoup d'indulgence les augmentations des gros bonnets de l'industrie. Devant ce deuxième argument, la section syndicale prétend qu'elle ne peut rien faire et laisse tomber l'affaire. Six ouvriers continuent la grève. La direction les renvoie tous les six ! Quand les ouvriers agissent avec ensemble la direction est obligée de reculer, de rechercher de nouveaux prétextes. Lorsque les ouvriers sont abandonnés et se découragent, la réaction en profite pour frapper ceux qui ont tenu jusqu'au bout. Le section syndicale, par son attitude capitularde, s'est rendue complice du renvoi des 6 ouvriers. Si, au contraire, elle avait étendu le conflit, elle aurait stimulé la combativité des ouvriers et il est certain que la direction aurait capitulé devant un mouvement plus large, puisque lorsque les ouvriers ont agi à 30, elle a déjà été obligée de reculer. A la suite d'une Assemblée générale, comme dans plusieurs usines de la région parisienne, la section syndicale avait mis sur pied l'envoi d'une délégation à la Chambre des Députés pour "demander la formation d'un gouvernement P.C.-C.G.T." et réclamer en même temps des mesures pour un rajustement des salaires et pour le ravitaillement. Les délégués ont été reçus dans les couloirs de la Chambre des Députés et la Direction a refusé le paiement des heures perdues par les délégués. Une fois de plus il est prouvé que les "délégations", si elle ne sont pas appuyées par un mouvement à la base, ne rapportent jamais rien.
Un article "Hitléro-Trotskystes et Lutte de Classes" remplit presque entièrement Le Message Téléphonique, bulletin d'entreprise du P.C.F. Cet article est consacré à la déformation consciencieuse d'un article de La Voix des Travailleurs intitulé "Contre la chiourme", dont Le Message dit : "Cet article n'est qu'une série d'attaques et de calomnies contre les chefs d'équipe, contremaîtres et agents de maîtrise, en général contre tout le personnel technique de l'entreprise". (Quelle entreprise ?) Les ouvriers et les techniciens conscients qui ont lu notre article savent que nous n'attaquons pas le technicien ou l'agent de maîtrise conscient de sa classe et qui fait front commun avec les ouvriers. Ils savent que nous attaquons ceux qui se sont fait les alliés volontaires du patron, ceux qui, "pour quelques centaines de francs de plus par mois, et parce que ce sont des ambitieux et des éléments sans scrupule, acceptent le rôle de garde-chiourme dans les bagnes capitalistes modernes". A la C.G.C.T. même, certains de nos "travailleurs en faux-cols" ne sont pas particulièrement aimés de leurs ouvriers. N'est-ce pas, camarades qui les avez sur le dos, au contrôle électrique, aux ateliers de montage des petits et gros organes, au service de comptabilité et au technique ? Est-ce en défendant ces gens-là, qui sont contre les ouvriers, avec le patron, que Le Message fera croire qu'il lutte pour les ouvriers ? Le Message nous accuse de rejeter les Comités d'Entreprise. Oui, car si nous avons rejeté les Comités sociaux de Vichy, ce n'est pas pour accepter les Comités de M. De Gaulle, basés sur les mêmes principes. Et d'ailleurs, qu'ont-ils apporté comme amélioration à la classe ouvrière ? Quant à notre appartenance à une Internationale, nous y avons déjà répondu dans La Voix (N°2, 6-11-45) : "Seule la C.G.T. peut se réclamer..." Il y a place parmi nous pour tous les ouvriers vraiment révolutionnaires, qu'ils soient Trotskystes ou autres. Camarades de la C.G.C.T., si réclamer l'échelle mobile des salaires, l'échelle mobile des heures de travail, le maintien du principe des 40 heures, le contrôle ouvrier intégral sur la gestion des entreprises, le contrôle syndical sur l'embauche, la suppression du travail au boni et à la chaîne, la suppression des impôts cédulaires, une action de lutte de la part du syndicat, si réclamer cela c'est être Trotskyste, combien d'ouvriers sont alors Trotskystes ! ! ! A la suite de la grève de 35 minutes pour le paiement de la récupération des heures non productives, les ouvriers qui ont poussé à l'action ont été débauchés par la direction. Il faut soutenir les camarades qui parmi nous savent prendre l'offensive contre la direction toujours prête à nous voler. La cantine, de plus en plus dégoûtante, suscite de nouvelles protestations chez les ouvriers. Une ouvrière indignée a retourné son assiette sur la table. -Un ouvrier blessé a été mis à la porte par la Direction, mais après intervention du délégué, il a été réembauché. Aux manoeuvres patronales, répondons par une vigilante action syndicale. -Au découpage au chalumeau, un ouvrier, mécontent de son prix cessa le travail. L'ayant appris, le "Grand Rouquin" le menaça : "Si tu te mets en grève, je te fous à la porte". Ne se sentant pas soutenu par ses camarades, l'ouvrier reprit le travail. Seule la solidarité ouvrière peut faire aboutir nos revendications ! Quant au "Grand Rouquin" jaune par son activité, s'il continue, une bonne correction saura mettre fin à son zèle patronal. -A l'ébarbage, un ouvrier ayant un jour trop produit creva le plafond et le chronométreur vint aussitôt diminuer le "temps". Produire plus équivaut bien pour l'ouvrier à réduire son salaire. Une ouvrière combative s'est vue muter d'office sur une meule où elle doit maintenir les pièces à usiner contre son ventre. Ayant refusé et comme on la menaçait de mise à la porte, elle tenta de faire intervenir son délégué. Mais il paraît qu'il a autre chose à faire ! Si les délégués ont autre chose à faire que de défendre les ouvriers contre les provocations patronales, quel est alors le rôle du Syndicat ? La réunion du 3e secteur a eu lieu le 14 février. Il n'y a pas de bureau syndical, pas de secrétaire, le trésorier s'est fait voler 60 000 francs, les délégués n'assistent pas aux réunions. De ce fait, la réunion qui devait traiter de la prime d'ancienneté a porté en grande partie sur la réorganisation de la section syndicale. Pas un ouvrier n'a voulu prendre de responsabilités. Le délégué général s'en est étonné. Mais cela n'est pas étonnant : en avilissant les ouvriers au point de les inciter à s'attaquer à dix contre une femme vendant le journal de l'opposition syndicale, ils ne trouvent plus le moyen de faire prendre aux ouvriers des responsabilités d'activité syndicale. Lorsque le rapporteur a demandé aux ouvriers s'ils avaient des revendications à formuler, personne n'a bougé. Là encore, les délégués s'étonnent. Or, les ouvriers ont une revendication : c'est l'échelle mobile. Mais ils n'osent pas le dire car aussitôt on les traite d'hitlériens.
Camarades de chez Renault, il ne suffit pas d'abandonner les bonzes
syndicaux,
il faut vous organiser en constituant une opposition syndicale. Ainsi,
vous réformerez une section syndicale sur une base "lutte de
classe"
et vous ferez triompher vos revendications et particulièrement
l'échelle
mobile des salaires. Quelques ouvriers protestent et veulent s'opposer à augmenter la cadence. Un ouvrier se plaint au contremaître de la cadence trop vive ; mais les autres, malgré leurs protestations, accélèrent la cadence. Camarades, ne vous laissez pas "rouler". Quel intérêt avait le chef d'équipe à faire ralentir le travail en présence des "chapeaux mous" ? Le soir, après avoir montré que les ouvriers travaillaient dans de bonnes conditions, le chef d'équipe avait besoin de pouvoir inscrire sur sa feuille la même production. C'est comme au régiment, quand il y a une revue, on met du charbon dans les poëles, mais la revue terminée, on enlève le charbon. Les prisonniers de guerre allemands ont fait grève mardi matin pour protester contre la nourriture défectueuse et ont envoyé une délégation à la direction, à la suite de quoi les prisonniers ont obtenu satisfaction. Les ouvriers français qui dans certains ateliers réclament des aspirateurs depuis des mois n'ont pas encore obtenu satisfaction, ou seulement partiellement (ateliers 325, 410). Des mois de parlottes des délégués avec la direction ne font pas aboutir les revendications. Une demi-journée de grève des ouvriers allemands placés dans des conditions très défavorables leur donne satisfaction. Une fois de plus se prouve l'efficacité de l'action directe. Les nouvelles mesures du gouvernement entraînant la hausse des prix et le blocage des salaires ont provoqué un vif mécontentement parmi les ouvriers. Un ouvrier déclare : "Il faut aller voir les délégués et demander une augmentation. Si dans deux jours on ne l'obtient pas, nous n'avons qu'à cesser le boulot". D'autres proposent la grève de protestation. -L'usine possède une caisse privée d'A.S. Pour "faciliter" les assurés (ceux qui payent), la Caisse est ouverte de midi à 2 heures et le soir à partir de 6 heures. Ainsi, ceux qui veulent se faire rembourser n'ont pas le moyen de le faire pendant le travail mais doivent le faire sur leur temps ce qui, étant donné la longueur des "attentes", augmente encore la journée de travail déjà beaucoup trop longue. |