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chronologie 1946 |
Numéro 10 | BULLETIN INTERIEUR | 2
Avril
1946 Prix : 2 francs |
Dans le domaine politique, nous avons un parti fasciste qui s'intitule "républicain de la liberté" (P.R.L.) ; dans le domaine syndical, une organisation comme la C.G.C. , instrument patronal qui revendique la "liberté syndicale". Cette "liberté" consisterait à leur reconnaître le droit de négocier avec les patrons ou avec l'Etat, à côté de la C.G.T. Il y a donc liberté et liberté. Parce que la "liberté syndicale" que réclame la C.G.C. n'est pas la liberté des travailleurs. Pour ceux-ci, la liberté, c'est l'abolition de l'esclavage salarié, de l'exploitation de l'homme par l'homme ; et le DEBUT de la liberté, c'est la possibilité de faire grève pour s'opposer à une exploitation accrue des patrons, ou pour l'atténuer. En conséquence, l'effort historique de la classe ouvrière dans le domaine syndical a été d'opposer au patronat, disposant d'immenses moyens, la seule force décisive des travailleurs, leur NOMBRE. C'est pourquoi ils ont lutté pour qu'UNE SEULE C.G.T. agisse au nom des syndiqués et de l'ensemble de la classe ouvrière. La "liberté" réclamée par la C.G.C. revient à la longue à créer une multiplicité de syndicats "indépendants", mais en fait instruments du patronat (comme l'est déjà la C.F.T.C.) qui briseraient l'unité ouvrière et donneraient la possibilité aux patrons et à l'Etat de les opposer les uns aux autres. UN SEUL SYNDICAT GROUPANT L'ENSEMBLE DES SYNDIQUES ET AGISSANT AU NOM DE TOUS LES OUVRIERS, VOILA LE SEUL INSTRUMENT DONT LA CLASSE OUVRIERE PUISSE SE SERVIR. Mais la démagogie de la "liberté" qui couvre l'activité des syndicats jaunes, n'est possible que parce que les dirigeants de la C.G.T. ont transformé celle-ci, d'organisation de combat des ouvriers, en une organisation de collaboration avec l'Etat bourgeois, avec le patronat (sous prétexte de "produire"), et la font participer à toutes sortes d'organismes de collaboration, comme les Comités mixtes copiés sur le modèle de Vichy. De cette façon, malgré le très grand nombre de syndiqués, la C.G.T. ne peut pas se prévaloir à l'heure actuelle de représenter les intérêts des ouvriers. Cette collaboration avec les exploiteurs OBLIGE au contraire les dirigeants syndicaux à brimer et à sévir contre les syndiqués dans les usines, et à faire régner une atmosphère d'oppression ; contrairement aux traditions syndicales, les ouvriers ne peuvent pas exprimer leur point de vue librement et sans crainte. Il n'y a pas la liberté des tendances et la possibilité pour celles-ci de publier des journaux et de les diffuser librement. Or, c'est seulement cette DEMOCRATIE qui crée L'UNITE de tous les travailleurs en une seule organisation syndicale, car seule la possibilité D'INFLUENCER REELLEMENT leur organisation leur fait accepter spontanément la discipline de la majorité. Demander, EN L'ABSENCE DE CETTE DEMOCRATIE, à ce que la C.G.T. agisse dans l'intérêt des ouvriers et soit leur seule organisation syndicale, n'est-ce pas une duperie ?
Mais nous ne demandons pas du lait à un bouc, NI LA DEMOCRATIE
AUX
BUREAUCRATES CEGETISTES. Nous ferons donc échec aux bureaucrates et à leur anti-démocratisme, en organisant, d'un côté la lutte directe anti-patronale pour les 40 heures, pour un meilleur ravitaillement, pour un salaire décent à un travail décent, lutte qui soulagera la situation économique; des travailleurs ; en poursuivant, d'un autre côté, l'éducation d'un nombre d'ouvriers toujours croissant, et le recrutement de nouvelles forces ouvrières pour la lutte organisée. LA DEMOCRATIE SYNDICALE, C'EST LA CONQUETE DE CES OBJECTIFS. C'est en se mobilisant pour leurs objectifs les plus immédiats et les plus vitaux, dans une lutte anti-patronale décidée, que les ouvriers atteindront les trois buts qui feront de la C.G.T. LEUR instrument : MATHIEU
Par toutes leurs luttes antérieures, les ouvriers étaient arrivés à imposer au patronat, en plus de la limitation de la journée de travail, une limitation de la "cadence". Et les ouvriers combatifs ont toujours veillé à ce que les inconscients, en crevant le plafond, ne sabotent pas les intérêts des travailleurs. Or, aujourd'hui, M. Croizat nous annonce comme une "victoire" la possibilité légale de crever le plafond. Et le ministre "ouvrier" essaie de nous convaincre qu'en même temps qu'ils accroîtront la production, les ouvriers grossiront leur salaire. Chez Citroën, le taux minute du boni est de 15 centimes. Prenons une pièce dont le temps alloué est de 10 minutes. Le taux d'affûtage d'un O.S. 2e catégorie est de 20,80. S'il fait 6 pièces dans l'heure, son boni est de 9 francs. S'il fait 9 pièces à l'heure (maximum actuel), son boni est de 13,5 ; s'il crève le plafond et en même temps se crève lui-même, et qu'il arrive à faire 12 pièces à l'heure, son boni est de 18 fr. Dans ces conditions, la production a doublé (12 pièces au lieu de 6) ; le boni a également doublé (18 fr. au lieu de 9 fr.). Mais le salaire horaire qui était de 29,80 (20,80 + 9 fr.) est passé à 38,80 (20,80 + 18) ; ainsi, tandis que la production s'est accrue de 100% sans augmentation de frais généraux pour le patron, le salaire de l'ouvrier s'est accru seulement de 30%. Dans le système capitaliste, tout travail salarié contient une part de travail non payé que le patron empoche sous forme de plus-value (bénéfices). Et c'est justement l'augmentation du travail non payé que recherche le patron en augmentant la journée de travail et en augmentant l'intensité du travail de chaque ouvrier. L'économie française est ruinée et nos bureaucrates syndicaux disent qu'il faut produire : 1) pour relever notre standard de vie par une augmentation de la production. 2) pour augmenter nos salaires. Or, depuis que la C.G.T. a lancé le mot d'ordre Produire; notre .niveau de vie baisse chaque jour davantage. D'autre part, le problème des salaires est-il lié au problème de la production en régime capitaliste ? En Amérique, où le problème de la production ne se pose pas, les ouvriers sont obligés de lutter farouchement pour un salaire minimum vital. C'est qu'en Amérique, comme dans tous les pays capitalistes, le patronat cherche à extorquer aux ouvriers le maximum de travail non payé. L'exemple Citroën nous montre clairement que pour une augmentation de salaire qui, en fait aurait dû être obtenue sans aucune compensation (réajustement promis par Croizat pour le 1er février), les ouvriers sont obligés de fournir à leur patron une très grosse quantité de travail non payé. Les bonzes syndicaux, en se déclarant partisans du travail au rendement, sabotent l'élément essentiel de la production, la main-d'oeuvre, en exigeant des travailleurs de longues et dures journées sans aucune garantie. Avec l'outillage existant, la plupart des ouvriers ne peuvent du reste pas augmenter leur rendement, et c'est tout-au plus une certaine catégorie d'ouvriers qui pourra, là où l'outillage le permet, "crever le plafond". Ce n'est pas l'ensemble de la classe ouvrière qui en profitera et la division entre ouvriers, au contraire, augmentera. Défendre les ouvriers, c'est défendre la seule classe productrice et d'avenir. Il nous faut un salaire décent pour un travail décent, pour toute la classe ouvrière. Les ouvriers ne veulent pas être astreints à un très grand nombre d'heures de travail à une cadence accélérée, pour un salaire de famine. Ils revendiquent un SALAIRE MINIMUM VITAL, c'est-à-dire le rajustement des salaires promis par M. Croizat pour le 1er février sur le taux de base, et non les problématiques augmentations sur le boni qu'ils ne peuvent obtenir qu'aux dépens de leur santé. Ils revendiquent en outre une garantie de ce salaire minimum vital : L'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES. "...les travailleurs ont de la mémoire. Ils savent que les conséquences de la guerre ont amené le rationnement systématique des denrées alimentaires, et que, pendant que chaque jour nos rations diminuaient, grandissait un marché inaccessible à nos salaires... C'est seulement en luttant contre CE MARCHE organisé par L'ENSEMBLE des classes possédantes, capitalistes et hauts fonctionnaires, que la C.G.T., s'appuyant sur l'action des travailleurs, pourrait contrôler et ravitailler les commissions d'achat des cantines. Faute de mobiliser les travailleurs pour leur propre contrôle sur toutes les classes possédantes, les dirigeants syndicaux à la Beaumont essayent de s'en sortir par des parlottes devant la direction d'un des plus gros trusts de la métallurgie qui, avec ses capitaux, est obligatoirement en combine avec les organisateurs de la disette. Dans un régime où il faut savoir qui est le maître dans la maison, ce sont les faits qui répondent à Beaumont. D'un côté, les capitalistes, la direction Boulanger, organisent la misère et la famine chez les travailleurs, et, de l'autre, ils nous disent : "Essayez de réparer ce que nous provoquons, prenez en main la gestion de la C.A.P.U.C. Vous verrez, ce n'est pas drôle !" Ainsi, il apparaît aux yeux de tous les travailleurs que les difficultés du ravitaillement de nos cantines sont le résultat de la lutte de classes de nos patrons "qui s'arrangent toujours pour faire de la vie un paradis pour les capitalistes et un bagne pour les ouvriers". ...Puisqu'au lieu de s'engager sur le terrain de la reconversion des machines agricoles et des camions pour les transports, nous exportons des voitures et fabriquons des tanks, il ne reste qu'une seule voie aux travailleurs des trusts affameurs : prendre le chemin tracé par les ouvriers des forges et fondeurs de Clichy. Engagés dans la lutte de l'issue de laquelle dépend notre vie, le moyen de vaincre, c'est d'aller de l'avant. C'est pourquoi nous saurons, par notre attitude combative, nous mobiliser dans les grèves de l'avenir avec l'ensemble de tous les exploités et affamés de ce trust..." Nos camarades ont-ils raison, en posant la question du ravitaillement, de passer à l'action directe ? Pour s'en convaincre, il suffit de regarder autour de nous. Chaque jour la presse dénonce les scandales du ravitaillement. Il y a eu le blé, le vin, les pommes de terre, le sucre, etc..., etc. C'est provisoire, nous dit-on. Mais notre vie aussi n'est que provisoire, et pour les travailleurs à qui l'accès au marché noir est fermé (la plupart gagnent aux alentours de 4.000 fr. par mois), c'est là une question de vie ou de mort. L'Humanité écrit le 28 mars : "C'est devenu une nécessité urgente de ne plus se contenter de menacer les gros spéculateurs... Il faut sévir. Il faut épurer la bureaucratie." Qui doit sévir, qui doit épurer ? Le journal du P.C.F. poursuit : "Il faut un plan rationnel de collectage et de répartition..." On fait beaucoup de bruit, au gouvernement et parmi les dirigeants syndicaux, autour du "Comité du Plan" et de ses "Commissions". Qui donc compose ces Commissions et ce Comité ? A côté du vieux larbin Jouhaux et de Frachon, on y trouve, par exemple, Boulanger, directeur du trust Citroën, bien des fois dénoncé par le P.C.F. et les organisations syndicales comme "saboteur de la production" et affameur. Les bureaucrates ouvriers dénoncent les capitalistes affameurs -et collaborent avec eux ! Ils se moquent des travailleurs et en fait, en empêchant leur action indépendante (qui seule pourrait "sévir" contre les capitalistes), ils font la besogne des Boulanger et consorts.
Les responsables P.C.F. "s'indignent" en dénonçant
les scandales du ravitaillement, comme s'ils étaient encore dans
l'opposition. Frachon écrit dans L'Humanité (23-3) :
"Nous
continuerons à demander au gouvernement (!) et à
l'Assemblée
(!) de prendre de sévères mesures pour faire respecter la
loi par ceux qui, depuis trop longtemps, ont pris l'habitude
d'être
au-dessus d'elle lorsqu'elle les gêne". Mais les ministres
"communistes"
(ou "socialistes") n'agissent-ils pas sous la direction de leur parti ?
S'ils veulent faire quelque chose, qu'est-ce qu'ils attendent ? S'ils
ne
peuvent rien, qu'est-ce qu'ils font au gouvernement ? En échange
des services qu'ils rendent aux capitalistes --eux seuls
réussissent
encore à empêcher l'action des ouvriers--, ils s'assurent
une situation privilégiée, des portefeuilles, des
sinécures,
et pour le reste, ils ne s'en soucient guère. Nous n'avons rien à attendre de Messieurs les Ministres "ouvriers". De par une amère expérience, les ouvriers savent que seule leur propre lutte peut apporter des résultats. Dans cette voie, les travailleurs de Clichy nous ont donné l'exemple de la lutte avec le mot d'ordre : "Sans nourriture, pas de travail !" Ces deux propositions furent repoussées, en raison des "arguments" suivants : 1e "Nous ne voulons pas combattre les "petits commerçants". Or, on le sait, ceux-ci sont aussi les victimes du système d'approvisionnement actuel ; en fait, le P.S. entend se ménager les "sympathies" des grossistes. 2e L'Etat perdrait de l'argent. Ces messieurs sont-ils des Socialistes ou des percepteurs ? En fait, d'ailleurs, la taxe transactionnelle subsiste. Devant ce refus, le camarade décida de monter quand même une Coopé, malgré l'avertissement de ces "Socialistes" qu'ils la combattraient.
Peu confiants, ils avaient décidé, si la délégation ne les satisfaisait pas pleinement, de débrayer immédiatement. La réponse devait parvenir le lundi 25 mars, mais ils durent attendre encore un jour. Après quoi la section syndicale réunit les ouvriers par collèges échelonnés sur plusieurs jours pour leur communiquer les résultats peu brillants de la délégation : "UN franc d'augmentation pour les régleurs, rien pour les autres. Le patron estime que les ouvriers sont au tarif. Du reste, LES SALAIRES SONT BLOQUES. Dans chacun de ces collèges qui regroupent normalement 250 ouvriers, 15 à 20 de ces derniers étaient venus, en moyenne. Presque tous ont manifesté leur mécontentement de la politique capitularde du syndicat et menacé à nouveau de se mettre en grève. A cela le bonze, le citoyen Martineau, a répondu : "Vous voulez faire grève, on s'en fout, faites-là, mais nous, ON S'EN LAVE LES MAINS. Nous pensons que la discussion est encore possible. Vos affaires sont entre les mains de Croizat. Des grèves, il y en a eu beaucoup ces derniers temps. Ca n'a rien donné."
Autrefois, Beaumont disait : "Tout le monde veut bien vous satisfaire,
mais c'est le Ministre du Travail (à ce moment-là Parodi)
qui ne veut rien savoir". Nous savions à quoi nous en tenir sur
Parodi, ministre bourgeois. Depuis, le régime n'a pas
changé,
mais Croizat a remplacé Parodi. Ce qui n'empêche pas que ,
pour nous convaincre, Martineau dit : "Vos affaires sont entre les
mains
de Croizat". En ce cas, elles sont en de bien mauvaises mains. Nous en
avons eu la preuve avec la grève des imprimeurs. Et n'est-ce pas
lui, Ministre du Travail d'un gouvernement bourgeois, qui maintient le
blocage des salaires invoqué par la direction Citroën ?
Croizat
"syndicaliste", même s'il le voulait, pourrait-il agir contre
Croizat,
Ministre du Travail ? Si les grèves ne donnent pas plus, c'est qu'elles sont éparpillées et anarchiques. La force des ouvriers est dans leur unité d'action. Et c'est la tâche de la direction syndicale de réaliser cette unité. Mais au lieu de cela, Martineau vient nous dire : "De vos grèves, on s'en lave les mains". Bien plus, craignant l'esprit combatif des ou-vriers, ils évitent de les réunir en Assemblée générale. En les convoquant par collèges, ils les divisent et les empêchent ainsi d'organiser eux-mêmes leur mouvement. Autrefois, nos bonzes rejetaient la grève sous le prétexte que les ouvriers ne les suivraient pas. Aujourd'hui, quand les ouvriers leur prouvent qu'ils sont bien décidés à agir, "eux s'en lavent les mains". Nous ne pouvons compter sur eux pour mener notre lutte. A eux, comme à notre direction patronale, nous disons : PAS DE TRAVAIL SANS UN SALAIRE MINIMUM VITAL. Les ouvriers ont réclamé la gestion de la cantine, qui était sabotée par le patron. Maintenant, celui-ci ne verse plus de subvention et les ouvriers qui dirigent la coopé sont forcés d'émettre des actions (1 000 actions à 100 fr.). Ceux qui ne prennent pas d'actions n'ont pas le droit d'acheter. L'entreprise tourne mal. Les responsables ouvriers, à la tête de la coopé, n'ont pas toujours en vue l'intérêt général. Les ouvriers sont très mécontents de cette fâcheuse expérience, qui discrédite l'idée du contrôle ouvrier. En effet, ce n'est pas n'importe quel "contrôle" qui peut régler les questions. Le contrôle demande à être effectué par des éléments éduqués et sélectionnés par une longue lutte anti-patronale qui leur donne une conscience élevée des intérêts de leur classe et qui maintienne dans l'ensemble de la classe ouvrière un état d'esprit de solidarité à toute épreuve. Ce sont ces éléments qu'on trouverait automatiquement dans des organisations de classe au service des travailleurs, et non des capitalistes.
Si les dirigeants actuels de la C.G.T. étaient au service des
ouvriers,
ils pourraient imposer le contrôle des cantines en leur faveur.
Mais
si la section syndicale laisse le patron supprimer les subventions
qu'il
doit à la cantine, sous prétexte que les ouvriers s'en
occupent,
il est évidemment impossible aux ouvriers de mener une affaire
collectiviste
en régime capitaliste, en absence d'un contrôle
général
sur la production et la répartition. La lutte pour le
contrôle
doit être précédée par une lutte pour une
C.G.T.
au service des ouvriers. -L'embauche est toujours très difficile. Si on embauche quelques ouvriers qualifiés, il faut que ceux-ci se présentent avec toutes leurs références. Pour les ouvriers moins qualifiés (ajusteurs, fabrication, etc.), malgré le manque de main-d'oeuvre qualifiée, et au lieu de les perfectionner, on les renvoie tout simplement. D'une part, les essais sont très difficiles, ce qui fait qu'un très gros pourcentage est black-boulé. La combine de la direction est simple : lorsque de guerre lasse, un ouvrier s'est présenté une dizaine de fois, on "accepte" de l'embaucher comme O.S. ; de même, les ouvriers qui ratent leur essai, on "consent" à les prendre comme O.S. Ainsi, la direction dispose d'un personnel qualifié qu'elle peut utiliser à des travaux de professionnels, avec une paye d'O.S. La conséquence, c'est que les professionnels gagnent moins, tandis que les O.S. restent sur le pavé. -Chez Renault, un chef d'atelier gagne 28 000 francs par mois ; un chef de département 45 000 francs par mois et M. Lefaucheux, administrateur de la Régie, est appointé à 1 800 000 fr. par an. -Dans le 3e secteur, le nouveau délégué se distingue par son zèle. En effet, il a apposé une affiche invitant les ouvriers à ne pas être devant la pendule avant le coup de klaxon. N'est-ce pas le travail d'un contremaître plutôt que d'un délégué ? -Mais si les délégués du 3e secteur sont zélés pour faire respecter l'horaire du patron, ils le sont beaucoup moins pour faire aboutir les revendications des travailleurs. En effet, aucune réunion syndicale n'a été convoquée pour discuter les nouvelles conventions collectives. -Les ouvriers des forges se sont vu supprimer leur ration d'un litre de vin et se voient refuser leur classification dans la catégorie T4 pour l'attribution des cartes de travailleurs de force. Sous la pression des ouvriers, tous mécontents, une délégation a été envoyée au Ministère du Ravitaillement ; elle n'a obtenu que la classification des forgerons dans la T3. -Devant la passivité de la section syndicale, les ouvriers de plus en plus refusent de se syndiquer, ce qui a pour conséquence de renforcer les positions de la direction. Renault. -Les ouvriers blessés, en général, hésitent à se mettre à l'assurance parce que la paye est insuffisante. C'est le système : marche ou crève.
-La restriction des crédits de guerre a provoqué le
débauchage
de 50% des effectifs. Les ouvriers se demandent si les cadres vont
être
débauchés, car d'après la loi sur
l'ancienneté,
ils devraient, en cas de débauchage, bénéficier de
fortes indemnités.
-Après réclamation, les outilleurs ont obtenu une
augmentation
de 5 francs de l'heure (le salaire est passé de 36 fr. à
41 fr.). Aux échelons inférieurs, l'augmentation est
moindre
et les manoeuvres qui gagnent 25 et 26 francs n'ont pas
été
augmentés. Dans le bâtiment De nombreux ouvriers du bâtiment sont obligés d'aller en province. Ne pouvant rentrer toutes les semaines chez eux, étant donné les frais de transport, ils travaillent le samedi et même le dimanche, soit environ 60 heures par semaine, ce qui leur permet en fin de mois de passer quatre ou cinq jours à la maison. Depuis les récentes majorations de Croizat, les heures supplémentaires sont refusées par les patrons, ce qui oblige les ouvriers à rester inactifs loin de chez eux où ils n'ont rien d'autre à faire que d'"écorner" leur paye pour tuer le temps, et les prive de quelques jours de détente en fin de mois. Des camarades nous signalent que certains ouvriers sont prêts à abandonner les majorations pour garder la possibilité de faire 60 heures et pouvoir ainsi se payer quelques jours de repos en fin de mois. C'est un mauvais calcul que d'abandonner la majoration des heures supplémentaires sans contre-partie. Les ouvriers du bâtiment doivent revendiquer que des dispositions spéciales soient prises à leur égard. Par exemple qu'ils aient la possibilité de faire leurs 160 heures par mois à la file avec un salaire décent et une indemnité de déplacement suffisante pour couvrir les frais du voyage et permettre de vivre pendant la récupération de repos. Chaque semaine apporte de la part de la direction des usines Gnome et Rhône de nouvelles affiches de provocation (sous l'oeil indifférent ou souvent complice des sections syndicales). Après celle signalée dans la dernière Voix de mise à pied d'ouvriers, la direction en sort une autre : "La direction interdit qu'aucune affiche ou discours ne soit appliqués dans l'usine, sans que le chef du personnel en ait accepté le contenu". A Kellermann -Plusieurs ouvriers ayant fait l'essai pour changer de catégorie, et étant reçus par la direction, ayant le nombre de points voulus par les contrôleurs, se voient refusés par un organisme syndical. D'autres ouvriers venant travailler de loin à vélo, se voient refuser les possibilités d'un bout de pneu, s'ils ne sont pas syndiqués. N'étant pas capables de retenir les ouvriers qui par millions ont adhéré à la C.G.T. avec l'espoir de lutter contre les capitalistes-exploiteurs, n'étant pas capables de faire de nouveaux adhérents grâce à une politique ouvrière de classe, les chefs "cégétistes" tentent de maintenir artificiellement les effectifs qui leur sont nécessaires pour ne pas perdre leur bonne place. Toutes les méthodes (sauf l'action de classe) de pression, même malhonnêtes, sont bonnes pour que de gré ou de force les ouvriers soient "unanimes" derrière les social-traîtres et leur politique de trahison. A la cantine, un ouvrier se fait accompagner chez Couturier par un délégué pour montrer le poisson immangeable qu'on leur sert. Le délégué, devant le directeur, conseille à l'ouvrier de se faire changer sa part, alors qu'il sait très bien que ce n'est pas un fait isolé.
Par contre, ces mêmes délégués menacent les
ouvriers qui ne prennent pas leur timbre, d'un rapport à la
section
syndicale. A Clichy, au Caoutchouc La direction utilise les heures supplémentaires pour faire travailler les ouvriers à son gré. C'est ainsi qu'elle avait formé une équipe pour travailler de 10 h 30 à 20 heures. Devant le refus obstiné des travailleurs, appuyés par les délégués, la direction a changé son projet. Désirant une augmentati on de salaire, des camarades s'adressent à leur cellule ; il leur fut répondu qu'ils devaient passer par la voie hiérarchique. Ca fait de cela trois mois, la demande est encore chez Blanchon, au contrôle. Les camarades se demandent s'ils devront encore attendre des mois pour apprendre "qu'elle est refusée". N'étant pas prévenus à l'avance quand il faut faire des heures supplémentaires, et comme on ne leur donne qu'une demi-heure pour manger, des camarades habitant loin sont obligés de continuer à travailler sans avoir rien dans l'estomac. Le budget arrivant souvent le soir au moment de partir, et comme rien n'est prévu dans ce cas, les camarades qui repartent le matin à 8 heures ou quelques fois à 10 heures, n'ont absolument rien pris depuis la veille.
Obligés de travailler plusieurs samedis de suite, des camarades
font intervenir leur délégué auprès de la
direction.
La réponse fut qu'il était nécessaire qu'il y ait
des camarades qui viennent le samedi. Reconnaissant cette
nécessité,
un roulement fut établi. Seulement, depuis, cela fait 5 samedis
de suite que certains camarades travaillent. A un ouvrier qui demandait
des explications à son délégué, on lui
répond
: "J'ai pas que ça à faire"...
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