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chronologie 1946 |
N°71 Hebdomadaire (B.I.) |
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18 Octobre
1946
Le N°: 3 francs |
"Notre
Parti n'est pas isolé. Au contraire : c'est la réaction
qui
est aujourd'hui isolée", déclarait Thorez à une
Assemblée
d'information à la Mutualité
, le 1er octobre 46. "La Constitution", renchérissait Fajon
, "fondée sur l'accord entre le Parti Communiste, le Parti
Socialiste
et le M.R.P., aide à créer les conditions qui
éviteront
l'isolement du Parti Communiste et des forces démocratiques
avancées,
pour préparer l'isolement de la réaction extrême,
l'ennemi
principal".
Les plates vantardises de ces bureaucrates qui se sont élevés sur les épaules de la classe ouvrière ont été aussitôt démenties par LES FAITS. Les résultats du référendum du 13 octobre 46, comparés aux résultats des référendums antérieurs, ont prouvé TOUT LE CONTRAIRE des affirmations vantardes des chefs du P.C.F. Au premier référendum du 21 octobre 45, le P.C., SEUL contre la coalition allant de De Gaulle au P.S., parce qu'il faisait figure d'opposant au régime qui avait remplacé celui de Pétain, et n'avait pas encore endossé de responsabilité ministérielle importante, avait groupé autour de lui plus de six millions de voix, c'est-à-dire environ un 1 500 000 DE PLUS que le nombre de ses électeurs à la même date. Au référendum du 5 mai, en défendant avec le P.S. la Constitution qui consacrait leur régime gouvernemental (après le départ de De Gaulle, nous eûmes un tripartisme à direction socialiste-communiste sous la présidence de Gouin), les deux partis ENSEMBLE ne groupent que 9 114 000 voix, c'est-à-dire MOINS que le total des voix obtenues aux élections du 21 octobre par ces deux Partis. Au dernier référendum, pour lequel Thorez et Fajon se vantaient de ne plus être isolés, mais d'avoir au contraire isolé De Gaulle ("réaction extrême, ennemi principal") en s'unissant au M.R.P. ("Machine à ramasser les pétainistes", disait auparavant le P.C.), les trois Partis ensemble n'obtiennent que 9120000 voix, c'est-à-dire AUTANT que le P.C. et le P.S. SEULS avaient groupé au référendum du 5 mai. Ce sont ces faits qui ont obligé Cachin, dans L'Humanité du 15 octobre, pour faire oublier les vantardises de Fajon et de Thorez, à expliquer en chef vigilant "qu'il serait périlleux de minimiser la puissance de la réaction en notre pays". Le P.C. et le P.S. sont devenus les gardiens d'une Constitution qui convient parfaitement, à l'heure actuelle, à la bourgeoisie. C'est pourquoi nous avons vu ses représentants comme Le Monde, Le Figaro , les chefs du M.R.P., inviter le public à voter cette Constitution. Comme le régime actuel condamne l'écrasante majorité de la population à étouffer sous le poids de la misère et de l'incertitude du lendemain, une partie des actuels "oui" peuvent se transformer et ils se transformeront SUREMENT en "non" ; d'autre part, le M.R.P. n'a appuyé la présente Constitution que PROVISOIREMENT pour mettre toutes les chances du côté de la bourgeoisie dans sa lutte contre les masses travailleuses, pour en finir avec le syndicalisme ouvrier, avec l'école laïque, pour restaurer en un mot le pétainisme. Déjà L'Aube, son organe central, ouvre la campagne de la révision de la Constitution dans le sens voulu par De Gaulle. Il suffit seulement de savoir COMPTER pour voir que la majorité de OUI, obtenue par le P.C. et le P.S. pour la présente Constitution daladiériste, se transformera avec certitude demain en une majorité de OUI pour une Constitution gaulliste CONTRE LE REGIME ACTUEL. "Une consécration du régime actuel par une majorité de "oui" au prochain référendum, à l'aide des partis "ouvriers", ne peut que les pousser (les gens désespérés et ruinés) encore plus sûrement VERS DE GAULLE, CONTRE LA CLASSE OUVRIERE", écrivions-nous le 25 septembre 46. Ils ne pourraient lutter contre De Gaulle, contre la "réaction extrême" totalitaire, qu'en rompant leurs alliances avec la bourgeoisie, en sortant du gouvernement capitaliste affameur, et en mobilisant les masses travailleuses directement dans l'action pour constituer UN GOUVERNEMENT OUVRIER-PAYSAN. Ce dernier, en s'attaquant résolument aux exploiteurs capitalistes, pourrait seul relever l'économie, améliorer la situation de toutes les masses travailleuses, trouver une solution à l'angoissant problème du logement, éviter le chômage inévitable en régime capitaliste, etc... Mais pour conserver des avantages momentanés, leurs porte-feuilles et la situation privilégiée que leur accordent les capitalistes, ils trahissent la lutte de la classe ouvrière et collaborent avec ses pires ennemis. Pour obtenir les voix ouvrières malgré leurs trahisons répétées, ils sont avantagés par le fait qu'en l'absence d'un véritable parti révolutionnaire, les masses travailleuses éprouvées par de longues années de guerre et de privations sont sensibles au chantage "votez pour nous, sinon vous faites le jeu de la réaction". Mais s'ils ont encore la majorité des voix ouvrières, ils n'ont plus leur CONFIANCE. Dans les usines, les travailleurs ne laissent plus faire passivement, avec une indifférence désabusée, les représentants staliniens. Ils passent à une attitude directement hostile contre eux et donnent libre cours à leur indignation. Et quand il s'agit d'action directe, les dirigeants staliniens, opposés à la lutte, sont même rejetés, comme dans le cas du conflit des postiers et des fonctionnaires. Et c'est dans l'action directe, CLASSE CONTRE CLASSE, que les travailleurs s'ouvriront une voie de salut contre le totalitarisme menaçant. S'ils laissent faire les Thorez et les Duclos, ceux-ci jouiront encore un certain temps du capital électoral qui leur reste, jusqu'au moment où De Gaulle sera assez fort pour les chasser et imposer le régime du sabre et du goupillon. Rassurés sur leur propre sort, les Schuman se réjouissent de pouvoir imposer au peuple de nouveaux sacrifices, sous prétexte de "sauver le franc". Quelles sont, en effet, les "mesures courageuses" ? Schuman s'attaquera-t-il aux causes véritables de l'inflation, au budget d'armement, de la police, des entreprises coloniales, qui constituent le plus clair du budget inflationniste ? Même les "socialistes" et les "communistes", au moment où ils étaient en majorité au gouvernement, et où ils avaient parlé de "porter la hache" dans les dépenses de l'Etat et le budget d'armement, se sont montrés incapables de le faire. Egalement, la réduction sur les subventions allouées aux capitalistes s'est soldée par une hausse des prix, et la confiscation des profits de guerre et des gains illicites est restée lettre morte. Les "mesures courageuses" de Schuman annoncent de nouveaux sacrifices pour les masses sous prétexte de sauver le franc, mais elles ne sauveront rien et, comme jusqu'à présent, n'empêcheront pas le rythme inflationniste, la spéculation et la cherté de la vie de s'accroître. L'inflation marche de pair avec la spéculation et l'anarchie. Les biens de consommation sont revenus, et cependant on ne voit aucune amélioration. Il y a des chutes dans le ravitaillement, les scandales seuls pros-pèrent. L'instabilité de la monnaie met en danger la continuité de la production, la reconstruction ne se fait pas. Dans cette voie, il n'est pas difficile d'imaginer ce que sera le sort des travailleurs, si aucun obstacle ne se dresse devant la politique de pillage de la bourgeoisie. Les salariés sont réduits à une situation où ils n'ont aucune garantie de leur lendemain. Actuellement les travailleurs subsistent avec un salaire de famine, parce que la facilité relative de trouver du travail permet à tous les membres de la famille de travailler : le salaire est trop bas pour permettre à une famille de subsister sans le travail de tous. Mais quand la reconstruction sera finie pour les choses essentielles et que le manque de moyens de financement empêchera qu'elle soit poursuivie et fournisse du travail pour des années ; quand la concurrence capitaliste internationale, la crise et la "surproduction", (qui peuvent se produire d'un moment à l'autre), rejetteront sur le pavé les ouvriers ? Quelles seraient les conséquences d'une telle situation : inflation et manque de travail ? La situation des travailleurs en Italie nous en fournit l'exemple, et il est d'une très grande importance pour la classe ouvrière d'ici. Depuis des mois, le mouvement gréviste en Italie s'accompagne de luttes sporadiques sanglantes que livrent ouvriers et chômeurs aux forces armées du gouvernement. Le 9 octobre, selon les informations de la presse, "le licenciement de 1.200 ouvriers du génie civil a provoqué de sanglantes émeutes à Rome, devant le Palais du Quirinal, siège de la présidence du gouvernement", qu'ouvriers et chômeurs ont tenté de prendre d'assaut. Le journal Unita écrit : "Il faut arracher au désespoir les millions de travailleurs qui depuis des mois, dans toute l'Italie, font entendre leur appel angoissé : donnez-nous du travail." Mais pendant que 2.5OO000 chômeurs font entendre cet "appel angoissé", les ouvriers de l'industrie travaillent de 56 à 60 heures par semaine ; car seules les heures supplémentaires leur permettent d'atteindre un salaire proportionné au prix de la vie. Le gouvernement s'oppose aux revendications d'augmentation des salaires, qui permettrait la diminution de la semaine de travail et l'embauche de chômeurs, "par souci de la monnaie". Mais le rythme grandissant de l'inflation provoque des grèves continuelles et des revendications d'augmentation jusqu'à 100%. Le manque de moyens de financement empêche les travaux de reconstruction, nettoyage des ports, etc..., qui pourraient employer les sans-travail. Ces moyens de financement sont accaparés à des fins de spéculation par les capitalistes. Le journal stalinien déjà cité, écrit : "Il est stupide et dangereux de ne pas faire comprendre une bonne fois pour toutes aux spéculateurs, aux tyrans industriels, aux affameurs du peuple, qu'il est temps d'en finir avec leur jeu criminel, avec le sabotage de la reprise de la production, avec l'exaspération préméditée des masses ouvrières." Mais malgré ces constatations, là-bas comme ici, socialistes, "communistes" et "démocrates chrétiens" collaborent au gouvernement et essaient depuis des mois de berner les ouvriers avec des espoirs sur "la nouvelle Constitution", "la baisse prochaine des prix", etc... Pendant ce temps, l'anarchie capitaliste qui se développe pousse les masses travailleuses au désespoir. L'exemple de l'Italie ne doit pas être perdu pour nous, car les mêmes causes agissent dans le même sens. Renoncer à une lutte concertée, vigilante, constante, quand nous pouvons encore le faire, quand la classe ouvrière dispose de positions encore très fortes, c'est s'exposer demain à des actes de désespoir. Plus l'action de la classe ouvrière est constante, vigilante, moins la lutte sera dure. Mais moins la classe ouvrière réagira à temps, plus la situation deviendra terrible. Les capitalistes veulent réduire les travailleurs, producteurs de toutes les richesses, à une situation de parias de la société sans aucune garantie de leur lendemain. La première chose pratique pour laquelle la classe ouvrière doit lutter pour ne pas être acculée à cette situation, c'est L'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES. L'inflation, qui sape le niveau de vie des travailleurs, détermine des conflits de plus en plus nombreux. La lutte pour l'échelle mobile, par une pression d'ensemble de la classe ouvrière, remplacerait les heurts sporadiques, les explosions isolées qui peuvent se retourner contre la classe ouvrière, par une action d'ensemble de la classe ouvrière, seule classe qui peut mettre en balance, contre la puissance des capitalistes, sa propre puissance et endiguer l'anarchie qui se développe par l'inflation, les scandales, la spéculation, etc. Si la classe ouvrière ne se montre pas capable de lutter contre l'anarchie capitaliste (qui ne fera que se développer si on laisse les choses aller) et d'ouvrir une voie nouvelle, elle tombera victime à la fois de cette anarchie et de la démagogie réactionnaire de la bourgeoisie, qui présentera les explosions de mécontentement inévitables des masses travailleuses comme fauteurs de cette anarchie. Pour empêcher l'isolement et la dispersion des luttes ouvrières, et pour préparer une première action d'ensemble de la classe ouvrière, L'ECHELLE MOBILE DES SALAIRES doit devenir l'objectif principal des prochaines ripostes ouvrières à l'attaque capitaliste.
Une dizaine de présents, alors que rien que les responsables aux
différentes tâches dans le secteur (V.O.
collectage,
oeuvres sociales, etc.) sont plus du double. Non seulement la grande
masse
des ouvriers, mais même leurs propres troupes se
désintéressent
de nos bureaucrates. En vrais "syndicalistes", les responsables de la C.G.T. font "leur" travail, c'est-à-dire que tout le monde doit être syndiqué, sous peine de renvoi. Comme argument attractif pour les non syndiqués, c'est très convaincant. Un échantillon de comportement démocratique est un collecteur qui dit à une ouvrière n'ayant pas d'argent pour prendre sa carte et son timbre : "Allons, fais pas
d'histoire,
sors ton pognon, on sait bien que tu l'as". Face à ce mouvement révolutionnaire dont "même la bombe atomique ne saurait venir à bout", les puissances coloniales découvrent la démocratie, et affirment qu'elles ne sont là que pour préparer l'émancipation des peuples colonisés. Mais en quoi se manifeste cette nouvelle politique "libérale" ? "Impossible d'accorder l'indépendance aux colonies, s'écrient les capitalistes et leurs perroquets fidèles, d'autres capitalistes prendraient notre place !" Mais, en vérité, est-ce contre telle ou telle puissance qu'est menée la lutte émancipatrice des peuples coloniaux ? Non ! Toutes les puissances sont logées à la même enseigne. Comme dit le dicton français : "Notre ennemi, c'est notre maître", et peu importe aux peuples asservis quel est ce maître. Cependant les puissances colonisatrices voient maintenant se dresser devant elles des rivaux faibles, mais avides : les bourgeoisies indigènes. Celles-ci chassent peu à peu les propriétaires étrangers et mettent la main sur le capital investi par eux. Ainsi, le principal journal des Indes, le Times of India, porte-parole de l'impérialisme anglais, est entièrement contrôlé par des Hindous. Pour sauvegarder l'essentiel de leur domination, les puissances colonisatrices sont obligées de compter avec ces rivaux, et de garantir par des concessions politiques -indépendance formelle dans le cadre de l'Union Française ou du Commonwealth , accession à tous les postes administratifs, etc.- les positions économiques dont la bourgeoisie indigène s'est emparé. Voilà ce que signifie l'accession des "élites" au gouvernement des pays colonisés. Que vaut cette nouvelle politique "libérale" ? Les événements de chaque jour nous l'apprennent : la guerre s'installe aux colonies de façon permanente, car si la force manque aux impérialistes pour écraser toute résistance, leur politique de concessions mêlées de répres-sion soulève continuellement de nouveaux conflits. Le corps expéditionnaire d'Indochine est bien incapable de venir à bout du Viêt-nam, mais sa présence est une source continuelle d'échauffourées sanglantes. Pour le peuple de la métropole elle-même, cette politique signifie une misère accrue. L'entretien et le renouvellement du corps expéditionnaire et d'occupation pompent les finances du pays. C'est une source inépuisable d'inflation qui échappe à toute tentative d'"assainissement". Pourquoi cette "nouvelle" politique coloniale porte-t-elle des fruits aussi amers ? C'est que la bourgeoisie indigène se montre incapable d'endiguer le raz de marée populaire qui, en balayant les "colonisateurs", tarirait une source appréciable de ses profits. Hô-Chi Minh et Moutet peuvent s'embrasser, Le Monde (19-9) nous apprend que "les "extrémistes mènent une campagne contre le Président Ho-Chi-Minh, et ses adversaires organisent des réunions dans les localités des environs de la capitale." Tandis que les masses la bousculent en avant, la bourgeoisie indigène se raccroche à son adversaire étranger. Devant les grèves égyptiennes et les marches de la faim du Caire, l'ancien Premier Ministre Sedky Pacha déclare : "Nous n'aurions rien à gagner à nous débarrasser de notre alliance avec l'Angleterre." (Monde, 1-10). Ainsi, dans sa lutte pour l'existence, la population coloniale ne trouve plus seulement devant elle les soldats des impérialistes : elle se heurte à ses propres gendarmes "nationaux". Sectes religieuses et gendarmes égyptiens collaborent dans l'assassinat des ouvriers révolutionnaires ; le gouvernement nationaliste des Indes Néerlandaises jette en prison les leaders communistes ; les militants trotskystes indochinois sont systématiquement assassinés. Devant la répression, les masses paysannes et le jeune prolétariat colonial apprennent à ne plus faire de différence entre ceux qui les exploitent.
Les défenseurs du colonialisme invoquent les liens
internationaux
qui lient tous les peuples pour s'opposer au mouvement
d'émancipation
du monde colonial. Sur la base de la domination des capitalistes, cette
indépendance s'exprime par la guerre et la misère. Mais
sur
la base de la lutte contre le capitalisme, cette indépendance
est
justement l'arme principale aux mains des exploités, car elle
permet
d'unifier en une seule lutte celle des travailleurs des pays
"avancés"
et celle des millions d'esclaves coloniaux. Et tandis que les
gouvernements
colonialistes discutent pour savoir s'il faut "accorder" ou "ne pas
accorder"
l'indépendance (est-ce à eux de décider ?), c'est
cette lutte mondiale qui en décide.
Comment sortir de cette situation ? Toutes les solutions sont
mauvaises,
si ce sont les capitalistes qui les appliquent. C'est seulement si
à
la tête de la France était une force démocratique
-le
gouvernement des ouvriers et des paysans- qui reconnaisse aux peuples
les
droits démocratiques élémentaires, y compris le
droit
de séparation, que le terrain serait déblayé pour
une véritable entente entre le peuple de la métropole et
ceux des colonies.
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