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chronologie 1946 |
N°72 Hebdomadaire (B.I.) |
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25 Octobre
1946
Le N°: 3 francs |
Dans ce choeur de gens avides, les tenants même du tripartisme -rejeté par tout le monde parce qu'odieux à l'écrasante majorité de la population- occupent la première place. Mais que proposent-ils ? Le M.R.P. fait campagne pour un gouvernement BIDAULT SANS THOREZ;. Mais gouverner sans Thorez, actuellement, ce n'est pas une question de voix électorales. Il faudrait pouvoir opposer aux revendications des masses travailleuses et principalement de la classe ouvrière, à la place du "IL FAUT SAVOIR CESSER UNE GREVE" de Thorez, la force brutale de la police et des bandes fascistes, c'est-à-dire utiliser non pas les jaunes qui trompent la classe ouvrière, mais les jaunes armés qui l'écrasent. Mais, cela, c'est le programme de De Gaulle duquel le M.R.P. s'est séparé (temporairement il est vrai) "pour ne pas diviser le pays en deux blocs", avec le risque d'être battu, en réveillant la classe ouvrière avant d'être certains de pouvoir la démolir à coup sûr. Et ce qui était vrai il y a deux semaines, le reste encore aujourd'hui, tant que la classe ouvrière, en dépit de la trahison de ses chefs, n'est pas entièrement démoralisée et divisée. Quelles que soient les formules envisagées, un gouvernement de coalition "sans Thorez" est impossible. La formule "Gouvernement Bidault sans Thorez" est donc un simple slogan électoral. Le P.S. revendique à lui tout seul le pouvoir. Mais tout le monde sait que les chefs débiles du Parti socialiste sont tout juste bons à servir de tampons entre des gens qui, eux, savent ce qu'ils veulent. Là aussi, simple formule électorale. En face de cette campagne contre le tripartisme, les réalistes du P.C.F., renonçant au "neuf et au raisonnable", déterrent les morts et ressortent des reliques. Les morts, ce sont les Radicaux qui possèderaient "D'AUTRES NOMS QUE CEUX DE DALADIER", c'est-à-dire DES DALADIER DE FRONT POPULAIRE ; les reliques, c'est le programme du C.N.R. qu'on promène chaque fois qu'il faut masquer les trahisons et l'absence, dans l'activité des chefs du P.C.F., de tout programme autre que la conservation de leurs privilèges et le soutien de la diplomatie soviétique. Ses intérêts ne pouvant pas être défendus actuellement par une politique de force, la bourgeoisie fait du tripartisme une arme contre les travailleurs. En collaborant avec les chefs du P.C.F. au gouvernement, le M.R.P. pousse cependant à la roue dans le sens de De Gaulle. L'impuissance du M.R.P. n'est donc pas une impuissance contre les ouvriers, mais L'IMPUISSANCE PROVISOIRE DE DE GAULLE A IMPOSER UNE SOLUTION DE FORCE. Le P.C., qui se dit le défenseur des travailleurs et prétend lutter contre le fascisme en déterrant (bien que pour la forme) une formule (Front populaire) QUI AVAIT DEJA FAIT FAILLITE AVANT GUERRE, montre qu'il n'a aucun programme politique sérieux, c'est-à-dire qu'il n'est pas capable d'indiquer une force qui permette de lutter réellement contre les dangers qui menacent la classe ouvrière, et qu'il sera comme par le passé impuissant à nous éviter le pire. Impuissant à assurer le ravitaillement normal de la population, malgré l'existence de moyens de subsistance normaux ; impuissant à mettre de l'ordre dans les finances de l'Etat qui, en pratiquant l'inflation, ruine tous les jours davantage les petites gens, sape le pouvoir d'achat des travailleurs et aggrave à l'extrême l'anarchie économique ; impuissant à mettre hors d'état de nuire les spéculateurs et toute la pègre qui vit légalement de rapines sur le dos des travailleurs ; impuissant à arrêter la hausse des prix organisée et poursuivie suivant un plan délibéré par les forbans, maîtres des usines et des banques ; impuissant à accorder aux travailleurs satisfaction pour leurs salaires devant la hausse constante des prix ; impuissant à arrêter le fascisme qui complote contre la liberté des travailleurs, complot qui ne se limite pas à quelques associations secrètes d'anciens S.S. français, mais s'étend à des personnages qui, comme De Gaulle (affaire Passy D.G.E.R.), s'en font un appui pour leur pouvoir personnel. Cette impuissance, c'est la source même de la force de De Gaulle, dont l'action serait vouée à un échec certain, comme celle de son prédécesseur sénile Doumergue en 1934, par un mouvement ouvrier allant de l'avant et entraînant derrière lui, vers une issue réelle, toutes les masses travailleuses. Car la situation de plus en plus tendue exige une solution. De Gaulle, écrivions nous le 11 février 46, veut un pouvoir fort au service de la bourgeoi-sie, POUR REJETER TOUT LE FARDEAU DE LA CRISE SUR LE DOS DU PROLETARIAT en empêchant ses moindres revendications et protestations. La classe ouvrière, elle, doit construire un pouvoir fort contre la minorité exploiteuse, pour mettre fin à la crise. Il faut un gouvernement fort pour faire enfin payer les riches, pour confisquer les CENTAINES DE MILLIARDS de bénéfices et superbénéfices de guerre réalisés depuis 1938, des profits et surprofits des trafiquants et spéculateurs ; pour éliminer les parasites et les "intermédiaires", pour procéder à l'organisation rationnelle de l'économie par l'expropriation SIMULTANEE et SANS INDEMNITE de toutes les grosses banques et industries-clé avec le concours et sous le contrôle des ouvriers et employés. Il faut un gouvernement fort pour mettre à la raison les généraux et les Cagoulards, les 6-févriéristes (regroupés dans le "Parti Républicain de la Li-berté") et toute la racaille réactionnaire, rétro-grade et anti-ouvrière. Un gouvernement fort s'appuyant sur les milices ouvrières armées d'usines et de quartiers;, pour être capable de battre les fascistes et les cliques paramilitaires : car l'appareil étatique actuel, sa police, sa justice, est lui-même complice de la réaction et du fascisme. Un gouvernement fort, capable d'endiguer la débâcle économique et d'assurer le relèvement à travers le contrôle exercé par les Comités ouvriers d'entreprise. Un Etat bon marché, parce qu'appuyé sur le peuple et non pas sur la police et les Cagoulards contre le peuple. Un pouvoir appuyé sur l'activité et le contrôle direct des millions de travailleurs organisés dans leurs Partis, leurs Syndicats, leurs Associations, leurs Comités, serait le seul pouvoir à la fois centralisé et pleinement démocratique. Travailleurs, forcez les Partis parlant en votre nom à rompre avec la bourgeoisie et à ouvrir une véritable lutte pour ce pouvoir, pour la constitution d'un gouvernement appuyé sur les organisations et les milices ouvrières. MOBILISEZ-VOUS POUR LA CONSTITUTION DU GOUVERNEMENT OUVRIER ET PAYSAN ! Avec tous les ouvriers conscients, les révolutionnaires oeuvreront dans ce sens.
Mais après cette consolation, M. Bidault affirme qu'il n'y aura
plus d'augmentation des salaires, cependant qu'il ne dit mot pourquoi
les
prix des produits les plus indispensables ne cessent d'augmenter.
Si ce n'était pas, en effet, un "problème de gouvernement", c'est-à-dire de direction et d'orientation de la production, mais seulement une question d'"augmenter la production", comme nous ont chanté la bourgeoisie et surtout ses laquais, verrions-nous, même aux Etats-Unis, où les richesses de toute sorte, y compris les biens de consommation, sont produits en quantité presque illimitée, les ménagères manquer de viande, les grandes villes vivre dans l'insécurité du ravitaillement, des conflits innombrables provoqués par la hausse des prix ? "Produire", n'est-ce pas ce que font les travailleurs leur vie durant ? Pourquoi alors le leur avoir crié avec tant d'acharnement, si ce n'était pour détourner leur attention des véritables causes de leurs souffrances : un gouvernement au service des riches ? Mais après deux ans de cette propagande au service de la bourgeoisie, et parce que la situation va en empirant, ces messieurs se réveillent et tentent de nous expliquer, afin de rejeter chacun la faute sur l'autre et en tirer un bénéfice électoral, que tout est un problème de gouvernement, qui doit "tenir les prix d'une main de fer", combattre la spéculation, réduire les marges bénéficiaires du grand patronat, lutter efficacement contre la vie chère, etc. Mais tous les gouvernements se sont avérés impuissants dans ces questions : le gouvernement De Gaulle qui disposait de tous les pouvoirs, celui de Gouin qui avait promis de "renverser la vapeur", celui de Bidault "l'optimiste", et ont tous fait le même travail. Ils ont fait tous la même chose, parce que l'appareil gouvernemental qu'ils dirigent est la création des riches, et fait pour les servir. Tout travailleur, tout homme du peuple sait, quand il a la moindre petite affaire à résoudre, à quelles difficultés il doit se heurter ; tandis que les riches passent devant tout le monde, agissent par des intermédiaires à leur dévotion, corrompent et tiennent en laisse toute la hiérarchie des fonctionnaires, magistrats, politiciens, journalistes, policiers. Ils nous soumettent à des privations, nous incitent à produire, ils nous expliquent que le rationnement c'est pour assurer à chacun sa juste part, et on découvre que ce n'est qu'une pépinière à scandales, un moyen pour les gros capitalistes et spéculateurs d'empocher des milliards dans une totale impunité. Devant la coalition de l'Etat et de la bourgeoisie dans la vie quotidienne, la C.G.T., à la tête de laquelle se trouvent actuellement des gens qui aiment mieux conserver leurs postes que de lutter pour les travailleurs, a organisé des soi-disant commissions de contrôle, des "Comités d'assainissement des prix", etc. Mais dans la pratique ces Comités, faits seulement pour dire qu'on a fait quelque chose, se sont avérés inefficaces et ne peuvent atteindre, au plus, que les petits commerçants. Or, ce qu'il faut, ce n'est pas le contrôle sur les petits, mais sur les gros, sur les véritables spéculateurs, c'est contre ceux-là que le gouvernement est impuissant, parce que les organismes étatiques de contrôle sont leurs alliés et leurs obligés, et qu'ils se tiennent réciproquement, "contrôleurs" et spéculateurs, par leurs manigances communes. Il faut que ce soit les véritables intéressés qui s'occupent seuls de leurs affaires et ne laissent pas ce soin à leurs ennemis ; les ouvriers et les employés sont les vrais alliés des masses populaires, les seuls qui peuvent orienter la production et la répartition vers le grand public, vers le consommateur pauvre, c'est-à-dire aussi vers eux-mêmes, et non pas vers les riches parasites qui vivent de dividendes et de spéculation. Pour sévir contre les gros trafiquants de textiles, au Bon Marché, aux Galeries Lafayette, etc., ce sont les employés qui doivent élire eux-mêmes sur place des Comités de contrôle. Pour sévir contre les minoteries trafiquant de farine, les raffineries trafiquant de sucre, les banques trafiquant d'or et de devises, les industries manoeuvrant à la hausse (aciéries, métallurgie, etc.), les ouvriers et les employés doivent élire sur place des Comités de contrôle. Et ce sont ceux-là qui peuvent se mettre, eux, à réprimer la hausse des prix, à exiger l'ouverture des livres de compte et la vérification non seulement des profits, mais des escroqueries et des manigances de spéculation. Les ouvriers et les employés, mal payés, sous-alimentés, ont seuls intérêt à connaître la vérité et à la faire connaître. Mais déjà la colère populaire grandit contre l'accumulation des scandales et la dureté de la vie. Au moment de la révélation du scandale du vin, des mouvements de grève se sont esquissés dans certaines usines, où les ouvriers, malgré leur dur travail, avaient été frustrés de leurs rations de vin au bénéfice de la spéculation, et où la C.G.T. leur avait jusqu'alors recommandé comme seul moyen de protestation les pétitions au Ministère ! Ces mouvements peuvent éclater, et montrer à nos gouvernants dont la devise est : "Après nous le déluge", qu'ils ne peuvent pas jouer indéfiniment avec la patience du peuple. Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse.
Nous
avons relaté, dans notre dernier numéro, qu'un groupe
d'ouvriers
de chez Renault avait diffusé un tract contre les scandales du
ravitaillement.
Ce tract a été accueilli avec beaucoup de sympathie par la majorité des ouvriers et a suscité des discussions sérieuses. Convaincus de la nécessité d'une action ouvrière contre ces scandales, ils se sont demandé quel serait le moyen de lutte le plus efficace. Certains ont proposé la grève. Dans divers ateliers, les ouvriers de plusieurs chaînes étaient décidés à débrayer. Mais n'ayant pu rallier l'ensemble des travailleurs à leur proposition, ils ont dû y renoncer. Il n'est pas étonnant que de tels crimes contre la santé et la vie de larges couches de la population aient provoqué l'indignation des travailleurs, car la question du ravitaillement est une question de vie ou de mort pour l'immense majorité du peuple. Il est certain qu'un vaste mouvement gréviste de protestation, partant des usines et s'étendant à toute la région, aurait bien plus d'efficacité que tous les bavardages. On verrait alors si le gouvernement ne saurait trouver un moyen de réprimer les menées de ceux qui vivent de la misère du peuple. La classe ouvrière doit réagir énergiquement : c'est le seul moyen d'obliger nos maîtres à nous assurer un minimum vital décent. On sait vaguement qu'une délégation est montée à la direction pour réclamer de l'augmentation, mais personne ne connaît le résultat de ces démarches. Les responsables syndicaux agissent comme si les ouvriers n'existaient pas. La V.O., Le Métallo et tous les autres journaux syndicaux ont pourtant rappelé, il y a peu de temps, qu'une Assemblée générale devait avoir lieu au moins une fois par mois.
Lorsqu'il s'agit de présenter des revendications à la
direction,
les ouvriers ont le droit d'être consultés. Ils entendent
également que leurs délégués leur fassent
le
compte rendu de leurs démarches. Pendant des mois et des mois, on nous a appelés au calme. "Inutile de faire grève, nos ministres luttent ; quand ils auront fait voter le décret, les patrons seront bien obligés de plier." Mais l'arrêté est paru depuis le 1er juillet et chez nous les 10% subsistent.
Nous avons des lois, mais le moyen de les faire appliquer ? Toujours
l'action
directe ! Voilà ce qu'indique l'expérience de tous les
jours,
et non plus des "agitateurs" turbulents.
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