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chronologie 1946 |
N°6 | BULLETIN INTERIEUR |
27
Janv. 1946
Prix :
2 francs
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CRISE DE
REGIME
La situation va de mal en
pis pour les travailleurs. Au chaos économique -carte de pain,
crise
de la viande, salaires, etc.- correspond le chaos politique.
Face à la situation catastrophique, De Gaulle s'est retiré. Partisan, comme Pétain, d'un pouvoir exécutif hors de toute immixtion des partis politiques, il entend rejeter les responsabilités du gâchis sur la "démocratie" et la "politique". La presse bourgeoise fait l'apologie de la dictature personnelle et Le Monde écrit : "Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé". Pourtant, la "démocratie" n'a nullement empêché De Gaulle d'appliquer sa formule "un gouvernement qui ait la responsabilité entière du pouvoir exécutif", car la Constituante-croupion et les partis qui la composent l'ont suivi dans tous ses actes. Mais si la situation est catastrophique, ce n'est nullement parce qu'il manque "un homme à poigne". Dans le monde entier, des U.S.A. qui connaissent les plus grandes grèves de leur histoire, aux pays d'Europe où comme en Grèce et en Italie sévit la guerre civile, partout, indépendamment de la richesse du pays, des destructions dues à la guerre, ou de la forme politique du gouvernement, nous voyons le même spectacle de chaos économique et de troubles sociaux. En réalité, la situation en France et dans le monde est catastrophique parce que le pouvoir économique est resté entre les mains de la bourgeoisie. La faillite historique de ce régime a été scientifiquement démontrée depuis longtemps par K. Marx et c'est son agonie qui a en-gendré tous les maux dont souffre actuellement l'humanité : guerre, chômage, famine... La crise française actuelle est donc une crise du régime capitaliste qui, basé sur le profit, ne peut plus assurer le fonctionnement de l'économie autrement que par l'écrasement complet des travailleurs. "L'économie du pays est complètement désorganisée par la concurrence acharnée entre les capitalistes, concurrence dans laquelle les usines et la main-d'oeuvre jouent le rôle de soldats sacrifiés au gain des capitaines d'industrie. Nous sommes d'autre part écrasés par la charge parasitaire et anti-ouvrière de l'Etat capitaliste : sur environ 500 milliards de dépenses pour 1946, il est avoué 27 milliards pour l'Intérieur (police et ex-D.G.E.R.) et 160 milliards pour la guerre !" écrivions-nous dans le n°5 de La Voix des Travailleurs pour répondre à De Gaulle qui, pour jeter de la poudre aux yeux des masses, prétendait "jouer gagnant"... quelques jours avant de démissionner. Aucun représentant ou gouvernement de la bourgeoisie ne sera capable de conjurer la catastrophe. Le "plan" d'économies agité par Mendès-France n'est qu'un leurre destiné à faire gagner du temps. Les seuls chapitres où les réductions pourraient être massives et efficaces (armement et police), sont ceux auxquels la bourgeoisie tient le plus, comme le montrent déjà les négociations à ce sujet.
La planche à
billets
continuera donc à fonctionner, à aggraver la situation
des
travailleurs et l'anarchie de l'économie. Ces mesures, -la réduction du train de l'Etat, un plan rationnel de production et de répartition- SEULE la classe ouvrière peut les réaliser, car elle seule peut créer un Etat APPUYE sur les masses travailleuses et non pas contre elles, étant seule intéressée à une production illimitée de richesses de consommation pour toute la population laborieuse (tandis que les capitalistes "produisent" surtout dans les branches destinées à une solide clientèle : objets de luxe, armements, exportations, etc.) La
classe ouvrière, qui a
derrière
elle de magnifiques combats, doit s'élever au niveau des
tâches
que lui impose l'histoire. C'est
seulement dans cette voie que la
catas-trophe
sera conjurée (rappelons-nous l'Italie et l'Allemagne
d'après
1918) ! Mais les partis qui se réclament de la classe
ouvrière,
au lieu de diriger cette lutte et de tremper cette volonté des
ouvriers,
les trompent en leur faisant croire que des portefeuilles
ministériels
représentent un contrôle sur les affaires des
capitalistes.
Ceux-là, il faut les obliger à cesser leurs "manoeuvres",
ou les remplacer. La classe ouvrière saura nettoyer sa propre
maison
pour pouvoir refaire la société entière !
MATHIEU
Partout, au sortir de la deuxième guerre impérialiste mondiale, surgissent des conflits sociaux. Ce sont d'abord les colonies qui luttent pour une indépendance : L'Indochine, l'Indonésie. En Afrique, en A.O.F. , la grève générale s'étend parmi les personnels indigènes pour la défense de leurs salaires. En Syrie et au Liban une grève générale a éclaté. En Palestine, les sionistes déclenchent une série d'atten-tats contre les Britanniques. Au Chili, les mineurs sont en grève. Mais c'est l'impérialisme américain qui a le plus à lutter contre son propre prolétariat. En effet, tous les conflits entre le patronat et la classe ouvrière qui avaient pu être contenus pendant la guerre éclatent maintenant dans toute leur force. La classe ouvrière, devant l'augmentation du coût de la vie, réclame une augmentation de salaires de 30%. Déjà au mois d'octobre, une vague de grèves avait parcouru le pays, englobant plus de 500 000 grévistes. Actuellement, c'est à la General Motors que les conflits sont le plus aigus, et où les ouvriers ont exigé l'ouverture des livres de comptes. Les ouvriers réclament une augmentation de 30%. Une commission d'enquête, nommée par le gouvernement, a voulu transiger en accordant une augmentation de 17,5%. Les syndicats ouvriers ont accepté, mais la General Motors a refusé. La grève dans les aciéries a été retardée d'une semaine par l'intervention de Truman mais a été déclenchée le 20 janvier. La grève a été différée dans l'industrie électrique sous la menace du gouvernement de réquisitionner le réseau téléphonique. Aux abattoirs de Chicago la grève a éclaté. Avec les métallurgistes en grève depuis le 21 janvier, c'est à 2 000 000 que s'élève le nombre des grévistes. Avant que l'augmentation soit accordée aux ouvriers américains, la bourgeoisie prend prétexte pour augmenter le prix de vente de certains produits : l'acier vient d'être augmenté de 5% et le gouvernement américain "étudie" une prochaine augmentation du prix de la viande. Les bénéfices de guerre permettent aux patrons d'augmenter les salaires, mais les représentants patronaux (les dirigeants de l'U.S. Steel Corporation) refusent pour des "raisons de principe". Devant ce refus catégorique des représentants patronaux, tout ce que peut faire le gouvernement (le puissant gouvernement américain, "vainqueur" de la 2e guerre impérialiste), c'est "d'aider à établir un organisme qui, appuyé par l'opinion publique, facilitera le règlement pacifique des différends entre ouvriers et patrons et diminuera ainsi le nombre et la durée des grèves. Aux capitalistes qui ont réalisé des bénéfices formidables pendant la guerre, le gouvernement américain oppose les Commissions d'enquête ; aux ouvriers qui font grève pour défendre leurs revendications, le gouvernement oppose son "droit" de réquisition sur les usines et même les gaz lacrymogènes parce qu'il ne faut pas "réduire l'effort de production". Car, pour l'Amérique, sur la base capitaliste, il y a deux solutions. "Production maximum en temps de paix, au même niveau élevé que celui réalisé en temps de guerre --ou retour à ce qu'il est convenu d'appeler la normale avec l'industrie opérant en débrayage partiel et des milliers de chômeurs courant les rues, réclamant du pain". La première solution ne peut être réalisée que par une production intensive excluant du marché mondial tous les concurrents. Mais, comme tous les impérialismes veulent leur part du gâteau et réclament pour cela un effort de production de leurs propres ouvriers, (France, Angleterre, etc.), c'est la deuxième solution qui l'emporte et l'Amérique ne peut éviter le chô-mage ; le nombre des chômeurs est actuellement supérieur à 2 000 000 sur 51 810 000 personnes occupant un emploi. Le nombre des chômeurs prévu pour le printemps est de 8 000 000. Après avoir fait un effort de production pour la guerre, après avoir "gagné" cette guerre sans que le territoire américain ait souffert, les ouvriers américains doivent recourir à la grève pour sauvegarder leur standard de vie et se heurter à la police et aux bombes lacrymogènes. En Amérique, les ouvriers ont longtemps cru que le régime du patronat et de la "libre concurrence" assurerait le bien-être. Mais si la bourgeoisie américaine par une technicité supérieure avait pu jusqu'alors entretenir leurs illusions en leur assurant un standard de vie élevé, ils voient aujourd'hui que pour sauvegarder ce standard de vie, il n'y a pas d'autre issue que la lutte de classe et ils prennent cette voie. Non seulement ils prennent cette voie, mais ils en sont à l'avant-garde. Ainsi se vérifient les paroles d'un grand révolutionnaire. C'est à un rythme américain que les ouvriers d'Amérique entreront dans la lutte. S'ils étaient en retard, aujourd'hui ils nous rattrapent et nous dépassent. Les grèves de 1936 ont été précédées par des grèves en Amérique et ce sont les ouvriers américains qui les premiers ont utilisé le moyen de la grève sur le tas (sit down strikes). Dans un pays détruit, on ne peut pas revendiquer, disent les bureaucrates ouvriers. Mais aux Etats-Unis où l'économie n'est pas détruite, où il n'y a rien à reconstruire, un conflit terrible déchire le pays. Les capitalistes jettent les ouvriers à la porte, refusent d'augmenter les salaires alors que le coût de la vie augmente sans cesse, et emploient contre ceux qui revendiquent les pires moyens de répression : réquisition des usines comme en temps de guerre, bombes lacrymogènes, etc... Est-ce qu'ils ne le feront pas ici, au moment où, l'équipement industriel en place, les capitalistes, par la rationalisation, auront besoin de jeter les ouvriers à la rue, de réduire les salaires pour la concurrence internationale. Au moment
où,
d'après
les théories social-patriotes, les ouvriers devraient recueillir
les fruits de leur effort intensif, précisément à
ce moment là, les capitalistes les jetteraient à la
porte.
On connaîtrait ce qu'on connaît en Amérique. VAUQUELIN
LA LUTTE SYNDICALE EN BELGIQUE
Le premier congrès
de la F.G.T.B.
s'est réuni à Bruxelles les 23, 24 et 25 décembre
1945. Le programme de revendications établi, très vaste,
s'en remet au gouvernement pour les réaliser. Ainsi, le
Congrès
réclame "l'inscription dans la constitution du droit au
travail",
qui n'est qu'un droit formel, une duperie, tant que les moyens de
production
appartiennent aux capitalistes. Ils réclament aussi du
gouvernement
"la baisse des prix", alors que le gouvernement belge, comme le
gouvernement
français, est bien incapable de les empêcher de monter. La
seule réponse ouvrière à la hausse des prix, c'est
L'ECHELLE MOBILE des salaires. Celle-ci est réclamée en
Belgique,
notamment par les Fédérations du Bâtiment et des
Transports.
Dans L'Ouvrier du
Transport,
organe du Syndicat des ouvriers du transport et taximen belge
(n°3),
nous lisons : le 15 janvier,
à
Wagram
Environ 2 000 ouvriers
boulangers
ont manifesté leur mécontentement et
réclamé
le rajustement de leurs salaires, le paiement des rappels,
l'augmentation
de la ration de pain, la modernisation du fournil et la suppression du
travail de nuit.
A l'entrée de la salle, nous nous sommes réunis, de nombreux cadres et agents étaient présents ; après une bonne demi-heure d'attente, nos bonzes commencent par former leur Bureau. Président, le secrétaire de la Boulange de Toulouse qui place à la présidence d'honneur une victime de la résistance. "Voilà déjà la politique qui commence", murmurent des ouvriers dans la salle. La parole est donnée à Hénirault, secrétaire de la Seine ; comme son compagnon le président, c'est d'abord la "résistance" ; il explique que les patrons refusent de payer notre rappel à cause de Pleven et il poursuit : "Camarades de la boulangerie, si cela continue, en accord avec tous les syndiqués de la C.G.T., nous boycotterons les patrons qui refusent le rappel ; tous les travailleurs sauront se montrer solidaires et acheter chez les patrons raisonnables qui auront payé le rappel". (applaudissements). La parole passe à Simonin, secrétaire du Syndicat de l'Alimentation, qui déclare que certains patrons avaient déjà payé le rappel à leurs ouvriers, qu'il n'y a donc pas lieu de pousser l'agitation. Ce qu'il faut, c'est un plan de modernisation ; il dénonce la fraude des grands minotiers. Puis c'est le grand camarade Billoux qui est à l'honneur. L'assemblée tousse, se mouche, murmure. Un ouvrier, à bout de patience, se lève : "Tu nous ennuies avec tes racontars ; Et les salaires !" L'orateur poursuit en rejetant les fautes sur le M.R.P. A nouveau des ouvriers se lèvent : "La boulange ! Les salaires !" L'effervescence est grande et Monmousseau prend la parole : "Camarades", dit-il, "j'arrive d'un pays où tout roule, où pas un ouvrier ne proteste ; en France, la machine tourne assez bien". Mais les ouvriers qui ne sont pas venus pour écouter un discours électoral, protestent et frappent des pieds. Monmousseau parle des grands trafiquants. L'assistance lui répond qu'il n'y a qu'à les pendre. A nouveau toute la salle réclame : "Les salaires ! La boulange ! A bas le travail de nuit !" Le représentant de Billoux veut à son tour calmer les travailleurs, mais ceux-ci lui crient : "A la porte ! Les salaires ! Les salaires !..." C'est toujours pareil, quand il est question de nos salaires et de l'action, on nous parle de tout autre chose ; il n'y a qu'à faire la grève, et c'est tout. Ainsi, de plus en plus, les travailleurs ne veulent plus voir traîner leur action par les bureaucrates. Que ce soit pour les ouvriers métallurgistes ou pour ceux de l'alimentation, les Monmousseau et les Simonin se joignent aux Frachon et Hénaff pour poursuivre une politique de capitulards, ce qui augmente chaque jour nos souffrances. Pendant que le marché noir grandit, le fossé se creuse de plus en plus entre l'alimentation des classes possédantes et celle de la classe ouvrière.
Camarades boulangers,
votre situation est celle de l'ensemble des travailleurs. Opposons une
défense commune ! Comme les travailleurs de la
métallurgie,
constituez votre opposition syndicale, et avec l'ensemble des
travailleurs
de la C.G.T., [obligez] les Hénaff, les Frachon, les Simonin
à
prendre position pour nous ou à laisser leur place à des
travailleurs décidés à les défendre.
La Tribune Economique : "On redoute une faillite de
l'usine Fiat (Italie). Seules
des
interventions
étrangères pourraient sauver la Fiat. On pense que la
General
Motors ou bien Ford s'intéressent à l'affaire et sont
disposés
à se porter acquéreurs".
La General Motors qui refuse une augmentation de 30% à ses ouvriers a suffisamment réalisé de bénéfices pour se porter acquéreur de la Fiat.
"Les
bénéfices
industriels sont-ils suffisants pour per-mettre une augmentation
substantielle
de salaires ? La réponse à cette question est
donnée
par un récent rapport de l'Office de contrôle des prix
concernant
1 910 grandes affaires, 152 d'entre elles seulement trouvent la guerre
non profitable. Les "En application des décisions de Potsdam, une première liste des usines allemandes à vendre à des acquéreurs américains va être publiée. Parmi ces usines, on compte des fabriques d'armement et de matériel agricole". Le Monde : "Les manifestations des soldats américains sont dorénavant interdites sur le théâtre d'opérations européen, par ordre du Commandant en chef, le général Mac Narney". Pour les capitalistes américains, la "victoire" signifie la possibilité de racheter les usines des vaincus. Pour les soldats, la "victoire" signifie le droit de se taire et d'aller au chômage après la démobilisation. Thomson-Houston. -"Dans leur assemblée extraordinaire du 17 janvier, les actionnaires décident de porter le capital social de 220 millions à 464 millions". -Le Monde (22-1-46). M. Dautry a fait un séjour de plaisance dans les Alpes-Maritimes. Le Monde (11-1-46) annonce qu'il a repris le train pour Paris, après avoir visité différentes communes où partout il a "prêché la patience et le travail". La Banque des règlements internationaux publie dans Le Monde du 13-1-46 son quinzième rapport. Nos pouvons y lire que : "Pendant la guerre, le but de la politique de la banque a été de défendre ses intérêts et ceux de ses actionnaires". "Grâce aux accords passés antérieurement à 1939, la banque a pu prendre des mesures pour la conversion en or de ses placements sur le marché italien". "Les avoirs auprès de la banque de Pologne ont été remboursés par voie de compensation". "Des remises suffisantes d'or et de devises ont été obtenues du marché allemand pour assurer le transfert des escomptes et intérêts des placements faits sur le marché allemand en 1930 et 1931". "Au total, du 31 août 1939 (début de la guerre) au 31 mars 1945 (fin de guerre Europe), les actifs liquides de la Banque sur les marchés américain, britannique et suisse, en or, en dollars ou en francs suisses, ont été accrus de 117 millions de francs or suisses". En lisant les rubriques financières, nous pouvons voir pourquoi l'armée de Leclerc de Hauteclocque se bat en Indochine. Ciments d'Indochine. -"Une assemblée extraordinaire (des actionnaires) est prévue pour le 28 janvier, pour augmentation du capital et émission d'obligations". Le Monde (8-1-46). "Elever le fonds social de 100 à 180 millions, regrouper les actions de 100 francs en actions de 1 000 fr., émettre un emprunt de 100 millions, en outre il sera demandé aux pouvoirs de transformer le capital en piastres indochinoises". Le Monde (10-1-46) Etains d'Indochine. -"L'assemblée générale des actionnaires approuve l'exercice 1944 et fait ressortir le bénéfice (brut) des actionnaires (77 918 fr.) somme affectée à l'amortissement partiel des frais d'augmentation du capital en 1930". Le Monde (16-1-46).
Encore quelques bonnes
années de "protection française" et les actionnaires
seront
complètement sur le velours. La
Radiotechnique, Suresnes.
-Les
ouvriers nous signalent que la direction ayant demandé à
son personnel d'attendre de nouvelles décisions pour leur payer
la récupération des heures non productives, la section
syndicale
a donné l'ordre de grève, qui a été
exécuté
par l'ensemble des travailleurs. 35 minutes de grève ont suffi
pour
faire capituler la direction, et les ouvriers ont obtenu la paye
d'indemnisation.
La direction va faire des chronométrages serrés. Laurent donne comme exemple les mineurs et leur ardeur. Mais s'il l'on a pu raconter aux mineurs qu'il faut travailler pour relever l'économie française, il est facile de voir que les obus Gnome et Rhône, les canons lourds de 380 mm, etc... ne relèvent pas l'économie mais l'immobilisent. Delteil annonce qu'aucun ouvrier ne peut prendre la parole. Pour cause ! Il dit également qu'il serait démagogique de parler d'augmentation, mais ne propose rien d'autre. Poirot, en parlant des impôts se montre un vrai mathématicien : d'après lui, 2 francs qu'on ne nous prend pas, c'est 2 francs qu'on nous donne. Il s'étonne que les centrales hydrauliques soient exploitées suivant des intérêts particuliers ; encore un peu de réflexion de sa part, et il se rendra peut-être compte que nous sommes en régime capitaliste !
Il parle de la crise
du
pain, il voudrait bien l'expliquer, mais il n'y comprend rien. En
somme,
nous sommes sortis de cette réunion aussi édifiés
que quand nous y sommes entrés.
ANDRE
Echo
d'un camarade ouvrier que le journal de
la section syndicale K Nouveau a refusé d'insérer
:
"Sur Le
Métallo
de novembre dernier, il y a en dernière page, un semblant de
liste
d'épuration. Pour la maison Gnome et Rhône, l'on y lit les
noms de deux pelés et un tondu. Le tondu, c'est Chaumette.
Pourquoi
ce silence sur les plus gros ? Verdier, Richard et consorts que l'on a
omis d'épurer. Mais, là où l'on se fiche le plus
de
l'ouvrier, c'est de voir ce saboteur et collaborateur Richard, ancien
directeur
épuré, au tarif de 70 000 francs par mois, circuler
librement
dans l'usine. Qui a donné cette autorisation ? Nous attendons la
réponse. Au prochain numéro, je donnerai quelques
détails
sur : comment s'est faite cette sinistre comédie de
l'épuration.
Quand il a fallu
passer
à l'action, le gouvernement y a renoncé. Aucun
gouvernement
bourgeois à l'époque actuelle ne peut appliquer une
pareille
mesure contre les trafiquants parce que ce sont eux-mêmes des
gouvernements
de trafiquants. Peut-on tracer "juridiquement" la limite entre la sous-alimentation et la famine ? Le gouvernement a mis dans le même sac le spéculateur et la ménagère qui achète 1 kilo de beurre au marché noir. Les travailleurs, eux, mettent dans le même sac les affameurs et leurs gouvernements. Or, la C.G.T. réclame 25% au-dessus de 40 heures, et dans l'industrie du livre, par leur combativité, les ouvriers ont réussi à maintenir le taux de 1936 : 2 premières heures au-dessus de 40 : 33% ; 2 heures supplémentaires suivantes : 50% ; au-dessus : 100%. A la cantine, des femmes gagnent 30 francs de l'heure mais ne tra [ligne manquante] nourries le midi. Si l'on fait abstraction du repas de midi (20 fr.), ces femmes doivent vivre avec 150 francs par jour auxquels il faut retrancher les A.S. et les impôts. A l'atelier 325, la section syndicale proteste contre le fait que l'aspirateur ne répond pas aux nécessités. Il y a déjà eu un mort dans cet endroit par défaut d'aspirateur. Dans l'atelier 410, voici plusieurs mois que l'on a installé des aspirateurs sur les meules, sur la demande des ouvriers. Mais le branchement électrique n'étant pas fait, ces appareils ne fonctionnent pas. Le bulletin d'information mentionne des intoxications à l'atelier des produits chimiques qui seraient dues à l'utilisation d'un nouveau vernis.
A l'atelier 105, des ouvriers sont pris de malaise par la
présence
d'alcool butylique dans le vernis. De telles conditions de travail sont intolérables. En Russie, au temps des Tzars, les patrons aussi intoxiquaient et faisaient mourir les ouvriers pour ne pas réduire les bénéfices. En mars 1914, aux usines Provodnick et Tréougolnik, des empoisonnements amènent des manifestations de protestation grandioses. Les députés bolcheviks interviennent à la Douma. Une grève de protestation groupe 120 000 grévistes, et les obsèques des victimes sont une puissante démonstration de masse. Aujourd'hui, en France, les députés "ouvriers" n'interviennent plus au Parlement pour défendre les travailleurs ; ils les invitent à produire et les "engueulent" quand ceux-ci revendiquent. (Thorez aux mineurs de Lens). Nous devons envisager l'action pour ne plus permettre aux patrons de nous faire crever avec la complicité des chefs ouvriers. Un délégué "dans la ligne" de la C.G.T. qui avait pris position en faveur des ouvriers au sujet d'une prime à la Fonderie magnésium s'est heurté à la Direction de l'usine "nationalisée". Ceci montre que, même en suivant les mots d'ordre, les militants de base honnêtes sont obligés de reprendre le principe de la lutte de classes. Le "secteur 10" nous apprend que des ouvriers de grosses presses ont décidé de marcher normalement au lieu d'aller à une vitesse accélérée pour protester contre l'insuffisance du taux minute. Pendant la période de manque de courant, avec les indemnisations d'heures perdues, des ouvriers marchant à la cadence habituelle auraient dépassé le plafond de 2 400 fr. Ils ont décidé de marcher à la cadence du taux d'affûtage. Nos camarades de l'opposition ont dénoncé dans leur bulletin de décembre, la cupidité de la direction qui avait posé comme condition au maintien des 40 heures (au lieu de 27 prévues pour les non-prioritaires) l'abandon de la majoration du travail du dimanche. Elle démasquait également la section syndicale qui, s'appuyant sur le mot d'ordre produire, voulait imposer un compromis aux ouvriers. A cela, la section syndicale, dans son organe Le Coupe-Fil, répondait : "C'est un crime contre la classe ouvrière d'aviver parmi elle l'agitation et le mécontentement à un moment où tout peut justifier ces sentiments". D'après la section syndicale, il n'est pas possible d'éviter le travail du dimanche et ceux qui l'affirmaient étaient des "criminels". Or, depuis que le décret Ambroise Croizat majore les heures du dimanche de 50%, la direction a supprimé le travail du dimanche. D'autre part, la semaine est passée de 40 à 45 heures (5 jours à 9 heures). La cantine est infecte, les assiettes, deux jours après un repas de poisson le sentent encore. Un ouvrier qui se plaignait s'est vu répondre : "Vous n'en avez peut-être pas autant chez vous !" Un adjudant n'aurait pas mieux répondu. A Citroën-Clichy, les ouvriers couleurs qui avaient avant du lait ont eu : 1e de la limonade ; 2e du coco et enfin, 3e depuis quatre mois de l'eau. La cantine vient encore d'augmenter, de 19 fr. 50 à 25,60, sans la bière à 1 fr. 30, avec une nourriture de plus en plus dégoûtante. Une petite louche d'eau chaude avec quelques légumes est maintenant vendue 6 fr. 50. Parfois des rutabagas mélangés à des pommes de terre à l'eau. Alsthom (Saint-Ouen). -Les conditions de travail sont mauvaises, les ouvriers sont mécontents, mais n'osent rien dire de peur d'être "cafardés" à la direction et renvoyés. Les délégués font des allées et venues à la direction mais nous n'en connaissons jamais le résultat. Un ouvrier qui devait toucher une prime d'ancienneté l'a touchée mais n'a pas eu d'augmentation : résultat pour lui, zéro. Contre les provocations patronales, camarades de Saint-Ouen, faites comme vos camarades de Lecourbe, pratiquez la politique de l'action directe. Pour la réunion de l'U.S.B. du 21 janvier, sur Houilles, les 20 chantiers ont quitté à 16 heures. Les travailleurs étaient assez nombreux (300 présents). Le permanent de l'U.S.B. qui ne fit qu'effleurer la question du ravitaillement et des salaires, s'est vu repris par un camarade de la base qui intervint et situa de suite la question sur le ravitaillement et précisa l'incompétence gouvernementale. Sur la question des salaires, malgré l'avis défavorable du représentant officiel de l'U.S.B., l'ordre du jour fut voté à l'unanimité pour la revalorisation. Au service du Contrôle économique, on oblige les dactylos à faire des heures supplémentaires. Certaines, très anciennes, gagnent un salaire mensuel qui correspond au salaire horaire de 30 fr. Or, les heures supplémentaires sont payées 29 francs. Une dactylo, qui faisait constater à son chef de service que ses heures supplémentaires étaient moins bien rétribuées que les heures normales, a reçu la réponse suivante : "Vous ne travaillez pas pour gagner de l'argent mais pour déblayer le service". Au Contrôle économique, le salaire annuel d'une dactylo est de 37 000 francs, plus 968 francs d'indemnité de résidence, soit un peu plus de 3 000 francs par mois, auxquels il faut soustraire les A.S. et les impôts. A la cantine, les prix des repas sont "bien servis" pour des employées à 3 000 francs par mois.. En effet, le prix du repas est de 35 fr.
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